Histoire de la Compagnie des Indes
... et des Colonies d'orient

  

 

 

 

Sommaire

 

Prémices

Fondation de la Compagnie

1ère grande expédition vers
 Madagascar et
1ère assemblée générale

2ème expédition vers l'Inde

Fondation de Lorient

Projets du Roi 1668/1670
et 
la 1ère escadre aux Indes
         
         
 Opérations 1670/1675
et
Bilan de 1675
         
         
         1eres défaillances
         et
         Bilan de 1684
         

Réorganisation de la Compagnie en 1685

Armements de 1685/1689

Lorient en 1690

L'Affaire du Siam

Armements mixtes 1690/1697

La Compagnie pendant la guerre 1690/1697

Armements 1697/1701

Décadence 1701/1706

Captation de la Compagnie par les Malouins

Liste des bâtiments de la Compagnie

Un exemple de navire .......... "Le Boullongne"

Histoire des Iles mascareignes

Les escales françaises de la route des Indes

Antoine BOUCHER

 

 

 

   

 

 

 

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Antoine BOUCHER DESFORGES

 

Antoine Boucher, alias l'abbé Boucher, alias Labbé Boucher, alias Desforges, alias Boucher-Desforges,... marié à une Le Gouzronc, est probablement né à Brest, fils de Jean Baptiste, bourgeois de Paris et de Jeanne Blanche Cassan, originaire du Nord, il changera plusieurs fois de nom au cours de sa vie et sera tour à tour mousse, prisonnier des Maures, domestique d'un officier français, maître à danser à Pondichéry avant de débarquer à l'isle Bourbon où il connaîtra une ascension irrésistible. Aux côtés de Jean-Baptise de Villers, il déploiera toute son énergie à développer la petite colonie. Après avoir occupé les fonctions de garde-magasin, de procureur et de lieutenant du roy, il finira sa vie au poste de gouverneur. L'histoire retiendra ses mémoires dans lesquelles il règle ses comptes avec la société bourbonnaise du début de 18e siècle.

 

"Antoine Boucher est un personnage singulier, changeant en son identité mais constant en son ambition, parachuté au sein d'une société créole qu'il n'aimait pas et qui ne l'aima pas davantage". C'est en ces traits que le père Jean Barassin décrit l'auteur des "Mémoire pour servir à la connaissance particulière des habitants de l'isle Bourbon". Paradoxalement, cet aventurier reste assez méconnu. Et pourtant, son histoire teintée de nombreuses zones d'ombre mérite qu'on s'y attarde. Il est vrai qu'il contribua à brouiller les pistes en changeant plusieurs fois de noms au cours de sa vie.

 

Il se nomma ainsi Antoine L'abbé avant de devenir l'abbé Boucher lors de son séjour aux Indes et Antoine Boucher à son arrivée à Bourbon. Après son second mariage, il se fait appeler Monsieur Desforges, du nom de son père, puis signe Desforges-Boucher une fois au poste de gouverneur. Une particularité qui embrouilla les historiens mais qui traduit une soif de reconnaissance insatiable.

Rien ne prédestinait pourtant ce breton dont personne on n'a pas encore retrouvé l'acte de naissance à une telle ascension. Né vers 1679 à Brest, le jeune Antoine Boucher se destine d'abord à la prêtrise. Une vocation qu'il abandonne brusquement en quittant le séminaire et en coupant du même coup les ponts avec sa famille. Tenté par l'aventure, il embarque alors pour "les Indes" comme mousse. On le retrouve au Bengale où il est fait prisonnier par les Maures. En 1695, il est libéré par un lieutenant au service duquel il reste trois ans. Mais Antoine Boucher n'est pas homme à se satisfaire d'une telle situation. Le gouverneur de Pondichéry, François Martin, décide d'ailleurs de le prendre sous son aile pour enseigner la danse à ses enfants. Un poste qu'il n'occupera pas bien longtemps. Renvoyé pour débauche, il choisit une nouvelle fois de mettre les voiles, en embarquant le 17 février 1702 sur le Maurepas. Un mois plus tard, il accoste à Bourbon où le capitaine du navire le recommande à Jean-Baptiste de Villers, alors gouverneur.

"Il semble que notre homme ait flairé aussitôt le profit qu'il pouvait tirer d'un séjour à Bourbon auprès d'un Villers insouciant et nonchalant", note le père Jean Barassin dans les commentaires qui jalonnent la réédition du Mémoire d'Antoine Boucher.

