Histoire de la Compagnie des Indes
... et des Colonies d'orient

  

 

 

 

Sommaire

Prémices

Fondation de la Compagnie

1ère grande expédition vers
 Madagascar et
1ère assemblée générale

2ème expédition vers l'Inde

Fondation de Lorient

Projets du Roi 1668/1670
et 
la 1ère escadre aux Indes
         
         
 Opérations 1670/1675
et
Bilan de 1675
         
         
         1eres défaillances
         et
         Bilan de 1684
         

Réorganisation de la Compagnie en 1685

Armements de 1685/1689

Lorient en 1690

L'Affaire du Siam

Armements mixtes 1690/1697

La Compagnie pendant la guerre 1690/1697

Armements 1697/1701

Décadence 1701/1706

Captation de la Compagnie par les Malouins

Liste des bâtiments de la Compagnie

Un exemple de navire .......... "Le Boullongne"

Histoire des Iles mascareignes

Les escales françaises de la route des Indes

Antoine BOUCHER

 

 

 

   

 

 

 

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Premières défaillances et bilan 1684

La Compagnie entrait dans un nouvel exercice avec des fonds presque épuisés sans avoir la possibilité de faire appel aux actionnaires; à peine pouvait-elle espérer voir quelques intéressés retardataires apporter un maigre secours. Le matériel qu'elle possédait et dont la valeur avait été si fortement majorée dans le dernier examen des comptes, ne lui était que de peu de secours et ne pouvait que l'entraîner dans de nouvelles dépenses. Aussi, jusqu'à l'époque de sa réorganisation, en 1685, fut-elle réduite à vivre d'expédients. Ayant à peine les ressources suffisantes pour entretenir sa flotte, elle ne pouvait songer à entreprendre des constructions navales à son chantier de Lorient, et elle eut toutes les peines du monde à faire achever en 1681 une flûte qu'elle avait mise sur chantier au Havre en 1671, lorsqu'elle y avait encore un établissement. Elle usa d'abord de ses vaisseaux tant qu'ils purent être utilisés, puis fut obligée d'en affréter pour des envois aux Indes. Bientôt, manquant même de fonds pour ses envois, elle invita des particuliers à y participer pour leur compte, jusqu'à ce qu'elle fût obligée, par les frais considérables que lui causaient toutes les combinaisons, de déposer son bilan à la fin de l'année 1684.

Cependant, la Compagnie fit tout d'abord d'importants sacrifices pour son établissement de Lorient où elle avait rassemblé son matériel naval après s'être débarrassée de l'établissement du Havre. David Grenier, directeur pour la Compagnie à Lorient, fit construire en 1675 une chapelle qui fut le premier édifice en pierre élevé sur l'emplacement de Lorient. En 1676, une muraille de clôture ferma l'enclos du côté de terre, et au début de 1677, David Grenier fit bâtir le long de la muraille, une corderie qui subsistait encore en 1905. On construisit des magasins de manutention pour les vivres, un four et peut-être aussi l'hôtel des directeurs.

Au mois d'octobre 1677, l'établissement de Lorient passa des mains de David Grenier en celles de Siméon de Jonchères, que la Compagnie avait rappelé des Indes. Ces constructions qui allaient donner au chantier de Lorient le caractère d'un arsenal durable, ne répondaient certes pas aux besoins de la Compagnie dont les armements semblaient destinés à devenir de plus en plus rares et restreints. En réalité, ces fondations avaient un autre objet et il entrait dans les intentions de Colbert de favoriser leur développement pour pouvoir en tirer parti quand la nécessité l'exigerait. Entre Rochefort et Brest, Lorient ne se trouvait-il pas placé comme pour offrir à la marine royale un port d'abri et de ravitaillement ? Les vaisseaux du Roi qui avaient été déjà attirés au Port-Louis pour l'utilité de la Compagnie dont ils escortaient les navires, devaient dans la suite s'y porter pour leur propre compte et trouver dans le matériel et les magasins du chantier de Lorient des ressources appropriées à leurs besoins.

Depuis l'établissement de la Compagnie, ses droits et ses devoirs envers le Roi n'avaient jamais été bien définis, ni les comptes bien débrouillés. Ce qui est constant, c'est la soumission complète de ses intérêts à la volonté royale. Le Roi et son ministre étaient au fond les instigateurs de l'entreprise ; Louis XIV avait fourni 4 millions, mais il avait pesé de toute son autorité sur la direction donnée aux affaires de la Compagnie, avec l'intention d'en tirer tout le parti possible à son point de vue personnel. Les projets de sa politique aux Indes ayant échoué, il délaissait la Compagnie et les avances que celle-ci avait faites pour l'expédition de M. de La Haye restaient impayées. Le jour où l'Etat interviendrait de nouveau dans les affaires de la Compagnie, on peut être certain que ce serait dans un but intéressé : telle était en particulier la cause de l'impulsion donnée aux travaux de Lorient.

