Le
"seillon" groisillon
L'agriculture
vivrière était pratiquée par les
femmes sur des "sillons" ou "seillons". il s'agit de l'un
des éléments les plus visibles du paysage
de l'île d'autrefois, dont on ne voit plus que
quelques vestiges à l'état fossile
aujourd'hui (beaucoup sont dissimulés sous les
broussailles). Il ne s'agit pas là du sens
habituel du terme, mais à la fois d'une
unité et d'un mode de culture, dont Fidèle
Tonnerre a apporté
témoignage.
Le
"sillon" ("en erù") semble remonter au moins au
bas moyen-âge. Ce terme est fréquemment
utilisé comme unité de culture, dans les
archives, mais en réalité sa superticie
n'est pas fixe (il fait de 3 à 4 mètres de
large, pour une longueur variable, théoriquement
une moyenne de 3 ares de superficie). Il correspond
à une bande de terre à dos bombé
encadrée par des fossés à fond rond
appelés "nantes". (Le dos du sillon est
appelé "hein en erù"). Un ensemble de
sillons est dénommé "tachen", un sillon
perpendiculaire à un autre "courson", un petit
sillon isolé un "tallard", et un coin entre deux
groupes de sillon orientés différemment le
"predgen".
II
s'agit, selon toute apparence, d'une pratique agricole
particulièrement ingénieuse et
adaptée au milieu et qui avait l'avantage
d'augmenter la surface arable (une surface courbe a plus
de superficie qu'une surface plane), ce qui
n'était sans doute pas négligeable à
une époque de très grande parcellisation de
la propriété, certains ne possédant
même qu'un sillon ou un demi-sillon !
Visiblement,
l'intérêt est grand pour pallier aux
aléas météorologiques : -en cas de
fortes pluies, l'eau est drainée par les
fossés, et les récoltes sur le dos des
sillons ne risquent pas de pourrir, - en cas de
sécheresse, les "nantes" préservent un peu
d'humidité et donc une partie de la récolte
(on semait à la fois sur le dos et sur le
"nante").
Peut-être,
si l'on observe l'orientation de certains sillons,
ceux-ci aidaient-ils à limiter l'érosion
sur certaines pentes, produisant l'équivalent
d'une culture en terrasses...
Quelques
inconvénients se faisaient cependant sentir, qui
n'ont pas résisté au remembrement et aux
nouvelles machines agricoles : -les
dénivelés de la surface faisaient
facilement cabanner les charrettes, - même en
employant la charrue, il fallait "golebenner", terminer
à la fourche, à la bêche, ou à
la houe (appelée "tranche")
l'extrémité du sillon, là où
tourne la charrue. - même s'il est possible qu'aux
origines la même culture soit pratiquée sur
un ensemble de sillons proches les uns des autres, pour
les périodes récentes, ce n'était
plus du tout le cas. D'où des conflits, si la
vache mise à paître sur un sillon arrachait
son piquet et venait brouter la récolte du sillon
voisin, etc...
Cependant,
à l'époque où il était
pratiqué, ce système de mise en culture
était bien adapté à la
simplicité du matériel utilisé et
avait même induit des techniques agricoles
particulières : - pour l'orge, la terre
était "envoyée au nante" ("kas de nant"),
et pour la pomme de terre, elle était
"envoyée au dos" ("kas der hein") à la
charrue, ou à la bêche. Il fallait bien
répartir la terre en alternant les cultures, sinon
à force de lever la terre "au dos", les nantes
étaient creusés et rendus très
larges, on y perdait de la terre... Il fallait
également "envoyer la terre" avec
précaution pour ne pas risquer des conflits avec
le voisin.
Le
ramassage des pommes de terre était fait par des
femmes qui, tout en avançant à genoux en
répartissant les différents types de pommes
de terre dans différents paniers, et tenaient leur
vache au bout d'une corde qui restait attachée
à leur taille : au fur et à mesure qu'elles
avançaient, la vache suivait à
côté et consommait les pommes de terre les
plus petites rejetées dans le "nante".
Ce type
de mise en culture n'existait sur l'île de Groix,
mais également dans le Finistère,
particulièrement à Ouessant, où l'on
peut encore déceler quelques sillons fossiles,
à Belle-Ile, ainsi que sur l'île de Skye en
Ecosse, tandis que certaines parties du Morbihan et la
Champagne semblent également l'avoir connu,
même s'il a été abandonné
probablement plus tôt qu'à Groix.
On peut
apercevoir quelques exemples facilement observables,
près de Quelhuit, du petit menhir de Kerlard, de
Quehello, de la Pointe des Chats, etc... qui
témoignent à la fois de l'histoire du
paysage et de celle de toute une civilisation de
l'île.
Une
année dans les champs de Groix (cycle annuel
des cultures)
22 octobre (1893). Le
Ministre de l'agriculture a donné l'ordre de tenir
les pigeons renfermés jusqu'au 1er novembre,
à cause des semailles. On sème le
blé.
20 novembre (1895). Le
froment pousse rapidement. Ce n'est pas l'eau qui lui
manque. On prépare la terre pour l'orge qui sera
semée à la fin de janvier.
