En complèment du site
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Histoire de la Marine de France |
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Le phocéen Pythéas découvre Thulé
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Massilia résiste aussi aux Romains (- 49 av. J.C.)
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illustrations |
Une légende entoure la naissance de Massalia (Marseille). 600 ans avant notre ère, une galère phocéenne abordait dans une baie abritée de la Gaule
A proximité, la tribu ligure des Ségobriges était en fête. Les étrangers furent conviés au banquet que donnait le chef de la tribu, nommé Nann. Ce jour-là, sa fille Gyptis devait choisir parmi les convives un époux en lui offrant, d'après la coutume, une coupe de vin. Charmée de la haute mine du commandant des Phocéens, elle se dirigea vers lui, lui présenta la coupe et l'épousa. Protis (ou Euxène), reçut des Ligures un emplacement suffisant pour construire une ville, et Massalia, sortit de terre.
Elle recueillit la population phocéenne, qui avait fui devant Harpagus, lieutenant de Cyrus. Mais avant d'atterrir à Marseille, la flotte de Phocée s'était arrêtée dans la colonie d'Alalia (Aléria en Corse), pour livrer combat aux navires des Carthaginois et des Étrusques confédérés contre les pirates grecs. La rencontre eut lieu dans les parages de la Sardaigne, en l'an 535. Elle tourna à l'avantage des Phocéens, qui n'avaient cependant qu'une soixantaine de galères contre les 120 bâtiments de Malée. Mais c'était une victoire à l'égale d'une défaite, tant les galères étaient délabrées; 14 d'entre elles avaient disparu dans l'abîme. Un retour offensif des coalisés, l'année suivante, obligea les Phocéens, vaincus dans cette nouvelle bataille navale d'Alalia, de se replier sur Marseille. Les Étrusques s'emparaient ainsi de la Corse et les Carthaginois ruinaient les établissements grecs d'Espagne; seuls Rhoda (Roses) et Emporie (Ampurias) seuls échappaient à la destruction.
Carthage,
inquiète, essayait d'enrayer l'expansion de sa rivale et par
un traité conclu en 509 avec Rome, elle se faisait reconnaître
le privilège exclusif de commercer à l'ouest du Beau Promontoire
(Cap Bon). Pareille clause, grosse de réticences, laissait supposer
l'existence de contrées riches ou de débouchés
importants qu'il y avait intérêt à tenir ignorés.
En effet, à une époque où Carthage était
au faîte de sa puissance, le suffète Hannon était
parti au-delà des Colonnes d'Hercule, c'est-à-dire des
deux hautes montagnes, Calpé et Abyla, qui bordent le détroit
de Gibraltar avec 60 vaisseaux pour fonder de nouvelles colonies . De
fleuve en fleuve, il côtoya la «Libye», ainsi s'appelait
l'Afrique occidentale, jusqu'au golfe de la Corne du Couchant, une haute
montagne volcanique reçut du voyageur le beau nom d'Escalier
des Dieux, mais la navigation s'arrêta, faute de vivres, à
l'île des Gorilles, individus très velus, dont on prit
trois femelles. L'île pourrait être actuellement l'île
Sherboro, au large de la côte de Sierra-Leone . Soit
hasard, soit indiscrétion, les Marseillais connurent le célèbre
périple et en commerçants avisés, ils chargèrent
Euthymène, d'explorer les régions d'où leurs rivaux
tiraient la poudre d'or. Euthymène, entravé sans doute
dans ses projets par les colonies carthaginoises, restait à plusieurs
longueurs derrière Hannon; il ne dépassa point le Sénégal
(le fleuve des hippopotames et des crocodiles). Le seul résultat
de son voyage fut une erreur géographique. Euthymène crut
reconnaître que le Nil coulait de la mer Extérieure vers
la Méditerranée et que ses inon-dations coïncidaient
avec les vents de la canicule . Par
contre au nord des Colonnes d'Hercule, la voie était libre. L'explorateur
carthaginois Himilcon, qui avait reconnu l'île Sacrée (Irlande),
