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adhérent CGSB n° 1503
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Contribution
à la géographie médicale de l'Ile de Groix
Thèse
du Médecin de marine T.C.M. LEJANNE,
qui
résida deux ans et demi à Groix (1883-1885)

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INTRODUCTION.
Lorsqu'au
mois de janvier 1883 nous dûmes venir continuer nos
services comme médecin de la marine à l'Ile
de Groix, nous cherchâmes dans les vastes bibliothèques
des ports de Brest et de Lorient quelque document relatif
à notre nouvelle résidence (1).
N'ayant rien trouvé, nous eûmes l'idée,
dès ce moment, de prendre pour sujet de notre thèse
inaugurale ce coin du sol de France où nous étions
appelé à vivre, peut-être longtemps, et
sur lequel nos successeurs seraient peut-être heureux
de trouver quelques renseignements.
Nous
recueillîmes alors les notes que nous soumettons aujourd'hui
à l'appréciation bienveillante de nos juges.
Dire
que le produit de la pêche des insulaires de Groix s'élève
en moyenne à 1 500 000 francs par an, que la valeur
de leur matériel, grandes chaloupes pontées,
canots, filets, engins divers, dépasse 2 100 000 francs,
que les inscrits maritimes y sont au nombre de 1 500, c'est
faire sauter aux yeux l'importance commerciale de l'île,
et expliquer l'intérêt particulier que le ministère
de la marine porte à ses habitants.
|
Division
du sujet.
Ce travail
(2) comprend trois
parties la première, physique, donne l'aspect, la constitution
du sol, ses productions, la flore, la faune, le climat, les caractères
physique et moral des Grésillons, le mouvement de la population
dans les dix dernières années, la natalité, la
mortalité, la longévité...; la seconde, médicale,
n'est qu'une statistique, avec mention détaillée des particularités
pathologiques les plus intéressantes observées depuis
deux ans. Enfin, la troisième comprend quelques considérations
relatives à la consanguinité. Les habitants se mariant
toujours entre eux sont tous plus ou moins parents.
(1)
depuis cette époque ont paru, à notre connaissance :
La Flore de l'île, par MM. Viaut, Grand-Marais et Guyonvarch,
et la Géologie, par M. Ch Barrois.
(2)
Nous l'avons fait sans guide, sans conseil, et dans notre isolement,
sans recherche bibliographique. contribution à la Géographie
PREMIERE
PARTIE - ÉTUDE PHYSIQUE.
Historique.
La question
de l'étymologie du mot Groix ne peut avoir qu'un très
médiocre intérêt. Il nous parait venir du mot breton
Groah, qui veut dire sorcière, vieille femme, sans doute en souvenir
des druidesses. Au commencement de ce siècle, les habitants portaient
le nom de Groisillois, aujourd'hui ce sont les Grésillons.
Les
premiers temps de l'histoire de l'île sont fort obscurs. Les monuments
mégalitiques (sic) nombreux que l'on y voit encore aujourd'hui,
mais qui disparaissent peu à peu, témoignent cependant
du séjour qu'y firent autrefois les prêtres des Gaulois,
sans pour cela qu'on doive admettre que, comme Ouessant, Groix fût
un des centres de propagation de la religion druidique. Vers la fin
du Vème siècle, saint Tudy, fuyant la persécution
des Scots et des Pictes, qui désolaient l'Angleterre, sa patrie,
vint dans l'île de Grouais et y établit le catholicisme.
Il est probable que les premiers habitants furent de malheureux pêcheurs,
et que son importance fut à peu près nulle pendant tout
le moyen âge. Elle appartint aux ducs de Bretagne avant de faire
retour à la couronne. Elle fut visitée et pillée
à trois reprises ; 1° par les Hollandais en 1674; 2°
par les Flamands en 1689; ceux-ci firent naufrage ci sortant de Locmaria,
dont ils avaient incendié a chapelle; par de certains temps la
mer fait sur cette côte un bruit vague et lugubre que l'on appelle
le cri des Flamands; 3° préservée des Anglais par
le stratagème. de son curé, l'abbé Uzel (Il rassembla
à la côte la population, armée de crocs à
gouêmon et de piques, et les femmes vêtues de jupons rouges.
L'ennemi saisi de terreur, s'enfuit au large), en 1696, elle fut prise
et pillée par eux un siècle plus tard, en 1794. La haine
de l'Anglais était encore vivace jusqu'à ces derniers
temps. De nombreux Espagnols durent s'établir sur son territoire,
comme du reste sur plusieurs autres points de la côte de Bretagne
(île des Maures, pointe espagnole en rade de Brest), et comme
le prouvent certains noms patronymiques communs à Groix, tels
que Jego, (par corruption du mot espagnol Diégo), Davigo, Magado,
Pérès, etc..., et aussi l'habitude encore conservée
de compter par réal la menue monnaie. Antérieurement à
ces incursions, plusieurs grands seigneurs compromis dans la conjuration
d'Amboise (1560) vinrent chercher un refuge à Groix et y bâtirent
des manoirs dont on voit encore des traces. Ils rentrèrent en
grâce, rappelés par la clémence de Henri IV, en
abandonnant, dit?on, leurs biens à leurs domestiques; de là,
prétend?on, les noms de famille si répandus dans l'île
de Bernard, Stéphan, Yvon, Simon, Guillaume, etc .... A la fin
du XVIIème siècle, les habitants étaient si malheureux
qu'une ordonnance de Louis XIV, en date du 6 avril 1691, porte que «
voulant
que ladite île fût habitée par ses sujets pour y
demeurer, labourer, la défendre contre tout ennemi, il leur donne
décharge de la somme de 388 livres, 2 sols, 4 deniers, en maintenant
toutes exemptions accordées par les rois ses prédécesseurs ».