Jusqu'à
présent, nos terres labourables sont
partagées en trois catégories, ou 3 " stu
". La même semence ne revient dans un sillon que
tous les trois ans. Une première année,
quand on a fumé la terre, on sème l'orge.
Puis vient l'année du " anvar " pendant laquelle
on sème les pommes de terre, les pois ou la
charronce. A part les prairies, qui couvrent un espace
plus considérable, un hectare de terrain
cultivé est partagé en plus de vingt
morceaux appartenant à différents
propriétaires. Les parcelles en forme de larges
sillons sont réunis en " mez " admirablement
distribués. Aucun mur ne les sépare.
Très peu sont en communication avec les grands
chemins. On n'arrive à celles du milieu qu'en
passant pardessus les autres. Voilà pourquoi il
est si important que le " mez " tout entier soit
travaillé au même moment et consacré
à la même récolte. Car celui qui
voudrait, par exemple, semer l'orge dans un " mez "
réservé au froment risquerait
d'abîmer la récolte des voisins.
Décembre
(1895). On commence à travailler la terre pour les
patates. Les pommes de terre de Groix sont
renommées à plus de 20 lieues à la
ronde : leur réputation n'est pas
volée.
Vous connaissez la
recette indiquée par les fins gourmets : " Pour
faire un bon ragoût, prenez du mouton de
Plouharnel, des oignons d'Erdeven, des carottes de
Plouhinec, des navets de Belle-Ile et des pommes de terre
de Groix ". Celui qui a goûté de ce
ragoût se lèche les doigts jusqu'aux coudes,
pendant 8 jours.
16 février
(1894). Après un mois de pluies torrentielles qui
nous ont arrangé les chemins, fallait voir ! un
doux soleil printanier vient nous réjouir le
coeur, les blés poussent, tout le sol est vert; et
les alouettes chantent dans la campagne.
14 février
(1895). Quel rude hiver nous avons ! Quel froid ! C'est
à se croire au cap Horn. Jeudi 7 février,
le thermomètre a dû descendre à
près de 10 degrés (sous zéro). Tout
était glacé, même dans les maisons,
l'eau dans les buies. le café dans les grecques,
le cidre dans les bouteilles d'où il
s'échappait sous forme de gros bâtons de
sucre.
Les grives, qui
.viennent en bande, passer l'hiver à Groix, se
laissaient prendre à la main. D'énormes
congres venaient expirer sur la côte.
Une partie du vieux
port a été prise dans la glace. Le vent du
nord-est soufflait dur. Beaucoup de bateaux ont
relâché, le travail paraissant
impossible.
18 mars (1895). On
peut enfin s'occuper des travaux des champs, semer les
pommes de terre, les pois, la charronce.
26 avril (1896).
Après un hiver exceptionnellement doux, nous avons
un printemps très chaud. Malgré la
sécheresse, la végétation est
vigoureuse et très avancée. Il y a plus
d'un mois que les hirondelles sont au pays et qu'on
entend le coucou.
24 mai (1896). Belle
récolte de foin, qu'on ramasse depuis huit jours
déjà.
28 juillet (1895). La
récolte de l'orge est à peu près
terminée. Elle est satisfaisante.
2 août (1896).
Ici la récolte va bon train. L'orge et le froment
sont depuis longtemps dans les greniers, et en assez
grande abondance, malgré la sécheresse. On
attaque déjà les pommes de terre: c'est
bien tôt.
25 août (1895).
Les étrangers qui visitent notre île
à cette période de l'année restent
pâmés d'admiration en voyant notre
manière de battre les récoltes. Il n'y a
pas de quoi, mais c'est du neuf pour eux.
Au continent, c'est au
fléau qu'on bat le blé, ou bien à la
machine. Battre au fléau chez nous serait trop
pénible, car le travail est fait par les femmes.
Quant aux machines, il ne faut pas encore y songer, pour
le moment au moins. Lorsqu'une bonne couche de blé
a été disposée sur l'aire à
battre, une femme arrive conduisant un cheval par la
bride. Elle se place au milieu, tenant la bride d'une
main, le fouet d'une autre, " Heï ! , ma bête
", crie-t-elle, et sa bête va de l'avant, tournant
comme dans un cirque, au petit trot. De ces quatre pattes
qui font office de fléaux le cheval broie la
paille et froisse les épis. Pour l'exciter quand
il languit, la ménagère a son fouet qu'elle
brandit constamment, puis des chants de circonstance, car
le cheval est sensible à la musique. Je ne sais
combien de kilomètres parcourt ainsi le cheval
dans sa journée: toujours est-il que le soir il a
besoin d'un bon repos.
Quelquefois on a deux
ou trois chevaux courant de front. Le travail alors est
fait lestement.
A Houat, où
l'aire à battre a plus d'étendue que par
ici, les chevaux tournent ainsi, non plus
accouplés, mais à la file, le second
attaché à la queue du premier et ainsi de
suite: il y a jusqu'à sept chevaux au travail. La
Dormeuse tient la bride du premier sans se
préoccuper des autres qui suivent admirablement le
chef de file. C'est un spectacle bien
curieux.
