Après
la famine de 1315, et la guerre, voila qu'une
épidémie dévastatrice ravage
l'Europe. Cette épidémie fit en quelques
années bien plus de morts en france que la guerre
durant ses cent années. Le royaume de France en
sort anéanti.
La peste noire
dévaste toute
l'Europe.
Tout avait commencé devant le port de
Théodosia, en Crimée. Les Tartares
assiégeaient la ville. Or, une étrange
maladie: la peste bubonique, caractérisée
par l'apparition de bubons gros comme une noix,
essentiellement aux aines, les décimait. Pour
conquérir la ville, leurs chefs eurent
l'idée de bombarder la ville à l'aide de
leurs catapultes, avec les cadavres morts de la peste. Il
y avait dans la ville de nombreux négociants
italiens qui parvinrent à regagner leurs navires
et à s'enfuir, vers leur pays.
L'agent
essentiel reste le rat, l'agent secondaire étant
la puce. La puce pique le rat pesteux, absorbe son sang
et en même temps le bacille. Après quoi, la
puce pique un humain.
À
la Toussaint de 1347, la peste toucha Marseille ainsi que
la vallée du Rhône. Au début de 1348,
elle ravage le Languedoc; Avignon, puis la Bourgogne,
Paris, l'Ile de France, la Normandie, la Bretagne. Le
Nord et l'Est sont gagnés à leur tour. Le
fléau, en 1349, passera en Angleterre et en
Allemagne. Froissart affirme qu'un homme sur trois mourut
(probablement, 25 millions de personnes en Europe). En
France, certaines régions ont vu disparaître
jusqu'aux 2/3 de la population. Froissart affirme que
Naples a compté 100 000 victimes, Marseille 16
000, Avignon 30 000, Lyon 45 000, Strasbourg 26 000,
Paris 80 000, ...
"Le
nombre des personnes ensevelies est plus grand que le
nombre des vivants; les villes sont
dépeuplées; mille maisons sont
fermées à clef, mille ont leur porte
ouverte, vides d'habitants, et remplies de
pourriture."
Dès
l'apparition de l'épidémie, le roi Philippe
VI avait invité la Faculté de Paris afin
que soient mis en évidence les moyens de la
combattre. Pour se protéger de la maladie, on
conseilla de "choisir bon air" et dans ce dessein
d'allumer des feux de bois odoriférants, de
brûler des choux et des pelures de coings. On
conseilla aussi de travailler et de se "baigner en eau
chaude". Il fallait dormir et reposer, s'assurer du bon
fonctionnement des intestins. Il fallait ne pas trop
manger, "choisir les agneaux d'un an... Toutes les
viandes doivent être mangées rôties."
On assaisonnera la viande bouillie "avec des
épices aromatiques, de la cannelle, du vinaigre du
gingembre, des clous de girofle, du poivre de
cubèbe, de la cardamome, de la noix muscade, de
l'écorce de muscadier et du safran avec du
verjus.
Il faut
à tout prix "éviter les laitages... les
fruits... à moins qu'ils ne soient aigrelets ou
acidulés, comme les pommes grenades, les citrons,
l'herbe de citron, les cornouilles, les coings." " Il
faut boire du bon vin bien récolté, exempt
de tout mauvais goût et coupé d'eau". Pour
l'eau, la Faculté se montre d'une lucidité
remarquable pour l'époque. Elle conseille, en un
temps où l'on n'a aucune idée de la
stérilisation, de " rectifier l'eau en la faisant
bouillir ou en la distillant à l'aide de
l'alambic". La Faculté conseille également
de "faire abstinence de femme. Il faut aussi se priver en
temps d'épidémie, des plaisirs de l'amour,
exception faite toutefois de ceux qui ont une forte
constitution et un bon tempérament, et encore ne
doivent-ils s'y livrer que rarement. "
On vit,
dans les villes, brûler de grands feux, où,
pour assainir l'air, on jetait pommes de pin, laurier,
absinthe, et autres herbes odoriférantes. On usait
beaucoup de vinaigre, on s'en lavait, on en aspergeait
les logements. Surtout, on fuyait. On ne savait pas. On
réunissait ses hardes dans quelque baluchon et
l'on partait droit devant soi. La fuite était
conseillée par les médecins - et certains
d'entre eux suivaient les premiers cet avis: "Comme il y
a un danger réel et certain à approcher les
malades peu de médecins, si ce n'est en vue de
grandes récompenses, affrontent un si grand
péril. Ils font bien, car beaucoup de ceux qui
n'ont pas eu telle prudence ont péri
enveloppés dans la ruine de leurs clients (!!)" La
plupart restaient à leur poste, mais ils
saignaient et purgeaient à tour de bras
!!!
