Armements
1685/1689
Lorsque
la nouvelle Compagnie prit en main les affaires, elle
avait aux Indes deux comptoirs: Surate, au nord de la
côte de Malabar, et Pondichéry, sur la
côte de Coromandel.
Le
comptoir de Surate, où la Compagnie s'était
d'abord installée en 1668, servait de centre pour
les opérations commerciales qui embrassaient,
à l'est et au nord, l'intérieur des terres
dans le royaume du Grand-Mogol; au sud, la côte de
Malabar, et vers l'ouest, la Perse, I'Arabie et la mer
Rouge.
L'établissement
de Pondichéry avait été fondé
en 1674, par François Martin, qui y avait
rassemblé quelques débris de
l'expédition de M.de La Haye, après la
reddition de Saint-Thomé. Déjà,
pendant les années 1670, 1671 et 1672, ce
même Martin, qui se trouvait, pour le compte de la
Compagnie, à Masulipatam, un peu plus au nord sur
la côte de Coromandel, avait échangé
des lettres avec le gouverneur de Pondichéry en
vue d'y fonder un comptoir. Le 15 juillet 1680, Sevagi,
qui parcourait en conquérant le Carnate et le
Maduré, accorda aux Français un caoul, qui
leur permettait de rester à Pondichéry. Cet
important résultat une fois obtenu,
François Martin quitta Pondichéry,
où il fut remplacé par le sieur Deltor, et
passa à Surate pour y rester jusqu'en 1686,
époque à laquelle il revint à
Pondichéry, dont il ne sortit que le 7 septembre
1693, lorsqu'il fut obligé de rendre le fort aux
Hollandais.
Le
comptoir du Bengale ne fut qu'une expansion de celui de
Pondichéry. En 1686, on avait reçu des
échantillons provenant de ce pays et en 1686,
Martin, directeur à Pondichéry, fit partir
Deltor pour la côte du Bengale sur un navire de la
Compagnie, avec quarante mille écus de premier
établissement. L'année suivante,
Boureau-Deslandes s'y portait à son tour pour
diriger ce comptoir, ou il resta jusqu'en 1701 (Il en
partit le 17 janvier 1701 sur le
Phélypeaux, navire de la Compagnie,
rentrant en France, et mourut du scorbut pendant le
retour, lorsque le navire quittait la relâche de
l'île Sainte-Hélène). Le premier
poste fut installé à Ougly, à 60
lieues en amont de l'embouchure du Gange; un autre fut
créé à Balassor, à 3 lieues
dans l'intérieur des terres, sur une
rivière du même nom qui se déverse
à 15 ou 20 lieues à l'ouest de l'embouchure
du Gange. Enfin, plus tard, une troisième loge fut
installée à Cassembazar, à 35 ou 40
lieues au nord d'Ougly.
En
principe la Compagnie devait faire chaque année un
armement pour chacun des comptoirs de Surate et de
Pondichéry, qui restaient indépendants l'un
de l'autre, tandis que le comptoir du Bengale resta
presque constamment desservi par l'intermédiaire
de Pondichéry.
Année
1685.
ENVOI A
PONDICHERY: deux vaisseaux, partis du Port-Louis le 13
février :
- le
Vautour , 600 tx, navire appartenant à la
Compagnie; arrivé à Pondichéry le 13
juillet 1685.
- le
Président, 250 tx, à la Compagnie;
arrivé à Pondichéry le 7
août.
Ces
deux navires emportaient une cargaison de 450.000 L. dont
huit caisses de corail que le sieur Mathé de
Vitry-la-Ville avait fait charger pour son compte
particulier.
ENVOI A
SURATE : deux vaisseaux :
- le
Saint-François-d'Assise 260 tx, navire
loué à des armateurs de Saint-Malo, parti
du Port-Louis le 14 avril, arrivé à Surale
le 22 avril 1686, la traversée ayant duré
plus d'une année.
- la
Royale, flûte de 800 tx, construite au Havre
pour la Compagnie, partie du Port-Louis le 22 avril,
ayant à bord le directeur Pilavoine qui retournait
à son poste; arrivée à Surate 6
janvier 1686. Ces deux navires emportaient une cargaison
de 950.000 L.
