JOURNAL DE MARCHE

 

Historique du

62eme Régiment d'Infanterie

 

Editions CHARLES-LAVAUZELLE, Paris et Limoges, 1920

 

 

A la mobilisation, le 62ème R.l., qui fait partie de la 43ème brigade (22ème division, 11ème C.A.), est commandé par le colonel Costebonnel.

Au cours d'une prise d'armes passée avant le départ, cet officier supérieur, dans une harangue empreinte du plus pur patriotisme, indique à tous le chemin du devoir et la grandeur du sacrifice que la Patrie attend d'eux. Un immense cri de "Vive la France" répond à ces nobles paroles.

 

Août 1914

Le 7 (ou le 8 à 4h.) août, le 62ème R.I. s'embarque à Lorient. Le trajet de la caserne à la gare (sous une pluie terrible) est, pour le régiment, une véritable marche triomphale. Une foule émue l'entoure et l'acclame sans discontinuer. Le sous-préfet, la municipalité et toute la population lorientaise se trouvent à la gare pour saluer le drapeau et les bataillons qui partent pour la frontière.

Les soldats sont animés d'un enthousiasme indescriptible; des cris de joie s'élèvent de toutes parts, on a l'impression que chacun s'apprête à faire consciencieusement son devoir pour défendre le sol sacré de la Patrie menacée et déjà envahie.

Le train réalise l’itinéraire Nantes, Le Mans, Chartres, Reims, Verdun en plus de 36 h. En cours de route, à Versailles, le régiment apprend la prise de Mulhouse. Cette nouvelle soulève de nombreux cris d'enthousiasme.

Dans la soirée du 9 août, (22h.) le régiment débarque à Châtel-Chéhery (Ardennes); aux confins de la forêt de l’Argonne, près d'Apremont.

Le 10 août, le 62ème R.I. (après une marche sous un soleil épouvantable) cantonne à Germont et à Belleville (3ème bataillon).

Le 11 août, les marches de concentration commencent.

Le 62ème régiment se porte dans la direction de Sedan, et atteint Noyers (au sud de Sedan), le 15 août.

Le 16 août, à 8h.30, un peloton de la 8ème compagnie est envoyé à Bazeilles en soutien de la cavalerie divisionnaire opérant sur la rive droite de la Meuse en liaison avec la 21ème D.I.

A 13h.15, la 9ème compagnie est dirigée sur Vadelincourt pour reconnaître les passages de la Meuse ; à 16h.15, le régiment, qui fait partie de l’avant-garde de la division, se porte sur Muno par Douzy, Pourru St Rémy et Messincourt. Il atteint Muno (Belgique) à 22h.15 où il s’installe en cantonnement d’alerte couvert par le bataillon Voilliard qui prend les avant-postes.

 Le 17 août, à 6h.15, l’avant-garde de la division reçoit à Muno l’ordre d'occuper Escombres (France) et les hauteurs d'Escombres pour couvrir la division; à 7h.15, le régiment quitte Muno pour Escombres où il s'installe en cantonnement d'alerte.

Le 18 août, à 4h., le régiment, qui a reçu la mission d'organiser la position, en vue d'une première résistance sur les lignes nord et est d'Escombres pour forcer l'ennemi à un déploiement prématuré, sans se laisser accrocher, commence les travaux de défense qui sont terminés à 11h..

Le 20 août, la division marche offensivement vers le nord. Le 62ème formant avant-garde de la division quitte Escombres à 19h.30 et se porte jusqu’à Auby en Belgique par Dohan, où il passe la nuit.

Le 21 août, la marche offensive continue et le régiment arrive à Bertrix à 16h. où il cantonne en se couvrant par des avant-postes.

Le 22 au matin, un petit poste de la 12ème compagnie aperçoit une patrouille de cavaliers allemands; il la repousse par son feu.

Vers 10h., deux avions ennemis apparaissent à très faible hauteur; les avant-postes ouvrent le feu sur eux, l’un des appareils est descendu, mais l'autre réussit à rentrer dans ses lignes.

Vers midi, la division reprend la marche en avant. Le régiment se dirige sur Paliseul où il doit cantonner; mais, avant d'atteindre cette localité, on entend la fusillade, une action se déroule, plus au nord, à quelques kilomètres. Le général de division pousse le 62ème sur Messin (Maissin) pour appuyer les régiments déjà engagés. Le bataillon Voilliard forme l'avant-garde.

Les Allemands ont mis le feu à Messin (Maissin). Arrivé à 4km. au sud de cette ville, on entend le bruit du canon et celui de la fusillade qui augmentent d'intensité. Sur la route, des civils fuient, des blessés reviennent des lignes; ils appartiennent au 2ème régiment de chasseurs à cheval, au 19ème R.I., au 118ème et au 116ème. La division est déjà engagée, c'est la bataille.

Le 62ème quitte sa formation de marche et prend une formation articulée à l'ouest de la route, puis, par une marche d'approche il se dirige sur Messin. Le terrain est boisé et difficile; les unités sont en butte aux feux de l'artillerie allemande, puis de l'infanterie qui occupe très solidement Messin.

Le régiment débouche de la zone boisée après avoir dépassé la route d'Our. Le feu de l'infanterie allemande devient à ce moment extrêmement violent, un ennemi invisible, en position sur les hauteurs de Messin, avec un grand nombre de mitrailleuses, ouvre un feu nourri sur toutes les fractions qui essaient de descendre sur cette localité ; l’élan de nos bataillons vient se briser contre cette forte défensive, ils subissent des pertes sérieuses. Cependant, malgré l'intensité du feu de l'ennemi, les 1ère et 3ème compagnies et des éléments du régiment réussissent à progresser jusqu'à 600 mètres environ de Messin. Vers 19h., le clairon sonne la charge, les hommes s'élancent dans un élan irrésistible à l'assaut, Messin est pris: 60 prisonniers restent entre nos mains.

Entre temps, vers 17h., les 2ème et 4ème compagnies, réserve de D.I., sont alertées. Un lieutenant du 35ème d'artillerie vient prévenir le capitaine Weisbecker, commandant le demi-bataillon, que les batteries sont compromises. Les 2ème et 7ème compagnies mettent baïonnette au canon et chargent résolument l'ennemi avec lequel elles engagent une lutte corps à corps autour des caissons, dépassent les batteries et s'engagent dans un bois fortement tenu par l'ennemi; accueillies par un feu terrible d'infanterie et de mitrailleuse, qui les prend de front et de flanc, elles sont obligées de rétrograder. Mais leur vigoureuse attaque arrête l'avance de l'ennemi et permet de dégager plusieurs de nos pièces d'artillerie.

Pendant la nuit, les éléments du 62ème qui ont pu pénétrer dans Messin, couchent dans le village et s'y organisent et réussissent même à repousser trois contre-attaques ennemies.

Mais, vers 8h., un avion ennemi survole Messin; peu de temps après son arrivée, l'artillerie ennemie déclenche un violent bombardement et l'infanterie allemande attaque fortement la localité. Dans la nuit, notre artillerie s'est retirée sur Bouillon; les quelques fractions d'infanterie qui tiennent encore le village, trop faibles pour résister et sans espoir d'être secourues, sont obligées, vers 10 h., de battre en retraite pour éviter d'être cernées. Elles se retirent sur Bouillon où elles rallient le régiment.

Dans cette première et dure journée de bataille un grand nombre d'officiers et de soldats tombèrent glorieusement mais non sans avoir fait subir à l'ennemi des pertes plus lourdes.

Le 24 août, à 5h., la division bat en retraite sur la Meuse. Le régiment se dirige par Illy et Givonne sur Sedan, où il passe le fleuve. Il cantonne à Vadelincourt.

Le 25 août, le régiment est alerté à 4h.. Il reçoit l'ordre de mettre en état de défense et d'occuper la position Noyers, Vadelincourt et Fresnois avec mission d'interdire en outre les passages de la Meuse. A 9h.30, l'artillerie ennemie commence un tir court. A 10h.15, notre artillerie répond.

L'ennemi pousse des éléments vers le pont du chemin de fer de Bouillon imparfaitement détruit, mais la violence de notre feu d'infanterie et d'artillerie oblige ses éléments à se replier dans les rues de Sedan. L'artillerie lourde allemande entre en action et contrebat nos batteries de 75 en position vers la Marfée. Le régiment maintient ses positions toute la journée et bivouaque sur place.

Le 26, de bon matin l'ennemi démasque une nombreuse artillerie qui bat tous les plis et replis du terrain. Notre artillerie, violemment prise à partie, ne peut répondre. Profitant de ce déluge d'obus, l'infanterie allemande, qui a réussi à passer la Meuse dans la presqu’île d'Ige, prononce son action à l'extrémité gauche du front tenu par le régiment et en dehors de ce front; en face de ce dernier, l'adversaire ne fait aucune tentative de passage. Vers 15h., de sérieuses forces d'infanterie allemande sont accrochées avec les nôtres.

Pendant que, sur le front de Vadelincourt, le bombardement continue toujours avec la même violence, l'infanterie ennemie presse vivement notre gauche, bouscule les faibles forces qui à s'opposent à sa progression et s'empare de Fresnois. Entre 16 et 17h., la fusillade se fait nettement entendre derrière la position de Vadelincourt qui doit être abandonnée.

Le 62ème, tourné sur sa gauche, à 19h.30 reçoit l'ordre de se replier sur Château-Rocan (sud-ouest de Chéhery).

Le mouvement commence immédiatement pour les fractions de Vadelincourt et s'exécute en bon ordre malgré la violence du feu de l'ennemi et la traversée des bois de la Marfée fortement fouillés par l'artillerie adverse.

Les compagnies de gauche font face à l'attaque et essaient de limiter les progrès de l'ennemi. Le 3ème bataillon reçoit directement du général commandant la 22ème D.I. l'ordre d'exécuter, en liaison avec le 65ème R.I., une contre-attaque sur le Fresnois.

Ce mouvement est arrêté par un feu très violent de l'artillerie et surtout de l'infanterie ennemie, qui tient déjà les lisières nord des bois de Fresnois et de la Marfée. Mais l'héroïque résistance de ces éléments permet aux autres fractions du régiment, engagées dans les bois touffus de la Marfée, d'en sortir et de se reformer au nord-est de la ferme de Saint-Quentin.

A 14h., le 62ème est reporté à l'attaque dans la direction de Chevenges, où quelques fractions parviennent à pénétrer (8ème et 11ème compagnies), mais le gros ne peut déboucher du bois qu'à la nuit tombante.

A 21h., le régiment occupe Chevenges avec le 2ème bataillon et quelques compagnies des 1er et 3ème bataillons. Dans la nuit, il reçoit l'ordre d'évacuer ce village et de se porter dans la direction de Chéhery. Les éléments du régiment bivouaquent vers Chéhery et la ferme de Saint-Quentin (2ème bataillon).

Le 27 août, le régiment se reforme à Malmy où doit être prise une position de repli pour permettre à la D.I. de se reconstituer. A 13h., le 11 ème C.A. reprenant l'offensive, le 62eme quitte Malmy et se porte par Chéhery dans la direction de Bulson - Saint-Quentin où la D.I. doit contre-attaquer.

Chemin faisant, les artilleurs en position rapportent que tout va bien, le mouvement réussit complètement. Nos hommes sont plein d'ardeur et, lorsque les compagnies du régiment se déploient en débouchant du bois du Rond-Caillou, c'est, après quelques coups de fusil tirés, une véritable poursuite qui commence. Les Allemands laissant de nombreux morts sur le terrain fuient en désordre sur Noyers et Pont-Maugis. Nos éléments les poursuivent énergiquement jusqu'au bois de Noyers, faisant une trentaine de prisonniers. Quelques groupes du 69ème dispersés participent, avec des éléments du 137ème et de la 21ème division, à l'attaque de Chaumont - Saint-Quentin et à la prise d'un drapeau ennemi. Le régiment bivouaque sur ses positions.

Le 28 août, au jour, le régiment se reporte en avant et va s'établir au sud du bois de Chéhery, prés de la route Bulson, cote 299, en soutien du 116ème qui tient le front: lisière nord du bois de Chéhery, cote 299.

Vers 10h., un mouvement de retraite se produit parmi les éléments engagés vers la ferme Saint-Quentin et à l'est (44ème brigade et division de réserve) le régiment s'établit au nord-ouest de Bulson, tenant les couloirs débouchant de Thélonne. Il reste ainsi en position jusqu'à 16h. A ce moment, il reçoit l'ordre de se porter sur la ferme Saint-Quentin pour appuyer l'offensive de la division de réserve. Le régiment bivouaque à la ferme de Saint-Quentin, couvert dans la direction du nord par le 3ème bataillon aux avant-postes.

Le 29 août, à minuit 15, le régiment quitte le bivouac pour reprendre les positions de la veille. Il se porte ensuite, par Connage-Omicourt et les bois, sur Vendresse où la 43ème brigade doit s'établir pour couvrir la retraite du C.A.

Le 62ème occupe la hauteur à l'ouest de Vendresse, 2ème et 3ème bataillons en 1ère ligne, battant les lisières du village et des bois Charlemagne. Le 1er bataillon en réserve à Terron-les-Vendresse.

A 15h., le régiment quitte ses emplacements et se dirige Terron-les-Vendresse sur Louvergny où il s’établit en cantonnement bivouac, sous la protection d’avant-postes fournis par le 116ème R.I.

Le 30, le 11ème C.A. reprend son mouvement de retraite sur l’Aisne. La 43ème brigade doit ouvrir le mouvement en se portant sur Marquigny, la Saboterie, Tourteron/Ecordal. Mais l’ennemi, qui a poussé fortement dans la direction du sud, tient déjà Tourteron. Le régiment oblique alors vers le sud, et se porte par Mametz/Suzanne où il reçoit l’ordre de contre-attaquer sur Tourteron, en liaison avec la 60ème division de réserve. Ce mouvement ne peut s’exécuter en raison du repli de cette division.

Le régiment se porte alors sur Attigny, où il passe l’Aisne, il marche ensuite sur Vaux-Champagne et bivouaque au nord de cette localité. Pendant la nuit, il met en état de défense les hauteurs au sud d’Attigny.

 

Septembre 1914

Le 1er septembre à 5h., il reçoit l’ordre de quitter ses positions et de se porter au nord-est de Pauvres où la 43ème brigade, formant arrière-garde doit s’établir sur 2 lignes : le 62ème à droite, le 116ème vers Pauvres.

- 1ère Une ligne de résistance sur la première crête au sud de la route Pauvres-Coulomnes (2ème et 3ème bataillons accolés) avec des éléments de surveillance au nord de cette route.

- 2ème Une 2ème ligne sur la crête au sud de la précédente (1er bataillon). Le régiment conserve les mêmes positions le 1er sept.

Le 2 sept. , la 22ème D.I., qui doit se porter sur Moronvillers, et dans la région au sud-est de ce point, laisse une arrière-garde (116ème R.I.) chargée de tenir la Suippe est confiée au 62ème, soutenue par un groupe d'artilleries, la mission de tenir Moronvillers.

Les 1er et 3ème bataillon occupent en 1ère ligne les hauteurs à l'est et au nord du village. Le 2ème bataillon placé au sud, en réserve, est en même temps soutien d'artillerie. Vers 15h., l'ennemi, après avoir forcé le 116ème à battre en retraite, nous attaque. La ligne tient parfaitement sous le feu jusqu'à 16h.. À ce moment, la gauche (3ème bataillon), vivement pressé, faiblit un peu, puis il se ressaisit. L'ennemi bombarde violemment Monvillers qu'il incendie et occupe

.Vers 19h.30, une contre-attaque, menée par des éléments des trois bataillons, reprend le village, mais l'ennemi, qui reçoit sans cesse de nouveaux renforts, s'en empare à nouveau vers 20h.30. Le régiment, qui a reçu alors l'ordre de se replier, gagne Prosne où il arrive à 23h. et il cantonne.

Le 3 sept., le 11ème C.A. continue sa retraite sur la Vesle. Le régiment quitte Prosne à 3h.30 et se porte par Mourmelon-le-Petit, sur les Grandes Loges où il s'est établi à 12h. en position d'attente. À 15h., le 2ème bataillon est envoyé vers Ligny s/vesle et Louvercy, en soutien du 118ème qui défend la voie ferrée de Chalons à Reims. Ce bataillon s'engage vigoureusement sous le feu de l'infanterie et de l'artillerie allemande et occupent le talus de la voie ferrée où il se maintient jusqu'à 18h.. À ce moment, le feu d'artillerie redouble pendant qu'un mouvement d'infanterie se produit sur la droite du bataillon. Ce dernier quitte alors la voie ferrée pour occuper une position plus au sud et, à la nuit, sur l'ordre qui lui donné, rejoint à la Veuve, le régiment qui bivouaque en ce point.

Le 4 sept., à 3h.45, le régiment quitte le bivouac. La 43ème brigade doit, sous la protection d'une arrière-garde formée par le 19ème R.I., traverser la Marne et se porter dans la direction de Chéniers. Le régiment franchit la Marne à Matougue où il laisse les 2ème et 3ème compagnies avec une section de mitrailleuses pour permettre le passage des derniers éléments du 11ème corps d'armée. Les autres éléments du régiment sont arrêtés à Saint-Pierre aux Oies, où ils reçoivent, à 15h.45, l'ordre de reprendre le mouvement sur Chéniers. En arrivant à la ferme Notre-Dame, l'ordre est donné de l'organiser défensivement, puis les 18h. celui de reprendre la marche dans la direction de Soudron, que le régiment atteint à 22h. et où il bivouaque.

Le 5 sept., à Saint-Pierre, le bivouac est levé et le régiment se porte, par Vatry, sur Sommessous. A 9h.20, il reçoit l'ordre de s'installer, en position défensive, au nord de Sommessous pour protéger le repli de la 22ème division d'infanterie dans la direction de Mailly. Les 2ème et 3ème bataillons prennent position à l'ouest et à l'est de la route de Chalons, sur les cotes 196 et 190. Le premier bataillon est en réserve. A 16h.45, les dispositions sont modifiées. La 43ème brigade reçoit l'ordre de tenir solidement Sommessous et les passages de la Somme. Le 116ème s'établit à Sommessous, son 3ème bataillon à l'ouest gardant le pont du chemin de fer et la voie ferrée, son 1er bataillon tenant les ponts d'Haissimont-Vassimont et organisant une nouvelle position en arrière.

 

 

Bataille de la Marne.

L'ordre du général Joffre "Se faire tuer sur place plutôt que de reculer" est lu et commenté dans toutes les unités. Cet ordre produit sur tous une impression profonde. Malgré les dures épreuves physiques et morales endurées pendant la retraite, chacun sent la nécessité de s'arrêter, de se sacrifier, de ne plus reculer. On se prépare au combat.

Le 6 sept., la 22ème D.I. reçoit l'ordre de s'établir sur le front Normée-Lenharrée, qu'elle doit tenir coûte que coûte. Le 62ème doit la couvrir vers le nord-est dans la direction de Sommessous et tenir, en même temps, les ponts de Haussimont-Vassimont. Le 3ème bataillon occupe alors la ligne Constantine - Chapelaine. Le 1er bataillon continue à tenir les ponts de Haussimont-Vassimont; deux compagnies envoyées vers Chapelaine protègent le flanc du troisième bataillon. Le 2ème bataillon est en réserve à la cote 172.

À 11h., toutes les positions sont complètement occupées. À 17h. l'ennemi pousse une reconnaissance de cavalerie sur Haussimont. Cette reconnaissance, forte d'un escadron de hussards saxons (5ème escadron du 18ème hussard), voulant faire une brèche dans nos lignes, charge résolument la troisième compagnie qui ne s'en laisse pas imposer par ces hussards de la mort et les décime par son feu. Cet escadron se retire en désordre, laissant de nombreux morts sur le terrain et une quinzaine de prisonniers entre nos mains. À 20h., le 2ème bataillon est appelé en réserve générale à la ferme de la Maltournée; il est remplacé à la côte 172, par le 3ème bataillon.

Le 7 sept., à 5h., mais l'artillerie ennemie bombarde violemment la Chapelaine. L'infanterie adverse se lance à l'attaque sur la ligne Lenharrée-Haussimont-Vassimont. Mais elle subit des pertes sévères et l'attaque échoue. L'artillerie ennemie continue son feu violent sur nos lignes.

Le 8 sept., à 3h., l'ennemi prononce une attaque générale sur les mêmes lignes. A 15h.15, il réussit à s'emparer de Haussimont et de Vassimont. Mais, pris sous le feu nourri les compagnies qui garnissent la lisière des bois et et battent les débouchés sud de ces villages, il subit de lourdes pertes et ne peut progresser. Il renouvelle ses efforts toujours avec le même insuccès, mais vers 10h., ces unités constamment renforcées parviennent à faire céder la gauche de notre ligne. Le 2ème bataillon du 62ème et le premier bataillon du 116ème, qui occupent Lenharée, violemment bombardés et attaqués par les forces supérieures, sont obligés d'abandonner ce point d'appui. Depuis, ils se retirent par la voie ferrée. Pour éviter d'être enveloppés, le colonel ordonne la retraite sur la Maltournée et Vaudefroy. Sur un nouvel ordre, le régiment se retire sur Semoine qui sera le point extrême de la retraite. Le régiment, qui s'est rallié sur les positions au sud de ce village, organise celles-ci défensivement pendant la nuit: les 1er et 3ème bataillons en 1ère ligne, le 2ème bataillon en réserve.

Dans la soirée, des nouvelles réconfortantes arrivent : "les allemands sont en retraite sur tout le front".

Le 9 sept., dans la matinée, l'artillerie allemande se montre très active, dans le but certain de permettre à son infanterie de se replier, elle canonne violemment nos positions. A 18h., le régiment reçoit l'ordre de reprendre l'offensive et de se porter à Montepreux et la côte 209. A 23h.30, il atteint les positions indiquées, mais un nouvel ordre le ramène en arrière, et, à 2h.30, il réoccupe les positions primitives au sud de Semoine.

