Histoire de la Compagnie des Indes
... et des Colonies d'orient

  

 

 

 

Sommaire

 

Prémices

Fondation de la Compagnie

1ère grande expédition vers
 Madagascar et
1ère assemblée générale

2ème expédition vers l'Inde

Fondation de Lorient

Projets du Roi 1668/1670
et 
la 1ère escadre aux Indes
         
         
 Opérations 1670/1675
et
Bilan de 1675
         
         
         1eres défaillances
         et
         Bilan de 1684
         

Réorganisation de la Compagnie en 1685

Armements de 1685/1689

Lorient en 1690

L'Affaire du Siam

Armements mixtes 1690/1697

La Compagnie pendant la guerre 1690/1697

Armements 1697/1701

Décadence 1701/1706

Captation de la Compagnie par les Malouins

Liste des bâtiments de la Compagnie

Un exemple de navire .......... "Le Boullongne"

Histoire des Iles mascareignes

Les escales françaises de la route des Indes

Antoine BOUCHER

 

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Les armements mixtes 1690/1697

L'escadre de M. DuQuesne rentrait en France avec une cargaison de 1,8 million de L.; c'était un résultat que les directeurs considéraient comme insuffisant, eu égard aux dépenses qu'ils avaient faites. Ils se trouvaient d'ailleurs leurrés dans leur principale espérance, car, ayant fait cet armement surtout pour se récupérer de la perte soufferte au Cap de Bonne-Espérance , ils auraient souhaité de voir l'escadre revenir avec de riches prises faites sur l'ennemi, "ce qui auroit été infaillible si M. DuQuesne et les officiers de l'escadre eussent répondu à l'attente qu'on en avait" Or, tout se bornait à la capture d'une flûte hollandaise à moitié pillée. Il n'y avait pas jusqu'à la relâche à la Martinique qui ne vint leur causer un nouveau chagrin en occasionnant a la Compagnie des frais inutiles.

Dans une longue lettre qu'ils adressaient à Mr. Martin le 22 septembre 1691 (1), les directeurs ne cachaient pas leur mécontentement.

"... Le 24 aoust, disaient-ils, nous vous avons mandé par le Père de Bèze que l'Escadre de nos 6 vaisseaux commandée par M. DuQuesne Guiton estoit arrivée au Port-Louis le 18 du mesme mois après un relaschement fait à la Martinique, très préjudiciable à la Compagnie (2)

Nous avions espéré que l'escadre de six vaisseaux commandée par M. Duquesne feroit des prises considérables comme le bruit en avoit couru. Mais à son retour nous avons veu et connu qu'il n'y a rien moins que cela et que toutes ces prises qui ont fait tant d'éclat et de bruit se sont terminées à la seule prise d'un navire hollandais près de Ceylan, dont la plus grande partie des effets ont esté pillez et vollez par les capitaines, officiers, escrivains et matelots de l'Escadre, eutr'autres mil coupans d'or; jugez de l'extrémité où cela met la Compagnie puisque le provenu du peu de marchandises que vous envoyez par cette escadre ne sçaurait nous dédommager tant des dépenses faites à son occasion que pour achever de payer les équipages. Nous faisons faire présentement au Port-Louis de vigoureuses informations dans lesquelles trouvons desjà que les chefs de l'Escadre y sont les plus impliquez. Nous mettrons tout en usage pour en avoir raison et en faire un exemple. Nous sommes surpris que vous ne nous escriviez rien de ce désordre et que vous ne vous soyez pas fait rendre compte des consommations de nos vivres et Eaux-de-vies que nous apprenons par les informations avoir été extrêmes, et que les Escrivains en ont fait un commerce public. En un mot nous voyons trèS bien par cette expérience que les affaires de la Compagnie ne peuvent réussir dans la main des officiers du Roy. Ils ont trop de présomption, trop leur intérest en recommandation et se soucient peu de risquer ny de faire des entreprises utiles pour l'avantage de la Compagnie. Ils l'ont bien fait parroistre en allant aux lndes à l'isle d'Anjouan au rencontre d'un vaisseau anglois qui au lieu de le combattre et l'aborder le laissèrent échapper .

(1) Cette lettre fut portée à Pondichéry par le premier navire détaché de France après le retour de DuQuesne, le Postillon qui partit en fin octobre 1691.

(2) Le sieur de Vaucourtois, directeur des vivres de la marine aux iles d'Amérique, réclamait 37 500 livres pour la fourniture, le 2 juillet 1691 à la Martinique, de deux mois de vivres à l'escadre de Du Quesne. La Compagnie trouvait le prix excessif et refusait de payer. Après débats, expertise et contre-expertise, un arrêt du Conseil d'Etat du 5 février 1692, modéra la créance de Vaucourtois (25 000 L.). La note présentée a la Compagnie était quelque peu majorée, mais c'était l'habitude. Un peu plus tard, quand on prépara le 3ème armement mixte les directeurs se plaignaient au ministre que, dans les arsenaux du Roi, on voulait leur faire payer la poudre 12 sols la livre au lieu de 5 sols que le Roi la payait.&emdash;Lettre du 15 janvier 1695.

Le succès de l'expédition était en somme des plus relatifs; cependant, cette promenade militaire dans les mers des Indes avait eu pour effet d'y mettre les Hollandais en mouvement. Déjà, en 1689, une escadre de dix s'était massée à Malacca, dans l'attente de l'escadre française dont le départ était prévu pour cette année. Les Hollandais en avaient eu connaissance par les lettres saisies sur le Coche et la Normande; mais nous savons que l'expédition fut ajournée. En février 1690, l'escadre hollandaise, ne voyant rien venir, était rentrée à Batavia.

