Jean-Pierre-Hyacinthe
Calloc'h naît à l'île de Groix le
21 juillet 1888, à 21 heures, au village de
Kerclavezig, d'un père matelot originaire de
l'île, Jean-Pierre Calloc'h , 41 ans, et d'une
mère originaire de Locmiquélic, Marie
Josèphe Glouahec, 35 ans.
C'est le troisième d'une
famille de quatre enfants: deux soeurs le
précèdent et, quelques années, plus
tard naît un autre garçon.
Seul ou avec quelques enfants de
son âge, il se rendait, les jours de beau temps,
à Port Lay ou à Port Saint Nicolas pour s'y
baigner ou pour mettre à l'eau un canot et le
mener le long de la côte à la godille, car
il excellait aux jeux marins. Il descendait à Port
Tudy, à Locmaria, aux plages de l'île, pour
y prendre, sous la roche, les crabes, pour fouiller le
sable afin d'y découvrir la palourde ou le gros
ver de vase qui sert d'appât pour pêcher,
à la ligne, le corlazo et la vieille, pour
détacher des rochers la patelle, appelée
"bernique". Il aimait également les sentiers
escarpés de la côte.
Il jouait aussi aux jeux de
barres, de quilles, de toupies, de "melaw", une sorte de"
balle à la crosse".
Sa famille vit au nord de
l'île,dans "une petite maison blanche", au village
de (ker) Clavezic, composé à ce
moment-là de quelques maisons isolées. Sa
maison natale et celle où il vécut sont
visibles aujourd'hui.
Jean-Pierre a 14 ans lorsqu'il
va perdre son père. Celui-ci se noie
accidentellement à la Jonchère-du-Croisic,
en octobre 1902. "C'était un homme fort,
taillé comme un menhir, cultivé et
chrétien éclairé".
Il écrira en
février 1903 un poème à ce
père disparu.
" Non, la force me manque et je ne puis décrire
Cette néfaste nuit où tu trouvas la mort,
Mais pour me consoler, père, je veux écrire,
En berçant ma douleur, quelques lignes encor ... "
La mère devra alors
nourrir ses quatre enfants seule, vivant d'un lopin de
terre. Sa soeur aînée meurt en 1909 à
23 ans et sa soeur cadette en 1914 à 27 ans. Son
jeune frère sera emporté comme ses soeurs
pour troubles nerveux. Il écrit :
" - autour de la table, -
maintenant tout cela est changé, - nous ne sommes
plus que trois."
" C'est tout de même un
peu triste d'être soutien de famille à
dix-sept ans "
Jean-Pierre Calloc'h n'avait que
deux ans et demi lorsque sa mère le confia aux
Soeurs du Saint Esprit qui tenaient école à
Kermunition, non loin du bourg (actuellement école
St Tudy) Il y apprit à lire très vite et se
mit aussitôt à dévorer les livres qui
lui tombaient sous la main. A 6 ans, il passa à
l'école primaire tenue par les Frères des
Ecoles Chrétiennes au bourg (actuellement le
collège St Tudy). " Il s' y montra un
élève assidu, studieux et
réfléchi ". Son intelligence précoce
le fit distinguer par l'abbé Le Roux, vicaire de
l' île. Celui-ci le prit au presbytère, avec
quelques autres camarades, pour lui enseigner le
latin.
Jean-Pierre avait 12 ans en 1900
lorsqu'il entra au Petit Séminaire de Sainte Anne
d' Auray sur les conseils des prêtres de Groix.
Comme il avait déjà suivi des cours de
latin, il entra directement en 4°. De figurer parmi
les plus jeunes ne l' empêcha pas de s'imposer
à toute sa classe. " Il nous dominait de toute sa
taille et on aimait chez lui la simplicité et la
jovialité " dit un de ses camarades.
Dès le début, il
obtint les meilleures notes en français, latin et
grec. En dehors de ses heures d' études,
Jean-Pierre lisait beaucoup, surtout des ouvrages
concernant la Bretagne. A cette époque-là
il écrivait en français des vers qui
faisaient l'admiration de ses maîtres et de ses
camarades.
