L'escadre
de M. DuQuesne rentrait en France avec une cargaison de
1,8 million de L.; c'était un résultat que
les directeurs considéraient comme insuffisant, eu
égard aux dépenses qu'ils avaient faites.
Ils se trouvaient d'ailleurs leurrés dans leur
principale espérance, car, ayant fait cet armement
surtout pour se récupérer de la perte
soufferte au Cap de Bonne-Espérance , ils auraient
souhaité de voir l'escadre revenir avec de riches
prises faites sur l'ennemi, "ce qui auroit
été infaillible si M. DuQuesne et les
officiers de l'escadre eussent répondu à
l'attente qu'on en avait" Or, tout se bornait à la
capture d'une flûte hollandaise à
moitié pillée. Il n'y avait pas
jusqu'à la relâche à la Martinique
qui ne vint leur causer un nouveau chagrin en
occasionnant a la Compagnie des frais inutiles.
Dans
une longue lettre qu'ils adressaient à Mr. Martin
le 22 septembre 1691 (1),
les directeurs ne cachaient pas leur
mécontentement.
"... Le
24 aoust, disaient-ils, nous vous avons mandé par
le Père de Bèze que l'Escadre de nos 6
vaisseaux commandée par M. DuQuesne Guiton estoit
arrivée au Port-Louis le 18 du mesme mois
après un relaschement fait à la Martinique,
très préjudiciable à la Compagnie
(2)
Nous
avions espéré que l'escadre de six
vaisseaux commandée par M. Duquesne feroit des
prises considérables comme le bruit en avoit
couru. Mais à son retour nous avons veu et connu
qu'il n'y a rien moins que cela et que toutes ces prises
qui ont fait tant d'éclat et de bruit se sont
terminées à la seule prise d'un navire
hollandais près de Ceylan, dont la plus grande
partie des effets ont esté pillez et vollez par
les capitaines, officiers, escrivains et matelots de
l'Escadre, eutr'autres mil coupans d'or; jugez de
l'extrémité où cela met la Compagnie
puisque le provenu du peu de marchandises que vous
envoyez par cette escadre ne sçaurait nous
dédommager tant des dépenses faites
à son occasion que pour achever de payer les
équipages. Nous faisons faire présentement
au Port-Louis de vigoureuses informations dans lesquelles
trouvons desjà que les chefs de l'Escadre y sont
les plus impliquez. Nous mettrons tout en usage pour en
avoir raison et en faire un exemple. Nous sommes surpris
que vous ne nous escriviez rien de ce désordre et
que vous ne vous soyez pas fait rendre compte des
consommations de nos vivres et Eaux-de-vies que nous
apprenons par les informations avoir été
extrêmes, et que les Escrivains en ont fait un
commerce public. En un mot nous voyons trèS bien
par cette expérience que les affaires de la
Compagnie ne peuvent réussir dans la main des
officiers du Roy. Ils ont trop de présomption,
trop leur intérest en recommandation et se
soucient peu de risquer ny de faire des entreprises
utiles pour l'avantage de la Compagnie. Ils l'ont bien
fait parroistre en allant aux lndes à l'isle
d'Anjouan au rencontre d'un vaisseau anglois qui au lieu
de le combattre et l'aborder le laissèrent
échapper .
(1)
Cette lettre fut portée à Pondichéry
par le premier navire détaché de France
après le retour de DuQuesne, le Postillon
qui partit en fin octobre 1691.
(2) Le
sieur de Vaucourtois, directeur des vivres de la marine
aux iles d'Amérique, réclamait 37 500
livres pour la fourniture, le 2 juillet 1691 à la
Martinique, de deux mois de vivres à l'escadre de
Du Quesne. La Compagnie trouvait le prix excessif et
refusait de payer. Après débats, expertise
et contre-expertise, un arrêt du Conseil d'Etat du
5 février 1692, modéra la créance de
Vaucourtois (25 000 L.). La note présentée
a la Compagnie était quelque peu majorée,
mais c'était l'habitude. Un peu plus tard, quand
on prépara le 3ème armement mixte les
directeurs se plaignaient au ministre que, dans les
arsenaux du Roi, on voulait leur faire payer la poudre 12
sols la livre au lieu de 5 sols que le Roi la
payait.&emdash;Lettre du 15 janvier 1695.
Le
succès de l'expédition était en
somme des plus relatifs; cependant, cette promenade
militaire dans les mers des Indes avait eu pour effet d'y
mettre les Hollandais en mouvement. Déjà,
en 1689, une escadre de dix s'était massée
à Malacca, dans l'attente de l'escadre
française dont le départ était
prévu pour cette année. Les Hollandais en
avaient eu connaissance par les lettres saisies sur le
Coche et la Normande; mais nous savons que
l'expédition fut ajournée. En
février 1690, l'escadre hollandaise, ne voyant
rien venir, était rentrée à Batavia.
Six
mois après, l'escadre de M. DuQuesne entrait en
scène, mais les Hollandais et les Anglais
étaient sur leurs gardes. On n'osa pas attaquer
Negapatam et la canonnade de Madras ne fut en somme
qu'une démonstration inutile. Bien plus, l'escadre
française, qui s'était cependant
débarrassée Pondichéry et à
Balassor de ses marchandises, ne s'avança que
très timidement sur les côtes de Siam.
A
mesure qu'on approchait de la presqu'île de
Malacca, on pouvait redouter de voir surgir d'un moment
à l'autre l'escadre hollandaise; et cette crainte,
sans doute, plus que la contrariété des
vents, empêcha DuQuesne-Guiton d'arriver
jusqu'à Merguy.