Six mois après, l'escadre de M. DuQuesne entrait en scène, mais les Hollandais et les Anglais étaient sur leurs gardes. On n'osa pas attaquer Negapatam et la canonnade de Madras ne fut en somme qu'une démonstration inutile. Bien plus, l'escadre française, qui s'était cependant débarrassée Pondichéry et à Balassor de ses marchandises, ne s'avança que très timidement sur les côtes de Siam.

A mesure qu'on approchait de la presqu'île de Malacca, on pouvait redouter de voir surgir d'un moment à l'autre l'escadre hollandaise; et cette crainte, sans doute, plus que la contrariété des vents, empêcha DuQuesne-Guiton d'arriver jusqu'à Merguy.

La destruction d'un navire anglais au sortir du canal de Mozambique et la prise d'une flûte hollandaise sur les côtes de Ceylan, tel était tout le succès militaire de l'expédition.

Une fois engagés dans cette voie, les entreprises commerciales aux indes ne pouvaient plus se faire qu'à main armée, ce qui obligeait la Compagnie à n'entreprendre dans la suite que des armements mixtes malgré les frais considérables qu'ils lui occasionnaient.

Un armement composé de trois vaisseaux de la Compagnie et d'un vaisseau du Roi fut ainsi projeté pour l'année 1692; et, afin d'en donner avis aux Indes, les directeurs firent partir un petit navire, le Postillon. C'était une frégate anglaise capturée par les vaisseaux du Roi et qui avait été cédée à la Compagnie. Le Postillon quitta le Port-Louis à la fin d'octobre 1691 avec des lettres pour Martin, à Pondichéry, et une cargaison de 20 000L., en piastres et barres d'argent plus 10 caisses de corail. En arrivant à la côte de Coromandel, il tomba dans une division de cinq vaisseaux hollandais qui se trouvaient devant Negapatam, et ne se sauva que grâce au pavillon anglais qu'il portait, et surtout grâce à son gabarit de fabrique britannique. Il toucha à Pondichéry le 6 juin 1692, mais ne pouvant rester en sécurité dans une rade foraine où un vaisseau hollandais vint bientôt le reconnaître à distance, il partit immédiatement pour Balassor et entra dans le Gange, où il resta plusieurs années bloqué par les Hollandais. Ceux-ci avaient envoyé, dans le courant de l'année 1691, 20 à 22 vaisseaux d'Europe aux Indes; et Deslandes, le chef du comptoir français d'Ougly, signalait, dans une lettre du 15 décembre, l'apparition de 14 ou 15 de ces vaisseaux qui étaient venus rôder au fond du golfe de Bengale.

L'armement de 1692 qui partit du Port-Louis au mois de janvier, se composait de quatre vaisseaux sous le commandement de Dandenne.

Un vaisseau du Roi, le Fendant, de 800 tonneaux, commandant: M. Dandenne

Trois vaisseaux de la Compagnie:

- le Florissant, de 600 tonneaux, capitaine Chanlatte; commissaire de l'escadre: Le Mayer;

- L'Ecueil, de 500 tonneaux, capitaine Mousnier;

- le Lonray, de 300 tonneaux, capitaine Desmonts.

La cargaison était de 475 600 L. en marchandises, partie pour Surate, partie pour Pondichéry et le Bengale.

Incertaine sur le succès de cette expédition, la Compagnie cherchait une seconde voie pour faire passer des fonds aux Indes; elle confia à une société portugaise 300 000 L. que deux vaisseaux portugais, partant de Lisbonne au mois de mars, avec le comte de Villaverde, vice-roi, chargèrent pour Goa. Cette somme d'argent n'arriva que difficilement et très tard à destination; les Portugais n'étaient plus les brillants marins du temps passé; "leur navigation fait pitié", écrivait un commis français en parlant de ce voyage.

Un autre petit navire de la Compagnie, le Cerf-Volant, de 120 tonneaux, capitaine Ponto, partit du Port-Louis, le 18 octobre 1692, avec des dépêches pour Fr. Martin à Pondichéry, et 10 000 à 12 000 écus. Le 21, il fut enlevé par un corsaire de Flessingue à cent lieues des côtes françaises. L'escadre de Dandenne prit, pour gagner les Indes, le chemin que nous connaissons; et les navires furent plusieurs fois séparés en cours de route. Au voisinage du Cap, sur le banc des Aiguilles, l'Écueil rencontra une frégate anglaise de 180 tonneaux et 24 canons, le Samuel-de-Londres, et la mit dans un tel état, que le capitaine Mousnier dut laisser aller ce navire rasé et se contenter d'une rançon de 200 livres sterling et de sa cargaison de 339 chapeaux ! L'escadre s'étant rassemblée à l'île Moaly, prit la route de Surate. Le 11 octobre, à 45 lieues de Bombay elle fit une prise heureuse, l'Elisabeth-de-Londres, dont la vente rapporta 355 000 L. à la Compagnie, bien que le navire eût été, selon l'habitude, quelque peu pillé après l'action.