L'année 1675 s'écoula sans que l'on vit rentrer aucun navire des Indes.

En 1676, la Compagnie expédia de Lorient le Vautour, de 400 tx, capitaine Le Rond et le houcre de 90 tx Rossignol, avec une modique cargaison proportionnée à ses faibles ressources. Elle attendait toujours un retour réparateur qui lui permit d'entreprendre un armement plus sérieux. Heureusement, le 21 juin de la même année, deux navires, le Blampignon et l'Heureuse, arrivaient au Port-Louis en plein chargement, ayant quitté Surate le 1er janvier.

David Grenier, désireux de réaliser au plus tôt les fonds qui lui étaient si nécessaires, chargea les marchandises sur des barques et le chef d'escadre Forant reçut de Colbert, le 1er août, l'ordre d'escorter ces barques jusqu'au Havre, d'où elles passèrent à Rouen. Une vente importante y fut dirigée au mois d'octobre par les directeurs Cadeau, Bachelier et Soullet, venus de Paris pour la circonstance.

Les fonds recueillis ne purent cependant être immédiatement utilisés à cause de l'état de guerre. Le Soleil-d'Orient, armé deux fois au Port-Louis en 1677 et en 1678, dut désarmer sur place en raison du blocus ennemi. Ces préparatifs inutiles avaient coûté 200.000 L. à la Compagnie, en pure perte, et dans ces deux années, il n'y eut aucun retour de l'Inde.

Pendant ce temps, le chantier de Lorient était utilisé par la marine royale ; le relevé suivant en fait foi. Parmi ses créances, la Compagnie réclamait au Roi en 1679 :

"- Pour le montant de vituailles fournies au Port-Louis aux vaisseaux de Sa Majesté nommés l'Esueillé, le Subtil, suivant compte envoyé dudit lieu du 9 avril 1677, signé par le garde magasin de la Compagnie: 929 L.

- Pour ce qui a esté débourcé au dit lieu du Port-Louis pour remettre en estat les vaisseaux du Roy le Superbe, le St. Louis, l'lnvincible, le Foudroyant et la Légère, relaschés au Port-Louis en février 1678, suivant compte du 15 mars au dit an: l'un de 1 443 L., et l'autre de 215 L., la somme de 1658 L.

- Pour la valeur des mâts, planches, bordages et autres effets tirez des magasins du Port-Louis, livrez aus d. vaisseaus, compris les deux comptes énoncés cy-dessus, et dont les prix n'ont point esté tirez en ligne, suivant les receus des Capitaines et Escrivains, montant aux prix coutant à la Compagnie, à la somme de 6 299 L."

En réalité, ces fournitures étaient assez modestes, et en retour, la Compagnie puisait souvent dans les arsenaux du Roi, d'abord tout le matériel de guerre : les canons, les boulets, la poudre nécessaires à ses navires, et même des objets d'armement.

" M. du Seuil Intendant à Brest a fait fournir au Port-Louis pour le navire l'Orient un (sic) ancre de 4 000 pesant et un cable de 19 à 20 pouces et de 120 brasses de long qui est deub au Roy. Lesquels il faudra payer ou rendre à Sa Majesté, le prix n'en n'a pas été reglé avec le dit Sieur du Seuil".

La paix de Nimègue (10 août 1678) qui rétablissait la liberté des mers permit enfin à la Compagnie de reprendre ses armements. En 1679, elle fit partir pour les Indes deux navires. Le Soleil-d'Orient ou l'Orient quitta le Port-Louis le 1er février avec 300.000 L. en or et 100.000 L. de marchandises: dentelles d'or et d'argent, mercerie, armes à feu, armes blanches, chapeaux, canons de six, boulets, fer, plomb, cuivre, etc. À Surate, le directeur Baron l'employa pour des voyages d'lnde en Inde. En 1681 il se trouvait à Bantam, ayant chargé une riche cargaison de poivre, lorsqu'on décida d'y installer les membres d'une ambassade que le roi de Siam adressait à Louis XIV et que le Vautour avait amenés de Siam à Bantam. Le Soleil-d'Orient, navire de 1.000 tx, le plus beau de la Compagnie, partit de Bantam le 6 septembre 1681, mais il se perdit corps et biens aux environs du cap de Bonne-Espérance, ce qui fut une perte de 600.000 L. pour la Compagnie, sans compter le prix du bâtiment.