Dans la
même année, le Roi envoyait, comme
ambassadeur au Roi de Siam, M. de Chaumont, qui
commandait le vaisseau l'Oiseau et la
frégate la Maligne, partis de Brest le 3
mars. La Compagnie avait mis sur ces navires une
cargaison de 100.000 L. dont 5.000 L. revenaient au sieur
de Vitry-la-Ville, pour deux caisses de
corail.
RETOURS
: Dans l'année 1685, trois vaisseaux
expédiés aux Indes par l'ancienne Compagnie
effectuaient leur retour en France :
- le
Coche et la Vierge-sans-Macule,
rentrés au Port-Louis le 21 juillet, et le
Saint-Antoine, arrivé le 7 août au
Port-Louis. Ces trois navires rapportaient 740 tx de
marchandises.
La
vente des marchandises, faite à Rouen, produisit
seulement 134.100 L. de bénéfice, les
assortiments de marchandises préparés par
l'ancienne Compagnie en décadence s'étant
trouvés fort défectueux.
Année
1686.
ENVOI A
PONDICHERY: un navire :
-le
Coche, de 500 tx, capitaine du Hautmesnil, navire
du Roi affrêté par la Compagnie, parti de
Brest le 19 février avec une cargaison valant
416.400 L., dont trente caisses de corail valant 60.000
L., pour le compte particulier du sieur de
Vitry-la-Ville; arrivé à Pondichéry
le 17 juillet, se porte ensuite à Tenasserim, au
Siam, avec une cargaison.
ENVOI A
SURATE: un navire :
-l'Oriflamme,
de 750 tx, capitaine du Chosnay, vaisseau du Roi
affrêté par la Compagnie, parti de Brest le
14 avril avec une cargaison de 523.000 L. dont 30 caisses
de corail à Vitry-la Ville.
RETOURS
D'INDE:
- la
Royale, partie de Surate le 6 février 1866,
arrivée au Port-Louis le 21 juillet.
- le
Président, parti de Pondichéry le 27
février 1686, arrivé a Port-Louis le 6
octobre.
Dans la
même année, l'expédition du chevalier
de Chaumont rentrait à Brest le 18
juin.
Les
marchandises rapportées par ces vaisseaux, vendues
à Rouen, en octobre, donnèrent un profit de
717.000 L.
Année
1787
ENVOI A
PONDICHERY: deux navires :
- le
Président, de 280 tx, navire de la
Compagnie, parti du Port-Louis le 2 mars, avec une
cargaison de 352.385 L. dont une partie pour le Siam ;
arrivé à Pondichéry le 6
août.
- le
Saint-Nicolas, de 150 tx, construit par la
Compagnie sur le chantier de Lorient, parti du Port-Louis
le 13 octobre avec une cargaison de 150.000 L. ;
arrivé à Pondichéry le 4 juin 1688.
Ce petit navire était destiné à
rester aux Indes pour le service d'un comptoir à
l'autre. Le 3 mars 1689, il quitta Pondichéry pour
le comptoir du Bengale, puis il passa sur les côtes
du Siam, revint au Bengale et à Pondichéry
le 11 février 1690. Il en repartit aussitôt
pour la France, toucha au Brésil, à la
Martinique, et arriva à Roscoff le 5 mars 1691,
avec une cargaison de 58.000 L.
ENVOI A
SURATE: un seul navire, ce comptoir perdant dès
à présent peu à peu de son
importance :
- les
Jeux, navire de 250 à 300 tonneaux,
acheté au Roi (pour le corps du navire, le radoub
et le doublage qu'on avait dû lui faire subir afin
de le remettre en état 10 canons de fer de 14 et
14 canons de 6, et les réparations au
gréement, la Compagnie payait 33.000 L.). Ce
navire quitta le Port-Louis le 15 avril, avec une
cargaison de 264.200 L. ; il arriva à Surate le 3
novembre. La situation du comptoir était à
ce moment très embarrassée, et les
créanciers voulurent saisir la cargaison du
navire. Le chargement de retour ne put être
opéré " qu'en cachette et par surprise".
Dans la même année, le Roi envoyait encore
au Siam une expédition comprenant la seconde
ambassade française officielle,
représentée par MM. de La Loubère et
Ceberet, et des troupes destinées à occuper
les postes de Bangkok et de Merguy. Sur les cinq navires
qui composaient l'escadre, la Compagnie fit charger pour
483.000 L. de marchandises à destination du Siam
et de la côte du Coromandel. L'expédition
partit de Brest le 1er mars.