La
destruction d'un navire anglais au sortir du canal de
Mozambique et la prise d'une flûte hollandaise sur
les côtes de Ceylan, tel était tout le
succès militaire de l'expédition.
Une
fois engagés dans cette voie, les entreprises
commerciales aux indes ne pouvaient plus se faire
qu'à main armée, ce qui obligeait la
Compagnie à n'entreprendre dans la suite que des
armements mixtes malgré les frais
considérables qu'ils lui occasionnaient.
Un
armement composé de trois vaisseaux de la
Compagnie et d'un vaisseau du Roi fut ainsi
projeté pour l'année 1692; et, afin d'en
donner avis aux Indes, les directeurs firent partir un
petit navire, le Postillon. C'était une
frégate anglaise capturée par les vaisseaux
du Roi et qui avait été cédée
à la Compagnie. Le Postillon quitta le
Port-Louis à la fin d'octobre 1691 avec des
lettres pour Martin, à Pondichéry, et une
cargaison de 20 000L., en piastres et barres d'argent
plus 10 caisses de corail. En arrivant à la
côte de Coromandel, il tomba dans une division de
cinq vaisseaux hollandais qui se trouvaient devant
Negapatam, et ne se sauva que grâce au pavillon
anglais qu'il portait, et surtout grâce à
son gabarit de fabrique britannique. Il toucha à
Pondichéry le 6 juin 1692, mais ne pouvant rester
en sécurité dans une rade foraine où
un vaisseau hollandais vint bientôt le
reconnaître à distance, il partit
immédiatement pour Balassor et entra dans le
Gange, où il resta plusieurs années
bloqué par les Hollandais. Ceux-ci avaient
envoyé, dans le courant de l'année 1691, 20
à 22 vaisseaux d'Europe aux Indes; et Deslandes,
le chef du comptoir français d'Ougly, signalait,
dans une lettre du 15 décembre, l'apparition de 14
ou 15 de ces vaisseaux qui étaient venus
rôder au fond du golfe de Bengale.
L'armement
de 1692 qui partit du Port-Louis au mois de janvier, se
composait de quatre vaisseaux sous le commandement de
Dandenne.
Un
vaisseau du Roi, le Fendant, de 800 tonneaux,
commandant: M. Dandenne
Trois
vaisseaux de la Compagnie:
- le
Florissant, de 600 tonneaux, capitaine Chanlatte;
commissaire de l'escadre: Le Mayer;
-
L'Ecueil, de 500 tonneaux, capitaine Mousnier;
- le
Lonray, de 300 tonneaux, capitaine Desmonts.
La
cargaison était de 475 600 L. en marchandises,
partie pour Surate, partie pour Pondichéry et le
Bengale.
Incertaine
sur le succès de cette expédition, la
Compagnie cherchait une seconde voie pour faire passer
des fonds aux Indes; elle confia à une
société portugaise 300 000 L. que deux
vaisseaux portugais, partant de Lisbonne au mois de mars,
avec le comte de Villaverde, vice-roi, chargèrent
pour Goa. Cette somme d'argent n'arriva que difficilement
et très tard à destination; les Portugais
n'étaient plus les brillants marins du temps
passé; "leur navigation fait pitié",
écrivait un commis français en parlant de
ce voyage.
Un
autre petit navire de la Compagnie, le
Cerf-Volant, de 120 tonneaux, capitaine Ponto,
partit du Port-Louis, le 18 octobre 1692, avec des
dépêches pour Fr. Martin à
Pondichéry, et 10 000 à 12 000 écus.
Le 21, il fut enlevé par un corsaire de Flessingue
à cent lieues des côtes françaises.
L'escadre de Dandenne prit, pour gagner les Indes, le
chemin que nous connaissons; et les navires furent
plusieurs fois séparés en cours de route.
Au voisinage du Cap, sur le banc des Aiguilles,
l'Écueil rencontra une frégate
anglaise de 180 tonneaux et 24 canons, le
Samuel-de-Londres, et la mit dans un tel
état, que le capitaine Mousnier dut laisser aller
ce navire rasé et se contenter d'une rançon
de 200 livres sterling et de sa cargaison de 339 chapeaux
! L'escadre s'étant rassemblée à
l'île Moaly, prit la route de Surate. Le 11
octobre, à 45 lieues de Bombay elle fit une prise
heureuse, l'Elisabeth-de-Londres, dont la vente rapporta
355 000 L. à la Compagnie, bien que le navire
eût été, selon l'habitude, quelque
peu pillé après l'action.
On
arriva à Surate le 20 octobre, ayant perdu quinze
hommes et avec plus de cent malades; trois des navires
avaient des avaries dans leurs oeuvres vives. Cependant,
cette première partie de la campagne pouvait
être considérée comme un
succès; les Hollandais de Surate tremblaient pour
trois navires qu'ils attendaient, un venant de Batavia et
deux venant de Perse. Avertis, à l'approche de
Surate, ces navires échappèrent à
l'escadre française et se
réfugièrent à Cochin, station
hollandaise. Après avoir terminé, avec le
chef du comptoir Pilavoine, les opérations
commerciales prescrites, l'escadre devait, pour
obéir à ses instructions, passer à
Pondichéry et au Bengale; mais cette seconde
partie du programme était plus difficile à
exécuter. Les vaisseaux étaient en mauvais
état; le comptoir de Surate, très pauvre,
n'avait pu fournir que des vivres insuffisants; à
la côte de Coromandel et au Bengale, il y avait
sans doute peu de chose à faire, l'état de
guerre n'ayant pas dû permettre aux commis de ces
comptoirs d'amasser beaucoup de marchandises. Telles
étaient les raisons auxquelles Dandenne et
Pilavoine s'étaient arrêtés pour
décider que l'escadre ne pousserait pas plus loin.
