Depuis
la fin de l'année 1793, la famine fait rage.
à Paris Le Comité de Salut public
achète des vivres aux États-Unis. Une
escadre est chargée de protéger, contre les
anglais, le convoi de vivres commandé par Van
Stabel et composé de 127 navires, partie le 10
avril (20 germinal) de la Baie de Chesapeake vers la
France Cette escadre est commandée par le
contre-amiral Nielly. Elle appareilla de Brest le 16 mai
(27 floréal) (composée de 2
divisions):
1ère
division: "La Galathée", frégate de 40
canons, "Le Sans-Pareil", vaisseau de 80 canons et "Le
Patriote" de 74 canons.
2ème
division: 3 vaisseaux de 74 canons, "Le Trojan", "Le
Téméraire" et "L'Audacieux".
Des
bâtiments légers accompagnaient l'escadre :
"L'Unité", "L'Atalante", "Le Maire Guiton",
"L'Épervier" et "Le Jean Bart". Certains de ces
bâtiments se signaleront lors des combats de
prairial, puisqu'en définitive l'escadre de Nielly
manquera le convoi de Van Stabel, mais ralliera la flotte
de Villaret.
L'escadre
de Nielly quitte Brest accompagnée d'une seconde
flotte, chargée de faire diversion et
commandée par Villaret et comprenant 25 vaisseaux
de ligne, dont 1 vaisseau de 120 canons, 3 vaisseaux de
110, 4 vaisseaux de 80, et 17 vaisseaux de 74 canons.
Elle totalisait donc 2 028 bouches à feu, contre 2
034 aux Anglais. Mais on a déjà
indiqué la supériorité de la
bordée française et des conditions de tir
par suite de la hauteur des batteries basses par rapport
à la flottaison. Toutefois ces
considérations ne pouvaient entrer en ligne de
compte qu'à la condition que l'on sût
profiter de ces avantages. Et certes, les canonniers de
Villaret étaient peu de chose en comparaison de
leurs adversaires; ils manquaient d'entraînement,
de cohésion ! Cette observation est capitale, et
d'autant plus que ce handicap s'aggravait d'une
inexpérience semblable chez les
matelots.
La
flotte française se composait de 3 escadres
comprenant chacune 3 divisions. L'ordre de marche
fixé par Villaret-Joyeuse prévoyait en
conséquence trois colonnes progressant
parallèlement: au centre la 1ère escadre
(celle de Villaret montant le vaisseau La Montagne),
à droite la 2ème escadre, à gauche
la 3ème.
1ère
escadre.
1ère
division: "Le Peletier", vaisseau de 74 canons, venait de
Rochefort; il était arrivé à Brest
le 16 avril, lancé en 1783 il s'était
appelé "Le Séduisant", avant de porter le
nom du conventionnel assassiné, Le Peletier de
Saint-Fargeau. Son capitaine était Berrade, ancien
capitaine au commerce.
"Le
Tyrannicide", vaisseau de 74 canons, était neuf,
lancé en 1793. Son capitaine était Dordelin
(ou plutôt d'Ordelin), ci-devant noble,
embarqué à 17 ans, garde-marine sous
Suffren qui l'avait fait nommer enseigne en 1783, puis
lieutenant de vaisseau et promu capitaine de vaisseau par
Jeanbon. Il deviendra contre-amiral et préfet
maritime de Brest !
2ème
division: "Le Juste", vaisseau de 80 canons,
s'était appelé "Les Deux-Frères";
lancé en 1784. Son capitaine était Blavet,
ancien officier bleu, sous-lieutenant en 1787, lieutenant
en 1791, promu capitaine de vaisseau en 1793.
"La
Montagne", vaisseau de 120 canons, chef-d'uvre de
Sané, s'était d'abord appelé "Les
États de Bourgogne", lancé en 1789.
C'était le navire amiral, monté par
Villaret-Joyeuse, Jeanbon Saint-André, Delmotte
major général de l'armée navale et
Basire, capitaine de pavillon. Delmotte était un
officier bleu, sous-lieutenant en 1786, lieutenant en
1791, capitaine de vaisseau en 1793. De même
Basire, ancien second de Villaret sur Le Trajan dans
l'escadre Morard de Galles.
"Le
Jacobin", vaisseau de 80 canons, lancé en 1778 et
refondu en 1785; il n'était plus tout jeune ! Il
s'était d'abord appelé "L'Auguste".
Rebaptisé en 1793, à la chute de
Robespierre il fut rebaptisé "9 Thermidor". Il
était commandé par Gassin, ci-devant
commandant de la frégate "La Topaze" à
Toulon, nommé capitaine de vaisseau par Laignelot
en raison de ses hâbleries patriotiques, sinon
pis.
