Histoire de la Compagnie des Indes
... et des Colonies d'orient

  

 

 

 

Sommaire

 

Prémices

Fondation de la Compagnie

1ère grande expédition vers
 Madagascar et
1ère assemblée générale

2ème expédition vers l'Inde

Fondation de Lorient

 

Projets du Roi 1668/1670
et 
la 1ère escadre aux Indes
         
         
 Opérations 1670/1675
et
Bilan de 1675
         
         
         1eres défaillances
         et
         Bilan de 1684

Réorganisation de la Compagnie en 1685

Armements de 1685/1689

Lorient en 1690

L'Affaire du Siam

Armements mixtes 1690/1697

La Compagnie pendant la guerre 1690/1697

Armements 1697/1701

Décadence 1701/1706

Captation de la Compagnie par les Malouins

Liste des bâtiments de la Compagnie

Un exemple de navire .......... "Le Boullongne"

Histoire des Iles mascareignes

Les escales françaises de la route des Indes

Antoine BOUCHER

 

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LE COMMERCE DES INDES

AUX MAINS DES MALOUINS, 1706-1719.

 

A partir de l'année 1706, la Compagnie n'entre plus dans le commerce des Indes que comme prête-nom. Nous avons vu qu'aussitôt après la paix de Ryswick en 1697, les directeurs se trouvant en présence d'un déficit de plus de 5 millions, s'engagèrent dans une série d'armements considérables (cinq armements), avec l'espoir que les bénéfices qu'ils en retireraient leur permettrait de se libérer. Le résultat, toutefois, ne répondit pas immédiatement à leur attente, et le chiffre des dettes ne fit qu'augmenter de 1698 à 1701. Le cours ininterrompu des intérêts des dettes antérieures et les cinq emprunts à gros intérêts qu'ils avaient faits avaient élevé les dettes à plus de 10 millions en 1701.

Cependant, les heureux effets de quelques années de paix commençaient à se faire sentir ; et, en moins de deux ans, les directeurs avaient remboursé plus de 6 millions, lorsque la phase de régénération dans laquelle la Compagnie semblait devoir entrer se trouva brusquement interrompue par la guerre de la succession d'Espagne. Alors, les armements deviennent de plus en plus dispendieux et de moins en moins profitables ; il faut recourir aux services des Officiers de la marine royale, ce qui coûte toujours fort cher, et le crédit de la Compagnie est tellement usé qu'on ne trouve plus de prêteurs. Faire de nouveaux emprunts garantis par l'actif de la Compagnie est devenu chose impossible; on essaya d'une autre méthode, celle des contrats à la grosse aventure, qui offrait du moins aux prêteurs la perspective d'être désintéressés aussitôt après le retour des navires. On n'obtint pas un résultat meilleur, un résidu de plus de 2 millions de dettes restait irréductible ; bien plus, si l'on continuait les opérations pendant la guerre, il allait certainement s'accroître de nouveau. A quoi bon s'entêter ? Le seul objectif des directeurs était l'extinction de leurs dettes ; les armements entrepris sur le pied où l'on se trouvait ne permettraient jamais d'arriver à ce résultat. Ce qu'il fallait, c'était réduire les dépenses au strict minimum et trouver un rendement annuel modeste, mais sûr, qui comblerait peu à peu le déficit

Un moyen s'offrait aux directeurs. La Compagnie avait reçu, en 1664, un privilège valable pendant cinquante années, à partir du 1er avril 1665, jusqu'au 1er avril 1715. Si, pendant les huit ou neuf années que l'on avait devant soi, on pouvait, moyennant une redevance, octroyer ce privilège à des sociétés particulières qui se chargeraient des armements et de l'exploitation commerciale, on en retirerait plusieurs avantages. D'abord, les frais seraient réduits au minimum ; puis le commerce des Indes serait assuré et le Roi y tenait ; enfin on retirerait de cette combinaison une rente qui éteindrait les dettes.

Des sociétés d'armateurs ne demandaient qu'à agir ; on avait dû naguère se défendre contre leurs entreprises ; aujourd'hui, on les appellerait. Plus habiles ou mieux servies, en tout cas non obérées, ces sociétés particulières étaient appelées au succès.

Telles furent les nouvelles dispositions qu'adopta la Compagnie des Indes dès l'année 1706.

La Compagnie cédait son privilège à des sociétés particulières moyennant soit un droit fixe, soit un droit proportionnel sur la vente des marchandises au retour, et un droit sur les prises ; elle se réservait en outre la prime que le Roi payait pour chaque tonneau de marchandises exportées ou importées.

En échange, la Compagnie donnait la disposition de ses magasins de Lorient et de Nantes ; aux Indes, le service de ses commis, dont l'entretien restait à sa charge; de plus, elle prêtait son titre de Compagnie royale pour les rapports des armateurs avec les autorités indigènes.

La Compagnie fit son premier traité le 21 avril 1706 avec le sieur Jourdan et consorts, moyennant un droit fixe de 30 000 L.. Cette société se proposait d'envoyer trois vaisseaux aux Moluques, aux autres îles des mers orientales et dans les ports de Chine (sauf Canton et Nimpo, réservés à la Compagnie de la Chine). Au mois d'août, la Compagnie entra en pourparlers avec la société Jourdan pour la vente de deux de ses vaisseaux, le Pondichéry et l'Aurore.

Ce premier traité ne fut d'ailleurs pas suivi immédiatement d'exécution à cause de l'opposition de la Compagnie de la Chine.

Le 5 novembre 1707, autre traité avec le sieur Martin de La Chapelle, armateur à Saint-Malo, lui concédant le droit d'envoyer deux vaisseaux dans le golfe persique et la mer rouge (à l'exclusion des autres régions cles Indes), pour y charger du café et d'autres marchandises. Droit de 7 000 L. payables en espèces aussitôt après les passeports délivrés. Cc traité fut suivi de la première expédition des Malouins à Moka.

Le Curieux et le Diligent, deux navires de cinquante canons, partis de Brest, le 6 janvier 1708 pour Moka, rentrèrent à Saint-Malo le 8 mai 1710 avec 1 300 milliers de café. En cours de route, ils avaient rançonné deux navires anglais à la hauteur de Lisbonne, pris un hollandais de 36 canons, le Grand-Vainqueur-de-Middelelbourg, auprès de l'Ascension; et, au retour, un autre hollandais de 40 canons, l'Esquivic, dans les parages des îles Maldives. Voilà ce qu'on pouvait appeler une expédition bien menée.