La Révolution
fut l'occasion de nombreuses scènes de désordres, puis
quelques particuliers devinrent, après la vente des biens nationaux,
propriétaires du sol ; mais ils durent payer des redevances à
la famille des Rohan ou à leurs représentants, jusqu'à
1830, époque à laquelle un arrêt de la cour de Rennes
les en déchargea définitivement. Aujourd'hui, chacun possède
quelque lopin de terre dont il ne se défait qu'à la dernière
extrémité.
(N de
Webmaster : les thèses défendues concernant l'origine
espagnole des noms et les seigneurs de la conjuration d'Amboise sont
aujourd'hui obsolètes)
Situation
géographique.
Groix
est située par 5°48'23'' longitude ouest et 17°38'4"
latitude nord, séparée du continent par un détroit
d'une largeur moyenne de 15 kilomètres qui s'appelle les Coureaux,
à 16 kilomètres du Port-Louis, 30 kilomètres de
Lorient.
Importance
stratégique.
En raison
de sa situation devant l'entrée de la rade de Lorient, Groix
a une très grande importance stratégique. Le génie
y a fait construire deux forts, ornés de gros canons, dont les
feux se croisent avec ceux du continent, pouvant loger une nombreuse
garnison et approvisionnés pour de longs mois de vivres et de
matériel de toute sorte.
Industrie.
Il existe
trois usines qui fabriquent des conserves de sardines et de thon. Le
commerce en détail du poisson, à part celui des crustacés,
ne se fait pas à Groix, où il est très difficile
à un particulier, ce qui parait extraordinaire, de se procurer
du poisson, à moins de l'aller pêcher lui?même. La
pêche se vend dans les ports de la côte compris entre Arcachon
et Concarneau, où les usines s'emparent du thon et de la sardine,
tandis que les autres espèces : soles, turbots, raies, lieux,
etc., sont expédiées aux Halles de Paris.
Configuration
du sol
Superficie
- La superficie de l'île est de 1 500 hectares dont 1200 parfaitement
cultivés et 300 environ laissés en friches, dans la partie
ouest de l'île, où les vents du large font fureur pendant
la plus grande partie de l'année. Il n'y pousse en effet que
des bruyères, du thym et de la lande. Mais cette région
a dû être labourée à une époque, même
peu éloignée, car sous la maigre végétation
qui la recouvre, on reconnaît le tracé des sillons et rien
ne prouve que l'on ne pourrait encore en tirer parti aujourd'hui.
La cause
de cet abandon serait moins la stérilité du sol que l'augmentation
du bien?être par suite de l'élévation du prix de
vente de la pêche, ce qui rend la culture moins attrayante et
surtout moins nécessaire. C'est là, à notre avis
que l'on pourrait faire des plantations (d'arbres); car à Belle?IIe,
qui se trouve dans les mêmes conditions climatériques que
Groix, les essais de ce genre ont parfaitement réussi sur une
étendue de plus de 400 hectares. Certes, les premiers arbres
plantés du côté de la mer auraient de grandes chances
de mourir; mais leurs squelettes serviraient de protecteurs à
d'autres mieux placés. Il suffirait de faire un choix des essences
les mieux appropriées et les plus vivaces. Du reste, si l'on
en croit une ancienne tradition, l'île aurait été
autrefois couverte de forêts, comme Ouessant et Madère,
où l'on ne trouve plus comme à Groix, presque aucun arbre.
L'île
est un vaste plateau d'une hauteur moyenne de 30 à 40 mètres
au?dessus du niveau de la mer, ayant 8 kilomètres de long sur
une largeur moyenne de 2 à 3 kilomètres. Elle a environ
25 kilomètres de circonférence. La ligne de partage des
eaux, est Est et Ouest. De chaque côté partent des vallées
qui se creusent de plus en plus en approchant du rivage et dont quelques?unes
sont très pittoresques. Dans l'Ouest la falaise est très
haute, taillée à pic, inabordable du côté
de la mer. Elle y présente des curiosités naturelles très
remarquables, entre autres le trou de l'Enfer, immense crevasse, étroite
de 7 à 8 mètres, et profonde de 40 au moins, longue de
60 mètres, dans le fond de laquelle s'ouvre une grotte qui s'étend,
dit-on, sous terre jusqu'au milieu de l'île; et le trou du Tonnerre
qui est formé par un éboulement entre deux rochers. La
mer en pénétrant dans ce gouffre y produit un bruit épouvantable
qui lui a valu son nom. Dans l'Est la côte est moins élevée
et présente quelques grèves de sable. Les petites baies
qui portent les noms de Locmaria, Port-Mélite, Port-Tudy, Port-Lay,
Port-Mélin, sont grandes ouvertes et ne peuvent servir de refuge
en cas de mauvais temps, aux nombreuses chaloupes de l'île, qui
sont alors obligées d'aller s'abriter dans la rade de Lorient.
Pour leur éviter ce très sérieux désagrément,
l'Etat fait construire à grands frais un port avec digues et
jetées à Port-Tudy. Dans le Sud, à 40 kilomètres
au large, on voit distinctement Belle-Ile.
Eau
potable - Le nombre des sources est considérable. Beaucoup ne
tarissent jamais ; l'eau qu'elles débitent est de bonne
qualité, et le plus souvent n'a pas besoin d'être filtrée,
c'est ainsi du reste que les habitants en usent.