Le 10 sept., à 6h., la 43ème brigade reçoit l'ordre de reprendre l'offensive dans la direction de Sommesous. Le régiment se porte en avant à 8h.30; le 3ème bataillon forme l'avant-garde. Il occupe successivement la côte 206 et la hauteur de l'Arbre; puis, renforcé par le 2ème bataillon, il se porte sur la côte 209. A 18h., la 43ème brigade reçoit l'ordre d'enlever Sommesous. Le 1er bataillon attaque dans le triangle de la voie ferrée et la route de mailly en liaison avec la gauche du 116ème R.I. Le 3ème bataillon en réserve à hauteur de l'Arbre.

Dans la nuit, les Allemands évacuent Sommesous abandonnant leurs nombreux morts et blessés. La plaine aux environs est aussi jonchés de nombreux cadavres attestant la violence de la lutte.

Le 11 sept., la véritable poursuite commence. Dans la joie de la victoire, les hommes oublient toutes leurs fatigues, toutes leurs privations, les colonnes ennemies sont talonnées à courte distance et, le 11, au soir, après une marche de toute la journée, on est déjà loin de Sommesous, on cantonne à Nuisement, le 116ème prend les avant-postes.

Le 12 sept., de bonne heure, la poursuite reprend. Le 62ème, avant-garde de la 43ème brigade, pénètre à 7h. dans Chalons/marne (2ème bataillon en tête), où il fait une trentaine de prisonniers. Il s'établit ensuite sur la ligne La Folie - côte 143 pour protéger le débouché de la 22ème D.I. au nord de Chalons et de la Marne. A 13h., la marche en avant est reprise dans la direction du camp de Chalons par St Hilaire au Temple. A 18h., le régiment s'établit aux avant-postes vers la ferme de Cuperly : 2ème bataillon, à cheval sur la route; 1er bataillon, au sud-est de la voie ferrée; 3ème bataillon, en réserve à la ferme de Cuperly.

Ce même jour (par décision du général, commandant la IIème armée), le colonel Costebonnel quitte le commandement du régiment pour prendre celui de la 43ème brigade; il est remplacé à la tête du 62ème par le lieutenant-colonel Chapard.

Le 13 sept., la poursuite continue dans la direction du nord. La 43ème brigade, en 2ème ligne, marche dans la direction le Suippes.

A 16h., elle reçoit l'ordre de se porter dans la direction de Saint-Souplet, par la ferme Piemont, Jonchery et Saint-Hilaire-le Grand.

Le 116ème est à l'avant-garde.

A 21h., après avoir dépassé la,voie romaine, 1.500 m au nord de Saint-Hilaire-le-Grand, le régiment est brusquement arrêté par une violente fusillade de l'ennemi qui tient, avec de l'infanterie et des mitrailleuses, la lisière des bois à l'est et à l'ouest de la route et qui a laissé l'avant-garde s'engager dans la direction de Saint-Souplet avant d'ouvrir le feu. La brigade est obligée de se replier sur Saint-Hilaire-le-Grand; elle bivouaque au sud-est de cette localité, déjà occupée par le 32ème R. I.

Le 14 sept., le régiment reste en position d'attente entre Saint-Hilaire et Jonchery d'abord, puis au sud de Jonchery, pendant que notre artillerie prépare, par un bombardement, l'attaque des positions ennemies à l'est de la Suippes.

Le régiment bivouaque au sud-est de Jonchery.

Le 15 sept., la 43ème brigade est portée en soutien de la 44ème arrêtée par une forte arrière-garde ennemie qui l'empêche de dépasser la ferme des Wacques.

Le 62ème bivouaque à 2km500 au sud de cette ferme. Le 1er bataillon organise, pendant la nuit, les hauteurs au nord-est de Jonchery.

Le 16 sept., le régiment conserve les mêmes positions. A 16h., il reçoit l'ordre d'appuyer, par deux bataillons, le mouvement d'une brigade de chasseurs à pied sur le moulin de Souain. Mais la forte organisation des positions allemandes, appuyée par de nombreuses batteries d'artillerie lourde, toujours active, fait renoncer à cette offensive.

Le régiment reprend ses emplacements et bivouaque au sud du bois des Wacques.

Le 17 sept., le 62ème reçoit l'ordre d'organiser, face au nord, les hauteurs au nord-est de Jonchery. Le travail est interrompu à deux reprises dans la journée par une violente canonnade ennemie.

Le 18 sept., à 2h., le régiment est relevé par des unités du 12ème C. A.

Le 11ème C. A. passe à la Vème armée commandée par le général Franchey d'Esperet.

 

 

Montagne de Reims - Combats de la Somme.

(Sept. 1914)

Le 18 sept., le régiment se porte sur Ludes (nord de la forêt de la montagne de Reims) par Mourmelon-le-Grand, Villers-Marméry et Verzenay.

Le 19 sept., il reçoit l'ordre d'organiser face au nord la ligne: Montbre (1er bataillon), Saint-Jean (2ème bataillon), Château-Romant (3ème bataillon).

Les travaux commencent à 9 h..

A 15 h., le régiment quitte ses positions pour se porter par Chigny et Rilly-la-Montagne sur Mont-Chenay, où il arrive à 21h. et y cantonne.

Le 20 sept., le régiment quitte son cantonnement pour aller appuyer la 21ème division et la division marocaine qui doivent attaquer dans la direction de Saint-Léonard et de Nogent-l'Abbesse.

Il reste en position d'attente au sud-est de Montbre jusqu'à 14 h.; il reçoit ensuite l'ordre d'aller cantonner à Montbre.

Le 21 sept., à 18h., le régiment se porte par Champ-Fleury, Sacy, Bligny, sur Chaumuzy où il arrive à 4h.30 du matin, le 22 sept. Le même jour, à midi 30, il reprend la marche par Romigny sur Moreuil-en-Dole, où il arrive à 22h.30 et cantonne.

Le 23 sept., le régiment se porte sur Chaudun et Pierrefond-sur Compiègne, où il arrive le 25 sept. à 17 h.. Le même jour, dans la soirée, le régiment s'embarque à Compiègne et débarque à Longueau, d'où il se porte sur Lahoussoye (nord-est d'Amiens). Il met en état de défense les hauteurs nord et est entre Lahoussoye et Bonnay et cantonne dans ces deux localités.

Le 28 sept., la 22ème D.I. se porte au nord de la 21ème D.I. engagée vers Albert. A 11 h., le 62ème se dirige sur Mesnil en soutien de la 44ème brigade qui marche sur Authuile et Thiépval. Le 1er bataillon reçoit l'ordre d'occuper Authuile et de tenter, avec le 19ème R.I., une attaque sur Thiepval. Cette attaque, commencée à 22 h., ne réussit pas.

Le 29 sept., l'offensive est reprise dans la matinée. Le 19ème R.I., soutenu par le 1er bataillon du 62ème R.I.,attaque de Hamel et Authuile sur Thiepval. Le 3ème bataillon du 62ème attaque le bois d'Authuile. Le 2ème bataillon est en réserve à Mesnil.

Les positions ennemies sont tenues solidement et l'attaque ne peut progresser que lentement. Dans la soirée, le 1er bataillon du 62ème, appuyé par des éléments du 19ème , réussit à enlever et à occuper la cote 141. De son côté, le 3ème bataillon du 62ème enlève le bois d'Authuile, mais il perd son chef, le commandant de Vial, qui est très grièvement blessé.

Les 30 sept. et 1er oct., le régiment maintient ses positions.

 

 

Octobre 1914

Le 3 oct., le 62ème, renforcé par un bataillon du 118ème, reçoit l'ordre d'attaquer Thiepval par l'est en progressant par le ravin d'Ovillers - cote 92. Le 3ème bataillon réussit à s'avancer de 300 m.; pendant que le 1er progresse à l'est de la coté 141. Pendant ce temps, le 2ème bataillon attaque la cote 141 et progresse légèrement.

Dans la nuit du 2 au 3 oct., le 1er bataillon réussit à avancer de 500 m., mais à la pointe du jour, il se trouve très en flèche et est soumis à des feux de flanc d'infanterie et d'artillerie qui l'obligent à se replier légèrement.

Le 4 oct., le régiment maintient ses positions toute la journée, malgré la violence du feu de l'artillerie ennemie. Dans la journée, vers 16h., le 2ème bataillon avait été porté sur Beaucourt pour relever les 83ème et 84ème régiments territoriaux, que les allemands avaient fortement attaqués et rejetés sur cette localité.

Attaqué, vers 23h., par des forces supérieures, le 2ème bataillon est obligé de se replier sur la station de Beaucourt. Le combat continue pendant toute la matinée du 5, l'ennemi progresse malgré ses pertes. Il enlève Beaumont - Hamel et la cote 151.

Le 2ème bataillon se replie, vers 16h., sur la crête Hamel - Auchonvillers où il est violemment bombardé par l'artillerie lourde. C'est pendant le cours de ce bombardement que le colonel Costebonnel, commandant la 43ème brigade, est mortellement blessé. Sur la cote 141, pendant le cours de la nuit, l'infanterie adverse prononce deux attaques, mais les attaques échouent sous nos feux.

Le 5 oct., l’artillerie ennemie bombarde à nouveau très violemment nos positions pendant toute la journée. A 21h., les Allemands attaquent en force sur toute la ligne. Le 19ème à notre gauche est obligé de céder sous le nombre.

Le 1er bataillon du 62ème, qui tenait toujours la cote 141, pris de flanc et de front, est obligé de reculer, entraînant le 3ème bataillon qui perd le bois d'Authuile. Mais cette perte n'est que momentanée; les 1er et 3ème bataillons prononcent un vigoureux retour offensif qui leur permet de réoccuper le bois d'Authuile.

Le 6 oct., le 1er bataillon reprend les tranchées nord et nord-est du bois d'Authuile, ses 3ème et 4ème compagnies organisent la défense du village.

Le 2ème bataillon organise la position Mesnil - cote 142.

Dans la journée, le 19ème , aidé par le 1er bataillon du 62ème, essaie de reprendre la cote 141, il réussit à progresser jusqu'aux abords de la crête, mais ne peut l'enlever complètement.

Le 8 oct., le 2ème bataillon reçoit à 8h.30, l'ordre d'attaquer Beaumont-Hamel, en liaison avec un bataillon du 64e et un du 337e.

L'attaque se déclenche à 13h.; elle progresse jusqu'à proximité du village, mais ne peut continuer en raison du feu de l'artillerie ennemie que la nôtre ne peut maîtriser. Malgré les pertes très sensibles, le 2ème bataillon conserve la position conquise pendant toute la journée. A la nuit, il reçoit l'ordre de se replier sur ses emplacements de la veille.

Pendant ces dures journées de combat, le 62ème a réussi à enlever à l'ennemi des points importants du terrain en lui faisant subir des pertes sérieuses. De nombreux soldats ont déployé dans ces attaques incessantes une énergie et un courage au-dessus de tout éloge; tel le sergent-major Zwilling, à qui le général commandant en chef confère la médaille militaire avec la citation suivante :

" Ayant combattu toute la journée du 29 sept. et sa section ayant épuisé ses munitions a enlevé celle-ci pour la jeter à la baïonnette sur l'ennemi. Blessé grièvement, a continué à commander sa section avec une énergie au-dessus de tout éloge. N'a consenti à se laisser soigner que sur l'ordre formel de son chef de corps dans l'espoir que les soins hâteraient son retour à la tête de sa troupe."

Tel aussi le capitaine Bournat, qui, conduisant sa compagnie à une attaque de nuit, le 11 oct., a la cuisse droite brisée par un projectile et qui, maîtrisant ses douleurs, se relève sur son genou gauche et continue à diriger l'opération jusqu'au moment ou, vaincu par la souffrance, il tombe complètement épuisé.

C'est après ces combats des premiers jours d'octobre que la guerre de tranchée commence.

 

 

Octobre 1914 à juillet 1915

Attaques partielles et coups de main se succèdent dans ce secteur d'Avelly-Authuile, que le régiment occupe jusqu'en juillet 1915. Pendant le dur hiver de 1914 à 1915, pendant les chaudes journées de l'été 1915, gradés et hommes du régiment trouvent encore là une occasion de se distinguer.

Le caporal François Le Floch reçoit le 10 oct. la médaille militaire avec cette belle citation: " Depuis plus d'un mois, 3 ou 4 fois par jour, du haut d'un arbre observe les mouvements et les travaux de l'ennemi. A fourni, comme observateur, les renseignements les plus précieux sur les réglages et les effets du feu de nos batteries d'artillerie. Malgré la chute des feuilles, continue avec le plus grand sang-froid sa mission périlleuse. A été repéré par l'ennemi; méprisant les balles qui lui sont destinées, observe avec le même calme. A demandé à être attaché à l'arbre pour le cas où il serait blessé et exposé à tomber. Pour répondre à la mobilisation, a quitté le Canada, laissant femme et enfants. "

Tel aussi le sergent Saillot, à qui le général commandant en chef confère la médaille militaire: "Pour s'être porté seul, le 27 janv. 1915, en plein jour, sous les yeux de l'ennemi, à 200 m. environ de nos tranchées, pour enlever un grand drapeau aux couleurs allemandes et un petit drapeau français juxtaposé au premier, que les Allemands avaient placés près de leurs tranchées, au cours de la nuit précédente, pour symboliser, sans doute, la suprématie de l'Allemagne sur la France. A rapporté ces emblèmes dans nos lignes, donnant ainsi à tous un bel exemple de sang-froid, de courage et de patriotisme."

Le 12 avril, le colonel Chapard est nommé au commandement par intérim de la 22ème brigade d'infanterie. Le colonel Genin, disponible, le remplace au commandement du régiment.

 

 

Août 1915

Le 2 août, le 62ème fait mouvement et se rend, par étapes, à Equennes-Guizancourt, où il arrive le 6 août.

Du 7 au 20 août, le régiment est remis à l'instruction. Il s'exerce aux nouvelles méthodes de combats en vue de l'offensive qui doit avoir lieu en Champagne, fin sept.

Le 20 août, le régiment s'embarque à Conty et débarque le 21 à Vitry-la-Ville. Le 22, il cantonne à Coupeville; le 23, à Somme-Vesles; le 25, il bivouaque à l'ouest de Somme-Tourbe; le 26, à l'ouest de Saint-Jean-sur-Tourbe au camp des coloniaux.

 

 

Septembre 1915

La période du 27 août au 24 sept. est pénible, elle comprend des périodes d'occupation de secteurs de 6 jours chacune, au nord de Mesnil-les-Hurlus, en alternance avec des repos au bivouac dans les bois, d'une égale durée.

Les pertes sont lourdes en ce terrain bouleversé par les mines et les obus. Les bombardements par engins de tranchée sont continuels. Le sous-sol est creusé de galeries de mines.

Les repos sont employés aux travaux préparatifs d'attaque, construction de parallèles de départ, de boyaux d'accès, de places d'armes et de reconnaissances de secteurs.

La fatigue est extrême, le moral de la troupe, loin de diminuer, s'exaspère au contraire : on veut en finir, et la nouvelle de l'attaque du 25 sept. est accueillie avec joie.

 

 

Offensive de Champagne.

(Automne 1915)

Le 25 sept. , le 62ème R.I. prend part à l'offensive de Champagne. Il est encadré, à droite par le 118ème R.I., à gauche par le 116ème R.I.

Il reçoit la mission d'enlever les très fortes positions allemandes constituées:

  • 1° Par les lignes de tranchées au nord de Perthes-les-Hurlus;

    2° Par le village de Tahure ;

    3° Par la butte de Tahure (cote 192 nord-ouest de Tahure).

  • Dans la nuit du 24 au 25 sept. , les unités du régiment se mettent en route pour aller occuper leurs positions de départ.

    Le dispositif d'attaque du régiment est le suivant:

  • - 1ère vague:

    - 2ème vague: 1ère et 2ème compagnies du 1er bataillon Vassal, 5ème et 6ème compagnies du 2ème bataillon de Vial.

    - 3ème vague: 3ème et 4ème compagnies du 1er bataillon Vassal; 7ème et 8ème compagnies du 2ème bataillon de Vial.

    - 4ème vague: 9ème, 10ème, 11ème, 12ème compagnies du 3ème bataillon de Rancourt, chargé du nettoyage des tranchées.

  • Le 25, vers 2 h., toutes les unités du régiment sont en place. Vers 7 h., tous les hommes sont prévenus que l'attaque aura lieu à 9 h. 15 précises. Les montres sont réglées.

    Notre artillerie continue son tir de destruction qui durera 72heures. Pendant le cours du bombardement, le tir de nos canons s'arrête quelques instants pour faire croire aux Allemands que l'attaque va se déclencher et les faire ainsi occuper leurs positions de combat où notre artillerie pourra les faucher dès la reprise de son tir.

    Les deux heures qui doivent s'écouler avant l'attaque paraissent longues aux fantassins oisifs. Chacun les emploie suivant son tempérament: d'aucuns, recueillis, pensent à la gravité du moment présent, d'autres, que la bonne humeur n'abandonne jamais, blaguent les camarades; plusieurs demandent à leur pipe favorite d'abréger les lenteurs du temps; tous n'ont au cœur que l'ardent désir de combattre et de remporter la victoire, même au prix du suprême sacrifice.

    A 9h., le bombardement s'amplifie d'une façon formidable, puis les montres marquent 9h.15. C'est l'heure attendue. Alors, comme un seul homme, tout le régiment se lève comme mu par le même ressort, il s'élance en courant sur les tranchées ennemies; pas un cri, pas un mot, tout le monde comprend la gravité de l'heure et chacun ne songe qu'à marcher de l'avant sur les points indiqués.

    " Le spectacle que nous avons devant nous, dira un sergent qui fait partie des groupes de nettoyeurs, est magnifique ! "

    Les vagues qui nous précèdent avancent à grands pas, bondissant par-dessus les tranchées boches et les trous d'obus. Partout dans la plaine on aperçoit les carrés de toile blanche qui recouvrent les sacs des hommes pour éviter les méprises de notre artillerie. La première tranchée est franchie assez rapidement. Mais, malgré sa violence, notre bombardement n'a détruit qu'incomplètement les organisations ennemies et de nombreux défenseurs restent encore debout et attendent le choc sur des positions à contre-pente. Le premier mouvement de surprise passé, les Allemands se ressaisissent et se défendent avec acharnement. Le passage des 2ème et 3ème tranchées est plus pénible. Les mitrailleuses allemandes placées dans le ravin de la Goutte, gênent sérieusement la marche en avant et rendent très, très dur le passage du ravin. Malgré ces difficultés, l'élan n'est pas ralenti. Quand les officiers tombent, d'autres gradés surgissent pour les remplacer, tel le sergent Salliot de la 10ème compagnie, qui, voyant tous ses officiers hors de combat dès les premières minutes, prend le commandement de la compagnie et l'entraîne à l'assaut d'un élan irrésistible, enlève un fortin bétonné, s'empare d'une batterie de 77 et fait une centaine de prisonniers.

    Les trois premières vagues arrivent à la cote 188, mais le mouvement en avant est arrêté à cet endroit par deux fortins qu'il faut cerner et prendre d'assaut. Le fortin de droite, en particulier, se défend très énergiquement.

    Le 2ème bataillon, qui a pour mission de nettoyer les tranchées et qui a déjà engagé de violentes luttes à la grenade pour nettoyer des 2ème et 3ème lignes, arrive à son tour, à la cote 188. La 7ème compagnie (lieutenant Le Guennec) a reçu comme mission de nettoyer la cote 188. Elle attaque aussitôt, avec l’aide de la 1ère compagnie de mitrailleuses, le blockhaus bétonné qui empêche toute progression. Celui-ci est enlevé de haute lutte et la compagnie fait environ 30 prisonniers dont plusieurs officiers. Le soldat Boulie, de cette unité, à la tête de quelques braves, se distingue particulièrement, il entre le premier, avec son groupe, dans le fortin où il tue à coups de hache plusieurs servants sur leurs pièces.

    Les 1er et 3ème bataillons, après avoir cisaillé les réseaux que notre artillerie n'avait pas détruit en avant du fortin, reprennent leur marche sur l'objectif assigné. Arrivés en face du bois des Canons, ils se heurtèrent à nouveau à une énergique résistance de la part de l'unité, le bois est garni de batteries de 77 et de 105. Un violent combat, au corps à corps, s'engage, fantassins et artilleurs se font tuer sur place. A ce moment, les commandants des 1er et 3ème bataillons reforment leurs unités; la marche en avant est reprise.

    A 11h., la route Tahure-Souain, aux sources de la Dormoise, est atteinte. Trois compagnies environ, emportées par leur élan, franchissent cette route, puis celle de Tahure-Somme-Py, et abordent avec leurs patrouilles les pentes sud de la butte de Tahure; des éléments du 116ème sont parvenus à leur gauche au nord de la route; mais, aucune fraction n'étant arrivée à notre droite, les Allemands réoccupent la Brosse-à-Dents qu'ils avaient abandonnée et nous prennent de flanc par leurs feux.

    Pendant cette partie de l'attaque, malgré ses pertes, surtout en cadres, le régiment a réalisé une avance de plus de 4 km, fait plusieurs centaines de prisonniers et capturé 7 canons de 77 et 3 pièces de 105.

    A la tombée de la nuit, la position du régiment étant très en flèche, le colonel transmet aux éléments de 1ère ligne, qui tenaient la route Tahure-Somme-Py, l'ordre de se replier sur la crête au nord-ouest du bois des Canons et d'occuper le bois triangulaire, en liaison avec un bataillon du 19ème, arrivé vers 17 h., sur la route Perthes-Tahure à hauteur de la cote 170.

    Pendant la nuit, le 1er bataillon occupe la crête nord-ouest du bois des Canons jusqu'à la cote 170 (route de Tahure à Hurlus) en liaison avec le bataillon Fohanno, du 19ème R. I.

    Les 2ème et 3ème bataillons s'établissent à la lisière du bois des Canons.

     

     

    Octobre 1915

    Pendant les journées des 26 sept. au 5 oct. , le régiment est placé en réserve ou chargé d'appuyer des attaques partielles.