Le
remembrement et ses conséquences
Groix
se trouve aujourd'hui reconvertie à une
activité touristique dynamique, qui imprime sa
marque de façon évidente dans les paysages
de l'île. Son développement progressif peut
être retracé à partir des photos
aériennes réalisées par l'I.G.N.
depuis 1948, pour une observation des paysages plus
anciens. Le remembrement réalisé dans les
années 50 y apparaît comme un
événement majeur, car il a
transformé le visage de Groix de façon
radicale et ouvert la porte à de nouvelles formes
d'activités.
Une
adaptation d'abord empirique à l'émergence
du tourisme conduit finalement les Groisillons à
prendre en main son intégration dans l'île.
Ils lui destinent désormais leur territoire, en
ayant le souci de le contrôler tout en mettant leur
patrimoine à l'abri d'une invasion anarchique et
destructrice.
Le
paysage d'aujourd'hui
De Port
Tudy, l'endroit le plus animé de l'île, on
gagne le Bourg où se concentrent tous les services
et les commerces. La place de l'église constitue
le "nombril" de l'île, le lieu où tout
converge, celui où l'on finit toujours par passer.
De là, des petites routes vous emmènent
à travers le plateau groisillon vers les plages,
vers les falaises de la côte sauvage, vers les
vallons envahis de végétation... Groix
offre sur ses 1 475 ha une très grande
diversité de paysages. Les petits hameaux
ramassés sur eux-mêmes, une trentaine
environ, sont disséminés sur tout le
territoire. On en aperçoit souvent les toits
émergeant de la végétation et des
arbres bien avant d'atteindre les ruelles étroites
que longent de petites maisons basses. Les constructions
plus récentes sont venues rompre l'organisation
traditionnelle en instaurant une urbanisation plus
décousue autour des agglomérations
anciennes. Les maisons d'aspect banal, comparables
à celles que l'on observe partout ailleurs sur le
littoral breton, se sont implantées sans ordre au
milieu de parcelles relativement grandes.
Le long
des routes, le paysage est souriant, la
végétation touffue et luxuriante entre les
parcelles ouvertes des champs. Depuis quelques
années, le contraste s'est accentué entre
les parcelles cultivées qui donnent naissance
à des espaces nets et ouverts, et les friches de
plus en plus étendues, mais surtout de plus en
plus hautes et impénétrables. Si elles sont
le signe d'une absence d'entretien et d'un abandon de la
terre, elles évoquent en même temps une
certaine liberté, celle de la nature qui reprend
ses droits.
Devant
ce paysage serein, où la nature semble presque
partout en liberté, on a du mal à
reconstituer le tableau si souvent évoqué
de la population laborieuse des femmes de Groix,
penchées pour travailler à la main les
fameux "sillons" dont on vient de parler et qui
couvraient l'île d'une côte à l'autre,
jusqu'à l'extrême limite où la
rocaille, le vent et la mer s'opposent à toute
productivité de la terre.
Le
paysage d'hier
Hormis
le cadre naturel, immuable, il ne reste que des vestiges
du paysage de l'île d'autrefois. Un lavoir ou une
fontaine nichés dans la végétation
ou au détour d'un chemin, les petites maisons,
mais souvent rénovées et repeintes,
accolées les unes contre les autres dans les
villages, constituent à peu près les seuls
souvenirs de l'époque où l'île vivait
de la mer.
Les
photos aériennes nous permettent de reconstituer
de façon assez précise le paysage
d'autrefois. En 1948, tout comme en 1952, Groix
apparaît comme une mosaïque de champs
laniérés et minuscules, ponctuée des
petits villages serrés en tête des vallons.
Témoignage de la circulation des hommes (et
à Groix surtout des femmes), les voies de
communications les plus importantes tissent une toile
d'araignée autour du bourg, reliant les villages
les uns aux autres. Puis des villages partent à
leur tour des chemins ou des sentiers qui serpentent en
épousant les bordures des sillons, ou conduisent
par la lande à la côte ou aux vallons
(clichés ci-contre).
Sur le
cliché de 1948, la mise en valeur est dense
à proximité immédiate des villages,
tandis que de nombreux sillons ne sont plus
exploités tant sur les bordures que dans
l'intérieur de l'île. Cette
répartition des cultures est sans doute à
mettre en relation avec la guerre encore récente
qui a pu inciter les villageois au repli sur les sillons
les plus proches des habitations.
En
1952, la trame est la même, mais la mise en valeur
plus disparate a gagné en surface dans
l'intérieur. Sous les friches, le modelé
des sillons apparaît encore de façon
très nette. Partout la végétation
paraît plutôt basse: on ne distingue que
quelques arbres dissimulés au creux des
vallons.
Et on
dénombre encore dans le port une cinquantaine de
bateaux similaires, alignés bord à bord.
Les photos montrent surtout l'abandon de la terre et le
morcellement extrême du parcellaire, laissant
présager d'une situation foncière
singulière. Elles ne font pas apparaître que
le problème foncier est en réalité
inextricable.