La Compagnie, en louant son privilège contre argent comptant, croyait pouvoir transmettre intacts tous ses droits, mais il en était au moins un qu'elle possédait mal. C'était le droit sur les prises, Et la communication de ce droit à des particuliers ne pouvait que les rendre encore plus mal assuré

Le partage des prises avait jusqu'alors soulevé un nombre infini de contestations dont la nature variait avec les circonstances dans lesquelles ces prises avaient été faites. En principe, les prises faites "au delà de la Ligne ", appartenaient en totalité à la Compagnie, d'après l'article 39 de la déclaration de 1664. Mais les choses ne pouvaient pas se passer aussi simplement, parce que, les prises étant faites en temps de guerre par des armements mixtes auxquels le Roi participait, indépendamment des parts de prises que la Compagnie se croyait obligée d'accorder aux commandants des vaisseaux, il y avait encore celle que l'Etat réclamait pour le prix de sa participation. C'est cette part de l'Etat qui donnait surtout lieu à des chicanes, car les armements mixtes n'étaient pas toujours faits sur, le même pied. Tantôt le Roi fournissait une partie dès vaisseaux et la Compagnie les approvisionnait et équipait, comme dans l'expédition commandée par DuQuesne ; tantôt le Roi armait lui-même ses vaisseaux ; ce fut le cas de l'expédition de Serquigny. On ne s'expliquait qu'après le retour et non sans difficultés.

Un autre cas pouvait se produire ; par exemple : un navire de la Compagnie, le Pontchartrain, séparé depuis plus d'un an de l'escadre de Serquigny dont il faisait partie, prenait un navire hollandais, la Vennolle. Cette prise appartenait-elle à l'armement ou seulement au navire de la Compagnie ? Procès, requêtes, etc. On pourrait multiplier les exemples de semblables difficultés.

Le partage ne se fît sans contestation qu'après le retour de l'expédition de Pallières (1704-1705). Instruit par l'expérience et les précédents le sieur Raoul-Philippes Foucquier, écuyer, Sieur de Kersalio, conseiller du Roy, lieutenant civil et criminel du siège de l'amirauté à Nantes, fit, le 2 mai 1708, une répartition des parts de prise entre les quatre vaisseaux de l'escadre de Pallières, au prorata de l'importance de leur armement.

Une difficulté plus grave était venue compliquer encore cette question des prises. Une haute autorité maritime qui n'existait pas à l'époque de la déclaration de 1664 avait été créée ou plutôt rétablie en 1609 ; c'était celle de l'amiral de France, dont les droits et pouvoirs furent rétablis par le règlement du 12 novembre 1669 et l'ordonnance du mois d'août 1681.

L'amiral, parmi ses prérogatives, avait celle de donner les commissions et armement et les passeports aux capitaines de la marine marchande, et parmi ses droits, celui de bris et celui du dixième de toutes les prises faites sur mer. Il y avait là matière à conflit entre l'amirauté et la Compagnie ; ce conflit n'éclata pas immédiatement.

Pour la première fois au mois de juillet 1700, les officiers du comte de Toulouse, amiral de France depuis 1683, réclamèrent le dixième d'une prise faite par un vaisseau de la Compagnie. Cette prise était précisément la Vennolle, dont nous avons déjà parlé;. La Compagnie opposait naturellement l'article 39 de la déclaration de 1664. En 1703, nouvelle requête au nom de l'amiral, suivie de nouveaux mémoires au nom de la Compagnie. fin 1707, la discussion durait encore, l'amiral attaquait l'article 39 et l'article b3 qui accordaient à la Compagnie la totalité des prises et le droit de bris ; il prétendait aussi obliger les capitaines et les maîtres des vaisseaux de la Compagnie à prendre prés de lui leurs commissions et à lui remettre, au retour de chaque campagne, les papiers et les prisonniers des navires capturés.

Un édit royal du 26 novembre 1707 intervint pour décider :

- 1er que les Officiers et commis des vaisseaux de la Compagnie prendraient leurs commissions de l'amiral et lui remettraient au retour les papiers et les prisonniers des navires capturés ;

- 2eme que le dixième des prises faites au-delà de la Ligne reviendrait à la Compagnie et le dixième des prises faites en deçà, à l'amiral, conformément à l'ordonnance de 1681.

Il semblait que ce règlement dût faire cesser toute équivoque ; il n'en fut rien. Lorsque la Compagnie concéda son privilège à des particuliers, elle crut pouvoir disposer du dixième des prises et se l'attribuer sur les contrats; les Officiers de l'amirauté opposèrent que l'arrêt du 26 novembre 1707 ne concernait que la Compagnie et non ses associés. On épiloguait même sur le sens de l'expression "au-delà de la ligne ". Etait-ce la ligne à l'ouest de l'Afrique ou la ligne dans la mer des Indes ?

Cependant, sur la requête de la Compagnie, l'amiral, par condescendance et sans préjudice pour les droits de sa charge, consentit à étendre le droit du dixième des prises au-delà de la Ligne, aux associés de la Compagnie, mais seulement jusqu'à l'expiration du privilège de la Compagnie. Cette concession fut confirmée par un arrêt du 3 septembre 1712 .

A la fin de l'année 1707, le 17 décembre, la Compagnie reprenait le traité qu'elle avait fait avec Jourdan le 21 avril 1706, et auquel la Compagnie de la Chine maintenait opposition. Sous les auspices de l'intendant du commerce Le Haguais, le traité fut modifié de la façon suivante.

La société Jourdan enverrait ses vaisseaux aux Indes dans les régions concédées au commerce de la Compagnie et non en Chine ; la Compagnie gardait une somme de 4 4l00 L. qu'elle avait déjà ; reçue de la Société Jourdan comme un commencement d'exécution du traité primitif, et recevait en outre pour 20 000 L. de contrats à la grosse sur l'armement des quatre vaisseaux: l'Aurore, la Princesse, le Diligent et la Découverte qui, avec la corvette de 100 tonneaux, l'Espérance, partiraient pour les Indes au commencement de l'année 1708.