    Le 6 oct., à 5 h., la 22ème D.I. attaque la Brosse-à-Dents et Tahure. Le 3ème bataillon du 62ème voyant la progression du 128e (régiment de la D.I. à notre gauche) sur les crêtes à l'ouest de Tahure, se porte sur le village, l'attaque, y fait trente prisonniers et gagne la lisière nord-est de Tahure, sa gauche au chemin Tahure-Grateuil, le bataillon organise immédiatement la position. Le 2ème bataillon appuie le mouvement du 113ème. Dans l'après-midi, le 3ème bataillon qui organise les tranchées au nord-est de Tahure est fortement bombardé par l'artillerie ennemie dont le feu redouble d'intensité vers 17 h.. L'infanterie allemande se, porte alors à l'attaque du village. Le 3ème bataillon, avec le plus grand calme, repousse l'attaque, malgré sa violence.

    Quelques instants après, l'ennemi lance une nouvelle attaque; les Allemands arrivent jusqu'à nos fils de fer, mais, décimés par notre feu, ils se retirent en désordre, laissant 70 cadavres devant nos défenses accessoires, de nombreux blessés, ainsi qu'un certain nombre de prisonniers valides. Pendant le cours de cette attaque, la 2ème section de la compagnie de mitrailleuses, sous les ordres du sergent Le Mentec, se distingue particulièrement. Le 3ème bataillon conserve ses positions.

    A ce moment, le 2ème bataillon, qui est en liaison avec le 118ème, a trois de ses compagnies en ligne, au nord-ouest de la route Perthes-Tahure; la 6ème compagnie est détachée en réserve du 3ème bataillon, à l'est de Tahure. Le 1er bataillon, en réserve, occupe les tranchées laissées libres par le 3ème bataillon après sa progression.

    Le 7 oct., le régiment organise ses positions.

    Dans la nuit du 8 au 9 oct., le régiment est relevé et se rend au repos dans un bois aux environs de Somme-Bionne, puis au camp dit du " Veau crevé ", à l'ouest de Saint-Jean-sur-Tourbe.

    La belle conduite du régiment, pendant ces journées d'offensive, lui vaut d'être cité à l'ordre de l'armée dans les termes suivants :

    " La 22ème D.I. comprenant les 19ème , 62ème, 116ème et 118ème R.I. a, le 25 sept. 1915, sous la vigoureuse impulsion de son chef, le général Bouyssou, enlevé, dans un superbe élan les positions ennemies fortement organisées, sur une profondeur de 4 km. en s’emparant de plusieurs batteries. Pendant 2 semaines, au prix d’efforts soutenus et énergiques, n’a cessé de lutter contre un ennemi qui se défendait pied à pied, le refoulant sans cesse et faisant chaque jour de nombreux prisonniers. "

    Le 17 oct., le colonel Genin est nommé au commandement par intérim de la 42e brigade; il est remplacé au commandement du régiment par le lieutenant-colonel de Courcy, commandant le 60ème régiment territorial.

    Le 30 oct., les Allemands prononcent une forte attaque sur nos positions au nord-ouest de Tahure, nos lignes fléchissent. Le 62ème est alerté. Il se porte à l'Arbre A, prêt à contre-attaquer, mais il n'a pas à intervenir, les troupes de 1ère ligne ayant réussi à repousser l'attaque ennemie. Le régiment rentre au camp du " Veau crevé ".

     

    De novembre 1915 à Février 1916

    Vers le 10 nov., le 62ème va relever dans le secteur de Tahure; il occupe les tranchées au sud-ouest et à l'ouest du village.

    Le secteur est très dur, il faut l'organiser défensivement sous des bombardements journaliers; le manque de voies de communications, le mauvais état des pistes où hommes de corvée et voitures s'enlisent constamment, ainsi que celui non moins défectueux des boyaux remplis d'eau et de boue, rendent les ravitaillements de toute nature très difficiles, souvent impossibles. Cette période d'hiver sera pour le régiment une des plus dures de la guerre.

     

    Février 1916

    Le 21 fév., le 62ème quitte la Champagne et se dirige sur le camp de Mailly où il arrive le 23.

     

     

    Offensive allemande sur Verdun.

    (Fév. - avril 1916)

    Le repos au camp est de courte durée, les Allemands ont déclenché le 21 fév. leur grande offensive contre Verdun. Nos divisions enlevées en autos arrivent par la "voie sacrée". Aussitôt débarquées, elles se jettent dans la mêlée furieuse, car il faut coûte que coûte, arrêter les masses ennemies qui, disposant de moyens formidables, mettent tout en œuvre pour prendre la forteresse tant convoitée.

     

     

    Mars 1916

    Le 6 mars, le régiment est alerté.

    Le 7 mars, il s'embarque en chemin de fer et débarque le même jour à Valmy, puis il se porte par étapes sur Evres où il arrive le 25.

    Le 28 mars, à 7h., le régiment est embarqué en autos pour Verdun où il arrive dans la soirée. Les officiers vont dans la même nuit faire la reconnaissance du secteur.

    La division, qui fait partie du groupement du général Guillaumat, doit occuper le secteur au nord-est de Verdun. Sa mission est celle de ses devancières: il faut arrêter l'ennemi.

    Dans la nuit du 29 au 30 mars, le régiment va relever le 162ème R.I. dans le secteur du bois Nawe, où se trouve le P.C. du colonel.

    Le 2ème bataillon, en 1ère ligne, a deux compagnies en ligne avancée à l'ouest et à l'est du ravin du fond de Henrias, allant de Bras à Louvemont: la 5ème compagnie à l'est du ravin, la 8ème à l'ouest sur les pentes de la cote du Poivre. Le 1er bataillon, en soutien du 116ème, est à notre droite. Le 3ème bataillon est en réserve de brigade, à la redoute de Froideterre.

    Le 31, l'ennemi bombarde continuellement nos lignes. A 14h.30, un avion allemand tombe sur la cote du Poivre.

     

     

    Avril 1916

    Du 1er au 15 avril, l'artillerie ennemie se montre toujours très active; à certains moments elle bombarde violemment nos positions.

    Le 16 avril, les avions ennemis, en grand nombre, ne cessent de survoler nos lignes, et, souvent, à très faible hauteur.

    Dans la nuit, le 3ème bataillon va relever un bataillon du 19ème R.I., la relève est rendue difficile par le harcèlement continuel de l'artillerie allemande. Le 2ème bataillon, qui est aussi relevé, se rend à Froideterre pour remplacer le 3ème bataillon.

    Le 17 avril, dès 4h., l'artillerie allemande déclenche un bombardement d'une violence extraordinaire par obus de tous calibres sur tout le terrain et particulièrement sur le nouveau secteur occupé par le 3ème bataillon. Toutes les communications téléphoniques et autres sont impossibles. Dès 7h., la plupart des tranchées sont nivelées, les défenses accessoires n'existent plus, des mitrailleuses sont hors d'usage, un grand nombre de fusils sont brisés, les fusées-signaux sont enterrées.

    Vers 10h., l’infanterie ennemie se porte à l’attaque. Les fractions de 1ère ligne marchent en petites colonnes par un; elles sont fortes de 7 à 8 hommes, elles s'infiltrent en se portant de trous d'obus en trous d'obus. En arrière de ces petites colonnes marchent des sections en tirailleurs au coude à coude; les dernières sont aperçues lorsque les éléments d'infiltration ont déjà pénétré dans nos premières lignes. A ce moment, l'infanterie allemande est complètement arrêtée par le barrage de son artillerie qui n'a pas encore allongé son tir et qui lui fait subir des pertes sensibles. Ces pertes deviennent lourdes lorsque nos mitrailleuses, du bois Nawe, ouvrent le feu sur les fractions ennemies arrêtées par la trop longue instabilisation du barrage de leur artillerie. Ce n'est que vers 15h., que l'adversaire peut s'emparer de nos premières lignes qu'il ne pourra d'ailleurs dépasser, tant ont été sévères les pertes que lui ont fait subir nos mitrailleuses du bois Nawe.

    La 2ème compagnie de mitrailleuses se distingue entre toutes. Le soldat Couquil, de cette compagnie, resté seul servant de sa pièce, tire sur l'ennemi jusqu'au moment où un éclat d'obus traverse la boîte de culasse : sur le point d'être fait prisonnier, il se dégage à la grenade et avec son mousqueton.

    Le sergent Poumier conserve le plus grand calme pendant le violent bombardement et maintient ses mitrailleurs à leurs emplacements de combat. Sur le point d'être cerné par l'ennemi, il réussit à lui échapper sous son feu, puis s'offre pour diriger une patrouille qui ramène dans nos lignes deux mitrailleuses hors d'usage et abandonnées à courte distance de l'ennemi.

    Le fourrier Le Hideux, voyant que son commandant de compagnie n'a plus d'agent de liaison disponible, s'offre pour aller porter un renseignement urgent au chef de bataillon. Il est tué dans l'accomplissement de sa mission.

    La 4ème compagnie résiste aussi magnifiquement malgré son encerclement sur la croupe Dame-Couleuvre et le ravin Bras-Douaumont. Vers 16h., une vingtaine d'hommes restant de cette compagnie réussissent avec leur commandant de compagnie à se frayer un passage à la baïonnette à travers les groupes ennemis

    Dans la nuit du 17 au 18, le 2ème bataillon (commandant Bassaut) relève le 1er bataillon (commandant Verjux).

    Après la relève, le 1er bataillon reçoit l'ordre du général Bouyssou, commandant la 22ème D.I., de se rassembler immédiatement vers la Chatinière (près de la redoute de Thiaumont) et de prononcer, dès qu'il sera rassemblé, une contre-attaque pour reprendre la tranchée longeant le ravin de la Couleuvre. Le bataillon, qui a terminé sa relève à minuit, contre-attaque à 2h., mais il ne peut réussir à s'emparer de l'objectif qui lui a été assigné.

    Les 1er et 2ème bataillons restent sur leur position jusqu'à la relève.

    Les éléments restant du 3ème bataillon du 62ème et d'un bataillon du 118ème forment un groupement qui est chargé de tenir les positions de l'extrême droite du dispositif de la division.

    Pendant les journées des 18 et 19 avril, nos mitrailleuses appuient les contre-attaques partielles exécutées par le 116ème R.I.

    Pendant les trois journées des 17,18 et 19, l'artillerie ennemie ne cesse de bombarder nos lignes et de harceler nos arrières rendant tout ravitaillement impossible.

    Dans la nuit du 21 au 22 avril, le régiment est relevé. Pendant cette période, le 62ème a occupé dans des conditions très difficiles un secteur où il n'y avait pas ou peu de tranchées, aux abris inexistants, au sol extrêmement dur à travailler, où les tirs de harcèlement rendaient souvent tout ravitaillement impossible. Sous des bombardements très violents et continus, il a subi, chaque jour, des pertes sévères. Malgré ces dures conditions, pendant 22 jours consécutifs, il s'est accroché au terrain, ne cédant que pas à pas, et après l'avoir fait payer chèrement à l’ennemi.

    Le 62ème, comme tant d'autres régiments qui se sont sacrifiés, aura pris une part glorieuse dans la défense de Verdun, "la ville inviolée".

    Le 24 avril, le régiment cantonne à Trouville et Nançois-le-Petit.

    Le 26, il s'embarque à Ligny et se rend dans la région de Fère-en-Tardenois, où il reste jusqu'au 14 mai.

     

     

    De mai à septembre 1916

    Le 15 mai, le régiment fait mouvement, et le 16 il relève, dans le secteur d'Hermonville (nord-ouest de Reims), le 238ème R.I.

    Le régiment reste dans ce secteur jusqu'au 7 sept.; il exécute pendant cette période de nombreux coups de main qui nous procurent des prisonniers.

    Dans la nuit du 7 au 8 sept., le régiment est relevé par le 415ème R.I., il va cantonner à Courcelles-Sapicourt et, quelques jours après, il arrive à Gland (région de Château-Thierry), où il reste jusqu'au 30 sept. .

     

     

    Verdun,

    (Oct. 1916 - Janv. I917)

    Octobre 1916

    Le 3 oct., le régiment qui est au repos dans les environs de Château-Thierry, quitte cette région pour se rendre dans celle de Saint-Dizier.

    Le 13 oct. 1916, le colonel de Courcy est désigné pour prendre le commandement d'un groupe de bataillons d'instruction. Il est remplacé au commandement du régiment par le lieutenant-colonel Dubuisson.

    Le 23 oct., le régiment se porte, par étapes, dans la région de Condé-en-Barrois.

    Le 31 oct., le 62ème R.I. est embarqué en autos pour Verdun.

     

     

    Novembre 1916

    Dans la nuit du 1er au 2 nov., le régiment relève le 299ème dans le secteur de Tavannes.

    Le 2ème bataillon en 1ère ligne dans le secteur de la Horne, sud du fort de Vaux.

    Le 1er bataillon en réserve de brigade, à la sortie du tunnel de Tavannes.

    Le 3ème bataillon reste à Haudainville en réserve de division.

    Dans la nuit du 3 au 4, les 2ème et 1er bataillons, en formations accolées, se portent en avant pour atteindre une nouvelle ligne marquée par la piste partant du fort de Vaux. A 21h.30, les deux bataillons atteignent leur objectif et commencent immédiatement l'organisation de la position. Le 1er bataillon est à l'est du fort de Vaux.

    Dans la nuit du 5 au 6, le 3ème bataillon qui était en réserve de la D.I. relève un bataillon du 93ème R. I. dans le secteur de la Batterie et du village de Damloup.

    Les bataillons exécutent leur mouvement, les 5 et 6 nov. par un temps pluvieux et froid, sous un violent bombardement qui leur cause des pertes sérieuses.

     

     

    De novembre 1916 à février 1917

    Malgré ces conditions défectueuses, et le harcèlement continuel de l'artillerie ennemie, le régiment réussit à remettre en état le terrain qui avait été complètement bouleversé.

    Le général commandant la division félicite le 62ème pour l'organisation rapide qu'il a su créer dans un terrain difficile et dans des conditions particulièrement dures.

    Le régiment reste dans le secteur de Vaux-Damloup jusqu'au 18 janv. 1917.

    Le 20 janv., le 62ème embarque en chemin de fer en gare de Dugny-sur-Meuse et débarque le 21 à Demauge-aux-Eaux (Meuse) et à la Neuville-Saint-Joire.

    Le 29 janv., il s'embarque à nouveau pour se rendre dans la région de Meaux, où il reste jusqu'au 25 fév. Cette période est consacrée à l'instruction de la troupe en vue de la guerre de mouvement.

    Le 25 fév., le régiment se rend par étapes dans la région de Fismes, où il arrive le 28.

     

     

    Mars 1917

    Les unités sont alors employées jusqu'au 18 mars à la construction d'un vaste hôpital d'évacuation à Saint-Gilles, au montage de baraques Adrian et à des travaux de terrassement pour l'établissement de lignes de chemin de fer à Courlandon.

    Le 19 mars, le régiment fait mouvement et, le 28 mars , il va relever dans le Secteur de Vregny le 355ème R. I. au nord et au nord-est de Bucy-le-Long.

    Le 3ème bataillon occupe Chivres, la 10ème compagnie à droite en liaison avec Le 116ème R.I., à gauche, la 9ème compagnie en liaison avec le 2ème bataillon du régiment. La compagnie de mitrailleuses tient les lisières ouest du village, la 2ème compagnie est en réserve.

    Le 2ème bataillon a sa 7ème compagnie à droite, la 6ème au centre et à gauche, la 5ème en liaison avec le 19ème R.I.

    Le 1er bataillon est en réserve.

    Le 30 mars, à 19 h., le 2ème bataillon participe à une attaque en liaison avec le 19ème R.I., attaque qui a pour but de s'emparer du bois de Quincy, les organisations ennemies de la Trombe et d'un blockhaus.

    Malgré l'énergique résistance de l'ennemi, l'attaque réussit à faire une avance de 300 mètres et à pénétrer dans le bois de Quincy.

    Dans la nuit, le 1er bataillon reçoit l'ordre de monter en ligne, mais le mouvement, qui n'est exécuté qu'à la pointe du jour, n'est terminé que vers 18 h..

    L'attaque est reprise. Après une préparation d'artillerie, le 2ème bataillon à 10 h., se porte en avant avec le château de Quincy comme objectif.

    La 5ème compagnie se porte résolument sur le château et l'enlève brillamment. Dans cette affaire, l'adjudant Cardon, qui s'est déjà plusieurs fois signalé par son courage et son mépris absolu du danger, se distingue à nouveau. Parti reconnaître le secteur d'attaque de sa section, il tombe sur un poste de mitrailleurs ennemis: les Allemands l'appellent et lui font signe de se rendre; Cardon froidement les ajuste avec son revolver et les tue. Il rentre avec sa reconnaissance rapportant d'utiles renseignements pour l'attaque.

    Le 1er bataillon a comme objectif les villages de Vauvenay et de Nanteuil-la-Fosse. Bien que l'ennemi lui oppose une sérieuse résistance, il réussit à s'emparer de ces deux localités à la tombée de la nuit.

    Les bataillons ont réalisé dans cette attaque une progression de plus de 2 kilomètres, capturant des prisonniers et plusieurs lance-bombes.

    Le 31 mars, le 3ème bataillon qui occupe toujours le secteur de Chivres, repousse un fort coup de main dirigé sur le village. L'officier allemand qui commande le détachement de stoss-truppen est tué devant nos lignes et l'ennemi laisse entre nos mains un prisonnier valide, ancien dessinateur à sa division. Ce prisonnier fournit de très précieux renseignements.

     

     

    Avril 1917

    Le 1er avril, le 2ème bataillon réussit à repousser une forte attaque ennemie.

    Le 62ème reste dans le secteur de Vregny jusqu'au 5 avril.

    Du 7 au 16 avril, le régiment se porte par étapes de Belleu à Lhuys; puis, du 17 au 27 avril, vers le Chemin-des-Dames.

    Les 27 et 28 avril, il relève, dans le secteur au sud d'Ailles, le régiment colonial du Maroc

     

     

    Secteur d'Ailles.

    Mai 1917

    Le 62ème occupe le secteur d'Ailles avec ses 1er et 3ème bataillons en 1ère ligne et le 2ème en soutien.

    Le 5 mai, les trois bataillons du régiment attaquent le village d'Ailles en liaison avec le 19ème R.I. à droite et le 65ème R.I. à gauche.

    A 5 h.15, tout le régiment se porte à l'attaque d'un seul élan. Il réussit à progresser jusqu'à la tranchée d'Essen capturant une centaine de prisonniers et plusieurs mitrailleuses; mais il se heurte à une défense opiniâtre d'un adversaire décidé et que notre préparation d'artillerie n'a pas suffisamment éprouvé. La 9ème compagnie qui est à gauche du régiment, en liaison avec le 65ème R. I., est arrêtée, après avoir atteint la 1ère ligne allemande, par des feux extrêmement violents de mitrailleuses.

    Le 19ème R.I. ne peut progresser. Les troupes ennemies réservées, sortant des cavernes du Dragon et de Mai, contre-attaquent violemment les deux flancs du régiment. Un violent combat s'engage avec nos unités. Celles-ci résistent énergiquement, mais, manquant de munitions; elles sont obligées de se replier sur leur parallèle de départ.

    Dans cette attaque, le régiment subit des pertes très sévères (40 officiers et 900 hommes environ).

    Dès le début de l'action, Le capitaine Le Duc, commandant la 11ème compagnie, est mortellement frappé d'une balle au coeur et tombe en s'écriant: "Pour la France !"

    Le sous-lieutenant Lebeuse, de la 3ème compagnie, est tué par l'explosion d'une caisse de grenades au moment, où, déjà blessé, on l'emportait. Il était parti à l'assaut "la pipe aux lèvres".

    Le capitaine Palaric, commandant la 2ème compagnie, est tué dans les tranchées prises à l'ennemi au moment où, avec une poignée d'hommes, et bien que menacé sur ses flancs, il tenait tête à l'adversaire. Il expire en disant à ceux qui l'entouraient: "Dites à ma mère que je meurs pour la France !".

    Des hommes, des gradés tombés au cours du combat firent preuve d'un sang-froid et d'un courage extraordinaires. Le sergent fourrier Couraut se fait remarquer par son audace et sa bravoure. A 3 reprises, sous un violent bombardement et un feu nourri de mitrailleuses, il porte à son commandant de compagnie les ordres du chef de bataillon. La dernière fois, sa compagnie étant débordée par l'ennemi, il s'ouvre un passage à coups de revolver, pour rapporter le compte rendu à son commandant.

    Le sergent Marcelli, qui est blessé au cours de l'attaque et ne veut pas rester aux mains des Allemands, réussit à rejoindre nos tranchées au prix d'efforts surhumains après être resté 2 jours et 2 nuits dans les tranchées allemandes.

    Quelques instants avant l'attaque, un soldat de la 3ème compagnie se rasa dans la tranchée de départ.

    Le 6 mai, le sergent Lebras, de la 2ème compagnie, tue un chien de liaison ennemi qui était porteur d'un ordre du général allemand et dans lequel il félicitait ses troupes pour leur belle résistance. Dans cet ordre, le général reconnaissait le beau courage des troupes bretonnes.

    Le 7 mai, le régiment est relevé par le 118ème R.I. Il se porte en 2ème ligne dans les creutes de Champagne.

    Dans la nuit du 14 au 15, les 2ème et 3ème bataillons remontent en ligne où ils relèvent le 22ème R. I. Ces bataillons sont relevés à leur tour, dans la nuit du 17 au 18 mai, par le 52ème R.I.

     

     

    De juin à août 1917

    Le 62ème quitte le secteur du Chemin-des-Dames; il se rend par étapes, dans la Somme, les bataillons faisant mouvement isolément. Le régiment reste au repos jusqu'au 23 juin dans la région de Montdidier, où il reçoit un renfort de 800 hommes. Le régiment ainsi recomplété perfectionne son instruction et s'entraîne à la guerre de mouvement.