3ème
division : "L'Achille", vaisseau de 74 canons, avait
été, lui aussi, lancé en 1778 et
refondu en 1785. Il était commandé par de
La Villegris, ci-devant noble, sous-lieutenant en 1786,
commandant la frégate "La Précieuse" en
1793 et promu capitaine de vaisseau par
Jeanbon.
"Le
Vengeur du Peuple", vaisseau de 74 canons, L: 54 m, l :
14 m, 661 marins, venait de Rochefort. C'était un
vétéran ! Lancé en 1766 sous le nom
de "Marseillais", refondu en 1789. Son capitaine
était Renaudin, ancien officier bleu, nommé
depuis peu capitaine de vaisseau.
"Le
Northumberland", vaisseau de 74 canons, avait
été lancé en 1780. Il était
commandé par Etienne, ancien officier bleu,
sous-lieutenant, puis en 1791 lieutenant, capitaine en
1793.
2eme
escadre.
2ème
division : "L'América", vaisseau de 74 canons,
avait été lancé en 1788. Il
était commandé par Lhéritier, ancien
officier auxiliaire, puis lieutenant de frégate et
lieutenant de vaisseau (cassé en 1784 par suite de
l'incendie de son bâtiment),
réintégré à la
Révolution, promu capitaine de vaisseau par
Jeanbon.
"Le
Révolutionnaire", vaisseau de 110 canons,
lancé en 1766, sous le nom de "La Bretagne", et
refondu en 1775-1777. Il était commandé par
Van Dongen, d'origine hollandaise, lieutenant
surnuméraire en 1788, lieutenant en 1791, promu
capitaine de vaisseau en 1793, après la capture de
la frégate anglaise L'Hyène en mai de la
même année.
"Le
Gasparin", vaisseau de 74 canons, lancé en 1788
sous le nom de "L'Apollon". Il était
commandé par Tardy, capitaine au long cours,
intégré seulement dans la marine au
début de 1794 comme lieutenant, et promu capitaine
de vaisseau en germinal par Jeanbon.
1ère
division : "L'Indomptable", vaisseau de 74 canons,
était récent, lancé en 1791. Il
avait pour capitaine Lhamel (ou Lamesle), qui commandait
une frégate dans l'escadre Morard de Galles
Jeanbon avait promu dans sa "fournée "de
brumaire.
"Le
Terrible", vaisseau de 110 canons, lancé en 1780.
C'était le navire du contre-amiral Bouvet, avec
pour capitaine de pavillon Julien Le Ray, ci-devant
aide-pilote, puis officier au commerce,
intégré comme lieutenant en 1793 et promu
capitaine de vaisseau par Jeanbon en brumaire.
"L'Impétueux",
vaisseau de 74 canons, datait de 1788 (?). Il avait pour
commandant Douville qui, par ailleurs, n'a pas
laissé de traces.
3ème
division : "Le Mucias", vaisseau de 74 canons, de 1784,
appelé précédemment "L'Orion". Il
avait pour commandant Larréguy, ancien officier au
commerce, promu capitaine de vaisseau par
Jeanbon.
"L'Eole",
vaisseau de 74 canons, lancé en 1788. Il avait
pour commandant Bertrand Kéranguen, ancien
officier bleu, comme plusieurs de ses collègues,
sous-lieutenant en 1786 et lieutenant en 1791, et promu
capitaine de vaisseau en 1793. Il avait appartenu
à l'escadre Morard de Galles.
"Le
Tourville", 74 canons, datait aussi de 1788. Il avait
pour commandant Langlois, ancien maître
d'équipage, présenté par la
société populaire de Lorient et promu,
à ce seul titre, capitaine de vaisseau en
1793.
3ème
escadre.
2ème
division : "L'Entreprenant", vaisseau de 74 canons,
lancé en 1787, avait pour commandant le farouche
Jacobin Lefrancq, ancien officier bleu, promu capitaine
de vaisseau par Jeanbon en brumaire.
"Le
Neptune", vaisseau de 74 canons, lancé en 1778,
avait pour commandant Tiphaigne (ou Thiphaine), ancien
officier bleu, sous-lieutenant en 1786, lieutenant en
1791, capitaine de vaisseau en 1793, ayant appartenu
à l'escadre Morard de Galles.
"Le
Jemmapes", vaisseau de 80 canons, lancé en 1793
sous le nom de "L'Alexandre", était venu de
Rochefort avec Le Peletier et Le Vengeur. Il était
commandé par Desmartis, ancien officier au
commerce, promu directement capitaine de vaisseau par
Jeanbon.
