En complèment du site

 

Histoire de la Marine de France

 

 

Le phocéen Pythéas découvre Thulé

 

et

 

Massilia

résiste aussi aux Romains

(- 49 av. J.C.)

 

 

 

illustrations

Une légende entoure la naissance de Massalia (Marseille).

600 ans avant notre ère, une galère phocéenne abordait dans une baie abritée de la Gaule

Phocée était une cité grecque d'Asie mineure, située sur la côte de la mer Égée, dans le golfe de Smyrne, aujourd'hui Izmir, en Turquie, qui a été fondée entre le Xème siècle et le VIIIème siècle av. J.-C. par des Grecs venus de Grèce continentale et qui fut détruite en 546 av. J.-C., par les Perses. Les riches familles de la métropole auront eu le temps de fuir et de venir se réfugier dans leurs colonies, contribuant ainsi à leur développement.

A proximité, la tribu ligure des Ségobriges était en fête. Les étrangers furent conviés au banquet que donnait le chef de la tribu, nommé Nann. Ce jour-là, sa fille Gyptis devait choisir parmi les convives un époux en lui offrant, d'après la coutume, une coupe de vin. Charmée de la haute mine du commandant des Phocéens, elle se dirigea vers lui, lui présenta la coupe et l'épousa. Protis (ou Euxène), reçut des Ligures un emplacement suffisant pour construire une ville, et Massalia, sortit de terre.


Le site est admirable et émerveille les nouveaux arrivants, que la stérilité de leur presqu'île rocailleuse obligeait à courir les mers. La civilisation agreste des indigènes, pasteurs pour la plupart, permis aux nouveaux venus d'asseoir leur monopole du commerce maritime. Avisée de l'aventure de Protis, la métropole phocéenne se hâta de lui venir en aide ; elle équipa plusieurs galères à 50 rames, ornées à la proue d'une tête sculptée de phoque; les jeunes gens s'y embarquèrent en foule avec vivres, semences, plants de vigne et d'olivier, armes,... Ils apportaient aussi du feu sacré et une statue de Diane, que la pythonisse d'Ephèse leur avait remise. Immédiatement 2 temples s'élevèrent au sommet de la colline, dominant la rade.
Peu à peu, la nouvelle cité s'enveloppa d'une enceinte de tours, car les Ligures, convoitant les riches cargaisons qui entraient dans son port, s'étaient confédérés pour chasser les « occupants », qu’ils avaient pourtant accueillis à l’origine. Attaquée de toutes parts, la petite colonie aurait succombé sans le soutien de tribus celtiques de Bellovèse, qui descendaient vers l'Italie. Elle fut dégagée, et sa puissance affermie n'eut bientôt plus d'embûches à redouter.


Sur ces entrefaites, un grand conflit éclatait entre les deux peuples de marchands qui sillonnaient les mers, les Phéniciens et les Grecs. Depuis la ruine de Tyr, en 574, Carthage, la Ville neuve, avait hérité de la situation prépondérante de métropole phénicienne. Si les colonies grecques n'avaient pas assez de cohésion pour se grouper sous un même sceptre, Marseille sut s'élever au-dessus de toutes les autres jusqu'à devenir la rivale de Carthage.

Elle recueillit la population phocéenne, qui avait fui devant Harpagus, lieutenant de Cyrus. Mais avant d'atterrir à Marseille, la flotte de Phocée s'était arrêtée dans la colonie d'Alalia (Aléria en Corse), pour livrer combat aux navires des Carthaginois et des Étrusques confédérés contre les pirates grecs. La rencontre eut lieu dans les parages de la Sardaigne, en l'an 535. Elle tourna à l'avantage des Phocéens, qui n'avaient cependant qu'une soixantaine de galères contre les 120 bâtiments de Malée. Mais c'était une victoire à l'égale d'une défaite, tant les galères étaient délabrées; 14 d'entre elles avaient disparu dans l'abîme. Un retour offensif des coalisés, l'année suivante, obligea les Phocéens, vaincus dans cette nouvelle bataille navale d'Alalia, de se replier sur Marseille. Les Étrusques s'emparaient ainsi de la Corse et les Carthaginois ruinaient les établissements grecs d'Espagne; seuls Rhoda (Roses) et Emporie (Ampurias) seuls échappaient à la destruction.