    Du 24 au 27 juin, le régiment gagne, par étapes, le secteur de Fresnoy-Poutruel (nord-ouest de Saint-Quentin). Dans ce secteur, il a deux bataillons en 1ère ligne et un en réserve. Il occupe ce secteur jusqu'au 11 août. Le 12, le régiment est relevé et se rend, par étapes, jusqu'à Hargnicourt où il s'embarque le 25 pour Versailles. Il débarque le 27 et cantonne dans la région de Dampierre (vallée de Chevreuse).

     

     

    Secteur de La Malmaison.

    Septembre 1917

    Le 11 septembre, le régiment embarque en chemin de fer à Trappes et débarque les 13 et 14 à Longpont et Vierty, près de Soissons. Il se porte ensuite dans la direction du fort de la Malmaison.

    Dans la nuit du 17 au 18 septembre, il monte en ligne où il exécute des travaux offensifs en vue de l'attaque prochaine, travaux rendus pénibles par suite du mauvais temps et du bombardement continuel. Le 28 septembre, le régiment est relevé et va cantonner à Charentigny, où il demeure jusqu'au 6 octobre.

     

     

    Octobre 1917

    Le 7, il remonte aux creutes du Projecteur où il séjourne jusqu'au 10 octobre.

    Du 11 au 21 octobre, il occupe les premières lignes devant les carrières de Boherry (nord-ouest de Jouy) et devant le fort de la Malmaison. Il exécute dans ce secteur de nombreux coups de main qui lui procurent des prisonniers.

    Le 21, il est relevé par des régiments de la 38ème division (8ème tirailleurs, 4ème mixte et régiment colonial du Maroc) montés en secteur pour l'attaque du 23 octobre. Le régiment se porte en réserve dans les creutes de Saint-Jean et Gallieni, au sud de Sermoise.

    Pendant cette période, le chef d'escadrons de Sesmaisons, adjoint au colonel, ainsi que le lieutenant porte-drapeau Esnaud sont tués.

     

     

    Secteur de la forêt de Pinon.

    Novembre 1917

    Le 5 novembre, le 62ème fait mouvement et va camper dans un ravin entre Braye et Vuillery. Le 7 novembre, le régiment monte en secteur dans la forêt de Pinon, à l'est et à l'ouest du village de Pinon. Après 15 jours passés dans ce secteur où il subit de violents bombardements, surtout à obus toxiques, le 62ème est relevé et envoyé au repos à Septmont et Noyant près de Soissons. L'instruction de la troupe est poussée de façon intensive. Au cours de ce repos, le général Pétain décore les drapeaux des 19ème, 62ème, 118ème R.I. pour les opérations de Tahure le 25 septembre 1915.

     

     

    Secteur de l'Aisne.

    (1917-1918)

    Décembre 1917

    Le 12 décembre, le régiment reçoit l'ordre de départ. Il doit quitter momentanément la division pour faire partie du 2ème corps de cavalerie qui occupe le secteur de la forêt de Coucy.

    Le 14 décembre, le régiment quitte ses cantonnements; il défile dans Soissons passé en revue par le général de division Capdepont et se rend à Bagneux. Le régiment fait mouvement sur Sinceny où s'installe le P.C. du lieutenant-colonel Dubuisson. Le 62ème doit relever en secteur le 215ème R.I.

    Le 16 décembre, dans la nuit, le 2ème bataillon monte en ligne dans le secteur de Barizis. Le 17 décembre, dans l'après-midi, le 3ème bataillon relève à Épinoy (basse forêt de Coucy). Le 1er est placé en réserve: 1ère compagnie à Sinceny, 2 autres compagniesdans les carrières de Bernagousse, la compagnie de mitrailleuses sur les buttes de Rouy.

    Le régiment reste 31 jours en ligne.

     

     

    Janvier 1918

    Le 16 janvier, le régiment est relevé par des cavaliers du 5ème chasseurs à cheval. Il est envoyé du côté de Laffaux où, en prévision d'une attaque allemande, il exécute des travaux sur la 2ème position dans la région de Laffaux - Aizy - Jouy. Le 1er bataillon est à Selles-sur-Aisne; le 2ème bataillon est à Nanteuil-la-Fosse; le 3ème bataillon est à Vauxrezis.

    Le lieutenant-colonel installe son poste au P.C. Lorette près de Vailly.

     

     

    Février 1918

    Le 30 janvier, le 3ème bataillon, qui a été alerté, quitte Vauxrezis et cantonne le soir à Juvigny. Le 31, il se rend a Landricourt et, le 3 février, il relève des unités du 363ème R.I. Entre temps, le 1er et le 2ème bataillons ont rejoint le 3ème et le régiment se trouve regroupé.

    Le dispositif est le suivant: un bataillon à Courval; un bataillon en soutien aux creutes de Jumencourt; un bataillon en réserve au Paradis eu à Crécy-au-mont.

     

     

    Mars 1918

    Le 12 mars, le régiment est relevé par le 403ème R.I. La D.I. va au repos dans les environs de Paris, le régiment gagne cette région par étapes, sauf le 1er bataillon, qui rejoint à la Courneuve par voie ferrée, où il est employé au déblaiement de l'usine de grenades qui a sauté.

    Le 3ème bataillon cantonne à Montfermeil-Le Raincy. Le 2ème et l'E. M. sont cantonnés à Livry-Gargan.

     

     

    Grande offensive allemande du Printemps 1918.

    Lorsque les Allemands déclenchent, le 21 mars 1918, leur grande offensive contre l'armée anglaise pour la séparer de l'armée française et la rejeter à la mer, la 22ème D.I., qui vient d'être relevée dans le secteur de Luvigny, est au repos depuis le 19 mars seulement.

    Attaquée par des forces très supérieures en nombre disposant d'une très puissante artillerie, la droite anglaise fléchit sous la furieuse poussée de l'ennemi et se retire dans la direction du nord-ouest, laissant à notre aile gauche un large trou qui ouvre aux divisions allemandes la route de Paris.

    Ce trou, il faut le boucher le plus rapidement possible et endiguer le torrent humain qui semble vouloir tout submerger.

    Les régiments de la division sont aussitôt alertés, et, dans la nuit du 22 au 23 mars, embarqués en autos.

    Les 1er et 2ème bataillons du 62ème débarquent près de Grugny, au nord de Roye. Le 3ème près d'Ognolles (Somme).

    Le 19ème R. I. reçoit aussitôt la mission de se porter à l'attaque de Nesles, le 62ème R.I. doit l'appuyer et le couvrir sur sa droite. La 7ème compagnie est chargée de cette dernière mission.

    Nos fantassins se portent bravement en avant et réussissent à progresser jusqu'à 200 m. environ du château d'Erly, mais là ils sont arrêtés dans leur marche par des feux nourris et très meurtriers des mitrailleuses ennemies. L'attaque n'ayant pu réussir complétement, l'ordre est alors donné au 62ème R.I. (1er et 2ème bataillons) de se porter sur la position Crémery - cote 82- Sept-Fours et de l'organiser défensivement.

    Le 19ème R.I. vient occuper Retonvillers.

    Une liaison très précaire est établie à gauche avec quelques éléments anglais.

    Le 26 mars, vers 5 h., les Allemands déclenchent un bombardement d'une grande violence sur nos nouvelles positions qu'ils attaquent ensuite furieusement. Nos soldats se battent héroïquement. Le village de Crémery est défendu opiniâtrement. Le sous-lieutenant Lyonnet, de la 6ème compagnie, debout sur une tranchée, exhorte ses hommes à la résistance, et, lorsqu'un de ses fusiliers mitrailleurs sera blessé, il prendra lui-même le fusil de ce dernier et tirera, appuyé contre un arbre, jusqu'à ce que les vagues ennemies arrivent à moins de 30 m. de lui.

    Le sergent Couriaut, de la 2ème compagnie de mitrailleuses, fait preuve d'un sang-froid remarquable, tenant sous son feu des colonnes ennemies, il retarde leur progression, permettant ainsi le repli en bon ordre d'un bataillon. Trois fois gravement blessé à son poste de combat les 26 et 27 mars, il recevra pour sa belle conduite la médaille militaire.

    Le terrain est âprement défendu, mais la liaison avec les Anglais ayant été perdue, l'ennemi s'infiltre à nôtre gauche. Menacés d'être tournés par des forces très sérieuses, les 1er et 2ème bataillons du régiment reçoivent l'ordre de se replier sur la cote 93 (nord est de Roye).

    Ces deux bataillons exécutent leur mouvement en combattant furieusement et, par leur attitude énergique, ils réussissent à ralentir la marche en avant d'un ennemi très supérieur et déjà fortement grisé par le succès des premiers jours.

    Les 1er et 2ème bataillons gagnent Roye qu'ils mettent aussitôt en état de défense. Le 1er bataillon tient les lisières nord et est du village, à cheval sur les routes de Roiglise et de Carrepui, la 2ème compagnie à gauche, en liaison avec le 2ème bataillon, la 1ère compagnie à droite, appuyée à l'Avre, en liaison avec le 19ème R.I., la 3ème au centre. Le 2ème bataillon est à cheval sur la route nationale.

    Vers midi, les Allemands, qui ont pu atteindre les vieilles tranchées de Carrepui, déclenchent une très forte attaque sur le village.

    Dès que les fractions ennemies sont en vue, nos 1er et 2ème bataillons ouvrent sur elles un feu terrible de mitrailleuses et de mousqueterie qui cause de lourdes pertes dans les rangs adverses. Les Allemands sont arrêtés net devant Roye, mais l'arrivée de nombreux renforts leur permet de lancer plusieurs assauts successifs contre notre position. Nos héroïques soldats les repoussent tous sans se laisser entamer. Cependant, vers 14 h., l'ennemi, dont les forces affluent toujours sur le champ de bataille, réussit à déborder Roye par l'ouest. A ce moment, ne disposant plus d'aucune troupe pour arrêter ces nouvelles forces adverses qui viennent d'entrer en action, pour éviter d'être enveloppés, nos deux bataillons sont obligés de se replier. Ils exécutent leur mouvement en bon ordre, ne cédant le terrain que pied à pied.

    Un soldat de la 1ère compagnie, fusilier mitrailleur à la 1ère section, capturé ce jour-là avec quelques camarades, a certifié depuis au sous-lieutenant Le Roux qu'un officier allemand avait dit en excellent français, quelques instants après leur capture : "Vous êtes de bons soldats, vous m'avez tué beaucoup d'hommes". En gagnant l'arrière des lignes ennemies, nos quelques prisonniers ont pu se rendre compte que de nombreux cadavres allemands gisaient devant le front de leur bataillon et qu'un nombre non moins grand de blessés attendaient que leurs brancardiers viennent les ramasser.

    Dans la nuit, vers 22 h., le régiment reçoit l'ordre de se porter sur Daucourt, en suivant la voie ferrée, et d'organiser la position face à l'est. Bien qu'harrassés par deux grands jours de combats, nos soldats se mettent courageusement au travail, dès qu'ils atteignent la position qu'ils doivent détendre.

    Le 27 mars, vers 8 h., après avoir bombardé très violemment nos positions organisées pendant la nuit, les Allemands, attaquent en force Daucourt. Nos soldats se battent courageusement, mais, menacés à nouveau d'être enveloppés, nos deux bataillons qui ont subi de grosses pertes et qui n'ont pu être ravitaillés en munitions, sont obligés de battre en retraite. Malgré la grande supériorité numérique de l'ennemi, malgré la fatigue, malgré les privations, malgré le manque de munitions, nos soldats, faisant tête à l'ennemi, se replient en bon ordre, par bonds successifs, ne cédant que pied à pied le terrain, et chaque bataillon protégeant le mouvement de l'autre par ses feux. Ce repli s'exécute avec la grande route Roye-Montdidier comme axe.

    Le 28 mars, dans l'après-midi, nos deux bataillons qui en ont reçu l'ordre, se retirent sur Royaucourt et Menevillers. Là, ils reçoivent quelques munitions, se réorganisent, et le 29 mars, ils sont de nouveau rappelés dans la bataille.

    Ils se dirigent sur Cuvilly et Mortemer où ils doivent relever les troupes qui occupent ce secteur.

    Le 30 mars, au matin, au moment où ils entrent dans ce dernier village, des groupes de tirailleurs et de zouaves de la division marocaine, refoulés de Boulogne-la-Grasse, y arrivent en même temps.

    Ces derniers font connaître que les Allemands avancent en force et que la situation est très compromise. Le village de Rollot et les bois environnants sont déjà tombés entre leurs mains.

    Le lieutenant-colonel Dubuisson, qui commande le régiment, donne aussitôt l'ordre de se porter en avant pour prendre le contact de l'ennemi et tenir à tout prix Mortemer. Nos soldats se rendent compte de l'importance de la mission qui leur est dévolue. Aussi est-ce avec la ferme volonté d'arrêter l'ennemi que les 1er et 2ème bataillons gagnent rapidement la sortie nord du village. Sans perdre un instant, ils mettent aussitôt en état de défense cette localité; mais les Allemands ne leur laissent pas le temps d'achever leur travail, ils lancent une furieuse attaque pour s'emparer du village. Nos bataillons, faisant tête à l'orage, se défendent héroïquement et infligent à l'ennemi de lourdes pertes.

    Cette première attaque échoue complètement. Mais les Allemands veulent Mortemer à tout prix. Alors, sans souci des pertes, ils lancent sept attaques successives contre le village. Tous leurs efforts, tous leurs énormes sacrifices en vies humaines restent vains. Malgré leur extrême fatigue, malgré les dures privations, malgré le manque de munitions, nos soldats fidèles à leur héroïque passé et à leurs traditions font tête à l'avalanche ennemie en se battant avec la dernière énergie. Dans ces heures critiques, ils font l'admiration de tous, mais c'est que tous, chefs et soldats, se rendent compte qu'ils défendent le cœur de la France et, qu'à tout prix, il faut arrêter ce flot allemand qui semble vouloir tout submerger. Aussi, pendant 18 heures, presque; sans munitions, sans vivres, ils repousseront huit assauts furieux, menés par des troupes sans cesse renforcées et grisées par leurs récents succès. Mortemer restera entre leurs mains et, le 31 mars, les 2 bataillons pourront, non sans quelque fierté, passer à ceux venus pour les relever la position où toutes les vagues ennemies, pendant près d'un grand jour, sont venues se briser devant leur héroïque résistance.

    Les éléments restant des deux bataillons se rendent à Lataule, puis à Moyenneville. A peine installés au cantonnement, ils sont à nouveau alertés et dirigés sur la ferme de la Garenne et les bois environnants. Là, ils s'établissent, au bivouac, en réserve du 28ème corps de cavalerie.

    Quant au 3ème bataillon, qui a été alerté en même temps que les 1er et 2ème, il débarque, le 24 mars, près d'Ognolles (Somme) et est alors placé sous les ordres du lieutenant-colonel commandant le 118ème R. I.

    Il se rend à Moyencourt, pour y relever les Anglais, et organiser la défense du village.

    Dans l'après-midi, les Allemands attaquent très violemment Moyencourt; les défenseurs résistent très énergiquement pendant plus de deux heures, faisant subir de fortes pertes à l'ennemi, mais ce dernier, sans cesse renforcé, cherche à envelopper le village. Le 3ème bataillon, pour éviter d'être encerclé, est obligé de battre en retraite, il se replie sur Le carrefour au nord d'Ognolles (2 km., sud-ouest de Moyencourt), gardant le contact de l'adversaire et s'efforçant de retarder son avance. A 2 h. du matin, il se replie sur Solente qu'il organise défensivement. Très violemment attaqué dans l'après-midi, il est obligé, sous la poussée ennemie, de se retirer sur Tilloloy où il occupe les anciennes tranchées françaises au nord du village. Le 27 mars, à 5 h., l'ennemi déclenche un très violent bombardement sur les tranchées et sur Tilloloy puis, il lance une puissante attaque en cherchant à déborder la localité.

    Malgré ses lourdes pertes, le bataillon résiste énergiquement, mais, menacé d'être enveloppé il est obligé de se replier. Il se retire sur Bus et sur les bois à l'ouest en disputant âprement le terrain à l'ennemi. Sur ces dernières positions, il résiste encore pendant plus de 4 heures à toutes les attaques allemandes, les cavaliers ravitaillent en munitions les fantassins.

    Le 28 mars, vers 3 h., le 3ème bataillon passe en réserve, mais son repos est de courte durée, a 19 h., les éléments restant du bataillon prennent part à la contre-attaque exécutée par les tirailleurs, contre-attaque qui nous permet de reprendre 3 km de terrain en profondeur.

    Le 29 mars, au petit jour, le 3ème bataillon se replie et s'installe à la ferme de la Villette (nord-ouest de Rollot) qu'il met en état de défense, ainsi que la voie ferrée. La position est très violemment bombardée, le bataillon subit encore des pertes sérieuses, le chef de bataillon, le capitaine adjudant major et plusieurs officiers sont blessés. Dans la nuit, le bataillon est relevé et se rend à Mortemer.

    Le 30 mars, dans la journée, il prend encore part à l'héroïque défense du village avec les 1er et 2ème bataillons.

     

     

    Avril 1918

    Le 1er avril, le régiment est relevé.

    Après ces durs combats soutenus sans trêve ni repos, contre un ennemi très supérieur en nombre et très puissamment outillé, le 62ème R.I. est cité, pour son héroïque conduite dans ces glorieuses journées, à l'ordre du 2ème corps de cavalerie avec le motif suivant: "Le Général commandant le 2ème corps de cavalerie cite à l'ordre du corps de cavalerie le 62ème R.I. Chargé sous la conduite de son chef, le lieutenant-colonel Dubuisson, de retarder l'avance d'un ennemi sans cesse renforcé, a rempli héroïquement la mission qui lui avait été confiée en livrant des combats acharnés où il a su contenir l'ennemi sur un front constamment élargi. A mené la lutte avec une ténacité et une bravoure dignes de son passé et de ses traditions.

    Troupe d'élite qui s'est dépensée sans compter et qui au milieu de ses épreuves, a gardé intacts son sentiment du devoir, son énergie opiniâtre et sa foi robuste dans le succès. Signé: ROBILLOT."

    Le 2 et le 3 avril, le 62ème cantonne à Waque-Moulin.

    Le 4 avril, le régiment fait mouvement sur Bitry (Oise) où il doit se réorganiser. Il y demeure jusqu'au 10 avril.

    Le 10 avril, le régiment est embarqué en camions-autos, il se rend à Dhuisel où il arrive le 11. Du 11 au 17 avril, les unités du régiment sont remises à l'instruction.

    Le 17 avril, le régiment reçoit l'ordre d'aller relever dans le secteur du Chemin-des-Dames.

     

     

    Evènements du Chemin-des-Dames

    Le 18 avril, le régiment relève, dans le secteur d'Ailles, le 404ème R.I.

    Le secteur s'étend sur un front de 5 kilomètres d'Ailles inclus à Tourteron exclu.

    Les 1er et 2ème bataillons sont en 1ère ligne.

    Le 1er bataillon (commandant Verjux), à gauche, occupe l'éperon à l'est du village de Tourteron et la cuvette de Gerny, soit, à vol d'oiseau, un front de 1.600 m et, de plus de 3 km, si l'on suit la ligne de résistance en bordure du plateau, et une profondeur de plus de 1.200 m.

    Six sections des 1ère et 3ème compagnies sont réparties en G. C., au bas des pentes, adossées à un à pic, sans communication possible avec le plateau par le plus faible bombardement. Six autres sections sont réparties sur le plateau même en G.C., mais à des intervalles et à des distances telles qu'il leur sera à peu près impossible de se porter un mutuel appui en cas d'attaque sérieuse.

    Les mitrailleuses sont placées, partie au bas des pentes, partie sur le plateau. Le terrain, très bouleversé, diminue sensiblement leur champ de tir. L'action des pièces du plateau, sur les pentes, est à peu prés nulle. La liaison avec les bataillons voisins (IIème, 62ème est, à gauche, 19ème R.I.) se fait, au bas des pentes, sur la ligne de résistance. Sur le plateau la faiblesse des effectifs est telle qu'il n'y faut point songer.

    En arrière des cuvettes, c'est le vide.

    Le 2ème bataillon, capitaine Rolland, occupe, depuis 15 jours, le centre de résistance est du village d'Ailles inclus au ravin de Cerny à l'ouest.

    La parallèle de résistance (située au bas des pentes) est tenue par deux compagnies: la 6ème à droite qui a un front de 1.000 m, tient le perron est du ravin de la Bovelle. La 5ème, à gauche, qui tient un front de 1.800 mètres, occupe l'éperon ouest de ce même ravin.

    Aucune garnison ne tient le ravin de la Bovelle.

    La 7ème compagnie (réserve) occupe la parallèle de doublement à vue très limitée (elle a un front de plus de 2 kilomètres). Douze mitrailleuses sont réparties au bas des pentes. Six autres sont placées dans la parallèle de doublement.

    Le terrain est d'un cahotique sans nom depuis les bombardements du printemps 1917.

    Le 3ème bataillon (commandant Arnould) est en réserve à Pragnan et aux creutes d'Œilly.

    Le P.C. du lieutenant-colonel est aux creutes marocaines, sur un éperon situé entre les ravins de Moulin et de Troyon.

     

     

    Mai 1918

    Du 18 avril au 26 mai, les bataillons se relèvent par périodes de 15 jours en 1ère ligne, et 8 jours en réserve.

    Le secteur est calme. L'aviation ennemie est peu active. L'artillerie adverse ne tire presque pas. Toutes les reconnaissances envoyées ne signalent rien d'anormal.

    La nuit, cependant, un bruit de voitures, de trains indique une circulation intense qui, pendant les premiers jours, peut faire croire à des relèves. Ces bruits anormaux sont signalés chaque jour par le service de renseignements du régiment.

    Dans la nuit du 25 au 26 mai, la 2ème compagnie, sous les ordres du capitaine Poulain, exécute une reconnaissance dans la direction de Chanouilles. Cette reconnaissance, après avoir franchi l'Ailette, se heurte, au sud du village, à un très fort groupe ennemi qui exécute des travaux en avant de ces lignes. Cette reconnaissance engage le combat, car, il faut à tout prix des prisonniers pour nous renseigner sur les intentions de l'ennemi.