Malheureusement,
quelques fontaines creusées en contre-bas des collines, au niveau
du sol et sans mur pour les garantir, reçoivent les eaux pluviales
impures qui découlent des hauteurs environnantes où le
sans-gêne de l'habitant des campagnes a déposé toutes
sortes d'ordures; c'est ce qui explique, croyons-nous, la fréquence
des vers intestinaux, surtout chez les enfants, Nous avons eu beaucoup
de peine à faire comprendre la nécessité de curer
fréquemment les puits, et de faire nettoyer les abords de la
fontaine principale du bourg où depuis plusieurs années
l'on entassait les fumiers, au grand détriment de la pureté
de l'eau qui servait à l'alimentation. La crainte du choléra
nous a puissamment aidé dans cette circonstance à convaincre
ceux qui croyaient le moins à l'utilité de l'hygiène.
Entre
toutes, une source avait été signalée depuis fort
longtemps, sous le nom de source minérale, comme possédant
des propriétés thérapeutiques dues à de
sels de fer. Cette source est située à la pointe du Grognon,
non loin du phare. Elle coule goutte à goutte, peu abondante,
des hauteurs de la falaise sur les rochers et laisse sur son passage
un dépôt transparent, légèrement jaunâtre,
blanc dans d'autres endroits, de consistance molle et glaireuse. Voulant
enfin savoir à quoi nous en tenir sur sa richesse minérale,
nous en avons adressé une certaine quantité à M.
le Directeur du service de santé du port de Lorient qui en a
fait faire l'analyse au laboratoire de l'hôpital de la marine
par M. le pharmacien principal Degorce. Cette analyse n'a donné
que des résultats négatifs an point de vue de la minéralisation,
et il en résulte que ce qu'elle présente le plus remarquable,
c'est son extrême limpidité, sa pureté parfaite
et son goût agréable. Le limon qu'elle dépose, examiné
au microscope, par N. E. Lejanne, pharmacien de la marine, est formé
en grande partie par des navicularia en forme de bateau, contenant un
endochrome d'un jaune verdâtre ou plutôt olive et par des
diatomas vulgaris et fenestrata.
Le sol
de l'île étant très accidenté, les eaux trouvent
un écoulement facile vers la mer, et forment de modestes ruisseaux
qui entretiennent toute l'année de la verdure dans les vallons,
alors que les plateaux brûlés par le soleil et par le vent,
dépouillés de leur récolte, offrent un aspect nu
et désolé dès le commencement de l'été
jusqu'aux premières pluies de l'automne. Dans quelques endroits,
faute de pente suffisante, il y a des espaces assez vastes qui restent
inondés pendant l'hiver et dont le dessèchement aux premières
chaleurs n'est pas sans rapport de cause à effet, avec les cas
de fièvre intermittente observée chez quelques enfants
qui n'étaient jamais sortis de l'île.
Géologie
- Il est très probable que Groix faisait autrefois partie du
continent voisin; dont la mer dans son travail incessant de destruction
l'aura peu à peu séparée*. Cette hypothèse
est basée sur ce que depuis la pointe Est, jusqu'à la
pointe de Gâvres, en face, il existe une chaîne de rochers
dont les Errants sont un anneau visible, mais par dessus laquelle chaîne
cependant les plus grands navires peuvent passer facilement. Ce qui
donne un caractère de certitude à cette supposition, c'est
Ia constitution géologique de l'île et celle du continent
de Gâvres à la presqu'île du Rhuys et à l'embouchure
de la Vilaine sent semblables.
(* N
de Webmaster : cette thèse est aujourd'hui obsolète -
voir page sur la
naissance de l'île)
Pour
plus d'exactitude nous empruntons la description géologique suivante
à la brochure de M. Ch. Barrois (Mémoire sur les schistes
métamorphiques de l'île de Groix). Les falaises sont formées
de gemmes, le sable que l'on foule aux pieds est formé de gemmes,
Groix. est un véritable écrin. Mille nuances diverses
colorent le tapis où l'on marche, les minéraux les plus
variés brillent dans la falaise ; le mica blanc nacré
s'y rencontre mélangé au quartz, formant de belles roches
blanches argentées; la présence du chloritoïde, de
la chlorite, de l'amphibole donne naissance à des lits verts,
l'épidote formé des lits jaune verdâtre, le fer
magnétique ou titané donne des tons d'acier.Toute la gamme
des bleus est fourni par la glocophane, d'un bleu indigo quand
elle est seule, elle passe au bleu clair, au bleu gris, au bleu vert,
au bleu violet suivant qu'elle est confusément associée
aux autres minéraux, ou qu'elle alterne avec eux en bandes plus
ou moins épaisses. Le rutile et surtout d'innombrables grenats
colorent certains bancs en rouge.
L'examen
des falaises démontre que l'île est essentiellement formée
de schiste à chloritoïde et d'amphibolites à glaucophane,
en couches alternantes: les premiers dominent dans la moitié
S. O. de l'île, les autres dans la moitié N. E., la direction
dominante de l'ensemble étant vers le N. O.
L'intérieur
de l'île est moins intéressant ; c'est un plateau d'une
altitude moyenne de 30 à 40 mètres, entièrement
formé d'une terre argileuse et compacte provenant de la décomposition
des schistes. Quelques ravins montrant les roches sous?jacentes permettent
de constater qu'elles sont identiques à celles des falaises.
Cet ensemble de couches se rapporte à la partie supérieure
du terrain primitif, aux schistes chloriteux et talcschistes des Alpes
de M. Lory; ils représentent l'étage des talcites cristallifères
de Cordier, ou bien ils forment la base du terrain Cambrien. La richesse
en minéraux rares des roches de Groix est déjà
célèbre, quoique signalée depuis quelques années
à peine.