Marseille répara le désastre par une forte activité colonisatrice, en occupant notamment les comptoirs délaissés par Rhodes . Des villes fortes, établies de distance en distance sur le rivage, à l’Est : Tauroentum, Olbia (Eaube), Athenopolis, Antipolis (Antibes), Nicaea (Nice) et Monaeces (Monaco) et à l'Ouest : Heraclaea-Cacabaria (Saint-Gilles), Rhodanousia à l'embouchure du Rhône, Agatha (Agde), Rhoda, Emporiae, Dianium (Denia). Des tours de défense furent élevées aux embouchures du Rhône. Dans la ville, une opulence de bon goût, la richesse des édifices publics revêtus de marbre et de tuiles légères, la sagesse d'un gouvernement oligarchique à laquelle philosophes et historiens rendent hommage, marquaient la prospérité de la république phocéenne.

Carthage, inquiète, essayait d'enrayer l'expansion de sa rivale et par un traité conclu en 509 avec Rome, elle se faisait reconnaître le privilège exclusif de commercer à l'ouest du Beau Promontoire (Cap Bon). Pareille clause, grosse de réticences, laissait supposer l'existence de contrées riches ou de débouchés importants qu'il y avait intérêt à tenir ignorés. En effet, à une époque où Carthage était au faîte de sa puissance, le suffète Hannon était parti au-delà des Colonnes d'Hercule, c'est-à-dire des deux hautes montagnes, Calpé et Abyla, qui bordent le détroit de Gibraltar avec 60 vaisseaux pour fonder de nouvelles colonies . De fleuve en fleuve, il côtoya la «Libye», ainsi s'appelait l'Afrique occidentale, jusqu'au golfe de la Corne du Couchant, une haute montagne volcanique reçut du voyageur le beau nom d'Escalier des Dieux, mais la navigation s'arrêta, faute de vivres, à l'île des Gorilles, individus très velus, dont on prit trois femelles. L'île pourrait être actuellement l'île Sherboro, au large de la côte de Sierra-Leone .

Soit hasard, soit indiscrétion, les Marseillais connurent le célèbre périple et en commerçants avisés, ils chargèrent Euthymène, d'explorer les régions d'où leurs rivaux tiraient la poudre d'or. Euthymène, entravé sans doute dans ses projets par les colonies carthaginoises, restait à plusieurs longueurs derrière Hannon; il ne dépassa point le Sénégal (le fleuve des hippopotames et des crocodiles). Le seul résultat de son voyage fut une erreur géographique. Euthymène crut reconnaître que le Nil coulait de la mer Extérieure vers la Méditerranée et que ses inon-dations coïncidaient avec les vents de la canicule .

Par contre au nord des Colonnes d'Hercule, la voie était libre. L'explorateur carthaginois Himilcon, qui avait reconnu l'île Sacrée (Irlande), les îles de l'Étain (Sorlingues) et Albion (Grande-Bretagne), cherchait à décourager la concurrence en décrivant l’Océan dans un effrayant tableau comme un abîme sans fin : « Aucun souffle de vent ne pousse le navire, l'air est couvert d'un manteau de brouil-lards et la mer s'enveloppe d'une brume éternelle ».

Pourtant un Marseillais n'en eut cure et pénétra jusqu'au pays de l'ambre jaune, si recherché dans l'antiquité pour les parures et les statues. Pythéas dont on sait peu de choses avait de fortes connaissances : en observant l'ombre portée d'un gnomon à midi le jour du solstice, il détermina l'obliquité de l'écliptique et la latitude de Marseille à quelques secondes près, il remarqua l'influence du cours de la lune sur le mouvement des marées, et il établit la distinction des climats par la différente longueur des jours et des nuits. On ne sait rien d'autre de Pythéas, pas même l'époque exacte de sa vie, que l'on fixe approximativement au 4ème siècle avant J.C. Le voyage de circumnavigation qui lui fut confié était probablement organisé aux frais de quelques commerçants marseillais.


L'expédition ne perdit point de vue les côtes. Elle franchit en 5 jours la distance de Gadès au cap Sacré; en 3, elle atteignit l'île d'Uxidan (Ouessant); là, un large détroit s'ouvrait entre la Gaule celtique et une île immense, la Bretagne. Sur la gauche, était Lerné, l'Irlande, que la sauvagerie des habitants, réputés anthropophages, rendait peu accessible. Les Bretons, de moeurs simples, sobres, sagement gouvernés, avaient un tout autre attrait, d'autant que le commerce trouvait son compte à l'exportation du blé conservé dans leurs silos souterrains, du bétail, de l'or, de l'argent et du fer. Ajoutez l'étain : si Pythéas ne toucha pas aux Sorlingues, il put voir arriver à marée basse dans l'île de Mictis (Wight) des chariots remplis de ce métal : fondu en forme de dés à jouer, l'étain était transporté en Gaule pour gagner, par le Rhône, Marseille .