RETOURS
D'INDE :
- le
Vautour, navire de la Compagnie, rentra au
Port-Louis le 16 février, très
endommagé et sur lest. Ce vieux navire
était un ouvrier de la première heure, et
avait fait un rude service aux Indes.
Expédié du Port-Louis en 1670 pour son
premier voyage, il passe à Madagascar, puis
à Surate, où il est employé à
desservir les premiers comptoirs installés sur la
côte de Malabar. Il revient en France en 1673,
après avoir passé par Bantam, dans
l'île de Java. Parti en 1676 pour un second voyage,
on le voit à Surate, puis au Siam, à
Bantam, et, en 1684, il rentre au Port-Louis.
Expédié pour la troisième fois aux
Indes en 1685, à Pondichéry, il va à
Tenasserim pour hiverner; assailli par une tempête,
il se répare dans ce port où son
équipage a à souffrir des mauvais
procédés des Anglais. Il revient à
Pondichéry le 31 janvier 1686, pour reprendre
aussitôt la route de France. A Lorient, on jugea
que sa carrière était terminée; il
fut rasé et servit de ponton.
- le
Saint-François-d'Assise, qui était
passé de Surate à Pondichéry
où les marchandises étaient plus
abondantes, partit de ce dernier comptoir le 2 octobre
1686, il arriva à Brest le 19 mai 1687, avec une
cargaison de 180.000 L., prix coûtant aux Indes, et
valant 400.000 L. en France. Il y avait 25 mois que ce
navire était parti du Port-Louis et, de ce fait,
la Compagnie devait une forte somme à l'armateur
de Saint-Malo qui l'avait frété. Dans un
décompte de 1688, nous trouvons : "Pour le fret du
Saint-François-d'Assise, il reste deub
82.000 L. ".
-
l'Oriflamme, vaisseau prêté à
fret par le Roi, partit de Surate le 27 janvier 1687 et
arriva au Port-Louis le 26 juillet. Le Roi
réclamait pour ce navire d'abord le fret pendant
17 mois, 21 jours, du 1er avril 1866 au 21 septembre
1687, à raison de 3.000 L. par mois soit 53.I00
L.; puis pour 1.500 livres pesant de poudre
consommée par ce vaisseau, à raison de 25
L. le quintal soit 375 L.
- le
Coche, navire du Roi pris à fret, parti de
Pondichéry en février 1687, arrivé
au Port-Louis le 12 août. Pour ce navire, il
était encore dû au Roi pour le fret du
navire pendant 18 mois et 3 ours, du 19 février
1686 au 22 août 1687, à 1.500 L. par mois la
somme de 27.150 L.; et pour 3.600 livres pesant de poudre
la somme de 900 L.
Deux
ventes faites à Rouen, en avril et en octobre, des
marchandises rapportées par ces navires,
donnèrent un profit de près de 370.000
L.
Rebutée
par les frais que lui occasionnait la location des
navires, la Compagnie, qui avait acheté au Roi le
navire Les Jeux, prit encore la flûte Coche toute
armée pour la somme de 31.800 L.
D'autre
part, elle vend au Roi pour 31.385 L la grosse
flûte de 800 tonneaux la Royale, qui lui
avait coûté plus de 200.000 L., mais dont le
fort tonnage lui paraissait sans doute inutile pour les
cargaisons qu'elle avait à transporter.
Dans le
mémoire daté du 7 septembre 1687 nous
voyons que les magasins du Roi à Brest
fournissaient des provisions de poudre à
l'établissement de Lorient par contre, la
Compagnie réclamait pour diverses munitions
fournies à plusieurs vaisseaux du Roy au
Port-Louis par la dite Compagnie: 9.300 L.
Année
1688.
ENVOI A
PONDICHÉRY : deux navires :
- le
Coche, de 500 tonneaux, à la Compagnie,
parti du Port-Louis le 12 mars, avec une cargaison de
300.000 L., arrivé à Pondichéry le
1er février.