    Le sergent Chalmery, de la section du sous-lieutenant Gasdoue, se distingue entre tous. Malgré l'extrême vigilance des Allemands qui sont à la veille d'exécuter leur attaque du Chemin-des-Dames, il réussit à terrasser seul et à ramener dans nos lignes un Allemand dont la capture fournira au haut commandement des renseignements essentiels.

    Par ce prisonnier, nous saurons que les Allemands, dans la nuit du 26 au 27 mai, attaqueront nos positions après un trommélfeuer des tirs de minen et d'obus à gaz.

    Dans l'après-midi du 26, le sous-lieutenant Palud (1ère compagnie) et Hebel (3ème compagnie) parcourent les rives de l'Ailette sans trouver trace de pont. A ce moment les troupes sont alertées et l'ordre est donné de redoubler de vigilance. Les bataillons de 1ère ligne sont ravitaillés en munitions par les territoriaux. Notre artillerie exécute de 21 h. à 23 h., des tirs de contre-préparation; tout est calme du côté allemand.

     

     

    Attaque allemande du 27 mai 1918.

    Le 27 mai, à 4 h. du matin, lorsque l'attaque allemande se produit, sur le Chemin-des-Dames, elle trouve les unités du 62ème R.I., en état d'alerte, prêtes au combat depuis plus de six heures et, malgré les lourdes pertes qu'elles ont déjà subies, tout intactes dans leur volonté de défendre le terrain pied à pied.

    Depuis le 26 mai, à 19 h., toutes les troupes de garde occupent les emplacements de combat. Le 3ème bataillon réservé se porte de Pargnan à Madagascar.

    Pendant la nuit, le régiment met en œuvre tous les moyens dont il dispose pour faire échec à l'attaque annoncée. Cette dure veillée, en attendant le choc allemand, est pleine de tranquillité, chacun ayant conscience que tout le possible a été fait.

    Les Allemands gardent sur tout le front un tel calme que les bataillons de 1ère ligne s'aperçoivent peu à peu que l'attaque annoncée n'aura pas lieu: les patrouilles d'infanterie qui ont été poussées en avant du front, dès la tombée de la nuit, ne signalent aucun mouvement anormal, aucun bruit inquiétant. L'artillerie ennemie ne répond qu'assez faiblement à nos tirs de contre-préparation ou à nos tirs de harcèlement déclenchés depuis 21 h. Aucune représaille sur les positions d'infanterie.

    Le 27 mai, à une heure du matin, les Allemands déclenchent soudainement leur préparation d'artillerie. Ce tir, d'une violence inouïe, exécuté par obus de tous calibres, toxiques et autres, dure jusqu'à 3 h.50; heure de l'attaque. Tout le terrain est battu et un épais nuage rend l'observation extrêmement difficile.

    Le bombardement d'artillerie est surtout violent sur les saillants. Quant aux rentrants, ils sont beaucoup moins battus que les saillants. Les Allemands ont donc adapté le régime de leur tir de préparation offensive à la nature du terrain et à celle de la défense.

    Les observatoires, qui sont spécialement pris à partie, cessent de fonctionner presque dès le début du bombardement; il en est de même des liaisons.

    Les 1er et 2ème bataillons du régiment qui occupent un front de 5 km subissent de très grosses pertes et les demandes de barrage restent sans résultat, notre artillerie ayant été écrasée sous le feu intense de l'artillerie adverse. L'attaque de l'infanterie se produit à 3 h. 50. A ce moment, le tir qui a redoublé de violence sur les premières parallèles, s'allonge sur la ligne de soutien et la ligne des réduits qui n'ont pas cessé d'être sous le feu depuis 1 h. du matin.

    A 4 h., l'ennemi se présente devant nos réseaux avancés et aborde la position par les saillants, qu'il a violemment bombardés sans s'engager dans les rentrants où les feux convergents pourraient lui causer des pertes sérieuses. L'infanterie allemande est allégée au maximum, elle est capable d'allure très vive, en certains points pour rattraper son barrage roulant, elle marche à l'allure du pas accéléré.

    L'attaque est précédée d'un double barrage; celui sur lequel elle colle est fait par obus de 77 et de 105, l'autre, plus éloigné, est exécuté avec obus de gros calibres, 150 et 210. L'ennemi emploie aussi des obus fumigènes pour masquer la marche de son infanterie. A 4h., les Allemands ne rencontrent plus que la résistance sporadique de groupes isolés que le bombardement a épargnés et dont certains feront preuve d'une opiniâtreté énergique.

    La vallée est emplie d'une épaisse fumée, qui se dissipera un peu lorsque l'artillerie allemande aura allongé son tir. Les premiers assaillants ne sont guère discernés avant le moment même où ils arrivent sur nos groupes de combat avancés. Un peu plus tard, les occupants verront distinctement les masses ennemies qui descendront des hauteurs de la Bave, du plateau de Bièvre, des hauteurs de Lierval, ce sont de profondes colonnes par quatre qui semblent interminables.

    Pendant 3 h. et demie, les saillants ont été écrasés par un feu d'une intensité inouïe. Quelques hommes seulement tiennent encore dans les saillants d'Ailles, de la Bovelle, de Courtecon.

    Quand les Allemands arrivent devant le saillant de Courtecon, on entend à peine quelques coups de fusil. C'est par les saillants que l'ennemi monte sur le plateau, derrière son barrage roulant; il utilise à merveille les chemins creux et les escarpements qui s'offrent à son infiltration.

    Le saillant d'Ailles; tenu par la 6ème compagnie, fait feu sur toutes ses faces, l'ennemi par la Tuilerie et la route de Chermezy, vient se heurter aux lignes du 2ème bataillon; il est arrêté net par nos feux, il reflue sous les couverts et dans les fourrés. Les assaillants abordent plus facilement la pointe de la Bovelle tenue par la 5ème compagnie.

    Les défenseurs survivants sont plus rares, à peine quelques coups de feu se font entendre devant ces éperons que l'ennemi semble avoir abordé par les flancs.

    Dans le secteur du régiment, l'ennemi a suivi deux directions principales, l'une marquée par le chemin Chanouilles-Troyon, l'autre de Courtecon à l'éperon de Beaulne et Chivy. Tandis que des unités se déploient dans le sens latéral, d'autres unités ont certainement pour mission de pousser rapidement jusqu'au-dessus du ravin de Troyon et à l'extrémité de l'éperon de Beaulne et Chivy, de façon à commander de bonne heure les ravins sud et la vallée de i'Aisne.

    A 4 h.10, les Allemands arrivent par le saillant de Courtecon, à gauche du 62ème ; l'envahissement du plateau de Courtecon se fait par le village de Courtecon en direction de Cerny. Les assaillants ont utilisé les chemins creux et les escarpements de Courtecon pour prendre pied sur le plateau. Sur Ailles, tenu par les 6ème et 7ème compagnies, l'ennemi renouvelle ses assauts; les défenseurs fortement réduits, sont obligés de céder sous le nombre. Il sera difficile de se faire une idée exacte de la résistance que les Allemands auront à vaincre dans les C.R. du 62ème, surtout dans le C.R Est, tenu par la 6ème compagnie. Presque personne n'est revenu du champ de bataille où le choc a été particulièrement violent et l'assaut mené à outrance.

    De ce côté, le flot allemand grossit toujours, il réussit à faire une forte morsure au sud d'Ailles. Du monument d'Hurtebise on voit le fourmillement des vareuses grises qui, à partir de la pointe d'Ailles, se répand vers le sud et vers le Dragon.

    L'éperon de la Bovelle, tenu par la 5ème compagnie, est tombé; les rares occupants de la tranchée de l'Arc s'aperçoivent que l'ennemi, en petites colonnes, ayant escaladé les pentes de la Ferme, se déploie, puis se répand sur le plateau.

    Le P.C. Léon, 2ème bataillon, tombe vers 5 h. 45, dépassé vers le sud par le flux des ennemis qui, venant du côté d'Ailles et du côté de Cerny, vont atteindre le Chemin-des-Dames. Cependant, à cette heure on entend encore quelques-unes de nos mitrailleuses de première ligne.

    A 6 h., les Allemands dépassent la crête du Chemin-des-Dames et s'avancent, en grand nombre, vers la ligne de changement de pente sud. La ligne des réduits et la position intermédiaire ayant été presque complètement détruites, le flot allemand ne rencontre sur ces lignes qu'une faible résistance, il se répand sur le plateau de Paissy.

    Le 26 mai, le 3ème bataillon du 62ème qui est en réserve à Pragnan et aux creutes d'Œilly est alerté, le 26 au soir, pour aller occuper les creutes de Madagascar au flanc de Bourg-et-Comin. A partir de 1 h. du matin, les Allemands dirigent sur la sortie de ces creutes un violent tir d'interdiction par obus explosifs et toxiques. Dans la matinée, le 3ème bataillon déploie ses compagnies aux entrées des creutes et sur le plateau. Celles-ci ouvrent le feu sur l'ennemi qui a pris pied sur la montagne de Bourg-et-Comin. Mais bientôt, le dernier bastion, au nord de l'Aisne, va être tourné et envahi; déjà les Allemands l'abordent par l'ouest. Le commandant du bataillon envoie l'ordre de repli en direction de Bourg-et-Comin.

    La 11ème compagnie assure le repli, d'autres groupes font tête et tirent de toutes leurs armes. Le dévouement de ces braves permet le mouvement de retraite, il se fait par l'ouest, par le ravin du moulin, où le bataillon laisse la moitié de son effectif, car l'ennemi tient ce ravin sous son feu. Cette belle défense de la montagne de Bourg-et-Comin permet à nos convois de passer l'Aisne. Les trains du 19ème R.I., sans elle, tombaient aux mains de l'ennemi.

    A 9 h., les Allemands poussent à force vers l'Aisne. Ce sont des colonnes compactes et cependant très souples, très hardies dans leur mouvement; déjà elles sont animées par l'évidente certitude du succès; sur nos groupes qui résistent ou se replient passent des rafales de balles, des avions allemands volant très bas les mitraillent.

    Du côté de Beaurieux, cette avance a été très rapide, de même à l'ouest, les Allemands se sont avancés de très bonne heure sur le plateau formant bastion entre le ravin d'Ostel et le ravin de Brage-en-Lannois. A 8 h., ils étaient à peu près à hauteur de la ferme de Soupir. Entre ces deux branches de tenailles, sous la forte poussée qui a crevé le front du 62ème et du 19ème, se replient quelques groupes qui brûlent leurs dernières cartouches. De puissants tirs d'interdiction battent les routes de la vallée et les ponts de l'Aisne. L'avance des troupes ennemies a, à ce moment, l'allure d'une ruée en belle ordonnancé. A 10 h., quelques groupes du 62ème disputent à Œuilly le passage des ponts. Ce sont des hommes exténués, dont les cartouchières sont presque vides. Jusque vers 11 h.30, ces éléments resteront sur l'Aisne. Vers midi, ils se replient sur Barbonval jusqu'à ce que leur parvienne, dans l'après-midi, l'ordre de regroupement.

    Les éléments restant du régiment se dirigent alors sur Tannières, que les Allemands enlèvent, le 28 mai, à 8 heures du matin, puis sur Villemoyenne et sur Mezy, le 29, où ils assurent la défense du pont sur la Marne.

    Pendant cette dure journée du 27 mai, le régiment, par sa remarquable attitude, a rempli entièrement, simplement et héroïquement la mission de sacrifice qui lui avait été confiée.

    Le lieutenant-colonel Dubuisson, fait prisonnier, a appris, d'un officier allemand, que les objectifs de l'ennemi étaient pour la journée du 27:

  • 9 h.: l'Aisne.

    16 h.: Nesles, près Fère-en-Tardenois.

  • Les attaques des 21 mars et 27 mal avaient été préparées, pendant de longs mois, dans les camps d'instruction par des troupes dont avaient été éliminés les éléments trop jeunes ou trop vieux

    Les bruits de takots ou de trains sur voie étroite, que le service de renseignements régimentaire signalait depuis un mois, étaient produits par d'énormes chariots automobiles, dont les roues p métalliques, très larges et hautes, produisaient, par le choc sur le sol, un bruit analogue à celui de wagons sur les intersections de rails. Ils transportaient 4 canons de 105 (2 sur la plate-forme du chariot et 2 traînés derrière).

    L'ennemi connaissait parfaitement notre organisation (le commandant Verjux, fait prisonnier, a vu son plan directeur), notre faiblesse.

    Il amena ses munitions en moins de 20 jours. En quatre jours, 7.000 pièces auraient été concentrées pour l'attaque. Dans le bois de Neuville seul, il y avait 24 batteries.

    L'ennemi aurait attaqué sur le front des 3 régiments de la 22ème D.I. avec cinq divisions.

    Le 30 mai, à 15 h., un ordre de la division prescrit aux fractions regroupées du 62ème d'aller prendre position à Cresanay. Ces fractions y restent en réserve jusqu'au 2 juin.

     

     

    Juin 1918

    Le 3 juin, le régiment est enlevé en autos à Condé-en-Brie et transporté à Marsains. Le 4 juin, il fait mouvement par voie de terre et arrive le 6, à Saron-sur-Aube.

    Le lieutenant-colonel Javel prend le commandement du régiment.

    Le 10 juin, le 62ème est renforcé en cadres et en hommes par le 6ème bataillon du 252ème R.I.

    Les 14 et 15 juin, le 62ème R.I. s'embarque en gare de Romilly-sur-Seine et débarque le 15 et le 16 au Thillot (Vosges),où il cantonne ainsi qu'à Fraysse-sur-Moselle (2ème et 3ème bataillons). Les 17 et 18 juin, les officiers font des reconnaissances dans le secteur de la Thur (région du ballon de Guebwiller et du Sudel).

    Du 19 au 21 juin, les bataillons du régiment relèvent ceux du 97ème R.I. au Grand Ballon et dans la région des Sudel.

    Le 2ème bataillon du 139ème R.I.U.S. avec une S.M.U.S. est rattaché au 62ème.

    Le 24 juin, un de nos postes mixtes fait connaître que le réseau de fil de fer ennemi est traversé par un courant à haute tension; un soldat américain a été électrocuté en abordant le réseau.

     

     

    Juillet - août 1918

    Les 1er et 2 août, les 1er et 3ème bataillons sont relevés par le 118ème; ils vont au repos à Wesserling-Husseren.

    Dans la nuit du 13 au 14, le 1er bataillon relève, dans le quartier Collardelle, le 2ème bataillon qui se rend au repos à Wesserling-Husseren. Dans la nuit du 26 au 27 août, le 2ème bataillon relève dans le quartier des Dames, un bataillon du 19ème R.I.

    Le régiment reste en Alsace jusqu'au 27 août 1918. Dans ce secteur, il exécute de nombreuses patrouilles et ces nouveaux éléments reprennent tout l'allant et le mordant que leurs aînés ont montré en maints combats et tout récemment en mars 1918 dans la Somme pendant la grande offensive allernande où ils ont fait subir à l'ennemi de très lourdes pertes surtout à Mortemer.

     

     

    Septembre 1918

    Le 3 septembre, le 62ème, qui a été embarqué à Mortzwiller, débarque à Blesmes et va cantonner à Thierlemont-Faremont-Orconte.

    Du 5 au 18 sept., le régiment exécute des exercices et manœuvres en vue de la grande offensive qui doit commencer à la fin septembre.

    Du 19 au 24 septembre, le régiment gagne par étapes, exécutées de nuit, son secteur d'attaque. Le 25 septembre, le régiment est sur ses parallèles de départ, à l'ouest de la butte de Souain, attendant l'heure de l'attaque.

     

     

    Offensive finale de l'automne 1918.

    en Champagne

     

    Le 15 juillet 1918 marque le dernier stade de la grande offensive allemande commencée au printemps, contre nos alliés, à Saint-Quentin.

    Ecrasée en Champagne, le 15 juillet, l'armée allemande voit son "offensive de paix'' échouer et elle est obligée de passer à la défensive.

    Notre glorieuse contre-offensive commence le 18 juillet, elle ne s'arrêtera plus avant que l'ennemi ait déposé les armes.

    L'état moral du soldat allemand faiblit de jour en jour, la confiance en ses chefs diminue, il n'éprouve plus le même désir de vaincre. D'individuelles, les défaillances deviennent collectives et de plus en plus fréquentes. Si le haut commandement allemand se rend parfaitement compte de cette situation lamentable, les nôtres ne l'ignore pas. Aussi va-t-il demander à nos soldats un effort prodigieux et constant qui rejettera l'armée allemande sur la rive droite de la Meuse, et l'obligera, le 11 novembre, à demander l'armistice pour sortir d'une situation sans issue.

    Notre IVème armée, qui a arrêté net l'attaque ennemie du 15 juillet, va à son tour prendre l'offensive.

    Les lignes allemandes, que nous n'avons pu forcer en septembre 1915, seront brisées, malgré leur valeur défensive et la résistance énergique d'un adversaire qui sent tout le prix qu'il doit mettre à ne point laisser enfoncer son centre avant que le repli de ses ailes ne soit suffisamment accentué et qui, en outre, tient à sauver la plus grande partie des nombreux approvisionnements de toutes sortes qu'il a accumulés dans cette région.

     

    La 22ème D.I., dont les régiments viennent d'être exercés à la guerre de mouvement, aux environs de Vitry-le-Francois, quitte ses cantonnements, dans la nuit du 18 au 19 septembre, et, par des marches de nuit, gagne la région de Suippes, puis celle de Souain, où elle doit prendre part à l'offensive d'ensemble exécutée par la IVème armée avec des moyens puissants et dont le but est de rompre le front ennemi, puis de passer à une exploitation aussi rapide que possible du succès.

    Dans la nuit du 24 au 25, le 62ème (1er et 2ème bataillons) quitte le camp de Nantivet, où il est arrivé à la pointe du jour, pour gagner son secteur d'attaque, au nord-est de Souain.

    Vers 20 h., lorsque les bataillons commencent leur mouvement, les aviateurs allemands bombardent le camp de Nantivet et la gare de Suippes; l'artillerie lourde allemande ouvre aussi le feu sur cette dernière localité. Les 1er et 2ème bataillons quittent rapidement cette zone dangereuse, pour se porter, à travers champs, dans le secteur qui leur a été assigné.

    Le 3° bataillon est déjà, depuis la nuit précédente, sur ses positions.

     

     

    PHYSIONOMIE DU TERRAIN

    Le terrain à conquérir a une largeur de 2 km sur une profondeur de 9 à 12 km.

    Il se présente, tout d'abord, sous l'aspect d'un glacis assez raide, formée par les pentes sud de la butte de Souain et de la cote 185 - ferme Navarin. Une fois cette crête franchie, le terrain s'abaisse vers le nord, en cuvette légèrement ondulée en son milieu, de l'est à l'ouest, par la route et la voie ferrée de Chaleranges à Saint-Souplet et la rivière de la Py, pour se relier ensuite aux crêtes du Blanc-Mont, et aux crêtes 210 et 206, par une série d'ondulations boisées.

    Les organisations ennemies comportent deux zones:

  • 1° La zone de combats dite "avancée", au sud de la ligne générale vallée de La Py, englobant la presque totalité de l'artillerie ennemie;

    2° La zone de combats arrière au nord de la vallée de la Py.

  • La zone de combat avancée comprend trois lignes principales de résistance:

  • 1° Ligne d'arrêt de la zone avancée;

    2° Ligne de grand combat;

    3° Ligne des réserves.

  • La ligne de grand combat comprend une série de tranchées profondes protégées par un épais réseau.

    Dans la zone de combat arrière, plusieurs lignes de tranchées s'échelonnent sur les pentes et à contre-pente des crêtes au nord de la Py, flanquées par le village de Somme-Py, couvertes par la rivière et de bons réseaux. Cette ligne constitue aussi un obstacle très sérieux. De nombreux abris sont disséminés sur les contre-pentes.

    En face de nous, la 200ème D.I., encadrée à droite par la 3ème division de la Garde, tient les positions ci-dessus.

    Les Allemands connaissent l'imminence de notre attaque de grand style. En prévision, ils ont amené, dans la région de Machault, au moins deux divisions d'intervention (15ème et 7ème ).

    L'artillerie de secteur a été renforcée. Le général commandant la 200ème D.I. a indiqué nettement à ses troupes qu'elles doivent maintenir, à tout prix la première ligne de résistance principale. Il faut, dit-il dans son ordre, faire entrer dans le cœur et le sang des hommes la ferme volonté de maintenir cette ligne, même devant l'attaque d'un ennemi supérieur en nombre.

    Le 23 septembre, le général commandant la 20ème brigade prescrit en outre que l'organisation de la 1ère ligne de résistance principale soit poussée avec la dernière énergie et exécutée sous la surveillance d'officiers qui dirigeront continuellement le travail.

    Ce sont ces solides positions, tenues par des troupes qui ont l'ordre de résister coûte que coûte, que la 22ème D.I. reçoit l'ordre de forcer et d'enlever.

    Le 62ème régiment de droite de la division, encadré, à gauche, par le 19ème R.I. et, à droite, par le 409ème R.I. (de la 167ème D.I.) reçoit la mission d'enlever, sur un front d'attaque de 800 m, les très fortes positions allemandes, puissamment organisées, comprenant:

  • 1° Une ligne d'arrêt d'avant-poste (ancienne position française);

    2° Une ligne de grand combat constituée par la Butte de Souain et la croupe qui la prolonge à l'ouest. Cette position, comprenant plusieurs lignes de tranchées, est la ligne principale de résistance que l'ennemi doit maintenir à tout prix;

    3° Une bretelle, qui court parallèlement à la voie ferrée, et constituée par une tranchée non continue, mais profonde et couverte par plusieurs réseaux;

    4° Une zone de combat arrière constituée par plusieurs lignes de tranchées (tranchées de Mecklembourg, tranchée des Prussiens, tranchée von Fleck, tranchée d'Essen), s'échelonnant sur les pentes et à contre-pente des crêtes au nord de la Py, flanquée par le village de Somme-Py, couverte par la rivière et de très bons réseaux.

  • L'attaque doit se faire en deux phases:

  • 1ère phase: Enlèvement des objectifs au sud de la Py.