Pythéas reconnut la forme triangulaire de la Bretagne, dont il longea deux côtés d'ouest en est, de Bélérion jusqu'à Cantion, il compta 7 500 stades; de Cantion jusqu'au promontoire le plus septentrional, Orcas, une exagération fantastique lui fit noter 20 000 stades, près de 4 000 kilomètres . Dans le sud, le jour le plus long avait jusqu'à 17 heures; dans le nord, 19 . « Les régions voisines de la zone glaciale n'ont, dit-il en fait de plantes et de fruits, presque aucune de nos espèces cultivées. Les habitants se nourrissent de millet, d'herbes, de légumes et de racines sauvages; leur boisson habituelle est une liqueur tirée du miel et du froment; faute d'un soleil sans nuages, ils battent leur blé dans des granges » .

Pythéas, quittant Orcas, s'était hardiment lancé au large, le cap sur le nord. La brièveté de la nuit, qui n'était plus que de 2 ou 3 heures, facilitait la navigation. A 6 journées de la Bretagne, il arrivait aux limites du monde habité, à une terre qu'il nomma Thulé. « La durée du jour y est de 24 heures; le soleil ne quitte pas l'horizon. Au delà, il ne subsiste ni terre, ni mer, ni air, mais un composé des trois éléments, quelque chose comme le poumon de mer, une matière qui, enveloppant de tous côtés la terre, la mer, tout l'univers, en est comme le lien commun, et à travers laquelle on ne peut ni naviguer ni marcher » . Notez que cette énergique métaphore du poumon de mer était si exacte et si bien appropriée à la mer Glaciale, qu'elle est encore employée par les Norvégiens.


Quels étaient les rivages découverts par le Marseillais ? La description qu'il donne de certaines eaux qui s'élèvent à 80 coudées de hauteur a fait songer au grand Geyser, il aurait touché l'Islande. Mais la durée de la navigation de Pythéas et la distance de 3 000 stades qu'il assigne à son parcours à partir d'Orcas conduisent aux Iles Shetland et fixeraient peut-être dans cet archipel l'ultima Thule du monde antique .

Le voyage d'exploration, si loin qu'il eût été poussé, n'avait pas encore atteint son but la région de l'ambre n'était pas trouvé. Au retour de Thulé, le navigateur tourna à l'est et côtoya le continent depuis l'embouchure du Rhin jusqu'au Tanaïs, l'Elbe sans doute, qui se déchargeait dans le golfe Mentonomon. Le premier, il parla des Ostions, des Guttons et des Teutons, que les Romains retrouvèrent 3 siècles plus tard aux mêmes endroits. Ces peuples faisaient commerce de l'ambre, déjection de l'Océan, que les flots, chaque printemps, déposaient sur les bords d'une île du golfe. Cette île, appelée Abalon ou Abalcia, reçut des Romains le nom de Glessaria, précisément à cause de l'ambre qu'ils y récoltèrent .

Les notions que Pythéas apporta de son voyage, consignées par lui dans une Description de l’Océan, et dans un Période ou Périple de terre, arrivaient au moment où les conquêtes d'Alexandre révolutionnaient la science et ouvraient le monde inconnu de l'Inde. C'était, pour le Marseillais, une terrible concurrence. De ses récits, on tint à peine compte . A devancer son siècle, à déplacer le nombril du monde, fixé à Delphes, il fût traité de hâbleur. Le poumon de mer ! Quel charlatan ! Et Thulé, aucun autre voyageur n’en a jamais parlé ! Mais bientôt les détracteurs se firent plagiaires. Des ouvrages de Pythéas, il ne nous est parvenu que les plagiats de Strabon, de Pline et de Diodore de Sicile .

Les guerres puniques furent, pour Marseille, l'occasion de satisfaire sa haine contre Carthage. Dès que Rome fut devenue une puissance maritime et que les victoires navales de Duilius en Sicile et de Cneius Scipion aux embouchures de l'Ebre, en 260 et en 218, eurent ébranlé la suprématie des flottes puniques, Marseille se rangea du côté des vainqueurs. A cette alliance, chaque partie avait son profit. Isolée au milieu de peuplades hostiles, l'une avait besoin d'un appui moral et matériel; l'autre, éprise du génie de la civilisation grecque, trouvait plus commode d'envoyer les fils de ses patriciens achever leur éducation à Marseille plutôt qu'à Athènes. D'autre part, les flottes romaines savaient où se ravitailler, et trouver sur leur route des abris et des magasins d'armes, car les Massaliotes entretenaient, en quantité et toujours prêts, des navires, des apparaux, des machines. Cneius Scipion leur dut la victoire en 217. Après un combat acharné près de Tarragone, les Carthaginois allaient en finir à coups d'éperon, quand les Marseillais imitèrent la manoeuvre d'Héraclide de Mylassa à la bataille d'Artemision contre les Perses (en 480) et leur première ligne laissa passer l'ennemi, qui fut arrêté par la réserve et enveloppé .