- le
Lonray de 250 tonneaux, construit par la Compagnie
à Lorient, parti de ce port le 20 octobre avec une
cargaison de 277.000 L., touche à l'île
Bourbon le 12 mars 1689, il en repart le 5 avril, et
arrive à Pondichéry le 31 mai. De
là, il part pour Ie Bengale le 13
août.
ENVOI A
SURATE : Un seul navire :
- le
Florissant de 600 tonneaux, construit par la
Compagnie à Lorient, part de ce port le 19 avril
avec une cargaison de 300.000 L. et arrive à
Surate le 22 octobre.
Le
vaisseau du Roi l'Oriflamme partit la même
année au mois de janvier, sous le commandement de
M. de L'Estrille, pour aller au Siam. La Compagnie
joignit aux effets que ce navire portait, pour le compte
du Roi, aux postes français du Siam, une cargaison
de 100.000 L. pour son compte
RETOUR
D'INDE :
- Les
Jeux, navire parti de Surate le 21 janvier 1688,
arrive en rade de l'île de Groix le 25 juillet,
avec une cargaison de 215.000 L., prix coûtant aux
Indes.
- le
Président, parti de Pondichéry le 9
février 1688, arrivé au Port-Louis le 24
août.
Année
1689.
Par
suite de l'état de guerre qui existait dès
la fin de l'année 1688, la Compagnie allait
être amenée à modifier ses armements
. Au début de l'année 1689, on avait
conçu un premier projet d'armement
considérable qui, en raison des
événements survenus, tant en Europe qu'aux
Indes, se trouva reporté à la fin de
l'année, puis ajourné.
Ces
hésitations amenèrent la Compagnie à
faire partir du Port-Louis, le 4 mai, un peu plus tard
que d'habitude, un armement ordinaire composé de
deux vaisseaux seulement :
- Les
Jeux, navire de 250 tonneaux, avec une cargaison
de 125.000 L., à destination de Surate, où
il arriva le 17 mars 1690, après avoir
relâché à Goa le 3
janvier.
- le
Saint-Jean-Baptiste petit navire de 150 tonneaux,
avec une faible cargaison de 22.000 L., pour l'île
Bourbon. Ce navire périt à l'île
Bourbon, à l'anse de Saint-Paul, dans un ouragan,
le 31 décembre 1689
Ce
faible armement n'avait été
décidé qu'en dernier lieu. En effet, le Roi
s'était d'abord proposé d'envoyer, en 1689,
quatre vaisseaux aux Indes et au Siam, pour porter de
nouvelles troupes et reconduire les mandarins siamois qui
avaient été ramenés en ambassade par
l'expédition de 1687. Les navires de la Compagnie
devaient se joindre à cette escadre, qui leur
servirait d'escorte.
L'armement
était déjà avancé et deux
vaisseaux du Roi, le Gaillard et l'Ecueil, se trouvaient
prêts à Lorient, déjà
chargés des marchandises de la Compagnie,
lorsqu'ils reçurent au mois de mai l'ordre d'aller
rejoindre au plus vite l'escadre de Tourville à
Brest. Dans un relevé des effets de la Compagnie
du 22 août 1689, nous trouvons le détail de
ces opérations
"-
Marchandises qui ont esté chargées sur
l'Escueil et le Gaillard pour la coste de Coromandel et
Siam et n'ont pu partir au mois de may 1689, la saison
étant trop avancée (en ce compris 113 750
L. en argent achepté à Cadix),
restées en nature dans les magasins de l'Orient:
274 370 L.
-
Effets qui doivent être chargés sur les dits
navires l'Escueil et le Gaillard pour les armements du
Roy de Siam : 165 650 L.
- Le
Roy doit pour les victuailles fournies par la Compagnie
aux vaisseaux l'Escueil et le Gaillard au mois de may
1689, allant à Brest joindre la flotte de Sa
Majesté 16.600 L."
L'année
suivante, dans un compte avec l'intendant de Brest,
Desclouzeaux, le directeur Ceberet, alors à
Lorient, réclamait 31.870 L. pour les avances
faites par la Compagnie aux équipages de ces deux
vaisseaux, d'abord destinés à escorter ses
navires aux Indes.
Dans ce
même relevé du 22 août 1689, on trouve
la liste des vaisseaux que possédait la Compagnie,
avec l'estimation de leur valeur à cette
époque :
Vaisseaux
à l'Orient.