Le 3 septembre 1707, les directeurs avaient écrit à Pontchartrain qu'ils avaient vendu deux de leurs vaisseaux, le Pondichéry et l'Aurore pour "payer ce qui est dû de reste à ses soldats et matelots pour leur part de la prise du Cantorbéry ; et, comme cela ne suffit pas, nous cherchons, disaient-ils, à vendre encore trois autres vaisseaux qui sont au Port-Louis pour satisfaire ceux à qui il est dû; c'est tout ce que nous pouvons faire".

Le 10 décembre, ils écrivaient une autre lettre pour annoncer la vente du Phélypeaux.

Laissant les armateurs particuliers, pleins d'ardeur, continuer avec succès le commerce des Indes, les directeurs ne sont plus occupés qu'à apaiser les créanciers qui les poursuivent et à les faire patienter jusqu'au retour des vaisseaux qu'ils avaient envoyés en 1706 dans la mer du Sud et aux Indes.

Voici une lettre, datée du 2 mars 1708, qui dépeint exactement leur triste situation.

" Les affaires de la Compagnie sont dans un estat très violent, les directeurs sont accablés de sentences des consuls qu'ils ne peuvent acquitter. Ils sont poursuivis par leurs créanciers avec toute la rigueur possible et n'osent sortir de chez eux crainte d'estre traînez en prison.

Ils ont fait entre eux des contributions immenses qui leur causent un dérangement infini dans leurs affaires particulières. Ils sont dans l'impuissance de rien faire au delà. Ils auraient besoin d'un secours actuel pour s'acquitter avec ceux qui les persécutent et prévenir d'autres condamnations en payant au moins l'lntérest, ce qu'ils ne peuvent faire par eux-mêmes.

Ils attendent un retour des Indes qui pourroit être fort avantageux.

Ils sont en procez avec leurs actionnaires pour leur faire faire les mesmes contributions que les directeurs ont fait à proportion. Si le jugement de cette contestation leur est favorable, comme ils ont raison de l'espérer ils tireront une somme assez considérable de cette contribution.

Ils pourroient par l'un ou l'autre de ces événemens s'acquitter avec le Roy des secours que Sa Majesté et Monseigneur auroient la bonté de leur donner. Cependant ils périssent s'ils ne sont aidez et ils seront réduits à la fatale extrémité de réclamer l'autorité de Monseigneur pour se mettre à couvert des poursuites rigoureuses de leurs créanciers.

Monseigneur est très humblement suplié d'avoir la bonté de soutenir cette Compagnie dont le dérangement vient uniquement des malheurs que lay a causé la guerre."

Et dans un mémoire du 18 mars :

"... Après la paix de Ryswick, les directeurs espérant remplacer ces pertes, ont emprunté du public des sommes si considérables, qu'au commencement de 1701, ils devoient près de onze millions. Malgré toutes ces disgrâces, ils ont payé à deux millions près ce qu'ils doivent... "

A ce moment même, ils recevaient de mauvaises nouvelles de l'armement de 1706 ; les vaisseaux étaient encore sur les côtes du Pérou; ils avaient consommé leurs approvisionnements, dépensé 45 000 écus pour acheter des vivres et fait un commerce si peu avantageux qu'un de ces vaisseaux, peut-être deux, allaient être forcés de revenir en France sans aller aux Indes. En effet, le Maurepas et la Toison-d'0r arrivèrent au Port-Louis le 10 mai 1708, avec de si faibles cargaisons qu'elles ne permettaient pas de couvrir les contrats à la grosse ; il s'en fallait de 500 000 L.

"On nous assure", écrivent les directeurs le 16 mai, "que les officiers rapportent des cargaisons immenses pour leur compte, nous ne sçavons point ce qui en est, nous serions lâches de les accuser mal à propos, mais nous avons lieu de croire qu'ils ont eu plus d'attention à leurs intérêts qu'aux nôtres (1), Monseigneur en ordonnera comme il le jugera à propos."

(1) Dans cette même année 1708, le malouin Alain Porée rapportait du Pérou sur la frégate l'Assomption, une cargaison de 8 millions. L'année suivante, une flottille de sept navires malouins, de la Compagnie de la mer du Sud. revenait des mêmes parages avec 30 millions qui furent prêtés à l'Etat... et jamais rendus ! Quel contraste frappant fait cette splendeur avec la misère dans laquelle se traînait la société patentée et patronnée par l'Etat !

Et devant ce déficit, ils s'écrient:

" Ce malheureux événement augmente nos disgrâces et nous fait faire de tristes réflexions sur notre Etat."

Le 4 août, les directeurs signent un véritable acte de renonciation.

"... Les directeurs ont eu l'honneur de rendre compte à Monseigneur le Comte de Pontchartrain de la situation où elle (la Compagnie) se trouve et de le supplier très humblement d'en informer le Roy et de faire agréer par Sa Majesté que la Compagnie lui remette son privilège et ses établissements et de faire examiner par les Commissaires de Sa Majesté ce qui est à faire pour tirer les intéressés de l'oppression où ils seront et pourvoir aux moyens de faire continuer ce commerce par ceux des sujets de Sa Majesté qui sont les plus capables de soutenir une si importante entreprise..."

Le ministre ayant "jeté les yeux sur Messieurs de Saint-Malo comme étant les plus considérables négociants du royaume", les directeurs les invitent à prendre connaissance de l'état de la Compagnie et ils mettent sous leurs yeux le document suivant :

" Estat des dettes de la Compagnie des lndes.

 

Billets sur place 2 537 000

Bénéfice de la grosse du Maurepas et de la Toison 501 000

Divers créanciers de la Compagnie 546 000

Grosse du St Louis et solde des équipages par

estimation sur le pied de 32 mois de campagne 661 000

A Surate 1 266 000 )

A Pondichéry 124 000 ) 1 390 000

Au Roy, toute compensation faitte 874 000

6 509 000 L.

 

Effets de la Compagnie.

 

Le Port de l'Orient 400 000

Vaisseaux, agrez, aparaux et provisions pour armements 200 000

Effets en caisse 100 000

Magasins à Nantes 20 000

Le retour du St Louis 2 000 000

Les établissements de la Compagnie aux Indes 3 000 000

L'Isle de Bourbon 400 000

Le Privilège de la Compagnie 2 000 000

8 120 000 L.