En 1848
M. de Fourcy reconnut que l'île était formée d'un
schiste micacé jaunâtre à grandes feuilles de mica;
il devient compacte, vert, feldspathique a Kimminéhy où
on a pu l'exploiter pour la construction d'un phare. il signale le grenat
à Kerduit, du cuivre piriteux, du cuivre gris, du fer hydraté
à Saint-Tudy, et enfin avec doute du rutile et du fer titané.
La carte géologique de MM. Lorieux et de Fourcy rattache la formation
de l'île de Groix aux schistes talqueux cambriens, modifiés
par le granit. En 1866, M. d'Ault?Dumesnil cite à Groix le fer
oxydulé tifanifère.
C'est
M. l'abbé Guyonvarch qui fit le premier remarquer l'extraordinaire
richesse minéralogique de l'île, à ce que nous apprend
M. le comte de Limur qui eut le mérite de donner la première
liste des minéraux de Groix, d'après une collection qui
lui aurait été remise par M. l'abbé Guyonvarch.
M. de Limur reconnaît dans les roches de l'île: grenat,
quartz, fer oxydulé, déjà signalés, mais
en outre, rutile, nigrine, ilménite, sphène, crichtonite,
sismondine, ripidolithe, talc chloriteux, dolomie, orthose, albite formant
un filon-couche près du lieu dit la source minérale. M.
l'abbé Guyonvarch a signalé près de ce même
point un autre puissant filon d'un minéral manganésifère,
formé de pyrolusite concrétionnée, amorphe d'après
M. de Limur. Enfin les sables des grèves ont fourni à
M. de Limur, spinelle, zircon, dont le gisement n'a pas été
encore reconnu.
La géologie
n'étant pas notre fait, nous ne suivrons pas M. Barrois dans
la savante description qu'il a faite de tous ces minéraux, qu'il
a étudiés au point de vue de leurs principes constituants,
de leurs caractères optiques, de leur structure, de leur forme,
de leur couleur, de leur stratification, de leur occlusion et de leur
âge. Ces détails si importants pour un géologue
nous entraîneraient hors de notre cadre.
Végétation.
Productions. Culture
S'il
est vrai que l'île fut autrefois très boisée, on
ne trouve malheureusement aujourd'hui que deux ou trois bouquets d'ormes
d'assez belle venue, et quelques chênes rabougris au bourg et
dans quelques villages abrités. Celle des branches de ces arbres
qui sont exposées aux veut violents de S.O. sont généralement
arrêtées dans leur développement et l'arbre ne s'étale
que du côté opposé. Quelques propriétaires
peuvent derrière les murs élevés de leurs jardins
faire prospérer des arbres fruitiers qui donnent d'excellentes
poires, pommes ou figues. En dehors de ces endroits privilégiés,
il n'existe ni fleurs, ni légumes. On trouve seulement sur des
murs, très anciens d'ailleurs, des troncs de lierre qui ont acquis
un développement énorme, et aussi quelques rosiers maigres,
des sureaux autour des maisons, quelques saules dans les vallons. L'absence
de bois entraîne la très grande cherté du combustible;
aussi l'habitant peu fortuné fait-il feu de tout de ce qui brûle
des mottes artificielles, faites de bouses de vaches et de crottin de
cheval délayés et mélangés de paille hachée,
puis séchées contre les murs donnent une chaleur continue
et douce, sans odeur désagréable. Leur usage est général
sur la côte sud armoricaine. On laisse aussi pousser l'ajonc dans
certains terrains médiocres pour servir plus tard de bois à
feu.
La surface
de l'île est cultivée avec le plus grand soin à
l'exception de la partie Ouest, et depuis le mois de mars jusqu'au commencement
de juillet, mais alors seulement, elle offre l'aspect d'un immense tapis
de verdure. Relativement très fertile, grâce aux nombreux
engrais marins dont on recouvre le sol, elle produit en céréales
beaucoup plus qu'elle n'en a besoin pour son alimentation; on cultive
sur une grande échelle : 1° le froment: trois variétés:
l'hybernum, l'aestivum, l'aristée, à épis bleuâtres
et quadrangulaires; 2° l'orge, dont on ne se sert guère
plus, comme on le faisait autrefois pour faire du pain, mais que l'on
exporte pour la fabrication de la bière au continent, où
elle est très appréciée, 3° les pommes de
terre, d'excellente qualité ; 4° les pois très sucrés,
petits et tendres, mais qui deviennent noirs par la cuisson ; 5°
différentes espèces de trèfles ; 6° la vesce
commune. Ici pas de champs séparés. Les sillons labourés
se touchent à perte de vue sans autre séparation que le
ruisseau laisse entre eux pour l'écoulement des eaux. Tracés
en long ou en travers suivant la pente du terrain, ils sont très
hauts et l'on se demande si ce n'est pas un artifice pour agrandir la
surface de la terre labourable. (La corde étant plus courte que
l'arc.) Quoi qu'il en soit, la nature du produit cultivé varie
chaque année toujours dans le même ordre : après
l'orge, le sillon reçoit des pommes de terre et après
celles?ci du froment. Les engrais se composent, outre le fumier des
étables et les têtes de sardines provenant des usines,
des diverses espèces de goémons que les femmes recueillent
à la grève, à grand'peine, qu'on laisse se putréfier
sur les hauteurs à l'abri de la mer et que l'on porte ensuite
par petits tas sur le terrain sec et nu, aussitôt après
que la récolte est faite. Ceux?là seuls peuvent se faire
une idée des odeurs nauséabondes que ces matières
en putréfaction répandent dans l'atmosphère, qui
sont venus à Groix dès le milieu de l'été,
époque à laquelle on s'empresse d'en couvrir la surface
de l'île. L'air n'y est plus respirable et, l'été
dernier, il fallut un arrêté préfectoral pour empêcher
cette exhibition prématurée.