Les
citadins se réfugiaient dans les campagnes,
s'installaient dans des cabanes comme dans des
forteresses. Ils étaient prêts à tuer
pour se défendre. En quelques semaines,
retirés dans leur hutte et jusqu'au fond des bois,
ces citadins ressemblaient à des sauvages. Dans
les villes, ceux qui restaient s'enfermaient dans leur
maison. Bientôt, ce fut une mesure exigée
par les autorités. On appela cela "le
resserrement". Quand une maison abritait des malades, les
autorités faisaient clouer des planches sur les
portes et mêmes sur les fenêtres. On gardait
libre un orifice pour passer la nourriture. Quand une
agglomération était connue pour être
ravagée par la maladie, on la fuyait "comme la
peste". Les hôpitaux regorgeaient de mourants.
À Toulon, l'hospice disposait de trois douzaines
de lits Chacun d'eux reçut quatre malades et l'on
en déposa d'autres sur le sol entre les lits. Bien
sûr, on ne changeait plus les draps; quand on songe
que la puce transmettait la maladie, que ces draps
devaient en être constellés, on
frémit. Le grand problème était
l'inhumation de ces milliers de cadavres. La plupart du
temps, on les jetait par les fenêtres. Les membres
des confréries saisissaient les corps avec des
crochets et les jetaient sur des charrettes. Dans
beaucoup de villes, il fallut libérer les
criminels des prisons: on ne trouvait plus de
croque-morts. Aux alentours des villes, on creusa
d'énormes fosses où l'on jetait,
pêle-mêle, les cadavres.
La
compagnie quotidienne de la mort allait peu à peu
engendrer d'extraordinaires excès. On vit
apparaître les flagellants. Ils voulaient
émouvoir le ciel en se fouettant jusqu'au sang
avec des lanières parfois garnies de fer. Ces
séances de flagellation faisaient appel à
des instincts dangereux qui les firent interdire par
l'Église. On vit flamber l'antisémitisme.
On prétendait que les juifs - pourtant atteints
eux-mêmes par le mal - étaient des "semeurs
de peste". Les quartiers juifs furent en certains lieux
investis et des dizaines, parfois des centaines de juifs
égorgés. À Narbonne, à
Carcassonne, on éleva des bûchers où
brûlèrent les juifs. Le pape Clément
VI s'interposa. Malgré l'opinion, il donna aux
juifs asile en Avignon. "
Puisque
la mort menaçait, certains voulaient vivre
plusieurs vies dans le peu de temps qui restait. On
voyait des avares jeter l'or à pleines mains.
Jamais les affaires des courtisanes ne furent si
florissantes. On payait richement des baladins qui
donnaient en public des spectacles licencieux.
"
Chaque taverne était un lupanar, point de frein
à la luxure publique, on avait vu des gens
s'accoupler dans la rue, devant les fenêtres
mêmes du pape, parfois à deux pas d'un
cadavre." Les filles ne pouvaient plus circuler sans
risquer d'être violées - et même les
jeunes garçons: "les sodomites ne se cachaient
plus."
La
France était devenue presque un royaume mort. Dans
la plupart des provinces, on n'avait ni moissonné,
ni labouré, ni semé. Pendant que
l'effroyable épidémie s'éloignait,
la France allait connaître en 1349 une terrible
famine: "Les loups, pressés par la faim, entraient
dans les villages et pénétraient
jusqu'auprès des berceaux, que les mères
n'avaient pas la force de défendre. On vit des
pères tuer leur enfant, des enfants tuer leur
père. On vit des malheureux détacher les
corps suspendus aux gibets pour se procurer une
exécrable nourriture. Des hameaux entiers
disparurent jusqu'au dernier homme. Les cadavres,
restés sans sépulture, ajoutaient encore
à l'infection pestilentielle de l'air, et tandis
que les uns oubliaient les liens du sang et de
l'amitié, les autres, frappés de vertige,
se livraient à toutes les débauches,
à tous les excès, à tous les crimes.
" On ne recouvrait plus les impôts. Il fallut
à Philippe VI, en 1349, abaisser le taux d'or de
la monnaie - sans l'avouer. La main-d'uvre ayant
considérablement diminué, les salaires
avaient augmenté de 50 % à la ville aussi
bien qu'à la campagne. Les employeurs,
alarmés, obtinrent que l'État fixe les
salaires au tarif de 1348: c'est la première fois
dans notre histoire que l'on peut constater une telle
intervention du pouvoir. On vit des seigneurs se faire
brigands. Le meilleur du clergé avait disparu. En
revanche, des nouveaux bourgeois s'étaient
enrichis des dépouilles des morts. On les envia,
on les haït. La danse de mort était celle de
tout un peuple saisi par l'ennemie la peste - cette peste
qui, en quelques mois, avait fait beaucoup plus de
victimes que toute la guerre de Cent Ans.
L'épidémie
ne disparut pas d'un seul coup. Jusque dans la seconde
moitié du XVème siècle, on la vit
renaître en certains endroits.
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