 

 

L'estimation des effets de la Compagnie excède de 1 611 000 L. le montant de ses dettes.

Les intéressés auront encore à demander les principaux de leurs fonds qui se montent à 2 105 000 L.

Les intérêts qui se montent à 1 333 000 L. (ce qui représente six années d'intérêt maritime, et montre que les intéressés avaient reçu les intérêts arriérés jusqu'à l'année 1701 inclusivement).

Et les droits de présence qui se montent à 186 000 L. (les directeurs avaient cessé de toucher leurs droits de présence depuis 3 ans).

Elle le se flatte que le Roy aura la bonté d'entrer dans les expédients qui seront proposez à Sa Majesté pour le remboursement des fonds.

 Elle croit pouvoir proposer à Mrs de St-Malo que l'excédant du produit de ses Effets serve à payer les intérêts et les droits de présence.

La Compagnie leur donnera toutes les facilités qu'ils pourraient désirer."

Donné le 8 aoust 1708 en communication à Mrs de St-Malo chez Mr Daguesseau (conseiller aux finances, l'un des commissaires nommés par le Roi pour le règlement des affaires de la Compagnie) en présence de M. le Haguais (intendant du commerce).

Ce document qui donne exactement la situation financière de la Compagnie au moment où elle faisait tous ses efforts pour entrer en liquidation d'une manière à la fois honorable et avantageuse, il est certain que dans ce bilan les effets furent estimés au maximum de leur valeur ; remarquons aussi que la Compagnie, pour la première fois, fait entrer dans son actif la valeur de son privilège, qu'elle estime à deux millions

Les directeurs n'auraient pas confié à tout le monde le drapeau de la Compagnie. Des armateurs de Nantes avaient proposé de faire la course aux Indes et Pontchartrain avait écrit sur ce sujet une lettre aux directeurs, le 4 avril 1708 ; mais la Compagnie déclinait l'offre en ces termes : " Il luy serait très périlleux de permettre à des particuliers armateurs d'aller fourager dans ces mers, celà épouvanteroit les Indiens, ils passeroient pour flibustiers et forbans et comme ils ne feroient cet armement que pour leur fortune, ils prendroient sans distinction ni égard tout ce qu'ils rencontreroient n'ayant d'autres vues que leur interest sans se mettre en peine des suites qui ruineroient la Compagnie. "

On avait déjà fait la course sur les ennemis aux Indes, mais c'était avec les vaisseaux du Roi ; sous la garantie du pavillon royal, les choses s'étaient passées régulièrement ; avec des particuliers, au contraire, on ne savait pas jusqu'où cela irait.

Pour les armateurs malouins, dont les coffres étaient bien garnis on ne faisait pas tant d'objections, mais il est probable que ceux-ci ne se montrèrent pas très empressés de prendre en main les affaires de la Compagnie; car, le 14 octobre, les directeurs s'adressaient au Roi lui-même et présentaient au ministre un mémoire qui commence par cet exorde :

" La situation violente dans laquelle se trouve la Compagnie des Indes Orientales par les poursuites rigoureuses de ses créanciers ne permettant pas aux directeurs de garder le silence..." etc.

Suivent un exposé de cette triste situation et des doléances sur les pertes immenses (plus de 19 millions) que la guerre et des entreprises très onéreuses ont causées à la Compagnie.

" Monseigneur est très humblement suplié d'observer que les dépenses que la Compagnie a fait pour des Etablissements si solides aux Indes luy ont été ordonnez par Nosseigneurs les Ministres, les Directeurs bien instruits qu'ils n'édifiaient aux Indes que pour l'Etat et non pour eux personnellement..."

Le mémoire se termine par la "proposition" suivante :

"On suplie très humblement Sa Majesté de se charger 3 600 000 L. que la Compagnie doit, d'en assigner le payement en rentes sur l'hostel de Ville au denier vingt. Les arrérages annuels de ces rentes seront de 180 000 L. "

Les droits d'entrée que le Roi mettrait sur les marchandises importées par les Malouins agissant pour la Compagnie, dépasseraient, disaient-ils, ce chiffre de 180 000 L. Cependant, les choses ne s'arrangeaient pas et les directeurs continuaient leurs plaintes:

" Nous sommes forcez, Monseigneur, de vous représenter très respectueusement que la Compagnie est dans un désordre extrême, les directeurs sont accablez de sentences des consuls, on a saisy réellement les charges et les biens des Sr Desvieux et Mercier, on a exécuté les meubles des Sr Soullet et Tardif, les uns et les autres sont obligez de garder leurs maisons et n'en osent sortir crainte d'estre trainez en prison. Monseigneur sçait nostre estat, et que nous ne sommes point en pouvoir de rien faire polir soutenir cette malheureuse affaire, nous avons épuisé nos fortunes et nos familles. Vous avez en la bonté de réfléchir aux expé-diens dont cette affaire est susceptible, mais en attendant que vous ayez ordonné de nostre sort, nous osons vous suplier très humblement, Monseigneur, d'ordonner aux Juges Consuls de nous admettre à faire des offres d'un cinquième sur les condamnations qui ont esté prononcées contre nous, jusqu'à ce jour, et de nous donner pour les 4/5 restans un nouveau délay de trois mois en trois mois par quart. Par ce soulagement nous espérons nous soutenir jusqu'à ce que Monseigneur ait décidé sur le sort de la Compagnie. - BAR, SOULLET, CHAMPIGNY, LEFEBVRE, PELETYER, TARDIF. "

C'est la faillite ! Enfin, le Roi s'émeut ; un arrêt daté de Marly 6 novembre 1708, ordonne la convocation d'une assemblée générale des directeurs et des syndics des actionnaires, en présence du prévôt des marchands ; ils auront à s'entendre sur les moyens de soutenir la Compagnie et remettront un état de leurs effets et dettes entre les mains cles commissaires que le Roi désignait.