Il ne tarde effectivement pas à jouer un rôle majeur dans le développement de l'île, multipliant les initiatives pour se rendre indispensable. " Le 6 avril, il contresigne un acte de concession; le 19, il fait l'inventaire du magasin et entreprend la rédaction d'un "Journal de l'isle Bourbon" qui sera d'ailleurs attribué à Jean-Baptiste de Villers. Il ne lui suffit pas, en effet, de faire la conquête du gouverneur. Le gain ne serait que provisoire. Il lui faut aussi emporter l'adhésion des directeurs parisiens de la Compagnie en établissant devant eux ses capacités", analyse le Mémorial de la Réunion. Des efforts qui ne tardent pas à payer. En décembre 1703, le Gouverneur de Villiers lui propose le poste de garde-magasin après le décès de René le Pontho. il est officiellement nommé secrétaire, procureur et garde-magasin de Bourbon. Ce qui fait de lui le second personnage de l'île. Il en profite pour abandonner le nom de L'Abbé, synonyme d'un passé peu glorieux, qu'il remplace par Boucher en souvenir de sa mère." Il signe d'une graphie large et dominatrice", note le père Jean Barassin. Il occupera ces fonctions de 1702 à 1709.

Cette ascension ne l'empêche cependant pas de porter un regard sévère sur son entourage. Pour preuve cette description piquante d'une journée d'un gouverneur de Bourbon : " Il aime tous les plaisirs, il ne cherchera point à gêner son inclination et à se faire de la peine en se privant des choses qu'il croira le divertir. Il a beaucoup de penchant pour le jeu : une partie du jour se passera à jouer. Il aime la compagnie : l'on ne s'assemble pas sans boire " . "A cette époque, les parties fines et les histoires de jeu allaient bon train", rapporte d'ailleurs le père Jean Barassin. Des penchants qu'il semble lui-même adopter. "Il a beaucoup gagné au jeu et a dépensé de même", ajoute l'ecclésiastique. Il vit avec Marie Touchard, la fille d'Anasthase Touchard qui assure la vie religieuse de l'île, faute de prêtre, et dont il aura un enfant : Antoine Touchard né en 1709. Antoine Boucher décide cependant de suivre Jean-Baptiste de Villers, lorsque celui-ci regagne la France. En métropole où il obtient un poste de Major des Gardes-côtes de Port-Louis en Bretagne et tient garnison à l'île de Groix à l'époque de son mariage avec Renée Le Gouzronc.

Il n'en oublie pas moins l'isle Bourbon. C'est d'ailleurs à cette époque où il commence la rédaction de son mémoire qu'il remet au directeur de la Compagnie des Indes en 1711 (une seconde version suivra). Un texte sulfureux dans lequel il règle ses comptes avec la société bourbonnaise. "Dans cette galerie de portraits, rares sont ceux qui échappent à la vindicte de ce gouverneur et son jugement est sans appel. Ceux qui bénéficient de son indulgence sont qualifiés de paresseux, d'ivrognes invétérés ou de fainéants", note Jean Alby en préface d'une réédition de l'ouvrage. A cette occasion, Antoine Boucher dresse un portrait au vitriol de tous les habitants de l'île, décrivant par le détail leurs revenus mais surtout tous leurs mauvais penchants. Sous sa plume acerbe, personne ne trouve grâce. A commencer par les premiers colons et leurs enfants, " des bestes féroces, des débauchez, comme vous, auxquels vous n'avez jamais fait donner la moindre éducation (...). Vous les avez élevés comme des cochons à l'angrais, dans une honteuse oisiveté. Vous les avez nourris à la destruction de l'isle, dont vous avez dépeuplé les bois de bestiaux (...). Vous leur avez donné l'exemple de l'ivrognerie et des autres débauches". Il est également intraitable avec les mulâtres. " Vous voulez estre blancs et vous pratiquez une vie de nègre (...). Comme eux, vous fuyez vous cacher dans les bois pour échapper aux punitions que vous avez méritées ; comme les nègres, vous volez et massacrez les bestiaux d'autrui ; les nègres le font par crainte d'être maltraitées s'ils ne rapportent pas de gibier, mais, vous le faites par votre inclination quy vous porte à piller le troupeau entier de vos voisins". Son jugement est tout aussi impitoyable vis-à-vis de tous les flibustiers et autres aventuriers qui ont trouvé refuge à Bourbon. "Il y a quatre jours vous étiez l'horreur du genre humain, errants par les mers sans sçavoir que devenir, ni quel sort serait le vôtre dans le détestable métier de pirate que vous exerciez". Il se fait encore plus virulent, lorsqu'il parle des esclaves. "Le nègre est plus noir que le diable", écrit-il sans détour.