Le Florissant 100.000 L
Le Président 8.000 L
Le St-Guillaume 12.000 L
Aux
Indes et en
route.
Le Cloche 31.785 L
Les Jeux 33.000 L
Le Lonray 24.775 L
Le St Nicolas 20.000 L
Le St Jean Baptiste 20.000 L
Total 249.560 L.
Notons encore dans de relevé l'estimation de l'établissement de Lorient en 1689 :
Maisons, magasins, corderies et establissements à l'Orient. 86.850 L.
Les effets dans lesdits magasins pour les équipements, arme-mens et
avitaillements des vaisseaux 60.000 L.
Cependant, même après la dissolution de cet armement, l'expédition de Siam restait encore en projet pour un avenir très prochain, ainsi qu'il résulte d'une lettre adressée par le directeur de Lagny au ministre Seignelay et datée de Paris, 6 juillet 1689, lettre dont voici deux extraits:
"...
Je fais état que la Compagnie fera levée
de 200 soldats qui doivent être envoyés
à Merguy par les vaisseaux qui partiront dans tout
septembre. Monseigneur avait ordonné 50 hommes de
recrue pour la garnison de Bangkok et 25 à 30
charpantiers et deux officiers mariniers pour le Roy de
Siam, parmi lesquels deux maitres charpentiers et
quelques maîtres de navires, le tout aux
dépens du Roy de Siam. Je prends la liberté
d'en faire souvenir Monseigneur afin qu'il en ordonne la
levée s'il le trouve à
propos..."
De
Lagny avait proposé aux autres directeurs
d'envoyer trois bons vaisseaux pour faire la course aux
Indes, depuis la Mer rouge jusqu'au cap
Comorin.
"...
Ces vaisseaux partyront avec les quatre doivent aller
à la côte de Coromandel; ainsi ils
embrasseront toute l'lnde.
La
Compagnie fait l'armement en course dont je viens de
parler, comme j'en suis persuadé, si elle trouve
des navires ils feront la même route avec les
quatre autres pour un plus grand dessein qu'on pouroit
entreprendre et dont plus des deux tiers de la
dépense se trouveroit faite.
Si
monseigneur avoit besoin d'officiers d'lnfanterie, il
peut faire estat qu'il y en a de bons au Port-Louis, de
ceux destinés pour Merguy, entre autres deux
excellents capitaines: l'un s'apelle La Ragottière
et l'autre La Chassée, les autres peuvent aussy
estre employez avec succez."
Mais la
nouvelle que l'on apprit bientôt de la
révolution du Siam et des événements
qui avaient obligé les Français à
abandonner les postes de Bangkok et de Merguy firent
ajourner à une autre époque l'armement
qu'on avait projeté pour faire passer dans ce pays
de nouvelles forces.
Les
retours de l'année 1689 ne furent pas heureux. Le
navire, le Florissant, qui était parti de
Surate le 27 janvier, était bien rentré au
Port-Louis avec une cargaison de 282.000 L., prix
coûtant aux lndes, mais on n'était pas
tranquille sur le sort des navires qui pourraient venir
à la suite. Au commencement du mois de juillet, le
directeur de Lagny avait, sur l'ordre de Seignelay,
écrit a l'intendant Bégon, à
Rochefort (qui avait remplacé Colbert de Terron le
1er septembre 1688), d'envoyer au Port-Louis deux barques
pour y prendre des instructions, et se porter ensuite au
devant des navires de la Compagnie qui effectuaient leur
retour généralement à cette
époque.
Les
craintes que l'on avait ne furent que trop
justifiées. Deux navires expédiés de
Pondichéry par le chef du comptoir,
François Martin, à la fin du mois de
février 1689, avant que la déclaration de
guerre ne fût connue à ce comptoir,
s'arrêtèrent au retour au Cap, et furent
retenus par les Hollandais. L'un d'eux, le Coche,
appartenait à la Compagnie ; l'autre, la
Normande, flûte commandée par M. de
Courcelle, appartenait au Roi. Ce navire avait fait
partie de l'expédition au Siam en 1685, et
était resté à la côte de
Coromandel pour les besoins de la Compagnie. La
Normande fut prise le 27 avril et le Coche,
le 5 mai. Ces deux navires étaient richement
chargés pour le compte de la Compagnie, qui, dans
cette circonstance, fit une perte de 800.000
écus.