Les
femmes seulement et les vieillards sont chargés des travaux des
champs.
Les
routes qui relient entre eux les 34 villages sont en mauvais état.
Défoncées par les lourdes charges pendant l'hiver, nous
savons par expérience que quelques-unes sont impraticables. La
terre, imperméable, n'absorbe pas les eaux de pluie qui forment,
çà et là, de larges flaques, pour constituer plus
loin une boue glissante et collante qui rend la marche excessivement
pénible.
Flore.
D'après
les recherches botaniques de MM. Viaud, Grand-Matais et Guyonvarch,
le nombre des plantes vasculaires s'élève à 450
environ. Des herborisations plus suivies, faites surtout parmi les moissons
dans les mois de juin et de juillet, feraient probablement d'après
ces auteurs remonter ce chiffre à 500 au moins. Ils se proposent
aussi de dresser le catalogue des lichens. Parmi les champignons une
espèce très répandue pendant l'automne est le champignon
rose.
On trouve,
comme nous l'avons dit, quelques arbres fruitiers et quelques plantes
d'ornement qui demandent à être abritées. L'orme
(ulmus vulgaris) est le seul arbre qui offre une végétation
de quelque vigueur. On rencontre dans l'île les plantes qu'indiquent
la constitution de son sol et sa situation: l'ulex eutopeus avec ses
inséparables erica et cuscuta, deux espèces de polygala,
le glaucium luteum qu'on trouve sur les côtes de Bretagne, des
arenaria, des sedum, des cypéracées nombreuses.
- Les
familles les mieux représentées sont les synanthérées,
les papillionacées qui comptent de nombreuses espèces
de trifolium, de medicago, de lotus, de vicia, une variété
non épineuse d'ononis repens.
- Les
renonculacées sont représentées par des ranonculus
nombreux et par le ficaria ranonculoïdes.
- Les
crucifères comptent de nombreux genres.
- Parmi
les ombellifères on remarque l'eryngium campestre avec ses
fleurs en capitules et un leupleurum.
- Les
solanées sont représentées par la douce amère,
la jusquiame, la pomme de terre.
- Les
scrofulariées par un verbascum, la scrofularia nodosa, des
linaires, des gueules de lion, des véroniques.
- Les
primulacées par des primevères, des mourons, et le saniolus
valerandi.
- II
n'existe pas un seul plant de digitale dans l'lle,
Faune.
Chaque
ménage grésillon, ou peut s'en faut, possède de
nombreux poulets, un cochon qu'il engraisse avec sollicitude, une ou
deux vaches,et un cheval. On se demande, devant la rareté du
fourrage comment ces derniers animaux peuvent arriver à résoudre
le problème de l'existence. L'hiver, ils vivent, on ne saurait
dire de quoi ; aussi arrivent-ils à un état de maigreur
extrême; et ce sont ces vaches étiques, probablement tuberculeuses
quelquefois, qui fournissent la viande de boucherie que la plupart des
habitants consomment. Les chevaux viennent tous du continent. Il n'y
a pas une seule jument dans l'île. Les moutons font complètement
défaut; cependant rien ne serait plus facile que d'en élever
de nombreux troupeaux, comme cela se fait dans les terrains incultes
d'Ouessant où on en compte de 5 à 6 000; quelques chèvres,
quelques ânes. Les autres animaux sont le chien, le rat très
répandu, la souris, le lapin qui pullulait autrefois dans les
trous des rochers et a été détruit presque complètement
par les braconniers. Aucun autre gibier à poil.
Les
oiseaux sont représentés par une immense quantité
d'alouettes, dont une espèce huppée, des moineaux, quelques
pigeons sauvages plus petits que le ramier, de couleur grise, qui vivent
en troupe dans la falaise et s'y reproduisent, des goélands que
chasse le mauvais temps du large, des corbeaux qui l'hiver viennent
s'abattre chaque matin sur l'île et retournent le soir au continent,
quelques pies, des vols de vanneaux et de pluviers dorés, quelques
autres oiseaux de passage, des cailles dans les blés en juillet,
des bécassines dans les roseaux et les mares des sillons, des
bécasses dans les ajoncs, des grives, des merles, quelques tourterelles
au printemps, enfin des canards sauvages que l'on trouve par milliers
dans les Courreaux par les temps froids d'hiver et quelques rares oiseaux
de mer sur les plages, quelques couleuvres, crapauds et grenouilles.
Rien de particulier pour les insectes.
Antiquités
; Menhirs ; Dolmens; Camp romain.
On trouve
à Groix un certain nombre de monuments qui datent de la plus
haute antiquité. L'un des plus remarquables est celui qui porte
le nom d'Arch Moustéro, situé au village du même
nom, construit en pierres sèches et qui devait être un
tumulus. Les menhirs, pierres longues, y étaient nombreux jusqu'à
ces derniers temps. Actuellement il en reste encore un très beau,
debout entre le bourg et Clavesic. Il a six mètres de haut et
trois mètres cinquante centimètres de circonférence
à sa base. Il y en avait également à Kergatouarn,
à Kermario, au Fort-Lacroix, à Port-Lay; mais, étant
venus à tomber, ils ont été utilisés par
leurs propriétaires. Enfin des dolmens, tables de pierre, existent
à Saint-Albin, à Port-Mélit et dans divers endroits
d'où l'on voit la mer des deux côtés de l'île.