On arriva à Surate le 20 octobre, ayant perdu quinze hommes et avec plus de cent malades; trois des navires avaient des avaries dans leurs oeuvres vives. Cependant, cette première partie de la campagne pouvait être considérée comme un succès; les Hollandais de Surate tremblaient pour trois navires qu'ils attendaient, un venant de Batavia et deux venant de Perse. Avertis, à l'approche de Surate, ces navires échappèrent à l'escadre française et se réfugièrent à Cochin, station hollandaise. Après avoir terminé, avec le chef du comptoir Pilavoine, les opérations commerciales prescrites, l'escadre devait, pour obéir à ses instructions, passer à Pondichéry et au Bengale; mais cette seconde partie du programme était plus difficile à exécuter. Les vaisseaux étaient en mauvais état; le comptoir de Surate, très pauvre, n'avait pu fournir que des vivres insuffisants; à la côte de Coromandel et au Bengale, il y avait sans doute peu de chose à faire, l'état de guerre n'ayant pas dû permettre aux commis de ces comptoirs d'amasser beaucoup de marchandises. Telles étaient les raisons auxquelles Dandenne et Pilavoine s'étaient arrêtés pour décider que l'escadre ne pousserait pas plus loin. Ces raisons n'étaient que des prétextes auprès de la vraie raison. On s'était promené en vainqueurs sur la côte de Malabar, mais par delà Ceylan, dans le golfe du Bengale, était la zone dangereuse; là sans doute rôdaient de puissants partis hollandais et il n'était pas prudent de s'y aventurer avec des forces insuffisantes. Cependant, comme il fallait porter à Pondichéry et au Bengale au moins les secours indispensables, il fut décidé que l'escadre descendrait groupée le long de la côte de Malabar et détacherait, à la hauteur de Ceylan, l'Ecueil pour Pondichéry et le Bengale. Comme c'était le meilleur marcheur de l'escadre, il saurait se tirer d'affaire au cas de mauvaise rencontre.

L'escadre quitta Surate le 1er février 1693 avec une assez faible cargaison en toiles de coton et en poivre, chargée sur le Fendant et le Florissant; le Lonray partait sans cargaison, et l'Ecueil avec les marchandises pour Pondichéry et le Bengale. Le sieur Roques (1), principal commis, qui avait 16 ans de service, repassait en France sur le Florissant; il mourut quinze jours après le départ.

(1) Pilavoine écrivait aux directeurs à Paris la note suivante sur Roques: "... Il est laborieux et entendu dans le commerce et plust à Dieu qu'il eust été aussy capable de commander qu'il a esté d'obéir, j'aurais eu l'avantage de repasser en France par cette escadre. "

En suivant la côte de Malabar, l'escadre rencontra un navire de 100 tonneaux, le Merguy, celui-là même sur lequel les Français avaient quitté Merguy en 1688. Ce navire était resté dans le Gange; et comme le chef du comptoir d'Ougly, le sieur Boureau-Deslandes ne pouvait l'utiliser en raison du blocus maintenu par les Hollandais, il l'avait vendu à un marchand portugais nommé Comes Gomez. Le Merguy sous pavillon portugais, portait du salpêtre à Surate. Avec une partie des fonds destinés à Pondichéry, Le Mayer, le commissaire de l'escadre, acheta au Portugais 166 000 de salpêtre qu'il fît transporter sur le Lonray. On apprit en même temps que le Merguy avait rencontré sur sa route, dans les parages de Ceylan, dix vaisseaux hollandais qui attendaient Dandenne au passage. Il n'y avait décidément pas à songer à aller de ce côté-là et l'on s'en tint au dernier projet. L'Ecueil, se détachant de l'escadre, donna du tour à l'île de Ceylan, et gagna le golfe du Bengale. Son capitaine crut prudent de s'écarter de la côte de Coromandel et de dépasser Pondichéry. Bien lui en prit, car les hollandais s'y trouvaient en nombre et en forces. Bref, l'Ecueil arriva à l'embouchure du Gange le 06 avril 1693 et, il entra dans le fleuve pour aller rejoindre, à 18 ou 20 lieues au-dessous de la loge d'Ougly, le Postillon qui s y trouvait déjà amarré.

Le reste de l'escadre, se dirigeant vers le Brésil, arrivait à la baie de Tous-les-Saints le 5 juillet, les vaisseaux très endommagés et les équipages décimés par la peste et le scorbut. La Fargue, le chirurgien était mort. Le commissaire Le Mayer eut toutes les peines du monde à remettre les vaisseaux en état et à établir leur ravitaillement. De la baie de Tous-les-Saints, il écrivait, le 4 août 1693 aux directeurs de Paris, en se lamentant "... Je ne serai peut-être pas quitte pour 10 000 L. y compris le radoub du Fendant, à quoy on sera toujours sujet quant on prendra de vieilles carcasses et de méchants mâts comme on vous en fournis des ports et arsenaux du Roy".

Et quelques jours plus tard, après avoir renouvelé ses plaintes:

"Voilà, disait-il, le malheur où l'on se trouve avec de vieux navires et, à ne sçavoir sortir de ce pays où il n'y a ny pain ny farille et cependant il faut avoir des vivres pour retourner en France après avoir consommé les nostres en cette rade, et tout,

s'adresse à moy par le méchant employe que j'y pris de Commissaire que je voudrois avoir esté donné à un autre puisque je ne trouve point d'argent mesme pour de la marchandise... "(1).

(1) Ces lettres furent portées en Europe par l'armada portugaise qui quittait le brésil à ce moment-là.