Le Roi avait été informé, disaient les considérants de cet arrêt que les directeurs étaient embarrassés et les créanciers de plus en plus pressants ; que les directeurs et les actionnaires étaient désunis et Sa Majesté en a été surprise, car jamais la Compagnie n'avait été aussi prospère, ayant payé la plus grosse partie de ses dettes avec les intérêts et possédant les établissements les plus solides aux Indes. La Compagnie peut compter que le Roi soutiendra son commerce que sa Majesté la regarde comme une entreprise qui intéresse là Religion, la gloire et l'honneur de la nation. " Les créanciers doivent se tranquilliser et les intéressés reprendre confiance.

Certainement, cet optimisme officiel n'en imposa à personne. Au reste, un arrêt du 12 novembre, plus intéressant pour les directeurs, vint surseoir aux poursuites dont ils étaient l'objet.

Le 1er décembre 1708, la Compagnie faisait un traité en treize articles avec les sieurs Crozat et de La Lande-Magon père et fils, de Saint-Malo, leur donnant permission d'envoyer, en janvier 1709 deux vaisseaux et une patache d'avis de huit à dix canons à Ougly, Pondichéry et à la côte de Malabar, moyennant un droit de 15 % sur la vente au retour, 10 % sur les prises au-delà de la Ligne, et les primes des tonneaux pour la Compagnie.

En exécution de ce concordat, les navires le Malo, le Saint-Jean-Baptiste et la patache la Bien-Aymée partirent en janvier 1709 pour les Indes et revinrent au Port-Louis le 23 août 1710.

Le 22 avril 1709, autre contrat en vingt-sept articles avec Crozat, de Beauvais Le Fer, du Colombier-Gris et Chapdelaine, leur accordant permission d'envoyer quatre vaisseaux aux Indes l'année suivante, moyennant 10 % sur la vente, 5 % sur les prises en deçà de la ligne et 15 % sur les prises faites au-delà, et les primes des tonneaux; permission également d'envoyer deux vaisseaux dans la mer Rouge, moyennant 10 % sur la vente au retour

Peu de temps après, la Compagnie vendait à la société Crozat-Beauvais Le Fer deux vaisseaux, le Maurepas et la Toison-d'Or, pour 92 000 L. à employer dans l'intérêt de 300 000 L. que la Compagnie comptait prendre dans leur armement. Le 22 juin, le directeur Soullot en donnait avis au ministre : " Nous avons vendu à Mrs de Saint-Malo deux vaisseaux, le Maurepas et la Toison, qui se consommaient dans le port, 92 000 L. ; je crois que c'est une bonne défaite. "

La Compagnie se défaisait peu à peu de ses derniers vaisseaux qui ne lui étaient plus d'aucune utilité. Quant à l'établissement de Lorient, il était sous la direction du sieur Verdier, simple commis, qui avait succédé au directeur de Boisanger mort en 1707, et la Compagnie en assurait encore l'entretien ainsi qu'il résulte de la lettre suivante écrite le 3 juillet 1709.

" Le Sr Verdier, notre commis à l'Orient, nous écrit qu'il y a plusieurs réparations indispensables à faire dans le port pour la conservation de nos cazernes; comme il nous paroist nécessaire d'en faire faire la visite par quelque personne entendue et ensuite le devis, nous suplions très humblement Monseigneur de donner ses ordres à M. de Langlade pour en dresser son procès-verbal conjointement avec le dit. Sr Verdier et donner leur avis pour les réparations les plus urgentes... "

Le 13 juillet, ordre était donné de vendre la Princesse-de-Savoie, si l'on trouve acquéreur, pour payer ce qui reste encore dû aux matelots employés dans la dernière campagne.

Cependant, un navire de la Compagnie, le Saint-Louis, parti le 14 juillet 1706, était encore en route ; c'était toute l'espérance de la Compagnie. Les anciens créanciers, les porteurs de contrats à la grosse, les "pauvres malheureux matelots" , dont la solde n'était pas payée, les directeurs qui s'étaient engagés à mettre 300 000 L. dans l'armement des Malouins, tous l'attendaient avec impatience. On savait qu'il était bien arrivé à Pondichéry, mais on tremblait pour le retour.

Des corsaires ennemis battaient la mer ; Verdier venait d'écrire de Lorient, le 26 juillet, que le vaisseau du Roi, le Superbe, était rentré au Port-Louis avec un flessinguois de trente canons, qu'il avait capturé devant les côtes; un autre de quarante-quatre canons lui avait échappé ; s'il allait enlever le Saint-Louis ! On fait appel à tous les corsaires bretons. Le 10 août, les directeurs promettent 30 000 L. à celui qui ramènera le Saint-Louis. Le 15, ils s'affolent et supplient le Roi de les décharger de tout.

En septembre et octobre, des lettres arrivent des Indes; elles apprennent que le Saint-Louis est allé hiverné à Merguy, et qu'il repartira de Pondichéry vers le 15 ou le 20 février 1709. Il devrait être déjà au Port-Louis.

En attendant, c'est la misère et la persécution, les directeurs ne pouvait plus se rendre au bureau sans rencontrer des " créanciers fâcheux " ou des huissiers; ils ne payent même plus le loyer du bureau. Le sieur Bachelier, propriétaire de la maison occupée par la Compagnie, réclamait 3 600 L. pour deux ans et trois mois de loyer; il a fait saisir les meubles du bureau et menace de les faire vendre. Les directeurs ne peuvent plus s'entendre pour réunir les fonds et il faut un arrêt du Conseil (17 octobre 1709), pour les obliger à s'acquitter.

Les employés non plus ne sont pas payés Il faut 16 000 L. et les quelques directeurs de bonne volonté qui assistent encore aux séances ne peuvent rien obtenir des autres; ils s'en plaignent au ministre :

" ... Pour payer les gages des commis et autres dépenses annuelles, les Directeurs qui conduisent l'affaire, au nombre de 4, ont fait une délibération portant que tous les directeurs, leurs héritiers et ayant cause payeraient leur part de la d. somme de 16 000 L.

Les directeurs sont au nombre de 20 ; à ces 4, il s'en est joint un 5ème qui est un de ceux qui travaillent, deux ont déclaré qu'ils n'avoient pas les moyens de contribuer, il en est mort 5 et les 8 autres n'assistent plus aux assemblées quelque avertissement qu'on leur en donne. "

En somme, sur les vingt directeurs qui existaient encore en 1703, cinq étaient morts et non remplacés, cinq seulement s'occupaient encore activement des affaires de la Compagnie: les directeurs Soullet, Desvieux, Lefebvre, de Champigny et Sandrier ; et les dix autres s'en désintéressaient presque complètement.