Le second navire expédié était le Président, de 280 à 300 tx, acheté par la Compagnie à Saint-Malo. Il partit de ce port le 7 mars 1679 avec 200.000 L. en argent et 10.000 L. en fer.

Cette même année arrivait au Port-Louis, le 25 mars, le petit houcre Rossignol, parti de Surate le 7 octobre I678, avec une cargaison de 27.400 L.

Dans l'année 1680, il y eut un seul envoi et un seul retour. L'Heureuse, de 700 tx, partit de Port-Louis le 17 mars, avec 200,000 L. en argent, et une cargaison de plomb, fer, ancres, canons, boulets, etc…, et le Président rentra après une campagne normale de 18 mois.

Mais les ressources de la Compagnie s'épuisaient de jour en jour. Le 17 août 1680, une sérieuse consultation eut lieu chez Colbert, entre le ministre, le prévôt des marchands et les directeurs. Ces derniers étaient surtout préoccupés de l'état de leur flotte, qui avait presque complètement fondu. Faute d'entretien et de renouvellement, leur premier instrument de travail, le navire, allait leur manquer.

Des 26 navires comptés dans le bilan de 1675, voici ce qu'il était advenu.

	Un avait été pris par les Hollandais, le Saint-Denis (houcre).
Cinq avaient été vendus à Surate en divers temps:
	Le Saint-Paul, 250 tx, vendu 18.000 L.
	Le Saint-François, 600 tx, vendu 45.000 L.
	L'Espérance, 350 tx, vendu 19.500 L.
	Le Saint-Robert (houcre), 100 tx, vendu 6.300 L.
	Le Saint-Jacques (houcre), 100 tx, vendu 3,750 L.
	
Trois autres avaient été vendus au Havre, pour éviter leur perte entière:
	Le Dauphin-Couronné, 800 tx, vendu 5.600 L.
	La Satisfaction, 200 tx, vendu 6.700 L.
	L'Occasion, 100 tx, vendu 3.000 L.

On possédait encore les navires suivants:

Au Port-Louis (Lorient):

	Le Blampignon, 600 tx.
	Le Président, 300 tx (acheté à Saint-Malo en 1679).
	La Fortune (transformé en ponton), 400 tx.
	La Couronne, 200 tx.
	Le Champluisant (gabarre), 100 tx.
	L'Hirondelle, 100 tx.
	Le Rossignol, 90 tx.
	Le Pinçon, 30 tx.
	Le Petit-Ponton.

Et 8 petits bâtiments et chaloupes.

De tous ces bâtiments, seuls le Blampignon et le Président étaient mobilisables.

Au Havre:
La Force, 500 tx.
La Marie, 600 tx.
L'Aigle-d'Or, 600 tx.
La Paix, 600 tx.

Une flûte de 800 tx (la Royale), qui était sur chantier depuis 1671, et n'était pas encore achevée. Tous ces navires, sauf la Royale, pourrissaient dans le port, immobilisés depuis 1672. Les directeurs n'avaient pas osé prendre d'eux-mêmes le parti de les vendre en bloc ; cependant, ils coûtaient toujours quelque argent d'entretien, se dépréciaient tous les jours, et leur aspect lamentable n'était guère fait pour relever le prestige de la Compagnie. On se décida enfin à les vendre.

A la Rochelle, un petit navire de 25 tx, la Sommaque, acheté par Mondevergue au Brésil en 1670. Celui-là ne devait plus sortir du port, où il périt bientôt.

Aux Indes, trois navires :
Le Vautour, 400 tx, parti de France en 1676.
Le Soleil-d'Orient, 1.000 tx, parti de France en 1679.
L'Heureuse, 700 tx, parti de France en 1680.

Aux Indes, les comptoirs avaient encore quelques petits navires de 100 à 200 tx, achetés sur place ou venus de France, le Saint-Louis, la Vierge, le Tonquin, et d'autres peut-être, mais les directeurs n'en faisaient pas état.

La Compagnie semblait arrivée à la dernière extrémité; le Roi lui-même ne tenait pas ses engagements. D'abord, il n'avait pas fait solder ce que la Compagnie avait engagé pour lui à Madagascar et sur la flotte de M. de La Haye: c'était une créance à passer définitivement au compte des profits et pertes. La marine militaire puisait dans les magasins de la Compagnie à Lorient ; le compte en était bien tenu, mais le remboursement se faisait attendre. Enfin, une grosse créance restait en souffrance ; d'après les statuts de 1664, la Compagnie devait toucher une prime de 50 L. par tonneau de marchandises exporté, et de 75 L. par tonneau importé, et, à la fin de 1680, il lui était dû, de ce fait, 354.240 L.