    2ème phase: Enlèvement des objectifs au nord de la Py.

  • Dans la nuit du 25 au 26, les bataillons gagnent leurs emplacements de départ.

    A 23h.30, notre artillerie déclenche soudainement son tir de préparation; en quelques secondes tout le front de la IVème armée; est complètement embrasé; on ne s'entend plus à quelques pas de distance.

    Des artilleurs allemands, faits prisonniers, diront que la préparation française a été exécutée avec beaucoup de vigueur et de précision.

    Le 26 septembre, le régiment se porte à l'attaque d'un seul élan, ses bataillons échelonnés en profondeur dans l'ordre suivant:

  • Bataillon de tête: bataillon Maffre (3ème).

    Bataillon de 2ème ligne: bataillon Roux (2ème).

    Bataillon de 3ème ligne: bataillon Rouis (1er) en réserve d'I.D.

  • Malgré un brouillard très épais qui rend l'orientation extrêmement difficile, le bataillon de tête s'empare de la ligne d'arrêt des avant-postes, mais là, l'ennemi qui s'était terré pendant notre préparation d'artillerie et avait de ce fait peu souffert, lui oppose une vigoureuse résistance.

    Les défenseurs de la butte de Souain prennent d'enfilade les éléments des compagnies de 1ère ligne. Malgré ces feux de flanc, le bataillon de tête progresse sensiblement, facilitant ainsi la tâche du bataillon du 409ème qui a comme objectif là butte de Souain.

    Pendant cette journée, nous enlevons la ligne de crête marquée par la butte; nous capturons environ 120 prisonniers dont 10 officiers et nous nous emparons d'une trentaine de mitrailleuses, de fusils anti-tanks, de quelques minen légers et d'une quantité considérable de caisses de cartouches pour mitrailleuses.

    Dans la soirée, l'ordre suivant de la division parvient au régiment:

    " Le principal obstacle à la progression est, actuellement, l'occupation par l'ennemi de l'éperon boisé du Grand-Bois et du bois P.8., d'où partent de nombreux tirs de mitrailleuses enfilant les ravins de Sachsen Grund et du Kluck Grund.

    La 22ème D.I. doit poursuivre son attaque de manière à atteindre l'objectif éventuel qui lui a été assigné: Chemin Ste-Marie-à-Py à Somme-Py".

    Conformément à ces ordres, l'attaque est reprise le 27 dès le matin.

    Le bataillon Roux (2ème) qui était en 2ème ligne, entre en action; après une lutte opiniâtre, contre un ennemi bien décidé à se défendre et appuyé par de nombreuses mitrailleuses et minen, il enlève les dernières tranchées de la ligne de grand combat et le Grand Bois.

    Le 409ème peut alors progresser sur la butte de Souain et s'en emparer.

    Au cours de cette opération, nous capturons encore plus de 40 prisonniers dont 2 officiers; nous nous emparons, en outre, d'une dizaine de mitrailleuses, d'un nombreux matériel, d'une grande quantité d'obus, de grenades, cartouches et d'une pièce de 77 abandonnée par l'ennemi.

    Dans l'après-midi, les 2ème et 3ème bataillons, aidés par une section de chars d'assaut, cherchent à progresser, à la grenade, dans la tranchée de Stuttgard. La progression est rendue très difficile par le grand nombre de mitrailleuses et de minen légers en position dans la tranchée. L'ennemi tient en force sur ce point et nos grenadiers ont fort à faire pour le déloger; mais rien n'arrête leur élan. Le soldat Cinzele, un magnifique nègre Martiniquais, est parmi les plus ardents de ces combattants qui tiennent la tête de notre avance. Il mène un vigoureux combat à la grenade pour s'emparer du blockhaus situé sur la route au sud de Somme-Py. On l'envoie chercher des grenadiers en renfort pour remplacer plusieurs hommes hors de combat. En partant, il a la cuisse droite traversée par une balle; sa blessure saigne abondamment, mais il ralentit à peine sa course. Après un parcours de plus de 100 m, il arrive à la section de réserve et s'effondre épuisé devant le chef de cette section à qui il dit: "Adjudant, moi y en a bien blessé, mais toi, envoie vite grenadiers ".

    Après un très dur combat, la tranchée est enfin enlevée et la 7ème compagnie parvient même à nettoyer, vers l'ouest, 200 mètres de cette tranchée de Stuttgard, dans le secteur du 19ème R.I., lui facilitant ainsi la possession de cet objectif.

    Notre avance permet également au 409ème R.I. d'utiliser le boyau du Château et de passer par la tranchée de Stuttgard pour aller nettoyer et occuper, à son tour, son objectif: la tranchée de Cassel.

    Nous faisons, au cours de cette progression, environ 60 prisonniers, dont un officier; nous nous emparons de 6 mitrailleuses lourdes, de 13 mitrailleuses légères et de 7 minen.

    A 16 h., le bataillon Rouis (1e), dépassant les bataillons de 1ère ligne, progresse sans arrêt sous le feu extrêmement violent de l'artillerie et des mitrailleuses ennemies, jusqu'à la route de Somme-Py-Tahure.

    A partir de cet endroit, il mène de très durs combats à la grenade dans les boyaux, enlevant un à un les groupes ennemis qui opposent une sérieuse résistance et arrive à une centaine de mètres au sud de la voie ferrée : Somme-Py - Challerange. Dans la soirée le commandant de ce bataillon rend compte qu'un fort groupe allemand, appuyé par de nombreuses mitrailleuses, qui tient le passage en dessous de la voie ferrée le gênera tres sérieusement le lendemain dans sa marche en avant. Il forme alors le projet de l'enlever le 28 avant la pointe du jour pour s'ouvrir la porte au delà de cette voie ferrée.

    Le 28 septembre, vers 5h.30, après une vive et rapide lutte les éléments allemands sont enlevés comme il avait été prévu. Ce hardi coup de main fait tomber entre nos mains 2 officiers, 30 hommes et 8 mitrailleuses. Les Allemands capturés sont tous ahuris de la rapidité de l'attaque, et l'un des officiers pris déclare immédiatement que l'infanterie française s'est portée à l'assaut avec beaucoup d'habileté et de décision.

    Devant ce succès, le commandant du bataillon, croyant pouvoir avancer avant l'heure prévue pour l'attaque (7h.30), demande à progresser par l'envoi de plusieurs fusées. Satisfaction lui est aussitôt donnée.

    Ce bataillon, sans l'appui de l'artillerie, traverse les marécages de la Py et franchit, après les avoir cisaillées, les défenses accessoires qui bordent cette rivière; il enlève la tranchée de Mecklembourg et la tranchée des Prussiens, fortement occupées, s'empare d'une batterie de 77, du commandant de la batterie, de 10 servants et d'une quarantaine d'autres prisonniers ainsi que d'une vingtaine de mitrailleuses.

    Pendant que le bataillon Rouis progresse au nord de la voie ferrée Somme-Py - Challerange, les bataillons de 2ème ligne avancent sous un tir d'artillerie extrêmement violent, réglé par avions. Sous ce feu intense d'artillerie lourde, qui dure plus d'une heure, les pertes subies par ces bataillons, dans le boyau du Château et aux alentours du château, sont très sévères.

    A ce moment, le P.C. du lieutenant-colonel commandant le 62ème R.I. est installé au passage en dessous de la voie ferrée; les éléments de tête du 403ème R.I. atteignent seulement cette voie et ceux du 19ème R.I. les lisières sud de Somme-Py.

    Malgré cette position très en flèche, les fractions du bataillon (2ème compagnie), entraînées par leur ardeur, poussent jusqu'au Kaiser-Treu où elles prennent une batterie de 105 qu'elles ne peuvent conserver.

    Vers 9h.30, une contre-attaque ennemie ramène du Kaiser-Treu nos reconnaissances sur la tranchée d'Essen et réussit même à pénétrer, en certains points, dans cette tranchée, nous refoulant sur la tranchée des Prussiens en même temps que l'ennemi, qui tenait la tranchée des Prussiens dans le secteur du 409ème R.I. et du 19ème R I., repoussait nos flancs sur l'objectif éventuel.

    Une contre-attaque immédiate, exécutée par notre compagnie de 1ère ligne, nous rend la tranchée des Prussiens intégralement dans notre secteur.

    A 14h., l'ennemi exécute une 2ème contre-attaque qui lui permet de prendre à nouveau pied dans la tranchée des Prussiens. Nos troupes contre-attaquent aussitôt et rejettent les Allemands au nord de cette tranchée. L'ennemi laisse sur le terrain 1 officier, 1 sous-officier et une vingtaine d'hommes. .

    Enfin, à 19 h., l'ennemi déclenche une 3ème contre-attaque qui est repoussée par nos feux.

    Le 28 septembre, dans la soirée, le général Spire, commandant la 22ème D.I., adresse au général Braquet, commandant l'I.D., la lettre suivante:

    " Je vous prie de faire parvenir mes félicitations au lieutenant-colonel Javel. Son régiment a fourni, depuis le début, un effort superbe. C'est grâce à lui que nous pouvons progresser. Il faut l'aider par tous les moyens."

    Le 29 septembre, à 4 h. du matin, une tentative de notre part est faite pour nous rendre maîtres de la tranchée d'Essen. Nous réussissons à progresser par une attaque de boyaux et de tranchées à la grenade, mais nos efforts ne peuvent être poursuivis bien longtemps, le 409ème R,I. à notre droite n'ayant pas reçu l'ordre d'attaquer et le 19ème R.I. à notre gauche n'ayant pu aller au-delà de la tranchée des Prussiens, qui ne lui appartenait qu'en partie, du reste, dans son secteur. Nous ramenons deux prisonniers, nos grenadiers ont tué six Allemands.

    Pendant ces quatre journées de durs combats, l'ennemi a fait une résistance acharnée sur la croupe à l'ouest de la butte de Souain, dans la tranchée de Stuttgard, à la voie ferrée de Somme-Py, sur sa 2ème position, au nord de la Py, ne cédant le terrain que pied à pied, le 62ème a réalisé une avance de près de 8 km. Il a fait en outre 302 prisonniers dont 10 officiers (chiffre inférieur au nombre réel, certains d'entre eux ayant été renvoyés en arrière sans passer par l'officier de renseignements), s'est emparé d'une centaine de mitrailleuses, de 6 canons de 77, d'une vingtaine de minen, dont 4 de gros calibré, et d'une grande quantité de munitions et d'obus.

    Pendant le cours de ces combats, de nombreux gradés et soldats font preuve d'un courage et d'une bravoure dignes d'éloges.

    Le soldat Douguet se distingue particulièrement. Le 28 septembre, lors d'une contre-attaque allemande, il se porte résolument en avant, entraînant ses camarades, puis, par un combat acharné à la grenade, reprend le terrain momentanément perdu et sur lequel une batterie de 77 était installée.

    Le lieutenant Chazette contribue aussi grandement, par son énergie, à la conservation du terrain conquis. Ses munitions étant épuisées, il n'hésite pas à charger à la baïonnette un ennemi nombreux et abondamment pourvu de grenades.

    Le sergent Chorel, de la 2ème compagnie, se porte, à la tête de sa demi-section, sous une pluie de balles de mitrailleuses, à l'assaut d'un élément de tranchée ennemie, s'en empare, tuant ou capturant tous les défenseurs.

    Le soldat Glouet, de la 7ème compagnie, dont le caporal a été tué au cours d'un combat à la grenade, prend le commandement de ses camarades, continue la lutte et réussit à s'emparer d'un fortin garni de mitrailleuses.

    Le sergent Paulet, de la 10ème compagnie, dont le chef de section a été blessé, prend le commandement de son unité, reprend la marche en avant, attaque et réduit un nid de mitrailleuses, capture 50 Allemands et 6 pièces.

    Le sergent Guilhem, de la 3ème compagnie, véritable entraîneur d'hommes, toujours à la 1ère place, s'empare, le 27 septembre, après une lutte acharnée à la grenade, d'un fortin ennemi où il fait 20 prisonniers dont un officier.

    Le clairon Jule, de la 5ème compagnie, d'une bravoure exemplaire, entre le premier dans une tranchée allemande, blesse plusieurs adversaires qui voulaient lui barrer la route et, au moment où un groupe voisin bat en retraite, monte sur le parapet et met hors de combat un officier ennemi qui s'avançait sur lui.

    Le sergent Syphal, de la 11ème compagnie, se lance sous une pluie de balles à l'assaut d'une mitrailleuse ennemie qui arrête l'avance de sa compagnie, la réduit au silence, par un vigoureux combat à la grenade, et met en fuite les servants.

    Le soldat de 1ère classe Lollier, de la 11ème compagnie, déjà 4 fois cité à l'ordre, se fait admirer de tous le 26 septembre.

    Voyant sa section arrêtée par les feux nourris de mitrailleuses ennemies, il se porte seul en avant sous une grêle de balles, fixe la garnison par le feu de son fusil-mitrailleur, permettant ainsi à un groupe de grenadiers de s'emparer du nid de résistance et, à sa section, de continuer la marche en avant.

    Pendant cette période, les pertes du régiment ont été les suivantes:

    Officiers: tués, 4, blessés, 12; évacués, malades et gazés, 2; en tout, 18,

    Troupe: tués, 75; blessés, 288; disparus, 96; évacués, malades et gazés, 29; en tout, 488.

    Les 3 bataillons du régiment sont relevés les 29 et 30 septembre par le 265ème R.I. Le 62ème se porte en 2ème ligne où il bivouaque sur ses emplacements de départ du 26 septembre.

    Le régiment, qui a fourni depuis le début un effort superbe, est félicité par le général commandant la division.

    Du 30 septembre au 2 octobre, le régiment se reconstitue et se prépare à reprendre bientôt le combat.

     

     

    Attaques du Grand bois de Somme-Py, du Blanc-Mont

    et de Saint-Etienne-à-Arnes.

     

     

    Octobre 1918 

    Dans la nuit du 2 au 3 octobre, la 22ème D.l., rassemblée au sud de Piémont, reçoit l'ordre de se porter en soutien de la 21ème D.I., dans la région nord-ouest de Souain.

    Le 3 octobre, le 62ème R.I., régiment de droite de la D.I., va occuper, ses bataillons échelonnés en profondeur, les ouvrages suivants (à l'ouest de la route: Souain-Somme-Py):

  • - Bataillon de tête, bataillon Maffre (3ème) tranchée de Gottinguen et le Bois tondu.

    - Bataillon de 2ème ligne, bataillon Rouis (1er): tranchée Karlsruhe et Saintas.

    - Bataillon de queue, bataillon Roux (2ème): tranchée de Schwerin.

  • Dans la nuit du 3 au 4, il reçoit l'ordre de se porter sur Somme-Py, puis d'attaquer, face à l'ouest, à 9 h. 50, le grand bois de Somme-Py et de progresser ensuite, face au nord, avec, comme objectif final, la route de Saint-Etienne.

    Cette manœuvre sera particulièrement difficile à réaliser en raison de l'occupation très solide de Blanc-Mont par les Allemands et du changement de direction qu'il faudra exécuter, au milieu des bois très touffus qui couvrent un terrain parsemé de défenses accessoires de toutes sortes et cela, sous le feu d'une artillerie ennemie vigilante et le tir de mitrailleuses invisibles. Mais là encore nos soldats se montreront dignes des journées précédentes.

    Le 4 octobre, à 9h.50, le bataillon Maffre (3ème), prenant pour base de départ le boyau de Passau et encadré par la 2ème D.I.U.S. à droite, par le 118ème R.I. à gauche, se porte à l'attaque de la partie ouest du grand bois.

    Sa progression est rendue extrêmement difficile par la présence de nombreux nids de mitrailleuses dissimulés dans les bois épais ainsi que par de sérieux réseaux de fil de fer absolument intacts.

    La lutte est chaude car l'adversaire se défend courageusement; néanmoins, après un combat de plus de 3 h., le bataillon parvient à gagner la lisière ouest du grand bois et à s'emparer, au cours de son avance, de 2 pièces de 77.

    A 16h.10, ce bataillon exécute, sous la protection de ses sections de mitrailleuses, une conversion face au nord - nord-ouest pour se placer face à son 2ème objectif (la route de Saint-Etienne à Saint-Pierre).

    L'exécution de ce mouvement est rendue fort difficile par les feux très nourris de mitrailleuses, partant de nombreux îlots de résistance installés sur le Blanc-Mont, par une grande activité des minen et, enfin, par un violent bombardement par obus de tous calibrés.

    Malgré les difficultés de toutes sortes auxquelles il a à faire face, le bataillon engage un violent combat qui lui permet de progresser, malgré la ténacité de l'ennemi. Il réussit à s'emparer de 4 pièces de 105, d'une trentaine de mitrailleuses et à capturer une cinquantaine de prisonniers.

    A ce moment, le bataillon, qui aurait dû avoir à sa droite et à sa hauteur la 9ème D.I.U.S., cherche vainement la liaison avec le régiment de gauche de cette unité.

    Pour éviter d'être trop découvert sur son flanc droit, il est obligé de s'arrêter à hauteur du parc du génie. D'ailleurs de nombreux groupes de combat ennemis tiennent encore le Blanc-Mont et il faudra les réduire avant de se porter à nouveau en avant, pour éviter la désagréable surprise des coups de feu dans le dos.

    Le bataillon Rouis, qui, depuis le début de l'attaque, a marché derrière le bataillon Maffre, est alors engagé; il procède aussi, de son côté, à la réduction des îlots de résistance du Blanc-Mont. Il capture, vers 23 h., 69 prisonniers, dont 2 officiers, 1 aspirant, et s'empare de 14 mitrailleuses.

    L'adjudant Canevet, de la 1ère compagnie, se fait particulièrement remarquer pendant le cours de cette opération de nettoyage: "Chargé de maintenir la liaison entre deux éléments de son bataillon, il n'hésite pas, pour mener a bien sa mission, a attaquer, avec un sergent et six hommes, un fort détachement ennemi; il réussit à lui capturer 50 prisonniers, dont 2 officiers et 14 mitrailleuses ".

    Le bataillon Roux, qui était, jusqu'à ce moment, resté en réserve de D.I., est mis à la disposition du lieutenant-colonel commandant le régiment. Ce bataillon se porte à la gauche du bataillon Maffre, de façon à combler le vide qui s'était produit, en fin de journée, entre le régiment et le 118ème R.I. à notre gauche.

    Il passe la nuit dans la tranchée de Saint-Pierre.

    Le 5 octobre, à 6 h.15, les bataillons Roux et Maffre (2ème et 3ème) reprennent le mouvement en avant. Les dernières résistances rencontrées sont réduites. Une dizaine de prisonniers sont capturés ainsi qu'un matériel considérable (mitrailleuses, minen, fusils contre tanks, obus, cartouches et un important dépôt de matériel du génie).

    A 9 h., le bataillon Maffre arrive en bordure du chemin de terre (est-ouest) situé à 200 m. environ sud-ouest de Saint-Etienne à Arnes. A 9h.45, il reçoit l'ordre d'étendre sa droite, autant qu'il le faudra, pour réaliser la liaison avec les Américains, dont les éléments de tête étaient, d'après des renseignements inexacts fournis par la D.l.U.S., parvenus à hauteur et à l'est de Saint-Etienne

    N'apercevant, ni dans le village, ni à l'est de ce dernier, les éléments américains annoncés, le commandant du 3ème bataillon lance, dans la partie ouest de la localité, ses éléments avancés; mais ceux-ci, pris à partie, au moment où ils vont aborder Saint-Etienne, par des feux nourris de mitrailleuses et soumis, en outre, à un sérieux bombardement de l'artillerie ennemie, se replient jusqu'à la voie ferrée de 0,60m, où ils s'étaient précédemment établis.

    Le bataillon Roux s'installe, à partir de 9 h., sur la rive sud de l'Arnes, à l'ouest du village.

    Les mitrailleuses situées dans ce dernier, dans le cimetière, et surtout dans les abris bétonnés au sud-est du cimetière, ainsi que celles qui couronnent les crêtes au nord et au nord-est du village, balaient, sans arrêt, le grand glacis occupé par les bataillons. L'artillerie ennemie est aussi très active. Nous subissons des pertes très sensibles.

    Le bataillon Rouis, qui s'est porté à hauteur de la cote 142 (2 km. sud-ouest de Saint-Etienne), se trouve, lui aussi, exposé aux tirs continus de l'artillerie adverse.

    Saint-Etienne est donc toujours aux mains des Allemands et, tant qu'il y restera, aucune liaison ne sera possible avec nos alliés.

    Bien que cet important village ne soit pas dans notre zone d'action, on attaquera et on le prendra, car il nous interdit, par ses feux de flanc, toute progression en avant.

    Le 6 octobre, à la pointe du jour, le bataillon Maffre attaque Saint-Etienne. Il réussit à occuper ses issues nord et nord-ouest, y fait une dizaine de prisonniers et capture plusieurs mitrailleuses.

    Au cours de la matinée, le bataillon Roux, qui est à notre gauche, pousse des patrouilles en avant de son front pour rechercher la liaison avec les unités du bataillon Maffre qui ont pénétré dans Saint-Etienne.

    Ces patrouilles se heurtent à l'ennemi, l'attaquent, le repoussent et lui font 23 prisonniers, dont 3 sous-officiers.

    Vers 15 h. 30, l'artillerie adverse ouvre violemment le feu sur la partie du village que nous occupons et, vers 16 h., l'infanterie ennemie, s'infiltrant par le nord et par le nord- est de Saint-Etienne, réussit à rejeter nos éléments qui s'y trouvaient.

    Le commandant Roux, s'apercevant de ce repli, fait exécuter, avec ses éléments disponibles, une contre-attaque pour reprendre le village. Cette contre-attaque, menée avec rapidité et entrain, réussit parfaitement; l'ennemi laisse entre nos mains: 37 prisonniers, 5 mitrailleuses lourdes et 6 mitrailleuses légères.

    Quelques instants après, les éléments du bataillon Maffre réoccupent, de leur côté, Saint-Etienne.