Il se mit également
à étudier la langue bretonne
encouragé par son ami Palaux. Il assimila en peu
de temps la grammaire et le vocabulaire du vannetais dans
lequel il devait écrire plus tard.
La classe de philosophie de
1904-1905 qui comptait 45 élèves le choisit
Président de la classe.
A la fin de juillet 1905, il
était bachelier ès-lettres, il avait 17
ans.
En octobre 1905, toujours
attiré par la vocation ecclésiastique,
Jean-Pierre entra au Grand Séminaire de Vannes.
L'étude des Ecritures nourrit ses talents
littéraires.
Aux grandes vacances, il accepta
un poste de surveillant à l'école
professionnelle de Saint Michel de Priziac. Et, c'est
juste à ce moment, au début de son
séjour en ces lieux que survint un
événement malheureux qui changea sa
destinée.Sa soeur aînée souffrait de
troubles pathologiques qui allaient en s' aggravant. Sa
soeur cadette et son jeune frère manifestaient des
cas semblables. En vertu des règles du droit
canon, la prêtrise est refusée à ceux
qui ont dans leurs ascendants ou leurs proches des
maladies d' origine nerveuse. Il se résigna et
continua à porter la soutane et à suivre
les cours du séminaire où il resta deux
ans.
( C' est en 1912 qu' il saura d'
une manière certaine qu' il ne sera jamais " Le
prêtre ardent debout contre l'autel " --
Jean-Pierre souhaitait devenir missionnaire --
)
Il sollicita un poste dans
l'enseignement en 1907.
En octobre 1907 il quitte donc
la Bretagne pour entrer dans une institution libre
à Paris comme maître d'internat. Son souhait
est de venir en aide à sa mère et de
préparer une licence d'enseignement. Sa
tâche de surveillant l' empêchera de suivre
les cours à l'université, de plus, le
détail des Conférences ne "lui dit pas
grand' chose". La pension ne compte que six
élèves, la plupart à
particule.
La nostalgie du pays le remplit.
Il reçoit la visite de nombreux Groisillons, les
uns comme lui, professeurs ou surveillants dans des
pensions, les autres soldats.
Paris est à ses yeux
essentiellement la ville du " Mal ". Il trouve refuge
dans les églises.
Au printemps de 1908, il quitte
Paris pour le collège Saint Joseph de Reims
où il occupe un emploi de
répétiteur. Le collège comprend 170
élèves dont 75 dans son étude.
Son île natale et sa
Bretagne continuent à lui manquer. Sa tâche
lui pèse.
" ... je suis obligé de
punir, et à la fin, je suis las. Ce qui n'est pas,
vous le savez, une très bonne disposition pour
"dominer la situation", je n'ai qu' un an à passer
ici." écrit-il à l'abbé Corignet, "
son bienfaiteur " .
Pendant ces deux années
Jean-Pierre va fréquenter, entre autres, la
Bibliothèque Nationale. Il projette une histoire
de Groix .
|
Jean-Pierre
Calloc'h passe ses deux années de
service militaire de 1909 à 1911 en
garnison à Vitré. Soldat de
deuxième classe, il demande à
faire le cours des illettrés, ce qu'il
fit en breton à 40 bretonnants.
" A ma sortie de
caserne, je préparerai mon brevet pour
devenir probablement instituteur libre,
peut-être à Groix. " Jean-Pierre
Calloc'h se trouvait à Paris quand
éclata la Grande Guerre. En raison
d'une inflammation des ganglions cervicaux,
il fut versé dans le service
auxiliaire et devait attendre jusqu'à
nouvel ordre la mobilisation.
Il vit donc partir,
sans pouvoir les suivre ses compagnons d'
étude. Lui, qui ne se sentait " pas
Français pour un sou ", se
présenta à Lorient pour
s'engager dans la marine. Il croit à
une guerre de la civilisation et du droit,
comme quelques autres. Mais il est
refusé.