Ces raisons n'étaient que des prétextes
auprès de la vraie raison. On s'était
promené en vainqueurs sur la côte de
Malabar, mais par delà Ceylan, dans le golfe du
Bengale, était la zone dangereuse; là sans
doute rôdaient de puissants partis hollandais et il
n'était pas prudent de s'y aventurer avec des
forces insuffisantes. Cependant, comme il fallait porter
à Pondichéry et au Bengale au moins les
secours indispensables, il fut décidé que
l'escadre descendrait groupée le long de la
côte de Malabar et détacherait, à la
hauteur de Ceylan, l'Ecueil pour Pondichéry et le
Bengale. Comme c'était le meilleur marcheur de
l'escadre, il saurait se tirer d'affaire au cas de
mauvaise rencontre.
L'escadre
quitta Surate le 1er février 1693 avec une assez
faible cargaison en toiles de coton et en poivre,
chargée sur le Fendant et le
Florissant; le Lonray partait sans
cargaison, et l'Ecueil avec les marchandises pour
Pondichéry et le Bengale. Le sieur Roques
(1),
principal commis, qui avait 16 ans de service, repassait
en France sur le Florissant; il mourut quinze
jours après le départ.
(1)
Pilavoine écrivait aux directeurs à Paris
la note suivante sur Roques: "... Il est laborieux et
entendu dans le commerce et plust à Dieu qu'il
eust été aussy capable de commander qu'il a
esté d'obéir, j'aurais eu l'avantage de
repasser en France par cette escadre. "
En
suivant la côte de Malabar, l'escadre rencontra un
navire de 100 tonneaux, le Merguy, celui-là
même sur lequel les Français avaient
quitté Merguy en 1688. Ce navire était
resté dans le Gange; et comme le chef du comptoir
d'Ougly, le sieur Boureau-Deslandes ne pouvait l'utiliser
en raison du blocus maintenu par les Hollandais, il
l'avait vendu à un marchand portugais nommé
Comes Gomez. Le Merguy sous pavillon portugais, portait
du salpêtre à Surate. Avec une partie des
fonds destinés à Pondichéry, Le
Mayer, le commissaire de l'escadre, acheta au Portugais
166 000 de salpêtre qu'il fît transporter sur
le Lonray. On apprit en même temps que le Merguy
avait rencontré sur sa route, dans les parages de
Ceylan, dix vaisseaux hollandais qui attendaient Dandenne
au passage. Il n'y avait décidément pas
à songer à aller de ce
côté-là et l'on s'en tint au dernier
projet. L'Ecueil, se détachant de l'escadre, donna
du tour à l'île de Ceylan, et gagna le golfe
du Bengale. Son capitaine crut prudent de
s'écarter de la côte de Coromandel et de
dépasser Pondichéry. Bien lui en prit, car
les hollandais s'y trouvaient en nombre et en forces.
Bref, l'Ecueil arriva à l'embouchure du Gange le
06 avril 1693 et, il entra dans le fleuve pour aller
rejoindre, à 18 ou 20 lieues au-dessous de la loge
d'Ougly, le Postillon qui s y trouvait déjà
amarré.
Le
reste de l'escadre, se dirigeant vers le Brésil,
arrivait à la baie de Tous-les-Saints le 5
juillet, les vaisseaux très endommagés et
les équipages décimés par la peste
et le scorbut. La Fargue, le chirurgien était
mort. Le commissaire Le Mayer eut toutes les peines du
monde à remettre les vaisseaux en état et
à établir leur ravitaillement. De la baie
de Tous-les-Saints, il écrivait, le 4 août
1693 aux directeurs de Paris, en se lamentant "... Je ne
serai peut-être pas quitte pour 10 000 L. y compris
le radoub du Fendant, à quoy on sera toujours
sujet quant on prendra de vieilles carcasses et de
méchants mâts comme on vous en fournis des
ports et arsenaux du Roy".
Et
quelques jours plus tard, après avoir
renouvelé ses plaintes:
"Voilà,
disait-il, le malheur où l'on se trouve avec de
vieux navires et, à ne sçavoir sortir de ce
pays où il n'y a ny pain ny farille et cependant
il faut avoir des vivres pour retourner en France
après avoir consommé les nostres en cette
rade, et tout,
s'adresse
à moy par le méchant employe que j'y pris
de Commissaire que je voudrois avoir esté
donné à un autre puisque je ne trouve point
d'argent mesme pour de la marchandise...
"(1).
(1) Ces
lettres furent portées en Europe par l'armada
portugaise qui quittait le brésil à ce
moment-là.
Il se
plaignait surtout du peu de bon vouloir de Dandenne qui
ne l'aidait en rien. Celui-ci, d'ailleurs, n'avait pas
manqué, à Surate, de se faire remettre,
pour sa part sur les prises, 23 000 L. en or, de
Pilavoine " qui me semble, disait Le Mayer, avoir
été trop légèrement.
"
L'escadre
ne put reprendre la mer que le 7 septembre; et, le 25
octobre, elle était à la Martinique qu'elle
quitta seulement le 25 janvier 1694. Enfin, après
une campagne de 26 mois, elle arriva en rade de Groix le
14 mars, avec une faible cargaison valant, 350 000 L.
seulement. Ces marchandises furent vendues à
Nantes le 24 mai de la même
année.