les îles de l'Étain (Sorlingues) et Albion (Grande-Bretagne),
cherchait à décourager la concurrence en décrivant
l’Océan dans un effrayant tableau comme un abîme
sans fin : « Aucun souffle de vent ne pousse le navire, l'air
est couvert d'un manteau de brouil-lards et la mer s'enveloppe d'une
brume éternelle ». Pourtant un Marseillais n'en eut cure et pénétra jusqu'au pays de l'ambre jaune, si recherché dans l'antiquité pour les parures et les statues. Pythéas dont on sait peu de choses avait de fortes connaissances : en observant l'ombre portée d'un gnomon à midi le jour du solstice, il détermina l'obliquité de l'écliptique et la latitude de Marseille à quelques secondes près, il remarqua l'influence du cours de la lune sur le mouvement des marées, et il établit la distinction des climats par la différente longueur des jours et des nuits. On ne sait rien d'autre de Pythéas, pas même l'époque exacte de sa vie, que l'on fixe approximativement au 4ème siècle avant J.C. Le voyage de circumnavigation qui lui fut confié était probablement organisé aux frais de quelques commerçants marseillais.
Pythéas
reconnut la forme triangulaire de la Bretagne, dont il longea deux côtés
d'ouest en est, de Bélérion jusqu'à Cantion, il
compta 7 500 stades; de Cantion jusqu'au promontoire le plus septentrional,
Orcas, une exagération fantastique lui fit noter 20 000 stades,
près de 4 000 kilomètres . Dans le sud, le jour le plus
long avait jusqu'à 17 heures; dans le nord, 19 . « Les
régions voisines de la zone glaciale n'ont, dit-il en fait de
plantes et de fruits, presque aucune de nos espèces cultivées.
Les habitants se nourrissent de millet, d'herbes, de légumes
et de racines sauvages; leur boisson habituelle est une liqueur tirée
du miel et du froment; faute d'un soleil sans nuages, ils battent leur
blé dans des granges » . Pythéas, quittant Orcas, s'était hardiment lancé au large, le cap sur le nord. La brièveté de la nuit, qui n'était plus que de 2 ou 3 heures, facilitait la navigation. A 6 journées de la Bretagne, il arrivait aux limites du monde habité, à une terre qu'il nomma Thulé. « La durée du jour y est de 24 heures; le soleil ne quitte pas l'horizon. Au delà, il ne subsiste ni terre, ni mer, ni air, mais un composé des trois éléments, quelque chose comme le poumon de mer, une matière qui, enveloppant de tous côtés la terre, la mer, tout l'univers, en est comme le lien commun, et à travers laquelle on ne peut ni naviguer ni marcher » . Notez que cette énergique métaphore du poumon de mer était si exacte et si bien appropriée à la mer Glaciale, qu'elle est encore employée par les Norvégiens.
Le
voyage d'exploration, si loin qu'il eût été poussé,
n'avait pas encore atteint son but la région de l'ambre n'était
pas trouvé. Au retour de Thulé, le navigateur tourna à
l'est et côtoya le continent depuis l'embouchure du Rhin jusqu'au
Tanaïs, l'Elbe sans doute, qui se déchargeait dans le golfe
Mentonomon. Le premier, il parla des Ostions, des Guttons et des Teutons,
que les Romains retrouvèrent 3 siècles plus tard aux mêmes
endroits. Ces peuples faisaient commerce de l'ambre, déjection
de l'Océan, que les flots, chaque printemps, déposaient
sur les bords d'une île du golfe. Cette île, appelée
Abalon ou Abalcia, reçut des Romains le nom de Glessaria, précisément
à cause de l'ambre qu'ils y récoltèrent . Les
notions que Pythéas apporta de son voyage, consignées
par lui dans une Description de l’Océan, et dans un Période
ou Périple de terre, arrivaient au moment où les conquêtes
d'Alexandre révolutionnaient la science et ouvraient le monde
inconnu de l'Inde. C'était, pour le Marseillais, une terrible
concurrence. De ses récits, on tint à peine compte . A
devancer son siècle, à déplacer le nombril du monde,
fixé à Delphes, il fût traité de hâbleur.