En retour de ses bons offices, la cité phocéenne appela les légions transalpines au secours de ses colonies d'Antibes et de Nice, menacées par les tribus ennemies: ainsi commença l'infiltration romaine dans la Gaule. Le consul Sextius, après avoir chassé du littoral, depuis Marseille jusqu'en Italie, les barbares que les Massaliotes n'avaient pu refouler, fit don de ses conquêtes à la république phocéenne; il se contenta d'établir une garnison, non loin de Marseille, dans une localité qui s'ap-pela Aquas Sextiœ, Aix (en 123).

La première colonie latine en Gaule fut fondée, 118 ans avant notre ère, à Narbo, sur l'Atax, qui se trouvait alors le port le plus considérable de la Gaule celtique. Les colons romains, partis d'Ostie sous le commandement d'un jeune orateur, Licinius Crassus, débarquèrent aux embouchures de l'Aude et entrèrent dans Narbonne, serrés autour de leur étendard. Dès lors, la domination romaine se propagea avec rapidité dans la Gaule méridionale riveraine de la Méditerranée, qui devint une province romaine sous le nom de Gaule Narbonnaise. Elle profita de l'état de division des nombreuses tribus qui couvraient le territoire gaulois pour se ménager des intelligences près des Eduens (Autun) et, peu à peu, étendre ses conquêtes.


César, en d'immortelles campagnes qui durèrent 9 ans et dont il a consigné le récit dans ses Commentaires et dans la Guerre gallique, vint à bout de tribus qui se soulevaient dès qu'il s'éloignait (comme nous l'avons vu pour les Vénètes) et d'assaillants qui surgissaient sans cesse, mais sans plan de campagne, sans cohésion.

César avait franchi le Rubicon, en accusant Pompée d'aspirer à la dictature. Au printemps de l'an 49 avant J. C., il avait refoulé les troupes de son rival, qui fuyaient de toutes parts, et les poursuivait avec le dessein de passer en Espagne et d'achever leur défaite. Les Marseillais lui barrèrent la route, mandèrent leurs alliés et voisins, les montagnards Albices, et réparèrent leurs murailles. Pour les bloquer, César n'avait point de flotte ; en 30 jours, il en créa une. Des chantiers d'Arles sortirent 22 vaisseaux, construits sur le modèle des navires bretons qu'il avait vus l'année précédente, la carène et les varangues en bois léger, les bordages en cuir soutenu par des branches d'osier. Ils vinrent s'embosser en face de Marseille, puis ils reculèrent du côté d'Hypea, c'est-à-dire de l'île du Levant .

Ainsi provoquée, la flotte marseillaise de Domitius s'avança, 17 vaisseaux longs, 11 d'entre eux pontés, et le tout précédé d'une nuée de petits bateaux. Fins manoeuvriers, leurs navires battant neufs, les Marseillais cherchaient à environner les bâtiments romains, mauvais marcheurs, alourdis par une membrure de bois trop vert et gouvernés par des pilotes encore malhabiles. Le préfet de la flotte romaine, Decius Brutus, avait tout contre lui. Les créneaux qui s'ouvrent dans sa ligne facilitent la manoeuvre des Marseillais en leur permettant d'attaquer en nombre chaque navire. Cerné, le brave Catus essaie de saisir une de leurs enseignes; il est tué. Mais voici que les harpons des Romains ont accroché les légers bâtiments de la cité phocéenne et les maintiennent immobiles. Un corps à corps terrible s'engage entre les vieux légionnaires de César, tous soldats de premier rang, et les rudes montagnards ou les pâtres de Domitius. Ici une main de fer atteint Lycidas, et de sa griffe lui laboure le corps. Là un plongeur phocéen étouffe sous les ondes les naufragés ennemis. Le pilote Telon éventre une carène romaine et tombe frappé à mort. Gyarée vole au secours de son frère d'armes; une flèche le cloue au bordage. Une galère phocéenne chavire, une autre flambe. Bref les Marseillais, vaincus après une résistance acharnée, reculent vers le port en laissant sur le lieu de la bataille 9 galères.