Il se plaignait surtout du peu de bon vouloir de Dandenne qui ne l'aidait en rien. Celui-ci, d'ailleurs, n'avait pas manqué, à Surate, de se faire remettre, pour sa part sur les prises, 23 000 L. en or, de Pilavoine " qui me semble, disait Le Mayer, avoir été trop légèrement. "

L'escadre ne put reprendre la mer que le 7 septembre; et, le 25 octobre, elle était à la Martinique qu'elle quitta seulement le 25 janvier 1694. Enfin, après une campagne de 26 mois, elle arriva en rade de Groix le 14 mars, avec une faible cargaison valant, 350 000 L. seulement. Ces marchandises furent vendues à Nantes le 24 mai de la même année.

Aux Indes, les Hollandais avaient préparé un grand coup. Débarrassé de l'escadre de Dandenne, ils songèrent à s'emparer de Pondichéry. Quand ils se virent prêts, ils vinrent, le 25 août 1693, mettre le siège devant la place avec 40 navires, dont, 17 vaisseaux. Avec le consentement de Rem-Raja, qu'ils avaient gagné par un présent de trente mille pagodes, ils débarquèrent un corps de matelots, 1 500 hommes de troupes européennes, 2 000 Asiatiques et un train d'artillerie. Fr. Martin n'avait à Pondichéry que deux cents Français et quelques soldats indigènes. Le fort, qui n'était fait que pour parer à un coup de main, fut canonné pendant huit jours et la petite garnison française dut capituler le 6 septembre. Tous les Français furent emmenés à Batavia et le plus grand nombre, y compris le P. Tachard, transporté en Hollande. Fr. Martin obtint cependant de rejoindre avec sa famille le comptoir d'Ougly.

En France, on préparait alors un troisième armement mixte, et avant le retour de l'escadre de Dandenne, on expédia aux Indes des navires isolés.

Au mois d'octobre 1692, le Cerf-Volant était parti ; et nous savons que, ce petit navire fut capturé. L'année suivante, le vaisseau Gaillard, sous le commandement du capitaine Faucher (1), fut envoyé à Pondichéry avec une cargaison de 346.000 L. Ce navire partit du Port-Louis le 10 mars 1693 ; il arriva à la côte de Coromandel au moment même où les Hollandais s'y rassemblaient pour attaquer Pondichéry. Le 19 août, passant devant Negapatam, Faucher aperçut 14 navires hollandais et, sans prendre chasse, il tint le large, bientôt suivi par deux gros vaisseaux "qui lui tirèrent plusieurs coups d'assurance". Faucher, sans s'arrêter, mit pavillon anglais et, força de voiles la nuit suivante. Il dépassa ainsi Pondichéry arriva à Balassor le 8 septembre. Le 18, le Gaillard entrait dans le Gange et allait s'amarrer à côté de l'Ecueil et du Postillon.

Deslandes, qui avait rassemblé pour 400.000 L. de marchandises en toiles de coton et poivre, et 900 milliers de salpêtre, commençait à charger ces vaisseaux, lorsqu'il apprit la capitulation de Pondichéry, le 14 décembre 1693, cinq vaisseaux hollandais vinrent bloquer l'entrée du Gange. On songe d'abord à forcer la sortie, "les officiers meurent d'envie de rentrer en France", et Deslandes propose de transformer le Postillon en brûlot pour écarter les Hollandais ; mais il faut abandonner ce projet, car deux nouveaux vaisseaux hollandais viennent, en janvier 1694, se joindre aux cinq autres. Les trois navires français sont alors déchargés et ils remontent dans le Gange jusqu'à une lieue seulement de la loge d'Ougly. Ils y restèrent jusqu'en 1698.

(1) Faucher avait été enseigne M. de DuQuesne sur le Gaillard en 1690.

En 1693, la Compagnie avait expédié le Gaillard pour Pondichéry et le Bengale ; en 1694, elle fit partir les Jeux, navire de 250 à 300 tonneaux, armé de 30 canons, avec une cargaison de 150.000 L. pour Surate. Ce navire, attaqué par deux pirates arabes sur la côte de Malabar, en coula un et mit l'autre en fuite, mais il avait perdu son capitaine, le sieur Prade le Gaigneur, et 12 hommes. L'accès de Surate étant rendu impraticable par la présence de vaisseaux hollandais, il se réfugia à Goa, où il arriva à la fin de mars 1695, et s'y trouva immobilisé.

Le troisième armement mixte, qui devait partir pour les Indes en 1695, se composait de six vaisseaux. Trois vaisseaux du Roi, dont l'armement était fait, cette fois, aux frais du Roi :

- la Zélande, 50 canons, 300 hommes, armé à Brest ; commandé par M. de Serquigny.

- le Médemblick, 50 canons, 300 hommes, armé au Port-Louis ; commandé par M. Demons.

- le Faucon, 50 canons, 250 hommes, armé à Rochefort ; commandé par M. de Grosbois.

Et trois vaisseaux de la Compagnie, chargés de marchandises et armés aussi en guerre dans le port de Lorient.

- le Florissant, 50 canons ; 250 hommes ; capitaine Le Mayer.

- le Pontchartrain, 44 canons, 200 hommes ; capitaine Desmonts.

- le Lonray, 28 canons, 90 hommes ; capitaine Stéphan.

L'objectif de cette escadre, commandée par M. de Serquigny (1), était de ramasser tout ce qu'elle pourrait, de prises hollandaises et anglaises ; d'aller d'abord au Bengale dégager l'Ecueil et le Gaillard ; d'y échanger ses marchandises et de passer par Surate au retour. Un nouveau chef de comptoir, le sieur Jean-Baptiste Martin, allait à Surate pour relever Pilavoine.