On a signalé aussi l'existence de deux cromlechs, lieux courbes,
ou cercles druidiques à Kerlivio et à Créhal; c'étaient
des espaces limités par de grosses pierres placées debout
sur trois lignes à peu près parallèles; mais il
n'en reste presque plus trace aujourd'hui. Enfin à l'extrémité
Ouest, du côté de la mer sauvage, sur un point élevé
de 50 mètres environ au?dessus du niveau de la mer, il existe
une espèce d'enceinte circulaire connue dans le pays sous le
nom de camp des Romains, camp de César, qui a été
le sujet de nombreuses discussions entre archéologues et qui
paraît vraiment remonter à la conquête romaine. Il
y a quelques années, il a été trouvé aux
environs de Port-Tudy une grande quantité de monnaies d'or et
d'argent à l'effigie des empereurs romains.
Dolmens,
menhirs et cromlechs inspiraient jusqu'à ces derniers temps une
terreur mystérieuse aux habitants, et la superstition aidant,
on ne se hasarde jamais à sortir seul la nuit. Nous avons enfin
tout récemment entendu parler d'un souterrain dont l'ouverture
serait à Kermouél et s'étendrait jusqu'à
Port?Tudy sur une longueur de 2 ou 300 mètres. Mais il n'a pas
été exploré.
Caractères
physiques de l'habitant.
La population
est remarquable par sa force physique et son énergie morale ;
les hommes avec leurs larges épaules, leur poitrine développée,
leur cou épais, leurs muscles saillants, leurs grandes mains
élargies par les rudes travaux du bord, leur teint coloré,
leur chevelure et leur barbe fournies, sont doués pour la plupart
d'une constitution athlétique. Les femmes plus sveltes, mais
robustes et bien conformées, ont la taille fine avec des membres
bien musclés; élégantes et coquettes, habillées
de drap fin et de soie les jours de fête, chaussées de
bottines et portant gracieusement une petite coiffe blanche dont les
ailes battent de chaque côté des tempes au moindre souffle
du vent, elles ne ressemblent en rien au portrait que l'on se fait généralement
des femmes et des filles de pêcheurs. Mais le travail de la terre
et leur fécondité les déforment rapidement. L'air
vif de la ruer ternit vite leur teint ; de plus, leur nourriture,qui
se compose exclusivement de laitage et de pommes de terre, étant
insuffisamment réparatrice, un très grand nombre d'entre
elles sont chlorotiques.
Caractère
moral.
Les
hommes valides ne passent guère dans leur famille que trois ou
quatre mois par année; le reste du temps ils naviguent à
la grande pêche. Dès l'âge de 10 à 12 ans,
l'enfant embarque comme mousse sur la chaloupe de ses parents. Élevé
à l'école de l'endurcissement, il grandit au milieu des
dangers, des privations et des misères. Jusqu'au moment où
le service de l'État le réclame. Soumis, respectueux envers
ses chefs, énergique, infatigable, rompu au métier de
la mer qui n'a pour lui aucun secret, le jeune grésillon à
bord des navires de guerre est apte à toutes les professions
qui demandent de la force, de l'intelligence, de l'adresse, et constitue
le type du matelot avec son insouciance proverbiale, son mépris
du danger et son dévouement de chaque instant Là il prend
des habitudes de propreté, de correction dans sa tenue, qu'il
ne perdra plus quand il retournera à ses filets. De retour dans
son île, l'esprit d'ordre et d'économie guide désormais
sa conduite, il se marie dans son village, car il est très attaché
au sol qui l'a vu naître, comme le sont généralement
les insulaires, à une amie d'enfance le plus souvent et ne songe
qu'à élever sa famille dans le traditions où il
a grandi lui même.
On ne
connaît pas assez le rude métier qu'exercent ces vaillants
marins dans les parages si dangereux du golfe de Gascogne qu'ils parcourent
toute l'année par tous les temps. Les chaloupes (On compte à
Groix, 150 chaloupes pontées dont la valeur est de 13 009 francs
l'une et 62 chaloupes non pontées à raison de 250 l'une),
dont ont a une tendance à augmenter constamment les dimensions
pour leur permettre du rester au large le plus longtemps possible (Ils
conservent leur poisson à leur bord dans des glacières
ad hoc.),et de lutter avantageusement contre la tempête, ne jaugent
pas moins de (30 à 80 tonneaux, et ont généralement
six hommes d'équipage l'hiver, et cinq l'été, mousse
compris. Très fines dans les dessous et très élégantes
de forme, larges dans les hauts, et bien assises sur l'eau, bien gréées,
bien mâtées, elles sont pontées et présentent
de très bonnes conditions de solidité, de stabilité
en même temps que de vitesse. Malgré cela, la mer chaque
année en engloutit, un grand nombre. Dès le commencement
du mois de novembre, les Grésillons prennent le large et s'en
vont draguer le Golfe, naviguant tout exprès sans baromètre
pour ne pas être arrêtés dans les ports par ses indications;
aussi se laissent?ils à chaque instant surprendre par la tempête.
C'est alors, quand l'ouragan se déchaîne que chacun doit
faire des prodiges pour lutter contre la mort qui le menace de tout
côté. Sombrer sous une lame trop pesante, chavirer sous
l'effort du vent ou perdre mâts, voiles ou gouvernail et rester
ainsi à la merci d'une mer démontée (3), se briser
sur les rochers d'une côte qu'ils ne connaissent pas ou qu'ils
n'ont pas vue à temps dans l'obscurité ou le brouillard,
tels sont les risques que chaque tempête leur fait courir et que
dix fois par hiver ils affrontent pour gagner de quoi vivre pour eux
et les leurs. Pendant le mauvais temps, les femmes inquiètes
au pays attendent des nouvelles des absents. Nous avons vu pendant le
coup de vent du 2 septembre 1883 plus de 200 femmes assiégeant
le guichet du télégraphe. Ce jour-là six chaloupes
s'étaient perdues corps et biens, 32 hommes avaient disparu,
dont 8 mariés qui laissaient 58 orphelins.