1ère
division : "Le 31-Mai" (Le Trente et Un Mai), vaisseau de
74 canons, datait de 1791, il avait porté le nom
de "Pyrrhus". Son commandant était Ganthaume
(né en 1755 à La Ciotat), officier au
commerce, puis officier auxiliaire pendant la guerre
américaine, revenu au commerce, avant d'être
réintégré dans la marine en 1793
comme lieutenant, puis aussitôt capitaine de
vaisseau. C'est lui qui, échappant au
désastre d'Aboukir, aura la bonne fortune de
ramener Bonaparte d'Égypte. Vice-amiral en 1808,
il sera fait comte par la Restauration à laquelle
il s'était rallié.
"La
Convention", vaisseau de 74 canons, avait
été lancé en 1780 sous le nom de
"Sceptre" et refondu en 1787. Son commandant était
Alary, ancien officier bleu récemment promu
capitaine de vaisseau par Jeanbon.
"Le
Républicain", vaisseau de 110 canons, datait de
1780. Il s'était appelé "Royal-Louis". Il
avait pour commandant Longer, également officier
bleu promu capitaine par Jeanbon.
3ème
division : "Le Scipion", vaisseau de 80 canons, datait de
1790. Il était commandé par Huguet, ancien
officier au commerce promu par Jeanbon.
"Le
Montagnard", vaisseau de 74 canons, ancien "Jupiter",
avait été lancé en 1789. Il
était commandé par Bompard, ancien officier
bleu qui, lieutenant de vaisseau en 1791, avait
capturé une frégate anglaise et
été promu capitaine de vaisseau pour ce
fait d'armes.
Huit
frégates et autant de bâtiments
légers (corvettes et bricks étaient
répartis entre les trois escadres, afin
d'éclairer la marche, de répéter les
ordres de l'amiral et, en cas de nécessité,
de prendre en remorque les vaisseaux avariés
accompagnaient le convoi. C'étaient les
frégates Le Brutus, (ex "Diodème", vaisseau
rasé), "L'lnsurgente", "La Seine", "La
Proserpine", "La Tamise", "La Gentille", "La
Précieuse" et "La Bellone"; les corvettes et
bricks "La Surprise", "La Société
Populaire", "La Diligente", "Le Courrier", "Le Jean
Bart", "La Mutine", "La Naïade" et "Le
Furet".
Cette
nomenclature souligne les données
suivantes:
- sur
25 capitaines, 15 ont été choisis et promus
par Jeanbon; hormis Dordelin et Lhéritier, aucun
des officiers bleus n'a dépassé le grade de
sous-lieutenant de vaisseau.
- les
capitaines venant directement du commerce n'ont aucune
expérience militaire, ni la moindre notion
tactique: mais Jeanbon croit encore que l'audace palliera
les insuffisances;
- les
deux contre-amiraux (Villaret et son second Bouvet) n'ont
jamais assumé de commandements importants, hormis
Villaret à Quiberon avant l'arrivée de
Morard de Galles.
En
outre, il n'a pas été possible
d'entraîner les capitaines, par suite de
l'interdiction du Comité de morceler la flotte. Il
est vrai que ce bavard de Kerguelen avait
conseillé à Jeanbon et à Villaret de
simuler les évolutions navales avec des chaloupes,
curieuse manière: d'instruire les capitaines !
Villaret s'était efforcé de leur apprendre
: l'essentiel en organisant des conférences, des
réunions à bord de "La Montagne". Or, en
face de ces débutants, qu'y avait-il ? Ce vieux
renard des mers d'Howe et sa pléiade d'amiraux et
de capitaines chevronnés.
L'escadre
de Nielly a rendez-vous en un point donné avec Van
Stabel, tandis que Villaret cherche le contact avec
l'Amiral anglais Howe afin de l'empêcher
d'approcher. Finalement Nielly ne rencontre pas Van
Stabel, qui arrive à bon port et retourne
auprès de Villaret.
Les
28 et 29 mai, et 1er juin (9 au 13 Prairial) Combats
très violents entre l'escadre de Villaret et les
anglais qui tournent au désastre : Bilan 1
vaisseau coulé, le "Vengeur", avec 391 tués
ou noyés, 6 vaisseaux capturés par les
anglais : le "Juste", le "Sans-Pareil",
"l'América", "l'Achille", le "Northumberland", et
"l'Impétueux" on décompte pour ces 6
navires 690 tués et 580 blessés. L'escadre
française rentrait avec 19 navires dont 5 en
remorques car ne pouvant plus se diriger seuls. La
"Montagne" a perdu 313 hommes, elle a reçu 233
boulets en pleine coque.
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