Un arrêt du Conseil d'Etat du 16 décembre 1709 ordonne que tous les directeurs ou les héritiers ou ayants cause de ceux qui sont décédés, remettront leur part de 16 000 L. pour le paiement du plus urgent.

Enfin, le Saint-Louis paraît ! Il rentre au Port-Louis le 18 décembre.

Pour transporter les marchandises à Nantes, il y avait pour 40 000 L. de frais que les directeurs n'étaient pas en état de fournir. Impatients, les porteurs de contrats à la grosse avaient déjà fait saisir les marchandises. L'opération pourtant si simple et si souvent exécutée de la vente des marchandises allait devenir impraticable ; il fallut un arrêt du Conseil (11 janvier 1710) pour la régler. Les directeurs étaient autorisés à emprunter, pour les frais de transport et de vente, 40 000 L. dont le remboursement était garanti sur les premiers deniers de la vente. Celle-ci une fois terminée, les commissaires nommés par le ROi, par les décrets des 6 et 12 novembre 1708, feraient la répartition entre les créanciers.

Les actionnaires et les créanciers se réuniraient le 18 janvier chez M. Boucher d'Orsay, maître des requêtes et intendant du commerce, "pour nommer respectivement des syndics entre eux. " Le 21 du même mois, les directeurs, les syndics des actionnaires et ceux des créanciers se réuniraient encore une fois chez M. d'Orsay pour prendre les dispositions propres à assurer la vente des marchandises du Saint-Louis, et défense à qui que ce soit de faire opposition ou saisie.

On décida que la vente aurait lieu à Nantes le 25 mars et que les fonds qui en proviendraient seraient enfermés dans un coffre fermant à trois clefs, et confié à la garde du sieur Le Noir, caissier de la Compagnie; une des clefs serait remise aux directeurs, une autre au syndic des créanciers et la troisième au sieur le Noir.

Pendant plus de deux ans, ce fut une suite ininterrompue de requêtes et d'arrêts pour le paiement des créanciers sur les deniers provenant de la vente "des marchandises du vaisseau le Saint-Louis, corps et quille dudit vaisseau." Les créanciers furent divisés par catégories et certaines créances réduites. Comme il en restait toujours, pendant plusieurs années, on dut prendre sur les revenus que la Compagnie tirait de la communication de son privilège.

Au mois de janvier 1710, la flotte que les malouins avaient armée en conséquence du traité passé avec la Compagnie le 21 avril 1709, était prête à partir, bien qu'un nouvel arrêt du Roi sur le commerce des étoffes des Indes eût failli tout compromettre.

Le régime d'importation des étoffes des Indes avait été bien des fois remanié ; mais, d'une façon générale, depuis 1687, les étoffes indiennes peintes étaient prohibées ; les étoffes de soie et d'écorces d'arbres, tantôt tolérées et limitées à 150 000 L. d'importation annuelle et tantôt prohibées ; les toiles de coton blanches et les mousselines de coton pouvaient entrer en payant les droits et avec la formalité de la marque aux deux bouts des pièces pour empêcher la fraude.

Or, le 27 août 1709, un arrêt royal interdisait complètement l'introduction de toutes les étoffes des Indes, avec défense d'en taire aucun commerce et aucun usage en France. Ce fut une protestation générale des directeurs de la Compagnie, des marchands de seconde main, et des armateurs malouins qui menaçaient de déchirer le traité fait avec la Compagnie et d'attaquer celle-ci en dommages et intérêts.

Le Roi céda, et un arrêt du 10 décembre 1703 rapporta celui du 27 août.

La flotte malouine, composée de quatre navires, le Maurepas, le François-D'Argouges (du nom de Mgr d'Argouges, évêque de Vannes, l'Auguste et le Lys-Brillac partit en janvier 1710. La Compagnie y avait adjoint le sieur Hardancourt, secrétaire de son bureau, pour servir d'intermédiaire entre les malouins et ses commis aux Indes. Elle s'était intéressée dans l'armement pour 300 000 L.

Cette flotte rentra au Port-Louis le 8 février 1712; une prise anglaise qu'elle avait faite au delà de la ligne, !e Nouveau-Georges était arrivée en janvier à Morlaix. Le François-d'Argouges avait également capturé le Thomas-de-Londres et un brigantin portugais.

Le 27 septembre 1710, la Compagnie, avec l'assentiment de la société Crozat, Beauvais Le Fer et consorts, à laquelle elle était liée concédait à deux autres armateurs, les sieurs Du Moulin et Delaye le droit d'envoyer deux vaisseaux aux Indes. La Compagnie se réservait 10 % sur la vente, 10 % sur les prises et les primes des tonneaux.

La société Crozat, etc., fit partir de Saint-Malo, en janvier 1711, deux vaisseaux, la Paix et le Diligent pour Moka. Ce fut la deuxième expédition des malouins à Moka. Les deux navires, chargés de 1 600 milliers de café, rentrèrent à Saint-Malo en juin et juillet 1711 , avec une prise hollandaise, le Beau-Parterre et une anglaise, le Princesse; une autre prise anglaise, la Reine-Anne, avait été vendue aux Indes. Les Malouins partaient deux, ils revenaient quatre et bien chargés.

Deux autres navires, le Saint-Louis et le François, partirent le 9 juin 1711 pour les Indes; mais, dépassant les limites concédées par le traité du 27 septembre 1710, ils firent une incursion dans les mers du Sud. Pour cette raison, lorsqu'ils arrivèrent à Pondichéry, le gouverneur Du Livier fit saisir les deux vaisseaux avec leurs cargaisons. Le François resta aux lndes et le Saint-Louis rentra au Port Louis le 4 mai 1715. On préleva sur la vente de ses marchandises les deniers nécessaires pour acquitter la saisie Du Livier.