La
situation foncière à Groix jusque dans les
années 50
Au
moment de l'établissement du premier cadastre en
1837, on compte à Groix 45 882 parcelles, et
déjà les matrices cadastrales font
état de parcelles dont les propriétaires
sont inconnus. L'unité de propriété
est le sillon, simplement matérialisé dans
le paysage par des lanières étroites et
bombées regroupées en îlots de
même orientation. Au cours du XIXè
siècle, les ventes et les partages successoraux
pulvérisent les sillons en parcelles minuscules,
ce morcellement intensif allant de pair avec
l'éparpillement des biens aux quatre coins de
l'île. Pour compenser cette dispersion, peu
satisfaisante sur un plan pratique, ventes et
échanges ont lieu entre les Groisillons. Les
transactions se pratiquent le plus souvent à
l'amiable : un morceau de papier qui sera enfoui au fond
d'un tiroir, parfois un simple accord verbal sont les
procédures les plus fréquentes. Mais elles
ont force de loi à Groix, et peuvent être
suivies à leur tour d'autres mutations, tout aussi
irrégulières.
En
parlant d'Ouessant, on peut affirmer "... À
l'émiettement est venu répondre...
l'indivision de fait. C'est ainsi que chaque parcelle ou
micro-parcelle se trouve porteuse d'une succession de
droits imbriqués sur plusieurs
générations. On ne se sépare pas de
son bien à Ouessant, même si la part de
chacun n'en permet nullement l'exploitation " (1). La
situation est comparable à Groix : à la
multiplication du nombre de parcelles (et à leur
taille de plus en plus réduite au fžl des partages
successifs) a fait suite la multiplication du nombre des
propriétaires sur ces mêmes parcelles. On
cite ainsi l'exemple d'une parcelle de 30 ares
appartenant à 133 propriétaires indivis
(2)
Aux
18ème et l9ème siècle, lorsque la
mer mobilise les hommes, c'est aux femmes que revient
l'exploitation de la terre, nécessaire pour
assurer la subsistance des familles. Lorsque s'amorce le
déclin de la pêche, l'agriculture
progressivement reléguée à un
rôle mineur est devenue moribonde. En 1938, un
ingénieur du Génie Rural écrit: "les
successions massives d'après-guerre ont
porté la confusion au maximum... Depuis 20 ans
bientôt, la terre est pratiquement
abandonnée, en friches presque partout. n n'est
plus un propriétaire aujourd'hui qui soit capable
de reconnaître ses biens". Et toute exploitation
est rendue impraticable par cet indescriptible imbroglio
foncier.
Or
Groix ne peut plus vivre de la mer, et faute de
ressources les Groisillons quittent leur île.
L'idée du remembrement naît en 1938, avec le
souci de retrouver sur Groix une ressource qui
permettrait d'y faire vivre ses habitants. L'île
compte alors 60 000 parcelles, dont la plupart sont en
copropriété.
Les
opérations de remembrement
Face
à cette situation le remembrement constitue "la
condition préalable et indispensable d'une remise
en valeur des terres, et la population lui est largement
favorable. D'abord, personne ne conteste plus que seul le
remembrement peut remettre de l'ordre dans l'état
de la propriété foncière. Ensuite la
conviction augmente chaque jour que la pêche ne
peut plus suffire à nourrir la famille
groisillonne. Il faut revenir à la terre: mais
sans doute il n'est pas question de reprendre les
techniques culturales d'avant-guerre..." (2).
A la
demande des propriétaires et cultivateurs de
Groix, un arrêté préfectoral du 17
mars 1938 autorise l'Association Syndicale
constituée, regroupant l'ensemble des
propriétaires, en vue d'effectuer le remembrement
de Groix. Cette association, avant même son
autorisation, avait entrepris les premières
recherches visant à identifžer les
propriétaires, et l'établissement des
documents cadastraux devant servir à
l'identification des propriétés.
Si le
morcellement rendait indispensable le regroupement des
terres, il s'est avéré rapidement hors de
question de supprimer l'état de
copropriété général dans
l'île, du fait de sa fréquence et de la
multiplicité des propriétaires
concernés. Au contraire, les titres de
propriété ont été
simplifiés dans leur forme, puisqu'ils ont
été alors établis au nom d'une ou
deux personnes (couples), "et consorts". Aux
héritiers et copropriétaires de fait de
s'arranger ensuite pour rétablir les droits de
chacun sur les terres remembrées.
L'entreprise
est interrompue lors de l'occupation, mais dès le
30 avril 1946, le Conseil Général du
Morbihan demande la reprise immédiate des
opérations, à la suite du Maire de Groix,
de la Municipalité et de nombreux
propriétaires.
En mars
1949 est instituée la Commission Communale de
Réorganisation Foncière et de Remembrement
: elle comprend des représentants de la commune,
de l'Administration et des propriétaires. Celle-ci
décide de procéder au remembrement des
propriétés sur toute l'étendue du
territoire de l'île, à l'exclusion des
propriétés bâties des bourgs et des
villages. Cela représente 1 325 ha, soit 52 000
parcelles représentant 39 000 îlots de
propriété d'une moyenne de 3,80 ares : 1
080 propriétaires sont
concernés.