Aux
Indes, les Hollandais avaient préparé un
grand coup. Débarrassé de l'escadre de
Dandenne, ils songèrent à s'emparer de
Pondichéry. Quand ils se virent prêts, ils
vinrent, le 25 août 1693, mettre le siège
devant la place avec 40 navires, dont, 17 vaisseaux. Avec
le consentement de Rem-Raja, qu'ils avaient gagné
par un présent de trente mille pagodes, ils
débarquèrent un corps de matelots, 1 500
hommes de troupes européennes, 2 000 Asiatiques et
un train d'artillerie. Fr. Martin n'avait à
Pondichéry que deux cents Français et
quelques soldats indigènes. Le fort, qui
n'était fait que pour parer à un coup de
main, fut canonné pendant huit jours et la petite
garnison française dut capituler le 6 septembre.
Tous les Français furent emmenés à
Batavia et le plus grand nombre, y compris le P. Tachard,
transporté en Hollande. Fr. Martin obtint
cependant de rejoindre avec sa famille le comptoir
d'Ougly.
En
France, on préparait alors un troisième
armement mixte, et avant le retour de l'escadre de
Dandenne, on expédia aux Indes des navires
isolés.
Au mois
d'octobre 1692, le Cerf-Volant était parti ; et
nous savons que, ce petit navire fut capturé.
L'année suivante, le vaisseau Gaillard, sous le
commandement du capitaine Faucher
(1),
fut envoyé à Pondichéry avec une
cargaison de 346.000 L. Ce navire partit du Port-Louis le
10 mars 1693 ; il arriva à la côte de
Coromandel au moment même où les Hollandais
s'y rassemblaient pour attaquer Pondichéry. Le 19
août, passant devant Negapatam, Faucher
aperçut 14 navires hollandais et, sans prendre
chasse, il tint le large, bientôt suivi par deux
gros vaisseaux "qui lui tirèrent plusieurs coups
d'assurance". Faucher, sans s'arrêter, mit pavillon
anglais et, força de voiles la nuit suivante. Il
dépassa ainsi Pondichéry arriva à
Balassor le 8 septembre. Le 18, le Gaillard entrait dans
le Gange et allait s'amarrer à côté
de l'Ecueil et du Postillon.
Deslandes,
qui avait rassemblé pour 400.000 L. de
marchandises en toiles de coton et poivre, et 900
milliers de salpêtre, commençait à
charger ces vaisseaux, lorsqu'il apprit la capitulation
de Pondichéry, le 14 décembre 1693, cinq
vaisseaux hollandais vinrent bloquer l'entrée du
Gange. On songe d'abord à forcer la sortie, "les
officiers meurent d'envie de rentrer en France", et
Deslandes propose de transformer le Postillon en
brûlot pour écarter les Hollandais ; mais il
faut abandonner ce projet, car deux nouveaux vaisseaux
hollandais viennent, en janvier 1694, se joindre aux cinq
autres. Les trois navires français sont alors
déchargés et ils remontent dans le Gange
jusqu'à une lieue seulement de la loge d'Ougly.
Ils y restèrent jusqu'en 1698.
(1)
Faucher avait été enseigne M. de DuQuesne
sur le Gaillard en 1690.
En
1693, la Compagnie avait expédié le
Gaillard pour Pondichéry et le Bengale ; en 1694,
elle fit partir les Jeux, navire de 250 à 300
tonneaux, armé de 30 canons, avec une cargaison de
150.000 L. pour Surate. Ce navire, attaqué par
deux pirates arabes sur la côte de Malabar, en
coula un et mit l'autre en fuite, mais il avait perdu son
capitaine, le sieur Prade le Gaigneur, et 12 hommes.
L'accès de Surate étant rendu impraticable
par la présence de vaisseaux hollandais, il se
réfugia à Goa, où il arriva à
la fin de mars 1695, et s'y trouva
immobilisé.
Le
troisième armement mixte, qui devait partir pour
les Indes en 1695, se composait de six vaisseaux. Trois
vaisseaux du Roi, dont l'armement était fait,
cette fois, aux frais du Roi :
- la
Zélande, 50 canons, 300 hommes, armé
à Brest ; commandé par M. de
Serquigny.
- le
Médemblick, 50 canons, 300 hommes, armé au
Port-Louis ; commandé par M. Demons.
- le
Faucon, 50 canons, 250 hommes, armé à
Rochefort ; commandé par M. de
Grosbois.
Et
trois vaisseaux de la Compagnie, chargés de
marchandises et armés aussi en guerre dans le port
de Lorient.
- le
Florissant, 50 canons ; 250 hommes ; capitaine Le
Mayer.
- le
Pontchartrain, 44 canons, 200 hommes ; capitaine
Desmonts.
- le
Lonray, 28 canons, 90 hommes ; capitaine
Stéphan.
L'objectif
de cette escadre, commandée par M. de Serquigny
(1),
était de ramasser tout ce qu'elle pourrait, de
prises hollandaises et anglaises ; d'aller d'abord au
Bengale dégager l'Ecueil et le Gaillard ; d'y
échanger ses marchandises et de passer par Surate
au retour. Un nouveau chef de comptoir, le sieur
Jean-Baptiste Martin, allait à Surate pour relever
Pilavoine.
Les
vaisseaux se rassemblèrent dans la rade de Groix
et mirent à la voile le 31 mars. Plusieurs fois
séparés pendant la première partie
du trajet, ils doublèrent successivement le cap de
Bonne-Espérance au commencement du mois
d'août, et se rassemblèrent à
l'île Moaly le 12 septembre. À la Hauteur de
l'île Anjouan, le Pontchartrain,
arrêté par des avaries et le vent contraire,
fut laissé en arrière.