Deux
autres navires de la Compagnie qui étaient partis
aux Indes dans les deux années
précédentes, le Saint-Nicolas, en
1687, et le Lonray, en 1688, pouvaient bien aussi
être en route en ce moment, mais la nouvelle de
l'état de guerre s'était répandue
aux Indes, et la perte que l'on venait de subir au Cap,
bientôt connue aussi, était un rude
avertissement. Ces deux derniers navires,
expédiés de Pondichéry au mois de
février 1690, en même temps que le vaisseau
du Roi l'Oriflamme, retour de Siam, ne suivirent pas
l'itinéraire de retour habituel; ils se
portèrent au Brésil, où ils
arrivèrent en juin dans la baie de
Tous-les-Saints, puis à la Martinique, et prirent
ensuite la route de France.
Le
Lonray arriva à Brest le 1er mars 1691,
avec une cargaison de 308.900 L., le
Saint-Nicolas, à Roscoff, le 5 mars avec
une cargaison de 58.000 L., quant au vaisseau du Roi
l'Oriflamme, il périt dans un combat avec
une frégate anglaise au débouquement des
iles d'Amérique.
Pour en
finir avec tous les navires dont nous avons
annoncé les départs de France, disons que
le navire, les Jeux, fut réexpédié
de Surate le 17 mars 1690, avec une cargaison de 120.500
L. Il s'arrêta du 24 juin au 14 septembre à
l'île Bourbon, pour hiverner; puis rentra
directement en France. Il arriva au Camaret le 6
février 1691.
Année
1690.
L'armement de
1690 n'était, en définitive, que l'armement
de 1689 que les circonstances avaient fait retarder et
modifier dans une certaine mesure. En principe, il devait
se composer d'un certain nombre de navires de la
Compagnie armés en guerre et en marchandises,
auxquels étaient joints des vaisseaux du Roi, de
façon à constituer une escadre assez forte
pour faire bonne figure aux Indes. Le commandement de
cette escadre était confié à Abraham
Du Quesne-Guiton (C'était le fils de Jacob Du
Quesne, qui avait épousé la fille du
célèbre huguenot Guiton, maire de la
Rochelle; il était le neveu du grand Abraham Du
Quesne. Il fut fait enseigne de vaisseau en 1677,
lieutenant de vaisseau, le 31 janvier 1678, capitaine le
7 février 1678. En 1687, il commandait le vaisseau
l'Oiseau dans l'escadre de M. de Vaudricourt,
envoyée au Siam. Nommé chef d'escadre, le
1er novembre 1705, gouverneur aux Iles le 1er janvier
1714, il revint en France en mars 1716 et se retira
lieutenant général honoraire le 10
décembre 1720. Le Roi lui donna alors une pension
de 9.000 livres, dont il jouit jusqu'au 12 mai 1724,
qu'il mourut à Belebat, près de
Rochefort).
Indépendamment
des marchandises dont les vaisseaux étaiont
chargés pour le compte de la Compagnie, ils
devaient porter à Merguy les ambassadeurs siamois
amenés en France en 1688, et de nouvelles troupes
françaises ; l'escadre s'efforcerait aussi de
faire des prises sur l'ennemi.
Sur ce fondement,
les directeurs écrivirent le 26 mars 1689 à
Mr Céberet qui était pour lors à
Brest et qui se rendit cinq ou six jours après
à l'Orient, l'extrait de la lettre
suivante:
" Le Roy ayant
eu la bonté d'accorder à la Compagnie en
entier les prises que les vaisseaux pourraient faire aux
Indes, comme il dépendra beaucoup de la conduite
de M. Du Quesne commandant le vaisseau du Roy, et que la
Compagnie est persuadée qu'il voudra bien
conserver ses intérêts, elle aurait cru
à propos de l'intéresser dans les dites
prises soit de trois ou quatre pour cent ou de la
manière dont vous croirez qui luy conviendra le
mieux et ainsy que vous le jugerez à propos. La
Compagnie se remet à vous pour ménager
cela, comme aussy de promettre quelque gratification aux
officiers de ses vaisseaux afin de les engager d'autant
plus de faire leur devoir si vous ne croyez mieux de leur
assurer quelque chose de fixe."