Les vaisseaux se rassemblèrent dans la rade de Groix et mirent à la voile le 31 mars. Plusieurs fois séparés pendant la première partie du trajet, ils doublèrent successivement le cap de Bonne-Espérance au commencement du mois d'août, et se rassemblèrent à l'île Moaly le 12 septembre. À la Hauteur de l'île Anjouan, le Pontchartrain, arrêté par des avaries et le vent contraire, fut laissé en arrière.

(1) Le comte de Serquigny d'Aché entra dans la marine comme volontaire le 22 mars 1671 ; il devint enseigne de vaisseau le 28 mars 1672, lieutenant de vaisseau le 8 décembre 1675, capitaine de vaisseau le 6 janvier 1682, chef d'escadre le 27 décembre 1707. Il mourut le 7 décembre 1713.

L'escadre, poursuivant sa route, gagna la latitude de l'île Socotora, puis se porta vers la côte de Malabar et arriva, le 22 décembre, à Goa où elle retrouva le navire les Jeux qui y était arrêté depuis 9 mois. Le 4 janvier 1696, l'escadre, avec les Jeux, quitta Goa et mouilla devant Surate le 14 du même mois. Deux vaisseaux anglais qui s'y trouvaient se retirèrent au milieu des bancs de Suali et un hollandais entra dans la rivière de Surate. Ainsi réfugiés dans le domaine du Mogol ils devenaient inviolables ; on ne pouvait que les garder à vue pour les empêcher de s'échapper. En effet, le respect du terrain neutre était conservé rigoureusement ; les belligérants s'y trouvaient obligés par la crainte de représailles de la part du Mogol sur leurs comptoirs.

Le comptoir français de Surate était alors dans une position très critique, non seulement à cause de la guerre avec les Hollandais et les Anglais, mais encore et surtout du fait des mauvaises dispositions du gouverneur indigène. Il y avait d'ailleurs une cause à l'irritation du Grand Mogol et du gouverneur de Surate. Depuis plusieurs années déjà, les mers des Indes étaient infestées de forbans qui profitaient de l'état de guerre pour exercer leurs déprédations. Aux professionnels de la piraterie, les flibustiers des îles d'Amériques, les frères de la côte, qui avaient passé dans ces mers, s'étaient joints des aventuriers de tous les pays : des Danois, des Anglais, des Français, des Ecossais et aussi des Arabes qui travaillaient pour leur propre compte. Hivernant dans les îles d'Anjouan, de Ste Marie de Madagascar, dans les îles Mascareignes, l'île Maurice, l'île Bourbon et ailleurs ; dès que revenait la saison du transit maritime, ils prenaient la mer et arrêtaient surtout les navires du Mogol. Les nations européennes belligérantes qui s'efforçaient elles-mêmes de faire des prises sur l'ennemi qu'elles combattaient, respectaient les navires indigènes ; mais chaque nation cherchait à faire retomber sur la nation ennemie la responsabilité des actes de piraterie ; c'est ainsi que lorsque Serquigny arriva à Surate, les Anglais venaient de livrer au Mogol un certain nombre de pirates français qu'ils avaient arrêtés.

Le Mogol n'établissait d'ailleurs pas de distinction ; Anglais, Français, Hollandais ou pirates étaient tous pour lui des Européens, des "porte-chapeaux" qui venaient jeter le désordre dans les mers de son empire. Il les accusait en bloc du dommage dont il souffrait ; et le gouverneur de Surate avait mis l'embargo sur les marchandises européennes. Dans ces conditions, Pilavoine ne pouvait charger les vaisseaux de la Compagnie, et c'est à peine si de Serquigny obtenait des vivres pour se ravitailler.

On chercha cependant à entrer en accommodement. Le gouverneur de Surate ne voulut toutefois accorder l'autorisation de charger les marchandises de la Compagnie que si on lui donnait deux vaisseaux pour escorter la flotte maure qui allait partir pour la mer Rouge et la protéger contre les pirates. Les négociations traînant en longueur, Serquigny laissa Pilavoine arranger les choses et partit lui-même le 13 février avec son escadre pour aller croiser devant la côte de Malabar. Pendant que la Zélande, le Florissant et le Lonray gardaient Bombay, le Médemblick et le Faucon allèrent prendre des vivres à Goa.

Les vaisseaux s'étaient à peine séparés, que la première division aperçut une escadre de 7 vaisseaux hollandais. Elle se hâta d'aller rejoindre le Médemblick et le Faucon à Goa, et l'on compléta rapidement le ravitaillement pour reprendre la mer le 5 mars.

Le 7, on rencontra l'escadre hollandaise sur la route de Surate ; après un engagement de quelques heures, les deux partis se séparèrent et les Français regagnèrent Surate le 26 mars.

Rien n'était encore conclu avec le gouverneur de Surate.

Il est impossible de prendre les marchandises de la Compagnie sans employer la force. Serquigny n'obtient même des vivres qu'à grand-peine, en corrompant les douaniers ; et l'on apprend, en même temps, que trois nouveaux vaisseaux hollandais sont arrivés à Cochin pour se joindre aux 7 autres.

Dans ces conditions, il fallait renoncer à aller au Bengale, et l'on devait se hâter de quitter la place sous peine d'avoir le chemin barré par les hollandais. C'est précisément ce qui faillit arriver. Le 26 avril, le Faucon qui était de garde signala la présence cles vaisseaux hollandais en vue de Surate.