(1) Le
comte de Serquigny d'Aché entra dans la marine
comme volontaire le 22 mars 1671 ; il devint enseigne de
vaisseau le 28 mars 1672, lieutenant de vaisseau le 8
décembre 1675, capitaine de vaisseau le 6 janvier
1682, chef d'escadre le 27 décembre 1707. Il
mourut le 7 décembre 1713.
L'escadre,
poursuivant sa route, gagna la latitude de l'île
Socotora, puis se porta vers la côte de Malabar et
arriva, le 22 décembre, à Goa où
elle retrouva le navire les Jeux qui y était
arrêté depuis 9 mois. Le 4 janvier 1696,
l'escadre, avec les Jeux, quitta Goa et mouilla devant
Surate le 14 du même mois. Deux vaisseaux anglais
qui s'y trouvaient se retirèrent au milieu des
bancs de Suali et un hollandais entra dans la
rivière de Surate. Ainsi réfugiés
dans le domaine du Mogol ils devenaient inviolables ; on
ne pouvait que les garder à vue pour les
empêcher de s'échapper. En effet, le respect
du terrain neutre était conservé
rigoureusement ; les belligérants s'y trouvaient
obligés par la crainte de représailles de
la part du Mogol sur leurs comptoirs.
Le
comptoir français de Surate était alors
dans une position très critique, non seulement
à cause de la guerre avec les Hollandais et les
Anglais, mais encore et surtout du fait des mauvaises
dispositions du gouverneur indigène. Il y avait
d'ailleurs une cause à l'irritation du Grand Mogol
et du gouverneur de Surate. Depuis plusieurs
années déjà, les mers des Indes
étaient infestées de forbans qui
profitaient de l'état de guerre pour exercer leurs
déprédations. Aux professionnels de la
piraterie, les flibustiers des îles
d'Amériques, les frères de la côte,
qui avaient passé dans ces mers, s'étaient
joints des aventuriers de tous les pays : des Danois, des
Anglais, des Français, des Ecossais et aussi des
Arabes qui travaillaient pour leur propre compte.
Hivernant dans les îles d'Anjouan, de Ste Marie de
Madagascar, dans les îles Mascareignes, l'île
Maurice, l'île Bourbon et ailleurs ; dès que
revenait la saison du transit maritime, ils prenaient la
mer et arrêtaient surtout les navires du Mogol. Les
nations européennes belligérantes qui
s'efforçaient elles-mêmes de faire des
prises sur l'ennemi qu'elles combattaient, respectaient
les navires indigènes ; mais chaque nation
cherchait à faire retomber sur la nation ennemie
la responsabilité des actes de piraterie ; c'est
ainsi que lorsque Serquigny arriva à Surate, les
Anglais venaient de livrer au Mogol un certain nombre de
pirates français qu'ils avaient
arrêtés.
Le
Mogol n'établissait d'ailleurs pas de distinction
; Anglais, Français, Hollandais ou pirates
étaient tous pour lui des Européens, des
"porte-chapeaux" qui venaient jeter le désordre
dans les mers de son empire. Il les accusait en bloc du
dommage dont il souffrait ; et le gouverneur de Surate
avait mis l'embargo sur les marchandises
européennes. Dans ces conditions, Pilavoine ne
pouvait charger les vaisseaux de la Compagnie, et c'est
à peine si de Serquigny obtenait des vivres pour
se ravitailler.
On
chercha cependant à entrer en accommodement. Le
gouverneur de Surate ne voulut toutefois accorder
l'autorisation de charger les marchandises de la
Compagnie que si on lui donnait deux vaisseaux pour
escorter la flotte maure qui allait partir pour la mer
Rouge et la protéger contre les pirates. Les
négociations traînant en longueur, Serquigny
laissa Pilavoine arranger les choses et partit
lui-même le 13 février avec son escadre pour
aller croiser devant la côte de Malabar. Pendant
que la Zélande, le Florissant et le Lonray
gardaient Bombay, le Médemblick et le Faucon
allèrent prendre des vivres à
Goa.
Les
vaisseaux s'étaient à peine
séparés, que la première division
aperçut une escadre de 7 vaisseaux hollandais.
Elle se hâta d'aller rejoindre le Médemblick
et le Faucon à Goa, et l'on compléta
rapidement le ravitaillement pour reprendre la mer le 5
mars.
Le 7,
on rencontra l'escadre hollandaise sur la route de Surate
; après un engagement de quelques heures, les deux
partis se séparèrent et les Français
regagnèrent Surate le 26 mars.
Rien
n'était encore conclu avec le gouverneur de
Surate.
Il est
impossible de prendre les marchandises de la Compagnie
sans employer la force. Serquigny n'obtient même
des vivres qu'à grand-peine, en corrompant les
douaniers ; et l'on apprend, en même temps, que
trois nouveaux vaisseaux hollandais sont arrivés
à Cochin pour se joindre aux 7 autres.
Dans
ces conditions, il fallait renoncer à aller au
Bengale, et l'on devait se hâter de quitter la
place sous peine d'avoir le chemin barré par les
hollandais. C'est précisément ce qui
faillit arriver. Le 26 avril, le Faucon qui était
de garde signala la présence cles vaisseaux
hollandais en vue de Surate.
Serquigny
appareilla aussitôt ; et, laissant tout là,
même Pilavoine qui s'était embarqué
sur un yacht pour rejoindre l'escadre et ne put la
rattraper, il se hâta de sortir de la rade avant
que la retraite lui fût coupée. Il employa
toute la journée du 27 avril à gagner le
large, mouillant à la marée et
étalant le flot sous voiles, suivi par cinq
vaisseaux et un brûlot hollandais qui n'osaient
s'engager franchement, attendant d'être rejoints
par une seconde division hollandaise.