    Le bataillon Rouis, qui devait attaquer, dans la journée, en direction du moulin d'Emery et qui avait déjà gagné, sous un feu intense de mitrailleuses, sa base de départ, reprend, dans la soirée, son emplacement primitif en réserve, l'ordre qui prescrivait cette attaque ayant été annulé.

    Ce bataillon est chargé de l'organisation d'une ligne de soutien.

    Le 7 octobre, à 5 h. 30, à la faveur d'un brouillard très épais et après un très violent bombardement, par artillerie lourde et par obus toxiques, qui s'étend sur tout le front du régiment, l'ennemi attaque le village avec 4 compagnies des 16ème, 4ème et 24ème chasseurs en 1ère ligne, un bataillon en soutien et un bataillon en réserve. Nous réussissons à arrêter cette attaque face au nord, mais, par suite du vide de près d'un kilomètre qui existe entre notre droite et la gauche de la 2ème D.I.U.S., l'ennemi parvient à envelopper le village par l'est et par le sud-est et à l'occuper, mais il ne peut en déboucher, les mitrailleuses de la 2ème C.M. (capitaine Soubeyrand) l'arrêtant net, par les feux de ses pièces, à la sortie ouest et lui causant de grosses pertes.

    Les fractions du bataillon Maffre, qui ont été soumises à un très violent bombardement, et qui ont été attaquées par un ennemi fort supérieur en nombre, ont été obligées de se replier dans les tranchées au sud de Saint-Etienne.

    Deux petits groupes cependant tiennent tête énergiquement à l'ennemi.

    Celui du sergent Franquin qui, avec 5 hommes, dont les soldats Mullie, Guimier et Martin, ayant reçu l'ordre de garder une issue du village, se défend héroïquement pendant pres de 2 heures, refusant de se rendre, alors que le village a été repris par l'adversaire.

    C'est le soldat Bellemin, de la 3ème compagnie de mitrailleuses, qui, à la tête de quelques hommes, organise la résistance dans le réduit, s'y défend avec la dernière énergie, refusant de se rendre, bien qu'entouré d'ennemis.

    Ces deux petits groupes faciliteront, par leur belle attitude, énergique et tenace, la reprise du village par nos unités.

    A 7 h.30, après une vive et rapide préparation d'artillerie, une partie du bataillon Roux, sous les ordres du capitaine Saint-Mleux, de concert avec les éléments qui restent encore du bataillon Maffre, contre-attaque pour reprendre Saint-Etienne.

    Nos soldats, se jetant résolument dans le lit boueux de la rivière, où ils enfoncent jusqu'à la ceinture, tournent le village par le nord et l'enveloppent par l'est et le sud-est. Par un énergique combat à la grenade ils réduisent tous les îlots de résistance, fouillent les caves et engagent un violent combat de rues qui se poursuit pendant plus de 2 h..

    Notre détachement de contre-attaque fait 14 prisonniers dont 3 officiers, capture 13 mitrailleuses et s'empare d'une pièce de 105, d'armes, de munitions et d'un très important matériel.

    Le dossier complet de la kommandantur, trouvé dans un local près de l'église, est envoyé au commandement.

    Pendant le cours de ces combats de nombreux gradés et hommes se distinguent particulièrement faisant preuve d'une bravoure exemplaire et d'une grande ténacité. Tels:

    - Le soldat Surivet, de la 3ème C.M., qui, au cours du violent bombardement du 6 octobre, n'hésite pas à monter dans le clocher du village, en pleine vue de l'ennemi, pour assurer la liaison optique avec le poste de commandement du régiment.

    - e sergent Verdier, de la 7ème compagnie, qui, pendant le combat de rues dans Saint-Etienne, le 7 octobre, se lance à l'attaque d'une mitrailleuse en pleine action, tue de sa propre main le tireur et permet ainsi à son groupe d'avancer.

    - Le soldat grenadier V.-B. Dupouy, de la 7ème compagnie, qui, voyant le groupe dont il fait partie arrêté par le feu de mitrailleuses, s'avance seul jusqu'à bonne portée de son tromblon V.-B., ouvre avec le plus grand calme, le feu sur l'ennemi et, par son audace et la précision de son tir, permet à son groupe de capturer 17 prisonniers et 2 mitrailleuses lourdes.

    - Le lieutenant Susini, commandant la 11ème compagnie, qui, à la tête d'une section dont il a demandé à prendre le commandement, s'est jeté un des premiers dans le ruisseau boueux de l'Arne, a repris, par un vigoureux combat à la grenade, une partie du village, capturant 20 prisonniers et 7 mitrailleuses.

    - Le sous-lieutenant Mourier qui, en tête de sa section, contre-attaque avec une fougue et un mordant irrésistibles, capturant 93 prisonniers et 12 mitrailleuses et, bien que blessé, ne veut pas abandonner le combat.

    - Le sous-lieutenant Dufour, qui mène personnellement une vive attaque à la grenade qui lui permet de capturer plusieurs prisonniers, des mitrailleuses et un minenwerfer.

    Notre brillante contre-attaque nous permet de reprendre tout le village de Saint-Etienne. Le commandement de la garnison est alors confié au capitaine Saint-Mleux.

    Les Allemands ne tiennent plus que le cimetière et leurs positions bétonnées au sud-est de ce dernier.

    Au cours de l'après-midi l'ennemi tente, à plusieurs reprises de déboucher du cimetière et de ses tranchées au sud-est. Mais il est repoussé chaque fois par le feu de nos mitrailleuses.

    Vers 16 h., nos observateurs signalent d'importants rassemblements ennemis dans les bois situés à 2 km à l'est et au nord-est de Saint-Etienne.

    Le commandant Hayotte, commandant provisoirement le régiment, fait aussitôt exécuter sur ces rassemblements, un violent tir d'artillerie lourde et de campagne qui fait avorter la nouvelle contre-attaque que l'ennemi préparait pour la soirée.

    D'après les renseignements fournis par les prisonniers faits les jours suivants, cette contre-attaque devait s'exécuter à la tombée de la nuit; elle devait être menée par un régiment appuyé par une douzaine de tanks.

    Dans l'après-midi, le bataillon Rouis renforce, avec une compagnie et une section, les unités de 1ère ligne très éprouvées par les combats acharnés qu'elles ont livrés et soutenus. Ce mouvement, que ces unités sont obligés d'effectuer en plein jour, sur un terrain constamment battu, est extrêmement difficile. Le commandant de la compagnie est blessé grièvement dès le début, mais les sections réussissent cependant, sans de trop grandes pertes, à gagner leurs emplacements.

    Le 8 octobre, au cours de l'attaque déclenchée à 5 h. 50 par la 7e D.I. en liaison avec les unités de la D.I.U.S., une compagnie du 6ème régiment américain de marine arrive dans Saint-Etienne, sous la direction du capitaine Saint-Mleu, aidée de plusieurs de nos gradés elle réussit à réduire l'îlot de résistance du cimetière et des ouvrages au sud-est, où elle fait 200 prisonniers, capture des mitrailleuses et un important matériel.

    Cette opération effectuée, le détachement du 62ème qui occupait Saint-Etienne-à-Arnes passe le village aux Américains et rejoint, vers 15 h.30, le régiment. Celui-ci, qui a été dépassé par le 102ème R.I. (7ème D.I.), occupe alors les positions de 2ème ligne dans les bois situés au nord-ouest du carrefour du parc du génie

    En résumé, dans la période du 4 au 8 octobre, le régiment a effectué, dans des conditions très difficiles, une progression de 5 km. dans un terrain boisé rempli de défenses accessoires, composées de nombreux chevaux de frise et de réseaux de barbelés, avec des hommes ayant déjà pris part aux durs combats du 26 au 30 septembre, sur un terrain battu nuit et jour, par de nombreuses mitrailleuses et soumis, en outre, à un tir d'artillerie parfaitement réglé. Il s'est rendu maître, au prix de grands efforts, des fortes résistances du Blanc-Mont; par des combats acharnés, il a conquis trois fois et a réussi à conserver le village de Saint-Etienne-à Arnes en infligeant à l'ennemi des pertes considérables. Il a capturé 223 prisonniers, non compris les 200 prisonniers faits en commun avec les Américains à Saint-Etienne-à-Arnes; s'est emparé d'une centaine de mitrailleuses, de 7 pièces d'artillerie, dont 5 de 105, d'un important parc du génie et de matériel de toutes sortes.

    Par l'occupation du village de Saint-Etienne, maintenu à tout prix, il a grandement aidé au succès des opérations entreprises, le 8 octobre, par la 7ème D.l. et les Américains.

    Les pertes du régiment pendant cette période sont les suivantes:

    Officiers: blessés, 7; évacués, malades ou gazés, 4; en tout, 11.

    Troupe: tués, 36; blessés :180; évacués, malades et gazés, 77; disparus, 143; en tout, 436.

    Si nos pertes sont sérieuses, celles de l'ennemi sont lourdes.

    Sur un prisonnier fait quelques jours après, nous trouvons une lettre dans laquelle il dit: " Les Français attaquent chaque jour, deux et trois fois, nous avons de lourdes pertes. Quelques compagnies n'ont plus 20 hommes valides."

    Sur un autre prisonnier de la même unité on trouve la lettre suivante: "Nous avons beaucoup de pertes, mais à quoi cela nous sert-il, puisque nous devons rester en ligne jusqu'à ce que la plupart des hommes soient tués ou blesses ?"

    A la suite de ces violents combats, le 62ème R.I. est cité de nouveau à l'ordre de la IVème armée (ordre général N° 1445 du 12 novembre 1918) pour sa brillante conduite, avec le motif suivant:

    " Sous le commandement énergique et l'âpre volonté de son chef, le lieutenant-colonel Javel, le 62ème régiment d'infanterie a, le 26 septembre 1918, conquis de haute lutte les pentes ouest de la butte de Souain et, les jours suivants, les tranchées du nord-est de Somme-Py, s'y maintenant en flèche malgré les violentes contre-attaques ennemies. Pendant quatre jours de durs combats, où il a toujours été en avant et où il s'est fait remarquer autant par son ardeur guerrière que par l'intelligente initiative de tous, a progressé de près de 8 kilomètres, pris 5 canons, 7 minen, 40 mitrailleuses et fait plus de 300 prisonniers dont 7 officiers.

    Jeté de nouveau, quatre jours après, dans la bataille, s'est emparé des organisations du bois de Somme-Py, des pentes ouest du Blanc-Mont, puis de l'importante tête de pont de Saint-Etienne-à-Arnes que l'ennemi, malgré ses contre-attaques répétées, n'a pu lui arracher. A, au cours de cette nouvelle période de cinq jours de lutte sans répit, réalisé une progression de 7 kilomètres, capturé 225 prisonniers, pris plus de 40 mitrailleuses, 7 canons, un parc du génie et un abondant matériel. signé: GOURAUD."

     

     

    Poursuite de l'ennemi.

    Le général cormmandant la IVème armée fait connaître que l'ennemi est en retraite sur tout le front de l'armée. Il donne l'ordre de continuer la poursuite avec toute la vigueur et l'énergie que comporte la situation.

    En conséquence, le 11 octobre, dans la matinée, la 61ème D.I. poursuit L'ennemi au nord de l'Arnes. Elle a deux régiments en 1ère ligne, le 219ème à gauche, le 164ème à droite, un régiment en réserve: le 265ème.

    La 22ème D.I. reçoit l'ordre de s'engager dans le sillage de la 61ème D.I. Elle prend le dispositif suivant:

  • 2 régiments à la même hauteur: 19ème à gauche, 118ème à droite

    1 régiment en réserve: le 62ème.

  • A 12 h. 30, le régiment, formé en colonne de bataillon, se met en mouvement dans l'ordre suivant:

  • Bataillon de tête: bataillon Rouis.

    Bataillon du centre: bataillon Roux.

    Bataillon de queue: bataillon Maffre.

  • Il traverse l'Arnes, entre Saint-Pierre-à-Arnes et Saint-Clément-à-Arnes, suivant à la distance de 1 km. les deux autres régiments de la division.

    A 18 h.15, la 22ème D.I. reçoit l'ordre de dépasser la 61ème D.I. Le 62ème R.l., en 2ème ligne, commence son mouvement immédiatement et, dans la nuit du 11 au 12, il dépasse le 265ème R.i. (régiment de réserve de la 61ème).

    Le 12 octobre, à 5h30, le régiment continue à progresser, ses 3 bataillons étant placés à la même hauteur. Il franchit la Retourne à Ville-sur-Retourne et s'établit à la cote 165 au sud du village de Mont-Laurent.

    Le 13 octobre, dans la matinée, le régiment passe en 2ème ligne. Un bataillon cantonne à Cauroy, les deux autres bataillons bivouaquent dans les bois à l'ouest de Caurov.

    Le 15 octobre, le régiment se porte, par étapes, dans la région de Trépail où il reste au repos jusqu'au 24 octobre.

    Le 25 octobre, la division fait mouvement pour se porter dans la direction de l'Aisne.

    Le 62ème gagne, par étapes, la région de: Cauroy-Machault, par Saint-Hilaire-le-Grand et Saint-Souplet. Le déplorable état de nos voies de communication, joint au mauvais temps, rend la traversée de la région de la Suippes, entre Auberive- Saint-Hilaire et Saint-Souplet, extrêmement difficile, surtout pour les voitures.

    La 22ème D.I. reçoit l'ordre d'occuper le secteur de Dricourt, au sud de l'Aisne et limité à l'est par Voucq (exclu) et à l'ouest par Attigny (inclus).

    Le 28 octobre, le 62ème R.I. relève, dans le secteur de Saint Vauhourg-Coulomnes, le 141ème R.I.U.S., et le 29, le 2ème bataillon (commandant Roux) relève, à Attigny, un bataillon du 19ème R.I. qui occupe la localité depuis deux jours seulement. Le 1er bataillon (capitaine Alexandre) qui tient le secteur de Saint-Vaubourg étend sa gauche jusqu'aux abords est d'Attigny. ~-

    Le 3ème bataillon (commandant Maffre) est en réserve à Vaux-Champagne où se trouve aussi le P.C. du régiment.

    A ce moment, le front du régiment s'étend de la ferme Forest (sud-ouest de la boucle de Rilly-aux-Oies) à la voie de 0m,60 à l'ouest d'Attigny.

    Il est bordé au nord par le cours de l'Aisne et le canal constituant un obstacle important, renforcé encore par des inondations et de sérieuses défenses accessoires. Les Allemands ont, en outre, fait sauter tous les ponts.

    Toute la plaine entre l'Aisne et la ligne ferme Moscou-Mazagran est complètement vue par les hauteurs de la rive droite tenues: par l'ennemi.

    Toute circulation de jour est très difficile et attire le feu de l'ennemi.

     

     

    Novembre 1918

    Le 1er novembre, la 29ème D.I (division de gauche du 14ème C.A.) est appelée à prendre part à une opération offensive.

    Le front qu'elle occupe est divisé en deux parties:

    Une partie active (zone de droite), dans laquelle le 118ème doit attaquer l'ennemi dans la boucle de Rilly-aux-Oies, s'emparer de ce dernier village et le rejeter sur la rive droite de l'Aisne.

    Une partie passive, celle du 62ème .

    Le régiment doit, pendant la durée de l'opération, tenir l'ennemi par ses feux sous la menace d'une attaque.

    Les 1er et 2ème bataillons reçoivent l'ordre de battre, avec leurs mitrailleuses et les canons de 37, la région au nord de Saint-Lambert, le faubourg du moulin d'Attigny et la partie ouest de la grande boucle de l'Aisne.

    Le 3ème bataillon se porte, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, en réserve de D.I. aux environs du Bardo (nord-est de Vaux-Champagne).

    L'attaque a lieu le 1er novembre, à 5 h. 45. Le 118ème enlève le village de Rilly et, à la tombée de la nuit, il est maître de toute la boucle de l'Aisne; l'ennemi est rejeté complètement sur la rive droite de cette rivière.

    Le 6 novembre, le régiment, qui occupe toujours le secteur d'Attigny, reçoit l'ordre de franchir l'Aisne et le canal et de s'élancer à la poursuite des Allemands qui ont commencé leur mouvement de retraite. Les ponts d'Attigny ayant été détruits par les Allemands, le 2ème bataillon seul peut passer l'Aisne en cet endroit sur des passerelles de fortune. Les 1er et 3ème bataillons franchissent la rivière près de Rilly-aux-Oies sur des passerelles jetées par le génie.

    A 15h., le 3ème bataillon, qui a été mis à la disposition du colonel Bizard, commandant le 9ème régiment de hussards, pour constituer un groupement léger, prend la direction de Bouvellemont.

    L'avant-garde particulière du 62ème (1er bataillon) atteint le pré Boulet à 16h.15, puis se porte ensuite sur Hurtebise, Guincourt et Le Plain. En fin de journée, le bataillon d'avant-garde (1er bataillon) s'établit en cantonnement d'alerte dans le village de Le Plain.

    En quittant cette région, les Allemands ont incendié le village de Guincourt. Cette localité est toute en flamme lorsque l'avant-garde y pénètre.

    Le 2ème bataillon cantonne à Hurtebise.

    La situation des régiments aux ailes du 62ème est la suivante:

    Les 19ème et 118ème R.I. n'ont pas dépassé sensiblement Tourteron, le 264ème R.I. (61ème D.I.) à notre gauche occupe avec son bataillon de réserve le village d'Ecordal.

    La progression du régiment a été, pendant la journée du 6, de 11 km à vol d'oiseau.

    Dans la matinée, vers 9 h., deux Allemands se rendent à nos premiers éléments au nord d'Attigny.

    Le 7 novembre, le 62ème R.I., avant-garde de la 22ème D.I., quitte ses cantonnements d'alerte de Hurtebise et de Le Plain à 5 h.30. Il se porte à la poursuite de l'ennemi dans la direction de Bouvellemont-Baalons-les-Taillis-Trois-Maisons - La Horgne - Singly Balaive et la Meuse.

    Le 3ème bataillon, formant détachement léger avec 2 escadrons du 9ème régiment de hussards, a passé la nuit, du 6 au 7 novembre, à Bouvellemont. Ce détachement précède la colonne. Arrivé à Les Tailles, il est accueilli par des feux de mitrailleuses provenant de Trois-Maisons et des lisières à l'est de ce hameau; le 3ème bataillon engage aussitôt l'action.

    Le 2ème bataillon reçoit l'ordre de se porter sur Beauvois et la Horgne pour manœuvrer l'ennemi. Le 1er bataillon est tenu en réserve.

    La liaison a été établie à droite avec le 142ème R.I. (163ème D.I.) mais un grand vide existe à notre gauche avec la 61ème D.I. qui, à 12 h.15, avait une patrouille au carrefour (1 km. nord-ouest de Bouvellemont), le gros du régiment (264ème) atteignant Saint-Loup Terrier. A ce moment, les Allemands tiennent la crête Mouton.

    L'ennemi résistant toujours devant le front du 62ème, le 1er bataillon reçoit l'ordre de s'engager pour le déborder. Devant cette menace, l'adversaire se retire sur La Horgne, Singly, où il oppose, avec ses nombreux nids de mitrailleuses, une très sérieuse résistance. Les trois bataillons du régiment sont à ce moment engagés.

    Malgré plusieurs concentrations de feux sur les lisières de Singly, notre progression rencontre encore une vigoureuse résistance.

    Vers 15 h., après un tir d'artillerie, des éléments du 2ème bataillon réussissent à chasser l'ennemi du groupe des fermes des Comes et s'y installent.

    Des fractions de ce même bataillon se portent sur Terron-lesPoix; 2 compagnies allemandes, fortes d'environ 70 hommes chacune, évacuent alors le village.

    Vers 17 h., après une nouvelle préparation d'artillerie, le 1er bataillon cherche à déborder Singly par le nord-ouest, pendant que le 2ème bataillon attaque ce village par le sud, mais notre infanterie est arrêtée dans sa progression par les feux de nombreuses mitrailleuses et d'importantes défenses accessoires.

    Vers 23 h.30, le 2ème bataillon, qui est engagé au sud de Singly, réussit à s'emparer du village. Dans les combats autour de Singly, le sous-lieutenant Dufour, qui s'était brillamment distingué sur la Py, contribue pour une large part, par son audace et par son courage, à l'enlèvement de cette localité.

    Nous trouvons dans Singly plus de 2 000 réfugiés civils provenant surtout de l'Argonne, et des régions Saint-Quentin, Bapaume.

    Malgré leur état de misère extrême, tous ces civils accourent dans la nuit noire et pluvieuse pour acclamer avec enthousiasme nos soldats et leur manifester la joie qu'il éprouvent d'être enfin délivrés du joug allemand. Nous capturons à Singly 6 prisonniers, dont 1 aspirant.

    Vers 2 h.30, les 1er et 3ème bataillons se portent en avant, le 3ème bataillon dépasse le 2ème et occupe les lisières des bois d'Elan à l'est de Singly.

    A 6 h., le 19ème R.I., qui a reçu l'ordre de dépasser le 62ème, arrive à Singly. Le régiment cantonne à Singly et à la ferme des Comes.

    Le 10 novembre, il reçoit l'ordre d'aller cantonner à Charbogne, il s'y rend dans la soirée.

    Le 11 novembre, communication est donnée à la troupe du message adressé par le maréchal Foch indiquant que les hostilités seraient arrêtées sur tout le front à partir du 11 novembre 1918 à 11h.

    Le 17 novembre, le régiment se porte sur la Meuse qu'il traverse à Sedan le 18.

    Du 20 au 23 novembre, le régiment continue sa marche en avant en traversant la Belgique.

    Le 24 novembre, il entre dans le grand-duché de Luxembourg et cantonne à Arsdorf et environs.

     

     

    Décembre 1918

    Le 24 décembre, le 3ème bataillon s'embarque à Wite (Luxembourg) à destination de la gare de Connantre (France).

    Le 27 décembre, les 1er et 2ème bataillons font mouvement pour rentrer en France aux environs de Montmédy.

     

     

    1919

    Le 14 février, ils se portent dans la région de Longwy.

    Enfin, le 8 avril, ils quittent cette région pour revenir dans celle de Montmédy-Carignan.