La
nouvelle répartition des terres est entreprise,
non sans une nouvelle mise à jour des titres de
propriété. Les terres ont été
classées en 3 catégories, en fonction d'une
estimation de leur valeur productive, qui constitue la
seule base pour le calcul des équivalences de
surfaces entre apports et attributions. Les plans
adoptés pour la restructuration du parcellaire ont
visé à conserver l'organisation en
auréoles qui existait autour de chaque village :
petites parcelles de jardin à usage familial,
unités de culture de taille supérieure
ensuite, pâtures, enfin maintien de parcelles plus
vastes sur les espaces plus difficilement
exploitables.
La
population était informée à chaque
étape du projet et de sa réalisation par
des plans, des procès verbaux et des documents
divers affichés en consultation publique. De
nombreuses rectifications ont pu être
réalisées, concernant essentiellement les
surfaces attribuées et l'identification de leurs
propriétaires.
Les
travaux annexes d'aménagement - inclus dans toute
opération de remembrement - ont été
relativement réduits puisqu'il n'existait pas de
réseaux de talus ou de murets qu'il aurait fallu
araser. Par contre, le débroussaillage s'est
révélé indispensable, "dans une
lande épaisse et haute d'environ 2 m de ronces,
épines, ajoncs, genêts" (2), de même
que le défrichement du sol arable sur 15 cm de
profondeur : 1 000 ha soit 70 % de l'île
étaient en effet couverts de lande ou de friche.
Les sillons ont commencé à
disparaître...
L'essentiel
a été cependant la mise en place d'une
voirie adaptée au nouveau parcellaire : 10 km de
chemins ruraux ont été tracés de
village à village, tandis que 57 km de chemins
d'exploitation tout aussi rectilignes ont permis
l'accès à la totalité des parcelles
nouvelles. Après une dernière enquête
publique, les Groisillons ont été
invités à prendre possession de leurs
nouvelles terres à partir du 15 janvier 1954.
L'arrêté préfectoral du 11 janvier
1955 clôt définitivement
l'opération.
Nous
avons surtout voulu évoquer dans ces lignes les
idées directrices qui ont guidé le
remembrement à Groix, tel qu'elles apparaissent
dans les rapports administratifs de l'époque. Sur
certains points les témoignages directs nuancent
ces informations relatant le déroulement des
travaux: ce qui a été écrit laisse
imaginer une réalisation réfléchie
et paisiblement concertée du projet
d'aménagement, mais passe froidement sous silence
les bouleversements humains qu'elle a occasionnés
au sein de la population. Car à travers la
réorganisation foncière et spatiale de
l'île, c'est une réorganisation sociale et
familiale qui s'est trouvée induite.
Souvenirs
du remembrement
Tout
d'abord, les souvenirs évoquent les
propriétaires moins unanimement enthousiastes
devant la perspective du remembrement que ne le laissent
supposer les documents officiels. À
l'époque, la presse commentait: "La population
sceptique mais bienveillante". Car chacun était
conscient de sa nécessité. Aujourd'hui on
perçoit à travers les récits comme
un sentiment de désillusion. On attendait beaucoup
(trop peut-être ?) du remembrement, il en a
déçu plus d'un.
Le
remembrement est venu d'un seul coup remettre en cause un
grand pan des coutumes traditionnelles, bouleversant
l'organisation de tout l'espace insulaire. Il a
réalisé autoritairement une sorte de
négation de tout le passé de l'île,
qui avait modelé au fil des siècles le
paysage et les usages. Même l'épisode alors
tout proche des marins et des thoniers de Groix,
étroitement associés à
l'exploitation de la terre par les femmes, ont
été gommés du paysage visible avec
la disparition des sillons qui en témoignaient,
alors que cela constituait encore l'aspect fondamental de
l'identité groisillonne.
A ce
malaise collectif, diffus, s'ajoute le sentiment plus
révoltant de se trouver tout à coup
dépossédé de ses biens familiaux,
ancestraux, chargés d'une histoire
profondément individuelle. La contrepartie est une
parcelle anonyme, devant laquelle le Groisillon, mais
surtout la Groisillonne, se sent souvent
désemparée.
Pour
celle qui cultivait avec les techniques et l'outillage
adaptés aux sillons familiers - dont la
disparition est aussi brutale que radicale -, pour celle
qui faisait paître sa vache sur un petit bout de
terre loué derrière la maison, ces
parcelles nouvelles sont beaucoup trop grandes ! Et cette
constatation nostalgique est unanime. Certains diront
qu'au lieu de favoriser le retour à l'agriculture,
le remembrement en a au contraire
accéléré la chute en
déroutant la population féminine, seule
susceptible de réinvestir la terre.
Il
apparaît également que la concertation du
projet avec la population était illusoire. La
majorité des femmes, finalement les plus
concernées, n'étaient pas aptes à
l'époque à décrypter les plans
proposés et les projets qui leur étaient
soumis pour approbation - ou contestation
éventuelle. Et beaucoup se sont trouvées
perplexes devant un fait accompli lorsque ont disparu les
sentiers et les petits sillons, avec un sentiment
d'impuissance face à une administration lointaine
qui leur avait mal fait comprendre ce qui se
préparait au fond des bureaux.