Le 28,
l'escadre française était hors de la vue
des ennemis avant qu'ils eussent opéré leur
jonction, et le Lonray s'en sépara pour gagner le
Bengale, comme l'Ecueil en 1693 ; mais on n'eut jamais
aucune nouvelle de ce navire ; on supposa qu'il
s'était perdu au milieu des iles
Maldives
Serquigny
aborda à l'île Bourbon le 22 juillet 1696 et
trouva cette colonie en désordre ; une bande de
flibustiers s'y était installée et
construisait à ce moment une frégate que
l'on brûla sur le chantier. Après avoir
réorganisé la colonie et chargé des
vivres, Serquigny reprit la mer le 4 septembre.
Arrivé à la baie de Tous-les-Saints le 17
novembre, il en repartit le 2 décembre pour la
France.
En
cours de route, le 21 janvier 1697, on captura un navire
espagnol de 350 tonneaux, qui fut ramené en
France. Les navires, séparés,
abordèrent partie au Port-Louis et partie à
Brest en février et mars 1697.
L'escadre
de Dandenne qui s'était vu barrer la route de
Pondichéry et du Bengale, avait au moins
embarqué les marchandises de Surate ; celle de
Serquigny ne rapportait rien sinon la plus grande partie
des marchandises destinées au Bengale et qui
étaient restées sur le Florissant. Pour
payer les frais de l'armement, on n'avait que le produit
d'une pauvre prise espagnole.
Les
Hollandais étaient maîtres de la mer des
Indes : Pondichéry était pris ; les
comptoirs du Bengale, isolés depuis le passage de
l'escadre de DuQuesne, étaient gardés par
une division hollandaise de cinq vaisseaux de guerre. Les
trois navires de la Compagnie, le Postillon, l'Ecueil et
le Gaillard, pourrissaient dans le Gange,
étroitement surveillés par les Hollandais
qui circulaient librement dans le fleuve, narguant les
officiers français et les défiant de "venir
se mesurer avec eux au bas de la
rivière".
Plus
d'une fois, Deslandes avait préparé le
départ de ces vaisseaux, cherchant à
tromper la vigilance des Hollandais, surtout lorsqu'il
avait espéré voir l'escadre de Serquigny
venir les délivré ; mais l'ennemi
était trop voisin et la navigation dans le Gange
trop lente pour qu'on pût rien faire à leur
insu. Cependant, à, force de ruses, il put faire
partir, le 17 janvier 1698, le petit navire le Postillon
avec une faible cargaison "chargée en cachette et
valant 50.000 L. Les Hollandais, avertis,
lancèrent deux vaisseaux à sa poursuite,
mais trop tard ; le Postillon arriva au Port-Louis le 4
juillet 1698. Au Bengale, les difficultés ne
venaient pas toutes des Hollandais ; depuis 5 ou 6 ans,
les Français avaient obtenu, au prix de 40.000
roupies, le droit de commercer à peu près
librement ; lorsque, au moment où le comptoir
était déjà réduit par la
guerre à la dernière
extrémité, le pays fut envahi par un rajah
révolté. Ses troupes étant
arrivées à Cassembazar, il exigea des
Hollandais un tribut de 40.000 roupies, et 9.000 des
Français.
Il
fallut, écrivaient Fr. Martin et Deslandes aux
directeurs de Paris, comparaître pendant ces
contestations devant un officier de ce
révolté, deux Hollandais pour leur comptoir
et le commis et le soldat qui étaient dans votre
loge. Ils furent exposés deux ou trois fois
à recevoir des coups de chabouc
(étrivières).
Les
deux agents français ne possédaient dans
leur loge qu'une provision de plomb valant 1.425 roupies
; ils furent heureux de s'enfuir en abandonnant tout au
rajah. Un peu plus tard, quand les fils du Grand Mogol
vinrent reprendre possession du pays, il fallut faire
encore un nouveau sacrifice.
Sur la
côte de Malabar et à Surate, là
situation était exactement la même ; les
Hollandais tenaient la mer
À
Surate, le navire Jeux était immobilisé, et
J.-B. Martin, le successeur de Pilavoine, fut
obligé de le vendre en 1697 pour 14.300 roupies.
D'autre part, le gouverneur était toujours aussi
intraitable. "De l'argent ou des coups", voilà,
d'après J.-B. Martin, les seuls arguments dont il
fallait user avec les princes indigènes. Par
miracle, le navire Pontchartrain, que l'escadre de
Serquigny avait laissé dans les parages de
l'île Anjouan au commencement d'octobre 1695, et
qui avait repris la route des Indes après avoir
hiverné à Mozambique, put entrer le 25 mai
1696 dans le port de Goa, Huit jours plus tôt, il
serait tombé dans une escadre
hollandaise
Il se
trouva d'ailleurs bientôt bloqué dans le
port de Goa comme les Jeux à Surate. Le directeur
Pilavoine venu de Surate par terre, essaya tous les
moyens pour faire sortir Pontchartrain ; il finit par y
réussir en usant du stratagème suivant. Les
Portugais préparaient à Goa une division de
deux vaisseaux, deux galiotes et un brûlot pour
aller sur la côte d'Afrique secourir leur comptoir
de Mombaze, assiégé par les Arabes.
Pilavoine fit le simulacre de leur céder le
Pontchartrain pour le joindre à cette
expédition. Le navire pût ainsi partir de
Goa le 26 novembre 1696 avec un chargement de poivre et
Pilavoine qui emportait les L. du comptoir de
Surate.