Les propos sont si venimeux que ce texte restera longtemps secret. "Adressé le 17 février 1711 par la Compagnie au gouverneur Parat, il fut conservé aux archives de la Compagnie des Indes puis à celles de la Marine. Joseph de Villèle, ministre de Charles X, et marié à une créole que ses ennemis politiques feignaient d'appeler la négresse, donna l'ordre, qui fut respecté jusqu'à nos jours, de garder secret le Mémoire de Boucher. Cependant, Pierre Margry, à la fin du 19e siècle, en fit faire une copie assez fidèle, qui à sa mort, fut déposée à la Bibliothèque Nationale, où chacun put avoir le loisir de le consulter", note le père Jean Barassin dont on trouve les commentaires dans la réédition de ce texte réalisée en 1978 par l'association des chercheurs de l'Océan Indien. L'ecclésiastique en profite pour mettre à nu la personnalité d'Antoine Boucher.

"Il souffrait de complexe de supériorité intellectuelle et morale, d'autorité et de fonction, d'honorabilité et de frustration, mais surtout il était profondément raciste (...).On imagine ce qu'a dû souffrir Boucher, de se voir plongé dans un monde constitué aux quatre cinquième par des gens de couleur", écrit-il avant de poursuivre sur le même ton pour analyser l'aversion de l'ancien garde-magasin vis-à-vis de ses contemporains : "Tous ces rescapés de la colonie de Madagascar ou du massacre de Fort-Dauphin, ces revenants de la guerre des Indes, ces évadés de la flibuste ou de geôle française, voulaient jouir, pleinement et sans borne, de leur sursis de vie. La façon de vivre de ces gens, oisive, simple, décontractée, sans complexes, dans une île tropicale et hospitalière, où l'existence était facile bien que rudimentaire, heurtait les concepts de vie, civilisée et policée de l'administrateur Boucher et son âme de "petit maître" se trouvait déconcertée par la grossière simplicité de moeurs et manières, par les sans-gêne narquois de ses administrés". Ce qui n'empêche pas le père Jean Barassin de trouver dans ce Mémoire de nombreux détails qui permettent de se faire une idée assez précise de la vie quotidienne de l'isle Bourbon à cette époque. Une analyse que partage Daniel Vaxelaire dans "L'histoire de la Réunion". Mis à part les nombreux partis pris, ce texte regorge en effet de renseignements sur les premiers colons. "On y voit une petite société parfois paresseuse, parfois industrieuse, vivant de manière fruste dans des cabanes de bois, un petit monde de métis aux personnages contrastés : le pire et le meilleur s'y côtoient...", raconte Daniel Vaxelaire dans "L'histoire de la Réunion". Mais curieusement, l'histoire entre Antoine Boucher et Bourbon est loin d'être terminée.

En 1710, il se marie par amour avec Renée Le Gouzronc avec qui il aura deux enfants dont Antoine-Marie qui deviendra plus tard gouverneur des Isles de France et de Bourbon. Au décès de son épouse, il décide de faire, en 1716, un mariage de raison avec Gilette Charlotte DU HAMEL, fille d'un officier de marine de la Compagnie et nièce de d'Hardancourt, futur Directeur de la Compagnie des Indes. Un appui qui va l'aider à reprendre du service, notamment dans la perspective de lancer la culture du café à Bourbon dont il rêve de devenir gouverneur.

Pour ce joueur, ce fut son plus beau coup. " Ce Tartuffe qui va se blanchir aux isles" sera candidat au poste de Gouverneur de Bourbon en 1718, mais la Compagnie lui préférera de Courchant. Même sa nomination comme Lieutenant sur proposition de la Compagnie des Indes fut contesté par le Conseil de Marine. Il avait mis son veto arguant "convenant de mettre dans un pareil poste un homme dont les services et la naissance soient connus". Position partagée par le gouverneur Parat qui écrit "le nommé Boucher, homme de basse extraction qui passa aux Indes, en 1698 était valet du Sieur de Séguier, capitaine de Frégate... s'était attiré le mépris des habitants de Bourbon par sa mauvaise conduite et il ne pourra avoir l'autorité nécessaire pour les contenir dans leur devoir".