En 1711, Crozat et un armateur de Marseille, le sieur Bruny, proposaient d'armer en course et sans marchandises trois vaisseaux du Roi pour les envoyer aux Indes sous le commandement de M. de Roquemadore, capitaine de vaisseau. Par ordre du Roi, le 5 juin, le sieur Fontanieu, directeur général cles compagnies établies pour le commerce maritime, stipulant au nom de la Compagnie des Indes et à son insu, pour tenir secret cet armement en guerre, fit traité avec les deux proposants pour envoyer aux Indes les deux vaisseaux du Roi : l'Eclatant, le Fendant et la frégate l'Adélaïde, qui devaient partir de Cadix en janvier 1712, sans marchandises et avec seulement 10 à 12 000 piastres.

Après la campagne, quand l'Adélaide rentra au Port-Louis, le 17 janvier 1713, avec les marchandises d'un navire anglais le Scherborn capturé au-delà de la Ligne, et après la vente de ces marchandises à Rouen le 4 septembre et jours suivants, la Compagnie réclama comme un droit le dixième de la prise, mais ce dixième fut adjugé à l'amiral (arrêt du 24 septembre 1714) parce que la prise avait été faite par des vaisseaux du Roi.

Le 5 février 1712, un traité de même nature fut passé entre le directeur de Champigny au nom de la Compagnie, d'une part ; et les sieurs Guymont du Coudray, capitaine des vaisseaux du Roi, Bille bourgeois de Paris et consorts, d'autre part, pour expédier aux Indes, le 15 juillet suivant au plus tôt, trois ou quatre vaisseaux du Roi.

Les trois vaisseaux de l'expédition rentrèrent isolément en France :

- Le Jason, à Brest, le 9 mai 1715.

- Le Mercure, à Brest, le 25 février 1716.

- La Vénus, à Nantes, le 28 lévrier 1716.

L'expédition ayant été malheureuse, les bailleurs de fonds s'en prirent aux armateurs et leur firent un procès. La Compagnie n'en tira que peu de chose, mais du moins, elle n'y perdait rien.

Il y avait mieux à faire avec les Malouins. Le 20 juillet 1712, la Compagnie avait repris un traité avec les sieurs Crozat, de Granville-Locquel, de La Lande-Magon, de Beauvais Le Fer, du Colombier Gris, de La Saudre Le Fer, de La Chapelle-Martin et Chapdelaine, pour les années 1713,1714 et 1715, leur concédant le commerce des Indes, sauf la Chine et la mer du Sud, moyennant 10 % sur la vente, et la prime des tonneaux pour la Compagnie. Celle-ci aurait en outre le dixième des prises faites dans la région de la concession, et ce droit lui fut confirmé jusqu'à l'expiration de son privilège par un nouvel arrêt du 3 septembre 1712. Les armements des Malouins reprennent alors avec le même succès.

En 1713, trois vaisseaux: les Deux-Couronnes, le Lys-Brillac, et I'Auguste partent pour les lndes et rentrent le 14 juillet 1714

En 1714, la troisième expédition de Moka: le Chasseur et la Paix partent de Saint-Malo le 21 mars 1714, sous le commandement de Guillaume Dufresne, sieur d'Arsel, lequel, au retour de Moka, prit possession au nom du Roi, de l'île Maurice appelée désormais l'île de France (20 septembre 1715). Celte expédition était de retour en février 1716.

En 1715, le Lys-Brillac et les Deux-Couronnes parlaient de Saint-Malo les 22 et 23 janvier pour les Indes et rentraient au PorT-Louis le 17 juillet 1716.

Dans chacune de ces expéditions, la Compagnie, qui ne courait plus aucun risque, prenait un intérêt comme un simple particulier, et, à chaque retour, elle recevait, outre ce qui lui revenait pour cette participation, les redevances qui lui étaient assurées par les traités. Alors, les directeurs, les syndics des actionnaires et ceux des créanciers se réunissaient et l'on décidait d'une répartition qui était réglée par les commissaires du Roi et définitivement fixée par un arrêt du Conseil d'Etat.

La Compagnie, d'ailleurs, faisait argent de tout ce qui ne lui était pas indispensable; après avoir vendu son dernier vaisseau, elle se débarrassait du restant de son matériel d'armement.

Le 5 juillet 1713, les directeurs remerciaient le ministre d'avoir donné ordre à M. Clairambault à Lorient de recevoir, pour paiement de 3 216 L. que la Compagnie devait au Roi, " les sept ancres que nous avons à l'Orient après que la visite et estimation en auront été faites en présence du sieur Verdier notre commis audit lieu. "

Mais l'extinction des dettes de la Compagnie ne pouvait se faite que très lentement; car, outre les intérêts des dettes, elle avait encore à payer les appointements de ses employés en France, l'entretien des comptoirs aux Indes (y compris le solde de la garnison de Pondichéry), les dettes qu'elle y avait et les droits qu'exigeaient les autorités indigènes.

Au commencement de l'année 1714, elle avait encore en France un résidu de dettes de 1 235 000 L., et elle se trouvait en état d'en payer le quart.

Cependant, l'époque de l'expiration du privilège de la Compagnie approchait, au moment où la paix des mers venait d'être rétablie par le traité d'Utrecht (1713). Cinquante ans avaient passé sur l'œuvre de Colbert; on n'en était plus à prendre auprès cles Hollandais des leçons de commerce et de navigation; l'extinction d'une Compagnie qui languissait depuis si longtemps semblait ne devoir être qu'un soulagement pour le commerce maritime français. Mais la France, affaiblie et ruinée, le Roi vieilli et humilié, n'avaient plus l'entrain nécessaire pour se lancer dans une grande entreprise commerciale; on entrait dans une période de recueillement et le moment de changer un organisme qui fonctionnait encore tant bion que mal n'était pas encore venu; d'ailleurs, la Compagnie n'avait pas payé complètement ses dettes en France et encore moins aux Indes.

Pourtant une déclaration royale donnée à Fontainebleau, le 29 septembre 1714, prolongea pendant dix ans, à partir du 1er avril 1715, le privilège du commerce des Indes Orientales en faveur de l'ancienne Compagnie. Cette déclaration fut enregistrée au Parlement, le 15 octobre 1714.

La Compagnie conservait ses anciens privilèges, mais se voyait exclue des mers de Chine et de la mer du Sud et définitivement privée du dixième des prises, qui revenait à l'Amiral.