Le
Pontchartrain, délivré, prit la route de
France. À la hauteur du Cap, le 6 février
1697, il captura une flûte hollandaise de 160
tonneaux, la Wennolle (la Taupe), qu'il vendit avec une
partie de la cargaison en passant au Brésil. Il
rentra au Port-Louis le 17 juillet 1697.
Isolés
et ruinés, les deux comptoirs français de
Surate et d'Ougly cherchaient à communiquer entre
eux par toutes les voies ; par les navires
indigènes (1)
ou par les Portugais; mais les Hollandais savaient toutes
les démarches des commis francais, vivant à
côté d'eux. Huit de leurs vaisseaux
croisaient continuellement devant la côte de
Malabar et visitaient les navires des neutres ; un petit
navire de la Compagnie, le Fatemourade, que J.-B. Martin
avait réussi à envoyer à Ougly sous
le pavillon portugais, fut saisi au retour. Quelques
marchandises avaient cependant pu être
échangées d'un comptoir à l'autre,
mais au prix de frais considérables; ainsi
Deslandes avait confié une cargaison à un
navire interlope anglais en payant un fret de 40 pour
100.
La paix
de Ryswick, signée le 20 septembre 1697, vint
heureusement mettre un terme à cette
désolation. À cette époque, comme
à pelle du traité de Nimègue, les
Hollandais étaient restés les maîtres
aux Indes ; toutefois le traité de Ryswick rendait
Pondichéry aux Français. Pour reprendre
possession de Pondichéry, pour rétablir les
comptoirs français aux Indes et pour faire une
tentative sur Merguy, le Roi fît partir au
commencement de l'année 1698, sous le commandement
du chevalier des Augiers (2),
une escadre de quatre vaisseaux :
- le
Bon, commandé par le chevalier des
Augiers;
-
l'Indien, commandé par M. de Pradines;
- la
Zélande, commandé par M. le comte de
Modène;
- le
Castricum, commandé par M. de la
Roche-Herculle.
L'escadre
se porta d'abord au Bengale et elle arriva à
Balassor le 20 août 1698. Cédant aux
suggestions du P. Tachard (3), qui poursuivait toujours
ses desseins sur le Siam, Des Augiers laissa partir ce
religieux pour Merguy sur le Castricum ; lui-même
alla hiverner avec le Bon, I'Indien et la Zélande
aux îles Negraille, où l'lndien se
perdit.
(1 )
Voici un exemple des procédés dont usaient
les chefs des comptoirs français. Dans le
commentaire d'une lettre qu'ils avaient reçue de
Surate, les directeurs de Paris écrivaient le 17
août 1697: " On nous explique que le navire qui a
passé le R. P. Tachart de Surate à Bengale
se nomme Isabach que le sieur Pilavoine dit appartenir
à la Compagnie sous un contrat simulé de
vente faite à un Gentil dont il y a une
contre-lettre en faveur de la Compagnie.
(2) Le
chevalier des Augiers, enseigne de vaisseau en 1675,
aide-major le 3 janvier 1680, capitaine de frégate
le 21 juillet 1684, capitaine de vaisseau le 10 janvier
1687, mort le 9 novembre 1708.
(3) Le
Père Tachard, transporté en Europe par les
Hollandais après la prise de Pondichéry,
était revenu à Surate; et de là
à Ougly sur un navire indigène. Pendant son
séjour au Bengale il avait déjà
essayé de retourner à la cour de Siam. Il
était parti d'Ougly le 10 janvier I697 sur un
navire maure; mais, assez mal reçu à
Merguy, il était revenu à Ougly le 4 mars
suivant.
Le 4
décembre, le Bon et la Zélande
étaient de retour à Balassor avec des
équipages décimés et
épuisés ; le Castricum arrivait le 14,
ayant laissé le P. Tachard à
Merguy.
Des
deux vaisseaux de la Compagnie qui étaient dans le
Gange depuis l'année 1693, le Gaillard seul, qu'on
avait réparé, était encore à
peu près en état de tenir la mer; quant
à l'Ecueil, sa carrière était
terminée; dans le courant de l'année 1699,
Deslandes le fît dépecer, conserver les bois
qui étaient encore bons "et porter à la
cuisine ceux qui ne pouvoient servir
(1)".
Au
Bengale, se trouvaient encore deux autres navires, le
Phélypeaux, de 400 tonneaux, et l'
Etoile-d'Orient, de 300 tonneaux, que la Compagnie avait
expédiés du Port-Louis au commencement de
l'année 1698. Ils partiront du Bengale pour la
France en février 1699, emportant les lettres de
M. Des Augiers. Le Castricum avait, dès le 10
janvier, repris le chemin de Merguy pour apprendre le
résultat des négociations du P.
Tachard.
(1)
Nous n'avons pu retrouver, d'une manière certaine,
le lieu et la date de sa construction. Nous voyons le nom
de l'Ecueil dans les comptes d'armement relatifs au port
de Brest, en 1682 et en 1686: nous le trouvons aussi dans
un devis de radoub en 1688. Il est compris dans la liste
des vaisseaux construits de 1671 à
1677.
Enfin,
le 18 février, le Bon et la Zélande, ainsi
que le Gaillard, sur lequel s'étaient
embarqués Fr. Martin avec sa famille et les commis
de la Compagnie, firent voile pour Pondichéry; ils
y arrivèrent le 8 mars.
La
reprise du fort ne se fit pas sans quelques contestations
avec les Hollandais qui réclamaient une
indemnité de 16,000 pagodes tant pour les travaux
d'art qu'ils avaient faits que pour les accroissements de
territoire qu'ils avaient obtenus.