Un
simple effort d'imagination suffit pour concevoir ce que
le remembrement - opération administrative - a pu
impliquer pour les habitants de l'île: du
parcellaire ancien, il ne reste que les villages. Tout le
reste a été regroupé et
réattribué. Les anecdotes ne manquent pas,
et aujourd'hui elles peuvent prêter à
sourire, parce qu'elles ont 40 ans !
Par
ailleurs, le problème du statut de la
propriété et l'identification des
propriétaires n'était pas résolu de
façon rigoureuse. Les transactions officieuses,
que personne n'avait jamais remis en cause, ont
été tout à coup caduques. Les
lignées familiales, cohéritières, se
sont trouvées réunies à la
tête des nouvelles parcelles résultant du
regroupement de l'ensemble des parcelles ancestrales.
Alors que l'esprit communautaire et la solidarité
associés au morcellement, à la
miniaturisation, à l'éparpillement
caractérisaient la société
groisillonne traditionnelle, la nouvelle distribution des
terres et leur attribution à tel ou tel a fait
naître querelles et tiraillements entre voisins,
entre cousins...
Les
revendications ont été nombreuses, mais
sans doute les réactions auraient-elles
été plus virulentes et multiples encore si
la terre avaient été effectivement
exploitée.
Faut-il
discrètement faire allusion au constat
général, un peu désabusé pour
ceux que nous avons entendu, que certains ont tout
perdu... tandis que d'autres, mieux placés, ont su
tirer parti de l'opportunité à leur
avantage ? Certains demandant l'annulation pure et simple
des opérations réalisées.
Le
géomètre de Ploemeur chargé des
opérations techniques sur l'île, qui a
dû poser plusieurs milliers de bornes (les fameuses
"bornes du remembrement" que l'on peut voir encore
aujourd'hui au milieu de certains champs), souvent
déplacées, replacées,
volatilisées, a du affronté sur leur
terrain les Groisillons vindicatifs au risque de se
retrouver plusieurs fois plongé dans l'eau du port
!
Aujourd'hui
les Groisillons évoquent ces années du
remembrement avec amusement et humour, parfois avec
résignation - parce qu'il commence à
être ancien ! Mais d'autres en ont,
paraît-il, gardé une profonde rancoeur, et
des inimitiés nées alors persistent
malgré le temps. Tout en évoquant avec
nostalgie les sillons d'autrefois, tous reconnaissent ses
effets positifs à long terme. Beaucoup estiment
cependant qu'il a été maladroitement
mené : manque de concertation véritable
avec la population, inadaptation des réalisations
au contexte particulier de l'île. Une autre
critique essentielle vise l'aspect foncier du
problème : en maintenant l'indivision sur les
parcelles remembrées, le handicap de la
multipropriété n'a pas été
résolu de façon
définitive.
Les
résultats immédiats du
remembrement
Une
fois encore, le recours aux photos aériennes se
révèle très parlant. En 1958, la
mosaïque des champs a complètement disparu de
l'île. Il reste bien autour des
agglomérations des parcelles de taille
relativement modeste, mais sur la plus grande partie de
l'espace, seul le relief introduit la diversité.
Quelques grands à plats de forme
géométrique témoignent d'une
ébauche de mise en valeur des nouvelles parcelles.
La trame de la voirie quadrille cet espace en latence
.
Les
titres de propriété ont été
mis à jour, le morcellement a été
réduit de 95 %, puisqu'on a fait 1 900 parcelles
des 52 000 initiales dans la zone
remembrée.
Exemples
de propriétés remembrées
:
Nombre
de parcelles possédées par un
propriétaire
|
AVANT
REMEMBREMENT
|
APRÈS
REMEMBREMENT
|
A
- 552 parcelles
|
12
(dt une de 8 ha et une de 4 ha)
|
B
- 103 parcelles sur 12 sections (1 ha
92)
|
4
parcelles sur 1 section (1 ha 88)
|
C
- 96 parcelles sur 21 sections (2 ha
20)
|
3
parcelles sur 1 section (2 ha 06)
|
P.
V. de remembrement Ministère de l'agriculture:
rapport sur les opérations de remembrement,
1954.
Mais
les Groisillons ne se sont pas tournés vers leur
terre. La relance agricole espérée,
pourtant stimulée par des dispositions
encourageant la création d'exploitations, n'a
été due qu'à l'initiative
d'agriculteurs venus du continent. La terre était
comme vierge, les propriétaires tous
disposés à louer des parcelles dont ils ne
savaient que faire eux-mêmes... et les sillons ont
fini de disparaître sous les labours des tracteurs.
On assiste tout de même à l'extension des
surfaces cultivées (jusqu'à 364 ha
exploités en 1979 (3). L'élevage reste
modeste. L'activité agricole dans son ensemble, si
elle marque incontestablement le paysage, est
restée tout à fait secondaire, ne faisant
vivre qu'une petite minorité de la population
locale (5 agriculteurs recensés en 1979, le
maximum atteint).