Dès
que le mauvais temps est passé et que les avaries sont réparées,
ils repartent pour la haute mer. On conçoit qu'une pareille population
ait conscience de sa valeur; aussi le fond de son caractère est
la fierté avec une pointe d'orgueil. Les gens sont polis, affables,
et pacifiques. Ils ne sont peut-être pas très hospitaliers
pour l'étranger qui vient s'établir au milieu d'eux; de
plus les questions d'intérêt prennent souvent devant les
tribunaux des proportions très coûteuses, mais les scènes
de violence, sauf les cas de rixe par ivresse, peut-être, sont
rares ; les attentats contre la vie et la propriété sont
à peu près inconnus, et l'on avait pu se passer de gendarmes
jusqu'à ce dernières années. Le culte des morts
surtout est entré dans les moeurs. Dès qu'un cadavre,
ce qui n'est pas rare, est trouvé à la côte, la
population tout entière se rassemble et suit pieusement le mort
jusqu'à sa dernière demeure. L'inhumation se fait en grande
pompe et à frais communs; c'est qu'il n'y a pas de famille qui
n'ait perdu en mer quelqu'un des siens, et chacun reporte sur le cadavre
rejeté par le flot les sentiments d'affection et de regrets qu'il
éprouve pour le parent disparu.
En 1884,
une chaloupe démâtée est restée plus de deux
heures la quille en l'air, avec quatre hommes dans la chambre, ayant
de l'eau jusqu'au cou. Un coup de mer la redressa et, après
avoir été deux jours eu perdition, elle fut remorquée
par un vapeur espagnol à Santander.
Habitations.
Hygiène. Nourriture.
Habitué
à laver le pont de son navire chaque matin, le Grésillon
lave volontiers à grande eau sa maison et tout ce qu'elle contient.
Il fait aussi, comme à bord, largement usage de la peinture à
la chaux et les habitations sont ordinairement propres et blanches au
dedans et au dehors. L'air et la lumière y pénètrent
par de larges fenêtres, et nous sommes déjà bien
loin du temps où bêtes et gens logeaient ensemble dans
des trous obscurs et fétides, et où les personnes d'une
même famille s'entassaient pêle?mêle dans les grands
lits à étages et à fermoirs que l'on rencontre
encore dans quelques villages de la Basse-Bretagne.
Les
hommes, à leur bord, se nourrissent surtout de poisson frais
ou salé et boivent du vin au moment des relâches. La nourriture
des femmes, presque exclusivement végétale, laisse beaucoup
à désirer; l'usage du café et du chocolat est très
répandu parmi elles, et il n'y a peut?être pas au monde
une localité où on fasse une aussi grande consommation
de cette dernière denrée.
Moeurs.
L'ancienne
pureté des moeurs disparaît devant les progrès de
la civilisation et malgré ses bienfaits; on a compté jusqu'à
sept naissances illégitimes dans la même année.
Les femmes sont très attachées à leur religion
et au culte extérieur. Les hommes le sont ou paraissent l'être
beaucoup moins. On leur a beaucoup reproché leurs habitudes d'ivrognerie,
mais ces reproches nous paraissent exagérés, à
nous qui sommes bien placé pour en juger, car si, au retour de
leurs campagnes de plusieurs mois, ils commettent quelques excès,
du moins ne peuvent?ils les continuer longtemps, car â bord de
leurs chaloupes ils n'embarquent ni vin, ni eau-de-vie. Le mal n'est
donc pas aussi grave qu'on a pu le dire ; ce qu'il y a d'inquiétant
pour l'avenir, c'est que le vice semble vouloir se glisser parmi les
femmes.
Anthropologie.
Au point
de vue anthropologique, le temps nous a manqué pour faire des
mensurations exactes des diamètres de la tête et de l'angle
facial. Cette étude demande à être faite avec beaucoup
de détails et d'exactitude pour être intéressante.
Les Grésillons présentent les mêmes caractères
ethniques que les autres Bretons, et à part quelques individus
établis dans l'île et d'origine alsacienne, qui sont très
blonds et de taille élevée, ils appartiennent au type
celtique d'une manière à peu près exclusive,
Langue.
Tous
parlent le breton, qui est l'ancienne langue celtique. Tous savent cependant
le français, qu'ils ont appris au service de l'État et
dans les ports qu'ils fréquentent ; mais ils se servent de préférence
de l'idiome maternel dans leur intérieur. Quant aux femmes qui
ont gardé tous leurs préjugés et toutes leurs croyances
au surnaturel, elles affectent, en générai, d'ignorer
complètement la langue française, qu'on leur apprend à
l'école et qu'elles parlent avec la plus grande répugnance.
Climat

|
Température
Nous
avons seulement résumé les observations thermométriques
de l'an--née 1883, que l'on peut considérer comme
année moyenne au point de vue des températures
extrê- mes . Le tableau que nous donnons a été
dressé d'après les registres tenus au sémaphore
du Grognon, et est par conséquent d'une exactitude parfaite,
On peut dire, à sa seule inspection, que s'il est un
climat constant, c'est bien celui de Groix. Le maximum de la
température a été observé en août,
où il y a eu + 31° un seul jour, et le minimum en
mars, où il est descendu à 4°. |
Pluie
- Nous avons fait également
le relevé des jours pluvieux, avec la durée de la pluie
en heures et la quantité d'eau tombée pour les années
1876, 1879, 1880, 1881, 1882. En faisant la moyenne de ces cinq années,
nous avons par année, 861 millimètres d'eau au pluviomètre
avec 696 heures de pluie. Dans l'année 1883, il y a eu à
Groix 151 jours de pluie, 532 heures et 608 millimètres à
l'éprouvette, tandis qu'à Lorient, pendant la même
année, il y a eu 135 jours avec 930 millimètres, à
Belle-île, 143 jours avec 570 millimètres, à Vannes,
134 jours et 719 millimètres, et à Hennebont, 144 jours
avec 756 millimètres (Observatoire de Lorient.).