Il poursuivra les
démarches et finira par être
affecté dans l' infanterie le 6
novembre. L'appel n'arrivera qu'en janvier et
de Lorient.
Le 26 janvier 1915
il endosse la vareuse militaire au
dépôt du 62° R.I. à
Lorient. Le 1er avril il rejoint Saint
Maixent pour un stage de quatre mois.
|
Fin août 1915, il part pour la tuerie. Jusqu'en
avril 1916 son régiment tient position au bois de
Saint Mard. En septembre son nouveau régiment est
transféré devant la Somme. Nommé
d'abord aspirant, il deviendra sous-lieutenant, fort
apprécié de ses hommes.
Le dégel annonce
l'offensive, et commence la remontée vers St
Quentin à travers les villages
systématiquement brûlés par l'ennemi.
Plus de tranchées, ni d'abris.
" La semaine la plus dure que
j'ai jamais passée à la guerre est cette
Semaine Sainte. Ni maison, ni toit, sous un temps si
rude. Au cours de 60 heures j'ai dormi une heure, et
encore nous avons été
réveillés par le froid, toute
l'armée couverte de neige. Nous sommes
fatigués à en mourir. Quand finira cette
vie ? " Ainsi s'exprimait-il au dos d'une carte postale
le dimanche de Pâques.
Deux jours plus tard, au bois d'
Urvillers, au sud-est de St Quentin, à
l'entrée d'un abri, tandis qu'il mangeait, un obus
de 77 éclata à proximité. La
tête criblée d'éclats, il meurt sur
le coup. C'était le matin du 10 avril 1917, un
mardi de Pâques. Il avait 28 ans.
Le corps du lieutenant Calloc'h
fut transporté au petit village de Cerisy dans
l'Aisne et inhumé dans un cimetière de
soldats.
Après la guerre, un
prêtre de la région de Cerisy entama des
recherches pour retrouver sa dépouille, les
sépultures ayant été violées
pendant les hostilités.
En mai 1923, le cercueil fut
retrouvé puis ouvert : au poignet droit du cadavre
se trouvait une plaque d'identité portant ces
lettres : Calloc'h Jean-Pierre 1908, Lorient
1627.
Exhumée en
présence de deux membres de sa famille, sa
dépouille fut ramenée à Groix le 8
juillet 1923
Grâce à
l'initiative de la revue "Dihunamb", secondée par
"Buhez Breiz ", une tombe avec croix celtique fut
édifiée, par souscription, sur ses
reliques. L'inauguration du monument eut lieu le 21
août 1924.
Taillée dans le granit de
Nizon par le sculpteur Alexandre Le Quéré
de Pont Aven, la tombe se compose de trois parties : une
dalle, un socle et une croix celtique haute de 1m. 86.
C'était la taille de Bleimor.
Cette croix est semblable
à de nombreuses croix de l'île d' IONA
(Ecosse). Sur le fût sont gravés trois
motifs d'entrelacs irlandais, en des médaillons
ronds ou ovales. Ils sont l'oeuvre du Capitaine Huerre de
l'armée du Rhin.Sur le cercle du monde entourant
les bras de la croix apparaissent des motifs de nos
broderies "glaziks" dessinés par M. Ch. Louis, ami
de Léon Le Berre. La dalle porte - en breton
seulement - l'inscription suivante:
|
Jehann
Ber Kalloch
Leshanuet
Bleimor
Gannet é
Groé, 21 Gourhelen 1888
Maruet, ofisour, er
Brezel bras
Etal Urvillers, 10
imbril 1917
skrinet en des ur
haer a livr :
"Ar en
deulin"
Breihis,
pedet aveïton
|
( en français:
Jean-Pierre Calloc'h du nom bardique "Loup de mer"
né à Groix le 21 juillet 1888 mort officier
à la Grande Guerre auprès d'Urvillers, le
10 avril 1917. Il a écrit un beau livre: "A
Genoux" - Bretons, priez pour lui.)
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