En
conséquence de ce que dessus, M. Céberet a
fait un traité au seul nom de la Compagnie avec M.
Du Quesne et les autres officiers "
auxquels il a
été accordé 12 pour cent :
sçavoir six pour cent à M. Du Quesne, deux
pour cent à Mr le chevalier de Here (d'Aire) et un
pour cent pour chacun des autres capitaines. Tous
lesquels traités cy-dessus ont eu leur
exécution..." (extrait d'un courrier
adressé au ministre Pontchartain en 1700 au sujet
de la prise du Monfort faite par l'escadre en
1690).
La Compagnie
n'ayant plus à ce moment à Lorient qu'un
seul vaisseau mobilisable, le Florissant, de 600
tonneaux, acheta au Roi le Gaillard, de 600
tonneaux, et l'Ecueil, de 500 tonneaux, qui furent
livrés à Céberet en septembre. Le
Roi prêtait trois vaisseaux qui se trouvaient en ce
moment à Brest, et qu'on attendait impatiemment
à Lorient, pour hâter le départ de
l'escadre. Le directeur de Lagny, intendant du commerce,
et intermédiaire ordinaire entre le bureau de la
chambre générale et le ministre,
écrivait à Seignelay le 29
octobre:
"...
Monseigneur est humblement supplié d'avoir la
bonté de donner ordre à Brest pour la
prompte expédition des vaisseaux qui s'y
équipent pour les Indes, le succez de cet armement
dépend beaucoup de la diligence pour le faire
arriver aux Indes avant que la prochaine mousson soit
trop avancée afin qu'elle leur laisse le temps
d'agir pour le commerce et pour faire la guerre aux
ennemis."
L'armement des
navires de la Compagnie commença dans le port
même de Lorient, mais ce port devant recevoir dix
vaisseaux du Roi à la fin de l'année, les
navires de la Compagnie furent relégués
dans les rades de Pennemanée et du Port-Louis. Ils
y furent rejoints par les trois vaisseaux du Roi, venant
de Brest, armés, mais incomplètement
équipés.
L'Oiseau,
de 600 tonneaux, arriva au Port-Louis au commencement de
janvier 1690, et deux frégates, le Lion et
le Dragon, vinrent un peu plus tard.
Jusqu'alors, les
navires expédiés aux Indes par la
Compagnie, même ceux prêtés par le
Roi, avaient été confiés à
des capitaines choisis par elle et n'appartenant pas
à la Marine royale. Comme presque tous les navires
de commerce à cette époque, ils
étaient armés d'un certain nombre de
canons, jusqu'aux houcres de 90 à 100 tonneaux,
qui portaient de deux à quatre canons, mais ils
n'étaient pas, à proprement parler,
armés en guerre L'armement de 1690 se distinguait
des précédents par un certain nombre de
modifications qui lui donnaient un caractère
particulier. Tous les vaisseaux de l'escadre, aussi bien
ceux de la Compagnie que ceux du Roi, étaient plus
fortement armés, leurs sabords étaient
à peu près tous garnis de canons, les
officiers majors appartenaient tous à la marine
royale, et les équipages étaient
renforcés de deux compagnies d'infanterie.
Cependant, les frais d'armement, ainsi que les soldes des
officiers et équipages des six vaisseaux furent
imposés à la Compagnie, qui donnait encore
aux commandants une part des prises qu'ils pourraient
faire sur l'ennemi. De tout temps, les actes de la
Compagnie des Indes étaient étroitement
subordonnés à la volonté du Roi et
du ministre de la marine, mais elle gardait une certaine
liberté d'action dans l'exécution de ses
opérations commerciales et de ses armements. Avec
l'état de guerre, la Compagnie perdait toute
autonomie et ses vaisseaux confiés à des
officiers de la marine royale, dont il était
difficile d'obtenir une fidélité exacte aux
intérêts de la Compagnie. Fraude, commerce
illicite, consommation exagérée des vivres,
pillage des prises, telles furent les
irrégularités dont celle-ci eut à se
plaindre à chacun des armements analogues qui
suivirent celui de 1690, sans parler des
difficultés qui surgissaient fréquemment
entre les officiers du Roi et les commis de la Compagnie
(1),
et des entraves apportées au commerce par
l'obligation dans laquelle des escadres armées en
guerre, se trouvaient parfois de se mesurer avec
l'ennemi.