Marseille était vaincue, non pas domptée. De guerre lasse, César en abandonna le siège à ses lieutenants Trebonius et Brutus. Les assiégés reçurent avis qu'un lieutenant de Pompée, L. Nasidius, leur amenait un renfort de 16 navires, armés pour la plupart du rostre. Pour forcer le blocus et don-ner la main à ces alliés, de vieilles trirèmes furent tirées de l'arsenal, des barques de pêcheurs furent pontées et garnies de machines. Jeunes gens et vieillards, répondant à un appel nominal, s'embarquèrent en masse. Du haut des collines voisines, les soldats de Trebonius assistèrent à la scène du départ. La population sur le rivage, les gardes sur les remparts imploraient à grands cris les dieux pour ceux qui s'éloignaient. Les Marseillais parvinrent à rallier Nasidius en face de l'acropole de Tauroentum, une de leurs colonies situé au fond du golfe des Lèques, (dans le Var). Sur le rivage, un amphithéâtre tourné vers la mer, taillé dans le roc pour permettre aux habitants de jouir du spectacle des jeux nautiques et des naumachies. Le spectacle, ce jour-là, fut autrement palpitant: la naumachie n'avait plus rien de simulé, et de l'issue de la bataille dépendrait le sort non seulement de la mère-patrie, mais de la colonie elle-même.

Les Marseillais, poursuivis par la flotte césarienne, firent face : dans l'ordre de bataille, ils occupaient l'aile droite, Nasidius l'aile gauche. Devant eux, la flotte de Brutus, augmentée de 6 prises, s'étendait en une ligne très lâche qui fut vite trouée. Instruits par l'expérience, les Marseillais ont pour tactique d'éperonner leurs adversaires, de les couvrir de flèches, mais de refuser l'abordage: aussitôt que le harpon d'un césarien accroche un des leurs, ils accourent en nombre pour le dégager. Ils ont reconnu à son enseigne le vaisseau de Brutus, des deux côtés à la fois, deux trirèmes s'élancent pour le broyer entre leurs masses. Elles vont toucher le but, quand Brutus jette un ordre, son navire fait un brusque écart, et les trirèmes emportées par leur élan se choquent avec fracas: l'une brise son éperon, l'autre son avant. Pantelantes, engagées l'une dans l'autre, elles reçoivent le coup de grâce des Romains, qui les éventrent et les coulent bas. Ce fut le commencement de la débâcle. Cependant l'intervention de l'aile gauche, qui n'avait pas encore donné, eût facilement rétabli le combat. Sans écouter les supplications de ses alliés, Nasidius, voyant le succès compromis, se retira lâchement dans la direction de l'Espagne. Les Marseillais couvrirent sa retraite, mais à quel prix ! Quatre galères étaient prises, cinq coulées à fond, la dernière s'échappa et porta à la malheureuse cité la nouvelle de la catastrophe.


Marseille résista encore, elle ne se résolut à capituler qu'à l'approche de César, qui venait de soumettre l'Espagne en 40 jours. Trésors, vaisseaux, armes, machines, elle livra tout. La vigueur de sa défense en avait imposé à César, assez pour qu'il fît occuper la ville par deux légions, 12 000 hommes. Le vainqueur se montra - contrairement à ses habitudes - magnanime. Il laissa à la cité l'autonomie dont elle avait joui dès l'origine, si bien qu'elle ne releva point des préfets envoyés dans la province: il ne lui ôta même pas les dépouilles opimes conquises précédemment dans des batailles navales et qu'on pouvait voir, du temps de Strabon, exposées dans divers quartiers de la ville.


Toutefois, pour contrebalancer la puissance des Marseillais, une station navale fut créée en Gaule. Ce fut le port de César, "Forum Julii", Fréjus. Il se trouvait assez vaste pour contenir les 200 navires de guerre que l'empereur Auguste y envoya, avec un important contingent de rameurs, après la victoire d'Actium. Au moment de l'insurrection de Vitellius (69 ap Jésus-Christ), des troupes navales y étaient encore cantonnées .

Comblé aujourd'hui par les alluvions de l'Argens, le port de Fréjus est à un kilomètre dans les terres. Une enceinte circulaire, partiellement taillée dans le roc, paraît être un reste de l'ancien port de César. Comme ouvrages de défense, Agrippa avait construit au bord de la mer la citadelle du couchant, d'où se détachait un grand môle fortifié. A la naissance du môle, une haute tour, dont les ruines s'élèvent encore à plus de 24 m, servait de phare et de poste de guetteurs. Elle communiquait avec la citadelle par des chemins couverts où on pouvait circuler en sûreté. Une pente en maçonnerie menait du port vers de vastes salles voûtées, ménagées dans le massif de la forteresse vraisem-blablement pour servir d'abris aux galères romaines .

 

 

 

Sommaire

Des origines à Louis XV

De Louis XVI à nos jours

réalisation Patrice LEPLAT

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