Cette prolongation était accordée aux directeurs pour les mettre en estat de payer le reste des dettes qu'ils ont contractées. Presque aussitôt, les directeurs négocient leur privilège dans un nouveau traité avec les Malouins.

Ce traité, composé de vingt-huit articles, fut signé au bureau de la Compagnie le 5 décembre, et à Saint-Malo le 14 décembre, et homologué par un arrêt du Conseil d'Etat le 29 décembre 1711.

Les traitants étaient d'une part, pour la Compagnie: les directeurs Soullet, Desvieux, Tardif, Lefebvre, Hébert, Moufle de Champigny, Hélissant, Landais et Sandrier; d'autre part: le financier Crozat et les armateurs malouins, de Beauvais Le Fer, du Colombier Gris, de La Lande-Magon, de Grandville-Locquet, La Chapelle-Marlin, La Saudre Le Fer, Jean-Gaubert, de Carman-Eon, du Fougeray-Nouail, Duval-Baude et de La Balue-Magon.

Ils pouvaient envoyer aux Indes autant de vaisseaux qu'ils voudraient en payant à la Compagnie 10 % sur la vente des marchandises, 5 % sur le produit des prises, sans préjudice du dixième revenant à l'Amiral.

La Compagnie s'intéressait pour un dixième dans les armements. Les armateurs prêtaient à la Compagnie 1 200 000 L. dont 200 000 immédiatement, à charger sur les premiers vaisseaux, pour payer les dettes au Bengale, et un million dans les trois premières années du traité et par tiers, pour payer les dettes à Pondichéry, au Bengale et à Surate. Ils s'engageaient aussi à rapporter au moins pour deux millions de marchandises des Indes chaque année.

La prime des tonneaux restait à la Compagnie, et celle-ci s'engageait à ne pas envoyer de vaisseaux aux Indes et ne pas en donner la permission à des tiers.

Les armateurs seraient tenus, pour obéir aux ordres du Roi et au comte de Pontchartrain, d'envoyer des navires à l'île Bourbon et d'y passer gratis les missionnaires.

Ils devaient enfin, à chaque expédition, fournir à la Compagnie une déclaration exacte du nombre et de la qualité des vaisseaux et de leurs ports d'armement. La Compagnie assurait aux armateurs le service de ses commis aux Indes et leur donnait gratuitement l'usage de ses magasins à Lorient et; Nantes, s'il en était besoin.

Ainsi, en exploitant son privilège par l'activité des Malouins, la Compagne comblait peu à peu son déficit. Dans les années suivantes, elle abandonna peu à peu ses derniers droits pour quelques milliers de L. encore.

Après les concordats du 23 décembre 1716 et du 4 janvier 1719, les Malouins sont les maîtres aux Indes; ils assurent le paiement des droits, l'entretien des comptoirs du Bengale et celui de la garnison de Pondichéry. La Compagnie des lndes Orientales n'est plus une autorité, elle n'est plus qu'un nom. Ce nom même allait disparaître ou se modifier en passant à d'autres mains.

Louis XIV était mort le 1er septembre 1715; l'administration de la marine était aussitôt enlevée à Jérôme de Pontchartrain par le Conseil de régence; et bien des hommes et des choses du dernier règne allaient s'éclipser avec lui. Un souffle de réaction et d'esprit nouveau préparait de grands changements.

Le système de l'Ecossais John Law de Lauriston, qui avait la prétention d'organiser le crédit sur des bases nouvelles et gigantesques et de permettre à l'Etat d'éteindre rapidement une dette de 2 400 millions, cherchait un appui dans les entreprises coloniales.

Law avait créé une banque particulière au capital de 6 millions. Au mois de mai 1716, des lettres patentes du 1toi la transformaient en banque générale dont les billets étaient reçus dans les caisses de l'Etat pour le paiement des impôts:

Pour appuyer ses entreprises financières sur une base plausible, Law avait racheté le privilège de la Louisiane au financier Crozat et celui de la Compagnie du Canada; on en forma la COMPAGNIE D'OCCIDENT, qui fut établie par lettres patentes du mois d'août 1717, au capital de 100 millions avec un privilège de vingt-cinq années,

Le 4 décembre 1718, une déclaration royale convertissait la banque générale en banque royale.

La Compagnie d'Occident, qui comprenait le commerce de l'Amérique du Nord, s'augmenta encore de celui du Sénégal.

Le 17 juin 1719, un arrêt du Conseil d'Etat réunissait à la COMPAGNIE D'OCCiDENT, la COMPAGNIE DES INDES ORIENTALES et la Compagnie de Chine.

Cette puissante association, qui s'intitula désormais COMPAGNIE DES INDES, engloba encore la Compagnie de Guinée en 1720 et le privilège de la vente du café de Moka et de l'île Bourbon et la vente du tabac en 1723. C'était presque la totalité du commerce maritime français.

La nouvelle COMPAGNIE DES INDES garda les chantiers du Faouëdic comme port d'armement, et l'Etat lui céda en 1720 non seulement les magasins de l'ancienne Compagnie, mais encore tous les établissements construits pour le service de la marine du Roi.

Le 8 novembre 1719, le ministre avait donné ordre à MM. de Clairambault, de Beauregard et autres officiers de la marine royale de quitter Lorient et d'aller se fixer au Port-Louis. Lorient redevint exclusivement un port de commerce pour une période de cinquante années, exactement jusqu'au 26 avril 1770.

La Compagnie, qui avait cessé tout commerce actif aux Indes, occupait encore ses comptoirs par ses employés et conservait ses titres. Fin 1719, elle laissait à ses successeurs :

1° Sur la côte de Coromandel, Pondichéry, muni d'une citadelle et d'une garnison de trois compagnies, le chef-lieu des établissements français et le siège du conseil souverain depuis 1701. La loge de Masulipatam, également située sur la côte de Coromandel, en dépendait.

2° Au Bengale, le comptoir d'Ougly ou Chandernagor et les deux loges de Balassor et de Cassembazar.

3° Sur la côte de Malabar, l'établissement de Calicut. Le comptoir de Surate était presque définitivement abandonné; mais, dans la mer Rouge, les Malouins avaient installé un comptoir à Moka, Et sur la route des Indes la Compagnie possédait aussi l'île Bourbon Et l'île de France, cette dernière occupée depuis 1715. 

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20 décembre 2001

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