Serquigny appareilla aussitôt ; et, laissant tout là, même Pilavoine qui s'était embarqué sur un yacht pour rejoindre l'escadre et ne put la rattraper, il se hâta de sortir de la rade avant que la retraite lui fût coupée. Il employa toute la journée du 27 avril à gagner le large, mouillant à la marée et étalant le flot sous voiles, suivi par cinq vaisseaux et un brûlot hollandais qui n'osaient s'engager franchement, attendant d'être rejoints par une seconde division hollandaise.

Le 28, l'escadre française était hors de la vue des ennemis avant qu'ils eussent opéré leur jonction, et le Lonray s'en sépara pour gagner le Bengale, comme l'Ecueil en 1693 ; mais on n'eut jamais aucune nouvelle de ce navire ; on supposa qu'il s'était perdu au milieu des iles Maldives

Serquigny aborda à l'île Bourbon le 22 juillet 1696 et trouva cette colonie en désordre ; une bande de flibustiers s'y était installée et construisait à ce moment une frégate que l'on brûla sur le chantier. Après avoir réorganisé la colonie et chargé des vivres, Serquigny reprit la mer le 4 septembre. Arrivé à la baie de Tous-les-Saints le 17 novembre, il en repartit le 2 décembre pour la France.

En cours de route, le 21 janvier 1697, on captura un navire espagnol de 350 tonneaux, qui fut ramené en France. Les navires, séparés, abordèrent partie au Port-Louis et partie à Brest en février et mars 1697.

L'escadre de Dandenne qui s'était vu barrer la route de Pondichéry et du Bengale, avait au moins embarqué les marchandises de Surate ; celle de Serquigny ne rapportait rien sinon la plus grande partie des marchandises destinées au Bengale et qui étaient restées sur le Florissant. Pour payer les frais de l'armement, on n'avait que le produit d'une pauvre prise espagnole.

Les Hollandais étaient maîtres de la mer des Indes : Pondichéry était pris ; les comptoirs du Bengale, isolés depuis le passage de l'escadre de DuQuesne, étaient gardés par une division hollandaise de cinq vaisseaux de guerre. Les trois navires de la Compagnie, le Postillon, l'Ecueil et le Gaillard, pourrissaient dans le Gange, étroitement surveillés par les Hollandais qui circulaient librement dans le fleuve, narguant les officiers français et les défiant de "venir se mesurer avec eux au bas de la rivière".

Plus d'une fois, Deslandes avait préparé le départ de ces vaisseaux, cherchant à tromper la vigilance des Hollandais, surtout lorsqu'il avait espéré voir l'escadre de Serquigny venir les délivré ; mais l'ennemi était trop voisin et la navigation dans le Gange trop lente pour qu'on pût rien faire à leur insu. Cependant, à, force de ruses, il put faire partir, le 17 janvier 1698, le petit navire le Postillon avec une faible cargaison "chargée en cachette et valant 50.000 L. Les Hollandais, avertis, lancèrent deux vaisseaux à sa poursuite, mais trop tard ; le Postillon arriva au Port-Louis le 4 juillet 1698. Au Bengale, les difficultés ne venaient pas toutes des Hollandais ; depuis 5 ou 6 ans, les Français avaient obtenu, au prix de 40.000 roupies, le droit de commercer à peu près librement ; lorsque, au moment où le comptoir était déjà réduit par la guerre à la dernière extrémité, le pays fut envahi par un rajah révolté. Ses troupes étant arrivées à Cassembazar, il exigea des Hollandais un tribut de 40.000 roupies, et 9.000 des Français.

Il fallut, écrivaient Fr. Martin et Deslandes aux directeurs de Paris, comparaître pendant ces contestations devant un officier de ce révolté, deux Hollandais pour leur comptoir et le commis et le soldat qui étaient dans votre loge. Ils furent exposés deux ou trois fois à recevoir des coups de chabouc (étrivières).

Les deux agents français ne possédaient dans leur loge qu'une provision de plomb valant 1.425 roupies ; ils furent heureux de s'enfuir en abandonnant tout au rajah. Un peu plus tard, quand les fils du Grand Mogol vinrent reprendre possession du pays, il fallut faire encore un nouveau sacrifice.

Sur la côte de Malabar et à Surate, là situation était exactement la même ; les Hollandais tenaient la mer

À Surate, le navire Jeux était immobilisé, et J.-B. Martin, le successeur de Pilavoine, fut obligé de le vendre en 1697 pour 14.300 roupies. D'autre part, le gouverneur était toujours aussi intraitable. "De l'argent ou des coups", voilà, d'après J.-B. Martin, les seuls arguments dont il fallait user avec les princes indigènes. Par miracle, le navire Pontchartrain, que l'escadre de Serquigny avait laissé dans les parages de l'île Anjouan au commencement d'octobre 1695, et qui avait repris la route des Indes après avoir hiverné à Mozambique, put entrer le 25 mai 1696 dans le port de Goa, Huit jours plus tôt, il serait tombé dans une escadre hollandaise

Il se trouva d'ailleurs bientôt bloqué dans le port de Goa comme les Jeux à Surate. Le directeur Pilavoine venu de Surate par terre, essaya tous les moyens pour faire sortir Pontchartrain ; il finit par y réussir en usant du stratagème suivant. Les Portugais préparaient à Goa une division de deux vaisseaux, deux galiotes et un brûlot pour aller sur la côte d'Afrique secourir leur comptoir de Mombaze, assiégé par les Arabes. Pilavoine fit le simulacre de leur céder le Pontchartrain pour le joindre à cette expédition. Le navire pût ainsi partir de Goa le 26 novembre 1696 avec un chargement de poivre et Pilavoine qui emportait les L. du comptoir de Surate.