    Le 16 février 1919, lorsque l'I.D. 22 disparaît pour reconstituer la division à deux brigades (43ème et 44ème), le général Braquet, commandant l'I.D., adresse au lieutenant-colonel l'ordre No 122 suivant:

    " Au moment de quitter le 62ème, je lui exprime les regrets profonds que j'éprouve de cette séparation. Dix mois de guerre me lient à ce beau et solide régiment et je n'oublierai jamais les heures vécues ensemble, les dures heures de lutte acharnée par qui fut donnée la Victoire. Et je tiens à le dire: là où était le 62ème, j'étais tranquille; je savais que tout ce qui pouvait être fait serait fait et même davantage.

    Je prie le lieutenant-colonel Javel et tout le régiment de croire que je serai toujours très heureux de les retrouver et, si je le puis, de leur être utile. Bonne chance au 62ème. " Général BRAQUET.

     

     


     

     

     

     

    NOTICE SOMMAIRE sur la

     

    22ème Division d'Infanterie

     

     

     

    I. COMPOSITION

     

    En 1914, l'effectif d'une division d'infanterie est de 380 officiers et 15 500 hommes, elle dispose de 2 800 chevaux, 36 canons et 523 voitures. Sur route elle forme un convoi de 13,5 Km de long. 

    La division qui  est commandée par un général de division (3 étoiles) comprend :

     

    - Un état-major: 1 officier supérieur, chef d'état-Major; 2 officiers d'état-Major; un capitaine du Génie; 4 officiers d'état-Major de complément, un interprète, un porte fanion, 25 secrétaires, estafettes ou ordonnances et 6 cavaliers d'escorte. Il est muni d'une automobile, d'une voiture-colombier, de deux fourgons à bagages. 

     

    - Deux brigades d'infanterie: 270 officiers et 13 000 hommes. Deux régiments d'infanterie forment une brigade commandée par un général (2 étoiles)  assisté par deux officiers d'état-Major et 4 secrétaires.

     

    - Un escadron divisionnaire: commandé par un capitaine, son effectif est de 5 officiers et 150 cavaliers. L'escadron est divisé en quatre pelotons commandés chacun par un lieutenant ou un sous-lieutenant. L'escadron comprend en plus des officiers: 1 maréchal des logis chef, 1 maréchal des logis fourrier, maréchal des logis adjoint à l'officier d'approvisionnement, 8 maréchaux des logis, 1 brigadier fourrier, 16 brigadiers, 1 brigadier maréchal ferrant et ses trois aides, 4 trompettes, 1 infirmier, 2 conducteurs, 96 cavaliers montés et 10 cavaliers non montés.

    - L'artillerie divisionnaire: 54 officiers et 1600 hommes, soit 3 groupes de 75 (36 canons) et un état-major d'artillerie comprenant 3 officiers et les chefs des différents services. L'artillerie divisionnaire est commandée par un colonel assisté de 5 officiers adjoints.

    - Une compagnie du génie: 1 capitaine, 3 lieutenants, un médecin auxiliaire, 17 sous-officiers, 17 caporaux, 1 cycliste, 210 sapeurs et 16 conducteurs dont 2 gradés. La compagnie possède : 21 chevaux, 2 fourgons à vivres, 1 cuisine roulante, 1 voiture à bagages, 3 voitures de sapeurs-mineurs et une voiture légère d'explosifs.

     

    - Deux ambulances: chaque ambulance comprend: 6 médecins, un pharmacien, 2 officiers d'administration, 28 infirmiers, 13 conducteurs, 19 chevaux, 6 voitures, 20 brancards, et plus de 2 000 pansements. 

    - Une section d'hospitalisation qui comprend: 4 infirmiers, 4 conducteurs, 7 chevaux, 3 voitures et qui dispose de 466 pansements.

     

    - Un groupe de brancardiers divisionnaires: 2 médecins, 2 officiers d'administration, 4 médecins auxiliaires, 138 infirmiers ou brancardiers, 62 conducteurs, 73 chevaux, 21 voitures qui disposent de 100 brancards et de plus de 3 000 pansements.

    - La sous-intendance divisionnaire est composée d'un sous-intendant, un fonctionnaire du cadre auxiliaire, 2 officiers d'administration des bureaux, un officier des subsistances et 13 hommes de troupe. assistée d'un groupe d'exploitation, comprenant 1 officier et 18 hommes de troupe.

     

     

    A la mobilisation le 1er août 1914, la 22ème D. I. (Q.G. Vannes) sous les ordres du général Pambet, comprenait les 43ème et 44ème brigades.

    43ème brigade, Vannes, colonel Costebonnel: 62ème R.I. Lorient; 116ème R.I. Vannes.

    44ème brigade, Quimper, général Chaplain: 19ème R.I. Brest; 118e R.I. Quimper.

    35ème R.A.C., Vannes, colonel Ely.

    Compagnie 11/2 du génie, capitaine Huot.

    6ème escadron du 2ème chasseurs, Pontivy, capitaine Saint-Gal.

    La division est composée de Bretons et Vendéens.

     

     

    ll. OPÉRATIONS AUXQUELLES LA D. l. A PRIS PART

     

     

    1914 - Au début d'août, la 22ème D.I. qui fait partie de la IVème armée (11ème C.A.), est débarquée à Grandpré (Ardennes).

    Elle prend part aux combats de Messain (22 août), à la retraite Chaumont - Saint Quentin (27 août), à la reprise de la marche en avant Lenharrée (7 et 8 septembre), Fère-Champenoise, Châlons sur Marne, Saint-Hilaire le-Grand (15 septembre).

    La division passe ensuite à la IIème armée dans la Somme: combat de Thiepval (6 et 7 octobre 1914).

    Attaques de la Boisselle et d'Orvillers (17 et 24 décembre).

    Le général Pambet est remplacé le 2 octobre 1914 dans le commandement de la D.I. par le général Bouyssou.

    Le colonel Costebonnel, commandant la 43ème brigade, mort au champ d'honneur, est remplacé le 6 octobre 1914 par le général de Mac-Mahon.

    Le général Chaplain, commandant la 44ème brigade, est remplacé le 10 octobre 1914 par le général de Villeon.

     

    1915 &emdash; Un bataillon du 118ème et le III/35 R. A. C. prennent part à l'attaque d'Hébuterne (6, 7 et 8 juin).

    La division, relevée par des unités anglaises, quitte la Somme.

    Après un repos du 1er au 15 août dans la région de Gretz (nord-est d'Ailly-sur-Noye), la 22ème D.I. s'achemine vers la Champagne et participe à l'offensive du 25 septembre 19l5. Elle enlève par une brillante attaque l'ensemble des organisations ennemies au nord de Perthes-les-Hurlus et s'empare du village et de la butte de Tahure.

    La 44ème brigade en cours de relève remonte en ligne pour reprendre la butte de Tahure perdue par la n° division.

    La division est citée à l'ordre de la IIème armée.

    Après quelques jours de repos, les régiments montent en ligne dans le secteur de Tahure, qu'ils occupent jusqu'au 21 février 1916.

    La compagnie 11/2 du génie est affectée à la division en octobre 1915.

    Création du génie divisionnaire le 20 décembre 1915, sous le commandement du chef de bataillon Duclos, comprenant la compagnie 11/12 et la compagnie 11/52.

     

    1916 - Le 21 février, la division quitte la Champagne pour être dirigée sur le camp de Mailly. Elle reste au repos le long de la Cools jusqu'à ce qu'elle soit dirigée sur Verdun.

    Participation a la bataille de Verdun dans la région nord-ouest de Verdun du 28 mars au 24 avril.

    (P.C. de la D.I. au fort Saint-Michel).

    Reconstitution de la division du 24 avril au 20 mai dans la région Ligny, Fère-en-Tardenois, Ville-en-Tardenois.

    Après occupation du secteur de Berry-au-Bac du 20 mai au 8 septembre, la division est mise successivement au repos dans les régions de Coulonges, Château-Thierry, Saint-Dizier, jusqu'au 30 octobre.

    Du 2 novembre au 25 janvier 1917, la D.l. tient le secteur de Belrupt (prise du fort de Vaux) par la compagnie Fouache, du 118ème .

    Le général de Mac-Mahon, commandant la 43ème brigade, est remplacé, le 15 mai 1916, par le colonel Beuvelot, qui en conserve le commandement jusqu'en décembre 1916, époque laquelle il est remplacé, par le général Farru.

    La compagnie 11/71 du génie, de création nouvelle, est affectée à la division comme élément organique, en juillet 1916.

     

    1917 - La division quitte le 25 janvier le secteur de Belrupt et reste à l'instruction en vue de l'offensive du 16 avril, dans la région de Meaux jusqu'au 20 mars.

    Marches vers Soissons du 20 au 27 mars et occupation du secteur de Crouy du 27 mars au 8 avril. (Attaque du village de Laffaux par le 118ème et le 19ème R.I; Le 62ème R.I. occupe le château de Quincy.)

    La division est dirigée vers le Chemin-des-Dames et occupe le secteur d'Hurtebise du 23 avril au 14 mai.

    Après relève, la reconstitution de la division s'effectue dans la région de Montdidier jusqu'au 20 juin, date à laquelle les unités font mouvement pour aller occuper jusqu'au 22 août le secteur de Beauvois (nord de St-Quentin).

    Repos dans la vallée de Chevreuse du 23 août au 10 septembre.

    La division fait mouvement par voie ferrée et vient occuper le secteur de la Malmaison, où elle participe aux travaux de préparation de l'attaque du 23 octobre.

    Du 17 novembre au 15 décembre, occupation du secteur de Crouy (forêt de Pinon); du 15 décembre au 1er mars 1918, occupation du secteur de Juvigny (bois Mortier).

    Le 24 mars 1917, constitution de l'A.D.22, sous le commandement du colonel Ely. Le lieutenant-colonel Julliard prend le commandement du 35ème R.A.C.

    Le 6ème escadron du 2ème chasseurs est remplacé en mai par 2 escadrons du 25ème dragons. Ces 2 escadrons quittent la division fin juin et sont remplacés par le 4ème escadron du 2ème chasseurs, qui devient élément organique de la division.

    Le général Bouyssou est remplacé le 10 juillet 1917 par le général Capdepont.

    Le général de la Villeon, commandant la 44ème brigade, est remplacé le 10 avril 1917 par le général Dunal.

    Par ordre du G.Q.G. en date du 30 octobre 1917, la 22ème division est formée sur le type de la D.T. à 3 régiments. En conséquence, elle perd le 116ème R.I. qui passe à la 170ème D.I.

    La 43ème brigade, commandée par le général Ferru, est dissoute et l'infanterie divisionnaire (19ème, 118ème, 62ème R.I.) est créée sous le commandement du général Dunal.

    Le colonel Ely est remplacé le 6 avril 1917 dans le commandement de l'A.D. 22 par le lieutenant-colonel Gilles.

     

    1918 - Après relève, la division quitte le secteur de Juvigny et arrive dans La zone de Lagny le 19 mars. Elle est alertée dans la nuit du 22 au 23 et embarquée en camions-autos le 23 mars. Aussitôt débarqués dans la région de Nesles, les régiments prennent le contact avec l'ennemi et le conservent jusqu'à Mortemer (combats de Nesles, Champion, Roye, Rollot, Mortemer). La division est retirée de la bataille le 2 avril.

    Le 35ème R.A.C. est cité à l'ordre de la IIIème armée. Les 19ème, 113ème et 62ème R.I. sont cités à l'ordre du 2ème C.C.

    Faisant mouvement par voie de terre, les régiments viennent occuper le 20 avril le secteur du Chemin-des-Dames (Aille - Courtecon). Attaque allemande du 27 mai 1918 : de 1h. à 2 h.45 préparation d'une violence encore inconnue, effectuée par une masse d'artillerie formidable. A 3 h.30 attaque d'infanterie sur le large front de 12 km. tenu par les 3 régiments de la D.I. A 5 h.30 les organisations du Chemin-des-Dames sont littéralement submergées par la masse d'attaque ennemie qui, sur le seul front de la D.I., comprenait 5 divisions fraîches appuyées par les 2 divisions occupant le secteur avant l'attaque. Retirée de la bataille et regroupée dans la région de Marcilly, la division est dirigée par voie ferrée sur l'Alsace où elle occupe le secteur de la vallée de la Thur du 22 juin au 31 août.

    Le général Capdepont est remplacé le 28 mars 19I8 par le général Renouard. Le lieutenant-colonel Burin des Roziers, chef d'état-major de la 22ème D.I. depuis le début de la campagne, est remplacé dans le courant du mois d'avril par le chef d'escadron Lanoix.

    En mars, le général Braquet prend le commandement de l'infanterie divisionnaire en remplacement du général Dunal.

    Le 30 août, le général Renouard quitte le commandement de la division et est remplacé par le général Spire.

    Le lieutenant-colonel Gilles est remplacé le 2 avril dans le commandement de l'A.D. 22 par le lieutenant-colonel Chanson. Le VIIIème groupe du 111ème R.A.L. est affecté à la division comme élément organique en juillet 1918.

    La 22ème D.I. est transportée par voie ferrée en Champagne et il stationne du 3 au 23 septembre dans la zone de Changy, puis dans la zone de la Cheppe.

    Elle prend une part des plus brillantes à l'offensive de la IVème armée, commencée le 26 septembre.

    Dans la période du 26 au 29 septembre, les régiments d'infanterie de la D.I. enlèvent les hauteurs de Navarin jusqu'aux pentes ouest de la butte de Souain, ils s'emparent de Somme-Py et prennent pied sur la rive nord de la Py, réalisant une progression de 6 à 7 km. sur un terrain organisé depuis 3 ans et dont l'ennemi avait fait une véritable forteresse.

    Ces trois journées valent à la division: 556 prisonniers (dont 9 officiers); 10 canons; un nombre considérable de mitrailleuses, de fusils anti-tanks et de munitions.

    Le 30 septembre la D I. est mise en soutien, après avoir atteint au prix d'efforts héroïques la ligne générale:Tranchée de Krefeld; tranchée des Prussiens.

    Elle reprend le combat le 4 octobre en partant de la ligne: Tranchée d'Essen; tranchée de Minden, et attaque pendant 4 jours et plusieurs fois par jour les lignes ennemies, parsemées de mitrailleuses très solidement tenues par des troupes qui avaient reçu l'ordre de défendre "à tout prix le terrain".

    Pendant ces 4 jours d'âpres combats, la D.I. force le passage de l'Arnes, enlève les villages de Saint-Etienne et de Saint-Pierre à Arnes, établit une tête de pont au nord de l'Arnes et résiste à toutes les tentatives d'un ennemi qui s'efforce en vain de lui enlever ses conquêtes.

    Dans cette nouvelle période de combats, la D.I. fait 426 prisonniers (dont 6 officiers); enlève 15 canons, plus de 50 mitrailleuses et un matériel important.

    Remise pour la 3ème fois dans la bataille, la 22ème division franchit la Retourne et pousse le 13 octobre ses éléments avancés jusqu'à l'Aisne, ayant ainsi réalisé, depuis le 26 septembre une progression de plus de 30 km, en pays occupé depuis 4 ans par l'ennemi.

    Après quelques jours de repos dans la région de Trépail, la 22ème division relève, les 27 et 28 octobre, la 36ème D.I.U.S. dans le secteur de Dricourt.

    Le 1er novembre, le 118ème R.I. enlève brillamment la boucle de l'Aisne à Rilly-aux-Oies en faisant 50 prisonniers (dont un commandant et un aspirant).

    Les 6 et 7 novembre, la 22ème D.I., après avoir franchi le canal de l'Aisne avec des moyens de fortune, sous le feu incessant des mitrailleuse„ poursuit l'ennemi en retraite. Malgré une défense acharnée des Allemands, le 62ème R.I. s'empare de Baalons, de la Horgne, et, par une vigoureuse attaque, enlève de nuit le village de Singly que les Allemands avaient organisé comme point d'appui d'arrière-garde.

    Le 8 novembre, la D.I. reprend sa marche vers la Meuse; l'escadron divisionnaire, appuyé par un détachement d'infanterie, entre à Flize.

    Après avoir, le 9 novembre, réuni des moyens de fortune, le 19ème R.I. jette le 10 novembre, avec l'aide du génie divisionnaire, une passerelle sur la Meuse, et fait passer un bataillon au nord de la rivière, établissant ainsi une tête de pont entre Lumes et Flize.

    Le 11 novembre, le 19ème R.I. se prépare à progresser vers le nord lorsque le télégramme du maréchal Foch, annonçant l'arrêt des hostilités, prescrit que les troupes alliées ne dépasseront pas jusqu'à nouvel ordre, la ligne atteinte à cette date et à cette heure.

    Le 22ème D.I. a donc pris la part la plus brillante et la plus glorieuse à cette offensive décisive de 4 mois, qui bouscule, bat et jette hors de France, la puissante armée allemande et la contraint à demander la paix.

    Les 19ème, 62ème, 118ème R.I., le 35ème R.A C. et le 8ème groupe du 111ème R.A.L., les compagnies du génie 11/2 et 11/52 sont cités à l'ordre de la IVème armée pour les affaires de septembre et d'octobre.

    Le général commandant en chef, en date du 4 novembre, confère la fourragère aux couleurs de la croix de guerre aux 62ème et 118ème R.I. et, en date du 17 novembre, à la compagnie 11/2 du 6ème génie. De plus le maréchal commandant en chef confère la fourragère aux couleurs de la médaille militaire au 116ème R.I. le 24 novembre 1918, au 35ème R.A.C. le 17 février 1919, au 19ème R.I. le 17 avril 1919.

     

     

     

    Citation de la division - Ordre général n°1

    Le général: commandant le groupe des armées du centre cite à l'ordre de l'armée:

    " La 22ème D.I. comprenant les 19ème, 62ème, 116ème et 118ème R.I., le 35ème R. A. C. et la compagnie 11/2 du 6ème régiment du génie a, le 25 septembre 1915, sous la vigoureuse impulsion de son chef, le général Bouyssou, enlevé, dans un superbe élan, les positions ennemies fortement organisées, sur une profondeur de 4 km. en s'emparant de plusieurs batteries. Pendant deux semaines, au prix d'efforts soutenus et énergiques, n'a cessé de lutter contre un ennemi qui se défendait pied à pied, le refoulant sans cesse et faisant chaque jour de nombreux prisonniers."

    Signé: Général DE CASTELNAU.

     

     

     

     

    CITATIONS

    obtenues par le 62ème régiment d'infanterie

    Citation de la 22ème division d'infanterie à l'ordre de l'armée

    Par décision du général commandant en chef, en date du 9 décembre 1917, la citation à l'ordre de l'armée, prononcée par Le général commandant le groupe des armées du centre (ordre général N° 1, du 25 octobre 1915) en faveur de la 22ème division d'infanterie, est modifiée ainsi qu'il suit:

    " La 22ème D.I. comprenant les 19ème, 62ème, 116ème et 118ème R.I., a, le 25 septembre 1915, sous la vigoureuse impulsion de son chef, le général Bouyssou, enlevé, dans un superbe élan, les positions ennemies fortement organisées, sur une profondeur de 4 km. en s'emparant de plusieurs batteries. Pendant deux semaines, au prix d'efforts soutenus et énergiques, n'a cessé de lutter contre un ennemi qui se défendait pied à pied, le refoulant sans cesse et faisant chaque jour de nombreux prisonniers." Signé : PETAIN

     

     

    Citation du 62ème régiment d'infanterie

    à l'ordre du 2ème corps de cavalerie

    Le général commandant le 2ème corps de cavalerie cite à l'ordre du corps de cavalerie le 62ème régiment d'Infanterie :

    " Chargé sous la conduite de son chef, le lieutenant-colonel Dubuisson, de retarder l'avance d'un ennemi sans cesse renforcé, a rempli héroïquement la mission qui lui avait été confiée en livrant des combats acharnés où il a su contenir l'ennemi sur un front constamment élargi. A mené la lutte avec une ténacité et une bravoure dignes de son passé et de ses traditions.

    Troupe d'élite qui s'est dépensée sans compter et qui au milieu de ses épreuves, a gardé intacts son sentiment du devoir, son énergie opiniâtre et sa foi robuste dans le succès." Signé: ROBILLOT

     

     

    Citation du 62ème régiment d'infanterie

    à l'ordre n°1145 du 12 novembre 1918

    Le général, commandant la IVème armée cite à l'ordre de l'armée le 62ème régiment d'infanterie:

    " Sous le commandement énergique et l'âpre volonté de son chef, le lieutenant-colonel Javel, le 62ème régiment d'infanterie a, le 26 septembre 1918, conquis de haute lutte les pentes ouest de la butte de Souain et, les jours suivants, les tranchées du nord-est de Somme-Py, s'y maintenant en flèche malgré les violentes contre-attaques ennemies. Pendant quatre jours de durs combats, où il a toujours été en avant et où il s'est fait remarquer autant par son ardeur guerrière que par l'intelligente initiative de tous, a progressé de près de 8 kilomètres, pris 5 canons, 7 minen, 40 mitrailleuses et fait plus de 300 prisonniers dont 7 officiers.

    Jeté de nouveau, quatre jours après, dans la bataille, s'est emparé des organisations du bois de Somme-Py, des pentes ouest du Blanc-Mont, puis de l'importante tête de pont de Saint-Etienne-à-Arnes que l'ennemi, malgré ses contre-attaques répétées, n'a pu lui arracher. A, au cours de cette nouvelle période de cinq jours de lutte sans répit, réalisé une progression de 7 kilomètres, capturé 225 prisonniers, pris plus de 40 mitrailleuses, 7 canons, un parc du génie et un abondant matériel." signé: GOURAUD

     

    Par ordre général N° 133 du G.Q.G., et , par application des prescriptions de circulaire N° 2156 du 22 février 1918, le général commandant en chef les armées françaises du nord et du nord-est a décidé que le 62ème régiment d'infanterie aurait droit au port de la fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre.

    Ce régiment a obtenu 2 citations à l'ordre de l'armée pour sa belle conduite devant l'ennemi. signé : PETAIN

     

     

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    Paris - 124, Boulev. St Germain et Limoges &emdash; Impr. Militaire Charles-Lavauzelle