Le poumon de mer ! Quel charlatan ! Et Thulé, aucun autre voyageur
n’en a jamais parlé ! Mais bientôt les détracteurs
se firent plagiaires. Des ouvrages de Pythéas, il ne nous est
parvenu que les plagiats de Strabon, de Pline et de Diodore de Sicile
. Les
guerres puniques furent, pour Marseille, l'occasion de satisfaire sa
haine contre Carthage. Dès que Rome fut devenue une puissance
maritime et que les victoires navales de Duilius en Sicile et de Cneius
Scipion aux embouchures de l'Ebre, en 260 et en 218, eurent ébranlé
la suprématie des flottes puniques, Marseille se rangea du côté
des vainqueurs. A cette alliance, chaque partie avait son profit. Isolée
au milieu de peuplades hostiles, l'une avait besoin d'un appui moral
et matériel; l'autre, éprise du génie de la civilisation
grecque, trouvait plus commode d'envoyer les fils de ses patriciens
achever leur éducation à Marseille plutôt qu'à
Athènes. D'autre part, les flottes romaines savaient où
se ravitailler, et trouver sur leur route des abris et des magasins
d'armes, car les Massaliotes entretenaient, en quantité et toujours
prêts, des navires, des apparaux, des machines. Cneius Scipion
leur dut la victoire en 217. Après un combat acharné près
de Tarragone, les Carthaginois allaient en finir à coups d'éperon,
quand les Marseillais imitèrent la manoeuvre d'Héraclide
de Mylassa à la bataille d'Artemision contre les Perses (en 480)
et leur première ligne laissa passer l'ennemi, qui fut arrêté
par la réserve et enveloppé . En
retour de ses bons offices, la cité phocéenne appela les
légions transalpines au secours de ses colonies d'Antibes et
de Nice, menacées par les tribus ennemies: ainsi commença
l'infiltration romaine dans la Gaule. Le consul Sextius, après
avoir chassé du littoral, depuis Marseille jusqu'en Italie, les
barbares que les Massaliotes n'avaient pu refouler, fit don de ses conquêtes
à la république phocéenne; il se contenta d'établir
une garnison, non loin de Marseille, dans une localité qui s'ap-pela
Aquas Sextiœ, Aix (en 123). La première colonie latine en Gaule fut fondée, 118 ans avant notre ère, à Narbo, sur l'Atax, qui se trouvait alors le port le plus considérable de la Gaule celtique. Les colons romains, partis d'Ostie sous le commandement d'un jeune orateur, Licinius Crassus, débarquèrent aux embouchures de l'Aude et entrèrent dans Narbonne, serrés autour de leur étendard. Dès lors, la domination romaine se propagea avec rapidité dans la Gaule méridionale riveraine de la Méditerranée, qui devint une province romaine sous le nom de Gaule Narbonnaise. Elle profita de l'état de division des nombreuses tribus qui couvraient le territoire gaulois pour se ménager des intelligences près des Eduens (Autun) et, peu à peu, étendre ses conquêtes.
César
avait franchi le Rubicon, en accusant Pompée d'aspirer à
la dictature. Au printemps de l'an 49 avant J. C., il avait refoulé
les troupes de son rival, qui fuyaient de toutes parts, et les poursuivait
avec le dessein de passer en Espagne et d'achever leur défaite.