Le Pontchartrain, délivré, prit la route de France. À la hauteur du Cap, le 6 février 1697, il captura une flûte hollandaise de 160 tonneaux, la Wennolle (la Taupe), qu'il vendit avec une partie de la cargaison en passant au Brésil. Il rentra au Port-Louis le 17 juillet 1697.

Isolés et ruinés, les deux comptoirs français de Surate et d'Ougly cherchaient à communiquer entre eux par toutes les voies ; par les navires indigènes (1) ou par les Portugais; mais les Hollandais savaient toutes les démarches des commis francais, vivant à côté d'eux. Huit de leurs vaisseaux croisaient continuellement devant la côte de Malabar et visitaient les navires des neutres ; un petit navire de la Compagnie, le Fatemourade, que J.-B. Martin avait réussi à envoyer à Ougly sous le pavillon portugais, fut saisi au retour. Quelques marchandises avaient cependant pu être échangées d'un comptoir à l'autre, mais au prix de frais considérables; ainsi Deslandes avait confié une cargaison à un navire interlope anglais en payant un fret de 40 pour 100.

La paix de Ryswick, signée le 20 septembre 1697, vint heureusement mettre un terme à cette désolation. À cette époque, comme à pelle du traité de Nimègue, les Hollandais étaient restés les maîtres aux Indes ; toutefois le traité de Ryswick rendait Pondichéry aux Français. Pour reprendre possession de Pondichéry, pour rétablir les comptoirs français aux Indes et pour faire une tentative sur Merguy, le Roi fît partir au commencement de l'année 1698, sous le commandement du chevalier des Augiers (2), une escadre de quatre vaisseaux :

- le Bon, commandé par le chevalier des Augiers;

- l'Indien, commandé par M. de Pradines;

- la Zélande, commandé par M. le comte de Modène;

- le Castricum, commandé par M. de la Roche-Herculle.

L'escadre se porta d'abord au Bengale et elle arriva à Balassor le 20 août 1698. Cédant aux suggestions du P. Tachard (3), qui poursuivait toujours ses desseins sur le Siam, Des Augiers laissa partir ce religieux pour Merguy sur le Castricum ; lui-même alla hiverner avec le Bon, I'Indien et la Zélande aux îles Negraille, où l'lndien se perdit.

(1 ) Voici un exemple des procédés dont usaient les chefs des comptoirs français. Dans le commentaire d'une lettre qu'ils avaient reçue de Surate, les directeurs de Paris écrivaient le 17 août 1697: " On nous explique que le navire qui a passé le R. P. Tachart de Surate à Bengale se nomme Isabach que le sieur Pilavoine dit appartenir à la Compagnie sous un contrat simulé de vente faite à un Gentil dont il y a une contre-lettre en faveur de la Compagnie.

(2) Le chevalier des Augiers, enseigne de vaisseau en 1675, aide-major le 3 janvier 1680, capitaine de frégate le 21 juillet 1684, capitaine de vaisseau le 10 janvier 1687, mort le 9 novembre 1708.

(3) Le Père Tachard, transporté en Europe par les Hollandais après la prise de Pondichéry, était revenu à Surate; et de là à Ougly sur un navire indigène. Pendant son séjour au Bengale il avait déjà essayé de retourner à la cour de Siam. Il était parti d'Ougly le 10 janvier I697 sur un navire maure; mais, assez mal reçu à Merguy, il était revenu à Ougly le 4 mars suivant.

Le 4 décembre, le Bon et la Zélande étaient de retour à Balassor avec des équipages décimés et épuisés ; le Castricum arrivait le 14, ayant laissé le P. Tachard à Merguy.

Des deux vaisseaux de la Compagnie qui étaient dans le Gange depuis l'année 1693, le Gaillard seul, qu'on avait réparé, était encore à peu près en état de tenir la mer; quant à l'Ecueil, sa carrière était terminée; dans le courant de l'année 1699, Deslandes le fît dépecer, conserver les bois qui étaient encore bons "et porter à la cuisine ceux qui ne pouvoient servir (1)".

Au Bengale, se trouvaient encore deux autres navires, le Phélypeaux, de 400 tonneaux, et l' Etoile-d'Orient, de 300 tonneaux, que la Compagnie avait expédiés du Port-Louis au commencement de l'année 1698. Ils partiront du Bengale pour la France en février 1699, emportant les lettres de M. Des Augiers. Le Castricum avait, dès le 10 janvier, repris le chemin de Merguy pour apprendre le résultat des négociations du P. Tachard.

(1) Nous n'avons pu retrouver, d'une manière certaine, le lieu et la date de sa construction. Nous voyons le nom de l'Ecueil dans les comptes d'armement relatifs au port de Brest, en 1682 et en 1686: nous le trouvons aussi dans un devis de radoub en 1688. Il est compris dans la liste des vaisseaux construits de 1671 à 1677.

Enfin, le 18 février, le Bon et la Zélande, ainsi que le Gaillard, sur lequel s'étaient embarqués Fr. Martin avec sa famille et les commis de la Compagnie, firent voile pour Pondichéry; ils y arrivèrent le 8 mars.