Vents
- Les vents de beaucoup
dominants sont ceux du sud?ouest et du nord?ouest ; les premiers, les
plus violents, règnent surtout à l'époque de l'équinoxe;
ils sont très humides sans être aussi froids que les seconds,
qui sont peut-être plus dangereux par les rafales qu'ils contiennent.
Les vents du sud sont rares, mais cependant plus fréquents que
les vents d'est, qui sont très secs.
Brumes
- Les brumes sont fréquentes
l'hiver et persistantes ; aussi les naufrages ne sont-ils pas rares,
surtout à la pointe est, où se trouvent des bas?fonds
et que les navigateurs prennent souvent pour la pointe correspondante
de Belle-Ile.
Hauteur
barométrique - Les tableaux du sémaphore donnent
0,775 millimètres, hauteur maximum atteinte en juin, par un temps
frais et sec, et 0,742 millimètres, baisse maximum observée
en septembre 1883, lors du terrible coup de vent qui fit tant de victimes
au large et occasionna tant de dégâts dans les petits port
de l'île.
Mouvement
de la population.
Le recensement
de 1876 donnait 4 384 habitants, celui de 1881, 4 660.
Le registre
des naissances à la Mairie donne, pour une période de
10 années, une moyenne de 133 par an, celui des décès,
une moyenne de 89; mais dans ce chiffre ne sont pas compris les hommes
disparus à la mer, dont on ne dresse généralement
l'acte de décès qu'après le laps de temps prescrit
par la loi.
Les
mois de l'année qui donnent le plus de naissances pour une période
de 10 ans sont:
-
mars,
avec 161;
-
février,
157 ;
-
juin,
139;
-
juillet,
131.;
-
puis
viennent :
-
août,
113;
-
janvier,
96;
-
mai,
85;
-
septembre,
82;
-
octobre,
66;
-
avril,
66;
-
novembre,
63,
-
décembre,
55.
Il y eut
naissances |
|
mariages |
|
décès |
|
solde
naturel |
|
1874 |
129 |
1874 |
27 |
|
|
|
|
1875 |
139 |
1875 |
20 |
|
|
|
|
1876 |
117 |
1876 |
22 |
|
|
|
|
1877 |
138 |
1877 |
24 |
|
|
|
|
1878 |
131 |
1878 |
31 |
|
|
|
|
1879 |
132 |
1879 |
38 |
|
|
|
|
1880 |
133 |
1880 |
29 |
|
|
|
|
1881 |
142 |
1881 |
32 |
|
|
|
|
1882 |
143 |
1882 |
27 |
|
|
|
|
1883 |
133 |
1883 |
29 |
|
|
|
|
|
1337
|
|
270
|
|
803
|
|
534
|
Ce qui
donne un total de 1 337 naissances en 10 ans.
Mariages.
Le
nombre des mariages dans les 10 années, de 1874 à 1884,
est de 270. Ils ont eu lieu :
-
76
en octobre,
-
51
en septembre,
-
44
en juin,
-
31
en mai,
-
21
en novembre,
-
18
en avril,
-
42
en août,
-
9
en février,
-
4
en janvier,
-
2
en mars,
-
1
en juillet
-
1
en décembre.
Le
plus grand nombre se fait dans l'intervalle des deux pêches,
d'été et d'hiver.
Décès
Tableau
des décès en dix ans, de 1874 à 1884, au-dessus
de 50 ans.

Mortalité.
Longévité.
Sur un
total de 803 décès en 10 ans, nous voyons par le tableau
ci-joint, qu'il est mort 295 personnes âgées de plus d'un
demi-siècle. Ce chiffre nous semble très élevé
et fait ressortir la longévité des insulaires ; mais ce
qui frappe encore davantage, c'est le grand nombre d'individus qui sont
arrivés à un âge extrêmement avancé,
puisque dans cette même période de 10 ans, il est mort
12 personnes sur 803, âgées de 75 à 85 ans; 32 âgées
de 85 à 90; 7 de 90 à 95, et 1 de 95 à 100 ans.
Ces chiffres démontrent-ils que le climat est très salubre
? Nous ne le croyons pas. Les hivers sont trop bruineux, les vents trop
violents. Ils prouveraient bien plutôt que ces hommes de fer,
quand ils ont échappé aux dangers de la navigation et
aux misères de leur profession, sont désormais invulnérables
lorsqu'ils rentrent dans la vie commune. Quoi qu'il en soit, il nous
paraît prouvé qu'il est peu de pays au monde où
l'on vive aussi vieux (1).
Combien, hélas! par une triste compensation, meurent dans la
force de l'âge, engloutis par la mer ! Il suffit de pénétrer
dans le cimetière et d'y lire les inscriptions tumulaires pour
voir qu'il ne contient guère que des femmes, des enfants et quelques
vieillards. Les adultes, en grand nombre, ont pour tombeau l'Océan.
174 individus (le chiffre est officiel) ont péri par sinistre
en 10 ans, savoir
-
1873
24
-
1874
16
-
1875
15
-
1876
2
-
1877
9
-
1878
2
-
1879
16
-
1880
14
-
1881
16
-
1882
13
-
1883
47
En dix
ans, 174 noyés sur une population de 4 660 habitants !!!.
(1) Le
porteur, par intérim, des dépêches télégraphiques
est âgé de 87 ans.
suite
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