Faute
de servir les intérêts de
propriétaires que l'agriculture ne motive
nullement, le remembrement a été
détourné de son objectif initial, qui le
justifiait pourtant exclusivement. Les transactions ont
été rendues possibles puisqu'elles avaient
désormais un objet cohérent, et le
marché foncier s'est trouvé enfin
libéré du poids des contraintes anciennes
qui bloquaient jusqu'alors le processus de la
vente.
En
plein essor dans les années 6O, c'est finalement
le tourisme de villégiature qui a
bénéficié de cet épisode de
flottement socio-économique induisant une sorte de
vacance de l'espace. Des Groisillons qui avaient
quitté l'île et retrouvé leurs terres
se sont débarrassés de leur bien, d'autres
ont résolu par la vente l'écueil de
l'indivision. Ces terrains rendus plus attractifs, mais
devenus inutiles voire étrangers à leurs
propriétaires, dans un site cumulant des richesses
encore largement méconnues, ont constitué
une opportunité que les acheteurs les plus
avisés se sont empressés de
saisir.
Et
Groix a vu l'émergence imprévue d'un
tourisme spontané, qui s'est
développé dans l'île d'une
façon très libérale au
départ. Alors qu'au sein des villages,
l'étroitesse des parcelles non remembrées
imposait le regroupement des constructions, leurs
dimensions plus grandes hors des agglomérations a
davantage séduit les acheteurs, mais
également induit le mitage de l'espace en
l'absence de toute réglementation d'urbanisme.
D'une mission aérienne à l'autre,
l'extension des espaces voués à l'habitat
est frappante, en particulier autour des deux bourgs et
sur le littoral à l'est de Port-Tudy, où la
multiplication du nombre de résidences a
amorcé l'intégration des noyaux anciens
dans un tissu urbain lâche et continu. Ailleurs,
l'urbanisation s'est greffée sur la trame
existante venant simplement distendre les limites des
villages d'origine.
Pour
les Groisillons, une page de l'histoire de l'île a
été tournée avec le remembrement.
Dans un premier temps, tout se passe comme s'ils
laissaient échapper leur territoire aux mains
d'étrangers à l'île plus
motivés qu'eux : agriculteurs ou
touristes.
Depuis
une quinzaine d'années, ce nouveau choix
économique est devenu à son tour dominant,
presque exclusif. Et de façon directe ou
indirecte, il constitue aujourd'hui le principal moteur
pour la dynamique actuelle des paysages dans
l'île.
L'évolution
actuelle et les perspectives
La
population de Groix est vieillissante. L'absence
d'emplois pousse la population jeune, déjà
sous-représentée, à rejoindre le
continent. L'économie groisillonne se
caractérise principalement aujourd'hui par une
forte représentation du secteur tertiaire et du
bâtiment - que l'on voit s'activer dans les
villages - fortement liés au tourisme. Par contre,
l'industrie en est totalement absente. Groix est
restée ces dernières années
vouée à la monoculture
céréalière (orge, blé). Mais
les surfaces cultivées se réduisent, les
parcelles délaissées retournant le plus
souvent à l'état de friches.
Déjà, toute la partie ouest de l'île
reste aujourd'hui inexploitée. Le cheptel a
disparu, on ne voit plus une vache au champ : un
élevage avicole et quelques poules ici et
là, quelques rares brebis, quelques chèvres
en sont les seuls représentants.
Les
perspectives d'évolution sont peu optimistes, les
exploitants approchant l'âge de la retraite sans
reprise assurée. En 1988 la S.A.U. ne
représente plus que 17 % du territoire de
l'île, probablement moins encore en 1993 (contre 25
% en 79). Pourtant le problème de la
disponibilité des terres ne se pose pas. Des
mesures de stimulation ont été mises en
oeuvre depuis 1991 : elles restent jusqu'à
présent sans effet face à une demande
inexistante.
Toutefois,
dans le but de préservation du patrimoine, Groix
apparaît comme une île qui cumule les
protections : règle (d'application
générale) de non-urbanisation des 100 m en
retrait de la ligne de rivage ; sites classés (sur
275 ha, soit plus de 1/8 de la surface de la commune);
sites inscrits, qui intéressent toute l'île
à l'exclusion du Bourg ; réserves
naturelles de la Pointe des Chats et de Pen Men. Enfin le
P.O.S. adopté en 1982 constitue le document
essentiel pour la gestion de l'espace insulaire. Il est
aussi le plus controversé par la population
groisillonne du fait du caractère contraignant de
son zonage.