(1) Les
commis du comptoir de Surate écrivaient le 30
Janvier 1700 aux directeurs de Paris: "Nous croyons
être obligez de vous représenter, Messieurs,
que la différence des deux corps d'officiers du
Roy et d'officiers de la Compagnie sont des choses
incompatibles et qu'elles causent de grands troubles dans
vos vaisseaux."
Ce régime
des armements mixtes dura pendant toute la guerre de la
ligue d'Augsbourg, jusqu'à la paix de Ryswick. Au
point de vue commercial, il ne produisit que des
résultats désastreux, et le seul
bénéfice que la Compagnie en tira, fut
celui de quelques prises faites sur l'ennemi.
Cette
année 1690 marque donc l'inauguration des
armements mixtes, dont le premier commandé par M.
Du Quesne-Guiton, capitaine de vaisseau (amiral) se
composa de six vaisseaux :
- le
Gaillard, 600 tonneaux, 44 canons, 250 hommes
d'équipage (à la Compagnie), capitaine en
second : M. le commandeur de Pourrières,
lieutenant : M. d'Auberville, enseignes: MM. de Voutron,
Fauché et Baron et dix gardes de la
marine.
-
l'Oiseau, 600 tonneaux, 42 canons, 200 hommes
d'équipage (au Roi) commandé par M. le
chevalier d'Aire, capitaine de frégate
(vice-amiral), capitaine en socond : M. de La Neufville,
lieutenants : MM. de La Ville-aux-Clercs et
Demons.
- le
Florissant, 600 tonneaux, 44 canons, 230 hommes
d'équipage (à la Compagnie),
commandé M. de Joyeux, capitaine de
frégate, lieutenant : M. Granché, enseignes
: MM. Granché fils et de La Perline, commissaire
de l'escadre: M. Blondel.
-
l'Ecueil, 500 tonneaux, 38 canons, 200 hommes
d'équipage (à la Compagnie|,
commandé par M. Hurtain, capitaine de
frégate, lieutenant : M. le chevalier de
Bouchetière, sous-lieutenant : M. Le
Vasseur.
- le Lion,
frégate, 24 canons, 180 hommes d'équipage
(au Roi), commandé par M. de Chamoreau, capitaine
de frégate, lieutenant : M. de Pressac.
- le
Dragon, frégate, 24 canons, 180 hommes
d'équipage (au Roi), commandé par M. de
Quistillic, capitaine de frégate, lieutenant: M.
de Chenelon.
Deux compagnies
d'infanterie avec leurs officiers étaient
réparties sur les navires qui portaient en outre
des marchands, deux capucins destinés à
Surate, des pères des missions
étrangères, des jésuites, et parmi
ceux-ci, le fameux père Tachard, qui se trouvait
sur le Gaillard, avec les trois mandarins
siamois.
TABLEAU DES
ARMEMENTS REGULIERS DE LA COMPAGNIE DE 1685 à
1689
Années
|
Destination
ou Provenance
|
Envois
|
Retours
|
1685
|
Pondichéry
Surate
|
Le
Vautour, Le Président
Le
St-François-d'Assise , La
Royale
|
Le
Coche
La
Vierge-sans-macules, Le
Saint-Antoine
|
1686
|
Pondichéry
Surate
|
Le
Coche
L'Oriflamme
|
Le
Président
La
Royale
|
1687
|
Pondichéry
Surate
|
Le
Président, Le
St-Nicolas
Les
Jeux
|
Le
St-François-d'Assise, Le
Coche
Le
Vautour, L'Oriflamme
|
1688
|
|
Le
Coche, Le Lonray
Le
Florissant
|
Le
Président
Les
Jeux
|
1689
|
Pondichéry
Surate
|
Le St-Jean-Baptiste
(sombré à Bourbon)
Les
Jeux
|
Le Coche, La Normande
(capturée au cap)
Le
Florissant
|
1690
|
|
Armement
mixte
|
|
1691
|
Pondichéry
Surate
|
|
Le
Lonray, Le St-Nicolas
Les
Jeux
|
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