Antoine Boucher n'en reste pas là et joue de ses relations et de sa connaissance de l'île pour arriver à ses fins. Des efforts qui finissent par payer. En 1718, il regagne Bourbon avec le titre ronflant de "chef directeur et gouverneur général du comptoir de la Compagnie". Il va alors se dépenser sans compter pour développer la culture du café. Ce qui lui vaudra d'être nommé lieutenant auprès du gouverneur Beauvallier de Courchant puis de lui succéder en 1723. Antoine Boucher qu'Albert Lougnon dans sa thèse sur "L'île Bourbon pendant la régence" dépeint comme un "pionnier et un "boeuf de labour" doit cependant composer avec plusieurs fléaux naturels. Des cyclones et le merle de Bourbon mettent en effet à mal la production. Un malheur ne venant jamais seul, Antoine Boucher devenu Desforges-Boucher est accusé par ses ennemis de faire du commerce pour son propre compte et du même coup de négliger les intérêts de la Compagnie. A tel point que cette dernière décide de lui retirer sa confiance et nomme un nouveau gouverneur qu'elle charge d'enquêter sur les activités de son prédécesseur. Antoine Boucher décédera cependant avant que la nouvelle n'arrive à Bourbon. Il n'a alors que 45 ans et se préparait à coloniser l'île Rodrigues.

 

Pionnier dans la création de la commune de Saint-Louis

L'histoire de Saint-Louis commence véritablement avec l'arrivée du deuxième gouverneur de l'île le 9 mai 1671, Jacques de la Heure, dit la Hure. Il fut si intolérant et si brutal que des colons préférèrent abandonner leurs maisons et se réfugier dans le Sud (le Quartier de la Rivière Saint-Etienne - futur St Louis). La Hure fut révoqué puis arrêté, mais aucun des fugitifs ne voulut retourner sur sa terre. L'histoire a conservé les noms de Pierre Cadet, "Le Chef", Roulof, Payet, Nativel (Pierre et Mathieu), Fontaine, qui avaient trouvé, outre la liberté, la fertilité du sol et l'abondance des tortues et du gibier.

Le premier propriétaire de la région fut Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher. Desforges-Boucher obtient en 1718 à sa demande la concession du Gol. Il s'y établit et fit bâtir le fameux château qui a disparu depuis. Il devient le 23 Août 1723 gouverneur de l'île Bourbon jusqu'en 1725.

A partir de 1727, le gouverneur Pierre Benoît Dumas. attribue 66 concessions en moins de quatre mois, dont 50 dépassent les limites de la Rivière d'Abord.

En 1730, le gouverneur Pierre-Benoît Dumas autorise le père Carré à construire une église. La chapelle en bois est dédiée à Saint-Pierre en mémoire du fils Pierre Cadet-Louis. Le quartier Saint-Etienne devient le quartier Saint-Louis.

Détachée de Saint-Paul dès 1726, la paroisse reste associée à Saint-Louis jusqu'en 1735. Elle dénombre alors une centaine de familles, qui craint l'attaque de marrons, se déplace difficilement en l'absence de moyens de communications, se sent oublié et lésée des autorités coloniales. Pour éviter des insurrections, Dejean, membre du Conseil Supérieur de Bourbon et plus tard commandant du quartier, établit rapidement un plan de ville. Il fait construire une église, une place d'arme, de beaux bâtiments, dont plusieurs sont encore conservées comme la sous-préfecture ou la mairie de 1767. Mais un autre problème subsiste : la région manque cruellement d'eau, malgré une végétation luxuriante.

Mais ce n'est qu'en 1815 que Saint-Louis sera érigé en commune indépendante.

 

 Auteur d'un traité agricole

Antoine Boucher a complété son Mémoire d'un chapitre agricole. "Tout ce que l'on y sème ou plante, y vient parfaitement bien, quoique presque toutes les plantes, qui y sont, soient venus de différents endroits et climats", note-t-il. On y apprend que les colons cultivaient aussi bien le riz que le coton, la canne, le raisin, le tabac, les choux-fleurs, les melons et même les asperges. Pour ces deux derniers légumes, Antoine Boucher reconnaît cependant que les essais sont loin d'être concluants. Ce qui n'est visiblement pas le cas des citrons et des oranges. "Ils sont en abondance à l'Isle Bourbon. Il y en a même toute l'année qui se perdent sous les arbres, les habitants n'en faisant aucun usage", écrit-il.

Antoine Boucher indique par ailleurs qu'on trouve beaucoup de miel sauvage. "Les mouches se forment dans les arbres creux où elles trouvent à nicher. Le miel est des plus beaux et des plus purs", raconte-t-il. Certains habitants en font même du vin qu' "on peut garder tant que l'on veut et qui est comparable à un très bon vin d'Espagne", ajoute-t-il avant de mettre en garde les lecteurs sur les effets secondaires de ce breuvage. "Il donne des coliques fâcheuses".

Il reproche par contre aux colons d'avoir décimé les réserves naturelles de l'île, à commencer par les tortues, le gibier et les poissons d'étangs.  

d'après Jean-Yves Bouteloup

  

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 dernière mise à jour

1 juin 2002

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