Au rang
des hypothèses économiques, on n'y
mentionne ni la pêche, ni l'agriculture, à
laquelle il consacre tout de même 35 % du
territoire (4). La priorité est claire : c'est du
tourisme que Groix vivra demain. Mais ce choix, qui
sous-entend la volonté de proposer aux visiteurs
un "produit touristique" de qualité pose de
façon cruciale le problème de l'entretien
des paysages. Car le paysage, minutieusement
calqué sur l'usage qui est fait du sol, doit
pouvoir s'offrir aux visiteurs dans son
intégrité. Alors à Groix, de quoi
sera donc fait le paysage de demain ? Le P.O.S. actuel
limite les zones constructibles autour des noyaux urbains
existants, et destine environ 25 % du territoire à
l'urbanisation (4). Reste encore 75 % de l'espace
à gérer, en zone agricole ou en zone
naturelle. L'agriculture laisse les terres vacantes, le
P.O.S. n'y permettant pas d'autre alternative
d'utilisation. Or sur de nombreuses parcelles,
l'indivision s'est perpétuée depuis le
remembrement, le nombre de "consorts" se multipliant au
fil des années.
L'interdiction
légale de diviser les parcelles remembrées,
la multiplicité des propriétaires (qui
dilue le sentiment de propriété
individuelle, dont le plus conscient est celui qui paie
l'impôt foncier pour tous !), la disparition d'une
"vocation" quelconque de l'espace, ont pour
résultat l'extension rapide des friches. Les
conditions climatiques semblent leur être
particulièrement favorables, car leur
développement est sensible d'une année sur
l'autre.
Groix,
l'île sans arbres des voyageurs du siècle
dernier, n'a plus rien de dénudé : l'ajonc,
les prunelliers, les fougères et les ronces ont
gagné en hauteur pour constituer des
fourrés souvent très denses, et les
boisements sont partout visibles. Les perspectives
offertes aux promeneurs en sont différentes,
l'espace se ferme à la vue et à la
promenade. Et Groix change de
caractère.
Il
semble au contraire que la possibilité de
construire induise un comportement différent des
propriétaires vis-à-vis du bien foncier:
les mutations sont plus fréquentes (partages,
ventes... ). Elles sont aussi facilitées par
l'Administration qui autorise plus facilement la division
des parcelles remembrées dans un but de
construction. Cette tendance, observée
empiriquement en comparant les deux dernières
éditions du plan cadastral mériterait
d'être confirmée par une enquête plus
rigoureuse. L'indivision dans les terres
inexploitées risque à nouveau de les rendre
inexploitables, ou difficilement vendables. Par contre,
la division parcellaire autour des agglomérations
irait dans le sens de la densification du domaine
bâti préconisée pour prévenir
le mitage de l'espace autour des
agglomérations.
Le
remembrement a changé le visage de l'île de
façon autoritaire, mais il est maintenant
considéré - et pour cause - comme un
épisode du passé. Les revendications vont
désormais à l'encontre du P.O.S. qui
détermine aujourd'hui la valeur des terres,
particulièrement sur le critère de la
constructibilité. Il est actuellement en cours de
révision. Et chacun attend le verdict, pour savoir
s'il pourra ou non tirer parti de son bien.
Mais
pour les années à venir, le problème
le plus délicat sera sans doute celui de
l'entretien du paysage non-bâti, aujourd'hui
livré à lui-même.
Les
vieux Groisillons ont la nostalgie des sillons et de
l'île jardin. Et pourquoi ne pas en reconstituer
quelques témoins-souvenir ? Est-il raisonnable de
miser sur les agriculteurs, les "jardiniers du paysage",
pour sauver Groix de la friche ? Les conditions de
l'agriculture insulaire sont-elles véritablement
attirantes, quand les terres vacantes s'étendent
aussi sur le continent ? Peut-on alors espérer un
consensus des propriétaires ? Mais lequel parmi
"les consorts" se sentira-t-il concerné pour tous
les autres, sans un résultat directement lucratif
? La
révision du P.O.S. est suspendue à Groix,
pour que soit réalisé en préalable
un plan paysager de la commune. Il a pour objectif une
réflexion sur l'espace groisillon en dehors de
toute considération urbanistique préalable
(4). Notre souhait est qu'il sache trouver les solutions
pour donner à Groix l'image d'une île
vivante et accueillante, qui s'enorgueillit d'être
belle.
(1): GESTIN F. 1982: Ouessant: structures du parcellaire et évolution de la société insulaire. Société d'ethnologie bretonne, Brest.
(2): Grâce à l'amabilité du personnel de la D.D.A. de Vannes, nous avons pu consulter les dossiers d'archives concernant le remembrement
à Groix. De nombreuses informations y ont été puisées, en particulier dans les courriers et rapports rédigés par les Ingénieurs du Génie Rural en 1938-39 et 1949-60.
(3): Recensement Général de l'Agriculture, 1979 et 1988.
(4): BOURREE S., 1993: Potentialité d'évolution de la construction neuve sur l'île de Groix. Mémoire de D.E.S.S. Aménagement et
Collectivités Locales, Université de Haute-Bretagne, Rennes, 127 p.
Egalement consulté:
BRIGAND L., LE DEMEZET M., 1986: Les changements écologiques, économiques et sociaux dans les îles du Ponant. L'exemple de Batz,
Groix et Ouessant. Institut de géoarchitecture, Brest, 200 p.
d'après Sylvie SanQuirce, conservateur de l'Ecomusée de Groix
et Cécile Morinière du CROEMI - Institut de géoarchitecture-Brest. 1993
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