La reprise du fort ne se fit pas sans quelques contestations avec les Hollandais qui réclamaient une indemnité de 16,000 pagodes tant pour les travaux d'art qu'ils avaient faits que pour les accroissements de territoire qu'ils avaient obtenus.

Cependant, les navires français commençaient à arriver à Pondichéry, rendu à leur commerce. C'était d'abord, le 20 mars, le Castricum, ramenant le P. Tachard, qui annonçait le néant de ses négociations. Il avait été reçu très froidement à la cour du roi de Siam et il avouait "qu'il n'avait jamais osé parler de Merguy au Roy ".

Le 29 mai, arrivèrent la quèche le Saint-Louis, venant de Surate; puis des navires venant de France : le Postillon, le 14 juillet, le Maurepas et la Toison-d'0r, le 6 août. Ces navires furent immédiatement dirigés sur le Bengale (1).

Enfin, Des Augiers, ayant réinstallé le comptoir de Pondichéry, et renonçant à intervenir à Merguy, fit partir la Zélande pour la France, et prit lui-même avec le Bon et le Castricum le chemin de Surate le 20 septembre. Il y parvint le 4 décembre 1699.

Le comptoir de Surate était à ce moment dans la plus triste situation ; le gouverneur indigène avait exigé des commis français un écrit les rendant responsables des percés que les forbans feraient subir aux navires du Mogol, et il empêchait de charger les navires de la Compagnie. Un des commis, le sieur Alexandre de l'Estoille, avait été envoyé à la cour du Mogol pour obtenir des conditions moins dures et les vaisseaux de M. Des Augiers arrivaient pour appuyer ces réclamations.

(1) Le Gaillard était reparti le 17 juin pour le Bengale, il arriva le 29 devant Balassor avec une voie d'eau. Dans la nuit du 3 au 4 juillet 1699, le vent ayant fraîchi, le Gaillard fut abandonné par son capitaine et "coula par 4 brasses d'eau".

Le 21 décembre, les agents de la Compagnie se rendirent auprès du gouverneur, accompagnés d'une députation de quatre officiers de l'escadre pour se plaindre de l'opposition qu'il avait faite au chargement de l'escadre de Serquigny et réclamer les billets d'engagement que les commis avaient été forcés de signer pour répondre des pirateries. Le gouverneur ne donna que de vagues promesses, "sans vouloir entendre parler de la puissance du Roy, voulant faire parler un interprète maure, dédaignant d'entendre un Français qui parlait persan et qui parlait sans déguisement, ce qui fait connaître l'audace de ces peuples et la nécessité qu'il y a de leur rabaisser leur arrogance et leur présomption (1)".

Le 23 décembre, le sieur Alexandre de l'Estoille revenait de la cour du Mogol, où il n'avait trouvé que mépris et duplicité. Bref, on obtenait la permission de charger les vaisseaux, mais aucune garantie pour l'avenir. Des Augiers, avec ses deux vaisseaux, était trop faible pour rien entreprendre ; il n'avait plus qu'à partir.

Deux navires de la Compagnie, le Florissant et l'Aurore, se trouvaient là ; mais, les marchandises n'étant pas en quantité suffisante pour les charger tous les deux, le Florissant resta aux Indes.

Le Bon partit le 27 janvier 1700, le Castricum et l'Aurore le 1er février ; et, après s'être rejoints à Goa, les trois navires firent voile pour l'Europe le 12 février (2).

En somme, après la paix de Ryswick, les Français avaient aux Indes trois centres d'exploitation :

- Le comptoir de Surate dirigé par le sieur Régnard, qui avait remplacé J.-B. Martin rnort au mois de juin l698 (Pilavoine devait d'ailleurs prochainement revenir à son poste). À ce comptoir se rattachaient les sous-comptoirs de Ponnoly et Calicut, sur la côte de Malabar, qui fournissaient surtout du poivre ;

- Pondichéry, où François Martin était rétabli avec une petite garnison commandée par un officier du Roi, M. de Livernan, et les dépendances de Masulipatam et de Cabripatnam ;

- Au fond du golfe du Bengale, trois stations : Ougly, la principale, dirigée par Boureau-Deslandes, le gendre de Fr. Martin; Balassor, ayant pour chef le sieur Pelé; et Cassembazar, sur le Gange en amont d'Ougly, confié au sieur du Livier.

Sur la route cles Indes, les Français possédaient l'île Bourbon où les navires de la Compagnie s'arrêteront désormais plus souvent.

(1) Naturellement, pendant cette campagne, les officiers n'avaient pas manqué, malgré les ordonnances, de faire de la pacotille. Dans une lettre du 28 juin 1700, les directeurs de Paris rendaient grâce au ministre Pontchartrain pour "avoir donné ordre dans les ports de Bretagne et de Provence de faire saisir les marchandises débarquées à la Martinique par le vaisseau la Zélande et rapportées en France par plusieurs petits bâtiments".

 

 

RAPPEL DE LA LISTE DES ARMEMENTS DE LA COMPAGNIE DE 1690 A 1696

I690 - Armement mixte. M. Du Quesne-Guiton. Retour en 1691.

1691 - Le Postillon, pour Pondichéry et le Bengale.

1692 - Armement mixte. M. Dandenne. Retour en 1694

Le Cerf-volant (capturé par les Hollandais).

1693 - Le Gaillard, pour le Bengale.

1694 - Les Jeux, pour Surate.

1695 - Armement mixte. M. de Serquigny. Retour en 1697.

1696 - Pas d'armement.

 

 

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20 décembre 2001

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