Les directeurs aux abois écrivirent à Colbert le 28 décembre 1680 :

" Les Directeurs de la Compagnie des Indes Orientales supplient humblement votre Grandeur de leur pardonner les fréquentes importunités dans lesquelles ils croient que leur devoir indispensable les engage de vous représenter les pressans besoins qu'elle a du secours de Sa Majesté pour envoyer deux navires aux Indes dans le mois prochain, sans lequel il est impossible qu'elle le puisse faire et qui est pourtant de la dernière nécessité, vu l'état présent des affaires aux Indes qui succomberont si on n'y envoye un secours considérable, pour les raisons pressantes dont votre Grandeur a été informée par plusieurs mémoires qu'ils ont eu l'honneur de lui présenter, lesquels attendent la décision sur un sujet si important qui les tient en suspens, la plus grande partie des équipages des deux vaisseaux étant levée qui sont déjà au Port-Louis à consommer la Compagnie en frais, et qui ne se peut plus retarder, même pour écrire aux Indes ce qu'on doit y faire, où l'on n'aura plus de crédit si on ne fait un envoi considérable et qu'on leur fait toujours espérer après la paix."

Le 30 décembre, Colbert répondait par ce billet:

" Messieurs les Directeurs de la Compagnie des Indes peuvent faire état de 150.000 L. pour l'embarquement qu'ils préparent pour le mois de janvier prochain. Signé: COLBERT "

Mais cette manne espérée devait encore se faire attendre, et c'est seulement en mars 1681 que les deux navires, le Blampignon et le Président, firent voile au Port-Louis. Sur ces navires prirent passage un certain nombre de religieux missionnaires, car, à cette époque, la propagande au Siam était en pleine activité; citons les révérends pères François Le Febvre, Jan Pin, Arthur de Lionne, Mgr Francois Pallu, évêque d'Héliopolis. Au mois d'août 1681 l'Heureuse était de retour, avec des avaries à sa coque. Siméon de Jonchères put cependant la faire réparer à Lorient et la remettre en état de partir l'année suivante.

Ces derniers armements avaient encore épuisé la caisse de la Compagnie sans amener de retours assez rémunérateurs, et les directeurs allaient être réduits aux derniers expédients.

En janvier 1681, un certain M. de L'Estoille avait proposé de faire un voyage aux Indes sur un vaisseau de Sa Majesté et d'en rapporter des "marchandises dont la Compagnie ne faisait pas négoce, des gérofles, porcelaines et diamans", Les directeurs s'émurent et supplièrent Colbert de ne pas autoriser une telle infraction à leurs privilèges. Mais il y avait là une idée à exploiter.

Le 19 avril 1681, dans une des réunions du bureau de la Compagnie, le prévot des marchands proposa pour soutenir la Compagnie "de porter des particuliers tant de Paris que des autres villes et ports de France et même des étrangers", à faire le commerce des Indes sur les vaisseaux de la Compagnie, en payant le fret. On pourrait aussi autoriser les particuliers à se servir de leurs vaisseaux sous de certaines conditions. L'idée avait fait son chemin, elle fut acceptée par la direction.

En conséquence, un arrêt du Conseil d'Etat du Roi, du 6 janvier 1682, permettait aux particuliers de faire le commerce des Indes, à condition de se servir des vaisseaux de la Compagnie en payant le fret, et de décharger leurs marchandises dans les magasins de la Compagnie qui les vendrait avec les siennes. Les particuliers conserveraient seulement la propriété des diamants, perles et pierres précieuses qu'ils pourraient rapporter, mais en payant un droit de fret. La concession n'était accordée que pour 5 ans, du 1er avril 1682 au 1er avril 1687, temps au bout duquel elle était révocable, au gré de la Compagnie.