Cependant,
les navires français commençaient à
arriver à Pondichéry, rendu à leur
commerce. C'était d'abord, le 20 mars, le
Castricum, ramenant le P. Tachard, qui annonçait
le néant de ses négociations. Il avait
été reçu très froidement
à la cour du roi de Siam et il avouait "qu'il
n'avait jamais osé parler de Merguy au Roy
".
Le 29
mai, arrivèrent la quèche le Saint-Louis,
venant de Surate; puis des navires venant de France : le
Postillon, le 14 juillet, le Maurepas et la Toison-d'0r,
le 6 août. Ces navires furent immédiatement
dirigés sur le Bengale
(1).
Enfin,
Des Augiers, ayant réinstallé le comptoir
de Pondichéry, et renonçant à
intervenir à Merguy, fit partir la Zélande
pour la France, et prit lui-même avec le Bon et le
Castricum le chemin de Surate le 20 septembre. Il y
parvint le 4 décembre 1699.
Le
comptoir de Surate était à ce moment dans
la plus triste situation ; le gouverneur indigène
avait exigé des commis français un
écrit les rendant responsables des percés
que les forbans feraient subir aux navires du Mogol, et
il empêchait de charger les navires de la
Compagnie. Un des commis, le sieur Alexandre de
l'Estoille, avait été envoyé
à la cour du Mogol pour obtenir des conditions
moins dures et les vaisseaux de M. Des Augiers arrivaient
pour appuyer ces réclamations.
(1) Le
Gaillard était reparti le 17 juin pour le Bengale,
il arriva le 29 devant Balassor avec une voie d'eau. Dans
la nuit du 3 au 4 juillet 1699, le vent ayant
fraîchi, le Gaillard fut abandonné par son
capitaine et "coula par 4 brasses d'eau".
Le 21
décembre, les agents de la Compagnie se rendirent
auprès du gouverneur, accompagnés d'une
députation de quatre officiers de l'escadre pour
se plaindre de l'opposition qu'il avait faite au
chargement de l'escadre de Serquigny et réclamer
les billets d'engagement que les commis avaient
été forcés de signer pour
répondre des pirateries. Le gouverneur ne donna
que de vagues promesses, "sans vouloir entendre parler de
la puissance du Roy, voulant faire parler un
interprète maure, dédaignant d'entendre un
Français qui parlait persan et qui parlait sans
déguisement, ce qui fait connaître l'audace
de ces peuples et la nécessité qu'il y a de
leur rabaisser leur arrogance et leur présomption
(1)".
Le 23
décembre, le sieur Alexandre de l'Estoille
revenait de la cour du Mogol, où il n'avait
trouvé que mépris et duplicité.
Bref, on obtenait la permission de charger les vaisseaux,
mais aucune garantie pour l'avenir. Des Augiers, avec ses
deux vaisseaux, était trop faible pour rien
entreprendre ; il n'avait plus qu'à
partir.
Deux
navires de la Compagnie, le Florissant et l'Aurore, se
trouvaient là ; mais, les marchandises
n'étant pas en quantité suffisante pour les
charger tous les deux, le Florissant resta aux
Indes.
Le Bon
partit le 27 janvier 1700, le Castricum et l'Aurore le
1er février ; et, après s'être
rejoints à Goa, les trois navires firent voile
pour l'Europe le 12 février (2).
En
somme, après la paix de Ryswick, les
Français avaient aux Indes trois centres
d'exploitation :
- Le
comptoir de Surate dirigé par le sieur
Régnard, qui avait remplacé J.-B. Martin
rnort au mois de juin l698 (Pilavoine devait d'ailleurs
prochainement revenir à son poste). À ce
comptoir se rattachaient les sous-comptoirs de Ponnoly et
Calicut, sur la côte de Malabar, qui fournissaient
surtout du poivre ;
-
Pondichéry, où François Martin
était rétabli avec une petite garnison
commandée par un officier du Roi, M. de Livernan,
et les dépendances de Masulipatam et de
Cabripatnam ;
- Au
fond du golfe du Bengale, trois stations : Ougly, la
principale, dirigée par Boureau-Deslandes, le
gendre de Fr. Martin; Balassor, ayant pour chef le sieur
Pelé; et Cassembazar, sur le Gange en amont
d'Ougly, confié au sieur du Livier.
Sur la
route cles Indes, les Français possédaient
l'île Bourbon où les navires de la Compagnie
s'arrêteront désormais plus
souvent.
(1)
Naturellement, pendant cette campagne, les officiers
n'avaient pas manqué, malgré les
ordonnances, de faire de la pacotille. Dans une lettre du
28 juin 1700, les directeurs de Paris rendaient
grâce au ministre Pontchartrain pour "avoir
donné ordre dans les ports de Bretagne et de
Provence de faire saisir les marchandises
débarquées à la Martinique par le
vaisseau la Zélande et rapportées en France
par plusieurs petits bâtiments".
RAPPEL
DE LA LISTE DES ARMEMENTS DE LA COMPAGNIE DE 1690 A
1696
I690 -
Armement mixte. M. Du Quesne-Guiton. Retour en
1691.
1691 -
Le Postillon, pour Pondichéry et le
Bengale.
1692 -
Armement mixte. M. Dandenne. Retour en 1694
Le
Cerf-volant (capturé par les
Hollandais).
1693 -
Le Gaillard, pour le Bengale.
1694 -
Les Jeux, pour Surate.
1695 -
Armement mixte. M. de Serquigny. Retour en
1697.
1696 -
Pas d'armement.
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