Les Marseillais lui barrèrent la route, mandèrent leurs
alliés et voisins, les montagnards Albices, et réparèrent
leurs murailles. Pour les bloquer, César n'avait point de flotte
; en 30 jours, il en créa une. Des chantiers d'Arles sortirent
22 vaisseaux, construits sur le modèle des navires bretons qu'il
avait vus l'année précédente, la carène
et les varangues en bois léger, les bordages en cuir soutenu
par des branches d'osier. Ils vinrent s'embosser en face de Marseille,
puis ils reculèrent du côté d'Hypea, c'est-à-dire
de l'île du Levant . Ainsi provoquée, la flotte marseillaise de Domitius s'avança, 17 vaisseaux longs, 11 d'entre eux pontés, et le tout précédé d'une nuée de petits bateaux. Fins manoeuvriers, leurs navires battant neufs, les Marseillais cherchaient à environner les bâtiments romains, mauvais marcheurs, alourdis par une membrure de bois trop vert et gouvernés par des pilotes encore malhabiles. Le préfet de la flotte romaine, Decius Brutus, avait tout contre lui. Les créneaux qui s'ouvrent dans sa ligne facilitent la manoeuvre des Marseillais en leur permettant d'attaquer en nombre chaque navire. Cerné, le brave Catus essaie de saisir une de leurs enseignes; il est tué. Mais voici que les harpons des Romains ont accroché les légers bâtiments de la cité phocéenne et les maintiennent immobiles. Un corps à corps terrible s'engage entre les vieux légionnaires de César, tous soldats de premier rang, et les rudes montagnards ou les pâtres de Domitius. Ici une main de fer atteint Lycidas, et de sa griffe lui laboure le corps. Là un plongeur phocéen étouffe sous les ondes les naufragés ennemis. Le pilote Telon éventre une carène romaine et tombe frappé à mort. Gyarée vole au secours de son frère d'armes; une flèche le cloue au bordage. Une galère phocéenne chavire, une autre flambe. Bref les Marseillais, vaincus après une résistance acharnée, reculent vers le port en laissant sur le lieu de la bataille 9 galères.
Les Marseillais, poursuivis par la flotte césarienne, firent face : dans l'ordre de bataille, ils occupaient l'aile droite, Nasidius l'aile gauche. Devant eux, la flotte de Brutus, augmentée de 6 prises, s'étendait en une ligne très lâche qui fut vite trouée. Instruits par l'expérience, les Marseillais ont pour tactique d'éperonner leurs adversaires, de les couvrir de flèches, mais de refuser l'abordage: aussitôt que le harpon d'un césarien accroche un des leurs, ils accourent en nombre pour le dégager. Ils ont reconnu à son enseigne le vaisseau de Brutus, des deux côtés à la fois, deux trirèmes s'élancent pour le broyer entre leurs masses. Elles vont toucher le but, quand Brutus jette un ordre, son navire fait un brusque écart, et les trirèmes emportées par leur élan se choquent avec fracas: l'une brise son éperon, l'autre son avant. Pantelantes, engagées l'une dans l'autre, elles reçoivent le coup de grâce des Romains, qui les éventrent et les coulent bas. Ce fut le commencement de la débâcle. Cependant l'intervention de l'aile gauche, qui n'avait pas encore donné, eût facilement rétabli le combat. Sans écouter les supplications de ses alliés, Nasidius, voyant le succès compromis, se retira lâchement dans la direction de l'Espagne. Les Marseillais couvrirent sa retraite, mais à quel prix ! Quatre galères étaient prises, cinq coulées à fond, la dernière s'échappa et porta à la malheureuse cité la nouvelle de la catastrophe.
Comblé aujourd'hui par les alluvions de l'Argens, le port de Fréjus est à un kilomètre dans les terres. Une enceinte circulaire, partiellement taillée dans le roc, paraît être un reste de l'ancien port de César. Comme ouvrages de défense, Agrippa avait construit au bord de la mer la citadelle du couchant, d'où se détachait un grand môle fortifié. A la naissance du môle, une haute tour, dont les ruines s'élèvent encore à plus de 24 m, servait de phare et de poste de guetteurs. Elle communiquait avec la citadelle par des chemins couverts où on pouvait circuler en sûreté. Une pente en maçonnerie menait du port vers de vastes salles voûtées, ménagées dans le massif de la forteresse vraisem-blablement pour servir d'abris aux galères romaines . |
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