Deux directeurs, les sieurs Mathé de Vitry-la-Ville et Pocquelin, formèrent immédiatement une société pour exploiter cette concession. Nous les verrons faire d'importants envois à chacun des voyages aux Indes, et se montrer si accaparants qu'ils devinrent une gêne pour la Compagnie. Ce commerce particulier s'étant continué après la réorganisation de la Compagnie, en 1685, le directeur de Lagny écrivait au marquis de Seignelay le 24 octobre 1686: " M. de Vitry-la-Ville dont l'avidité a envahi toutes les richesses des Indes dans l'espérance de continuer un commerce particulier de corail qui lui a esté induement permis, s'est mis en main outre celui du gaslion (rnatières d'argent), tout celuy qu'il a pu trouver ailleurs. J'ay escrit à Ligourne et à Paris pour savoir si on y en peut trouver en cas que led. Sr de Vitry se rendit difficile sur les conditions". Peu de temps après, d'ailleurs, le sieur de Vitry-la Ville se retira de la direction.

En 1682, la Compagnie envoya deux navires à Surate :

- la flûte l'Heureuse, radoubée et confiée au capitaine Barbot du Hautmesnil, partit du Port-Louis le 27 mars, avec une cargaison de 150 tx de marchandises.

- la flûte la Royale, de 800 tx, enfin lancée au Havre, après 10 ans de chantier, partait de ce port le 6 avril, sous le commandement du capitaine Blondeau des Ardilliers, avec une cargaison de 102 tx de marchandises.

Sur ces deux navires, la Compagnie n'avait pu charger que 400.000 L. en marchandises et argent, sur lesquels les commis de Surate prélèveraient 200.000 L. pour payer les dettes les plus pressantes. La Compagnie y devait plus de 900.000 L., avec des intérêts de 9 et 10 %, et les créanciers poursuivaient les commis, qui n'osaient sortir de chez eux.

La société de Vitry-la-Ville et Pocquelin avait chargé pour son compte particulier pour 231.400 L., en corail surtout et autres marchandises, cargaison sur laquelle la Compagnie prélevait 16.150 L. pour le fret, taxé à 7 %. Les deux navires arrivèrent heureusement à Surate le 1er novembre 1682, "ce qui causa une grande joie aux commis de la Compagnie, qui estoient dénuez de crédit et d'argent en telle sorte qu'ils n'avoient pas de quoy subsister et n'ozoient sortir de leur maison".

L'arrivée de ces deux navires à Surate causa une petite révolution ; "il arriva ce que les particuliers avoient appréhendé lorsqu'ils chargèrent leurs effets qui estoit que les créanciers de la Compagnie aux Indes se saisiroient de leur fonds pour se payer". La première émotion passée, les commis purent cependant tenir tête à l'orage et régler leurs opérations à peu près comme le désirait la chambre générale de Paris.

Cette même année, 1682, le navire le Blampignon, 500 tx, capitaine Lingénieur du Chesnave, rentrait au Port-Louis le 18 juillet, avec une cargaison de 350 tx, vendue à Rouen en septembre-octobre, comme d'habitude.

Le 27 avril 1683, un ordre du Roi prescrivait au garde du trésor royal, M. Gédéon du Metz, de payer au sieur Luc Bonnevie, caissier de la Compagnie, 38.860 L., pour prime d'exportation de 251 tx, et d'importation de 350 tx dans l'année 1682. En ces temps de paix, les ordres de paiement se feront plus réguliers.

Pour l'armement de 1683, la Compagnie n'avait qu'un seul navire disponible ; le Blampignon, qui venait de rentrer. Elle désirait cependant expédier deux navires : un à Surate, et, comme innovation, un à la côte de Coromandel. Le comptoir de Pondichéry, établi en 1674, commençait à prendre une certaine importance ; jusqu'alors, il n'avait reçu de communications que par l'intermédiaire de Surate, et pour la première fois on y envoyait un navire directement de France. La Compagnie cherchait un navire pour cette expédition ; elle s'adressa aux malouins qui, après bien des pourparlers, lui louèrent un navire tout neuf, de 250 tx environ, le Saint-François-d'Assise, pour 4.800 L. par mois, en payant 6 mois d'avance. Ce navire partit de Saint-Malo le 17 janvier avec 156.680 L., en argent et marchandises pour la Compagnie, et 107.000 L. en barres et réaux d'argent pour la société de Vitry-la-Ville et Pocquelin, qui payait 10 % de fret. Il arriva en juillet à Pondichéry.

Le Blampignon, capitaine du Chesnaye, partit du Port-Louis le 20 mars pour Surate avec 422.300 L., pour la Compagnie, et 125.330 L., pour la société de Vitry-Pocquelin, à 10 % de fret.

Sur ces cargaisons, la Compagnie se voyait obligée de sacrifier 500.000 L., c'est-à-dire la presque totalité de ses envois, pour payer les dettes qu'elle avait à Surate et à Pondichéry. Tout l'intérêt commercial de l'armement revenait ainsi aux particuliers, et c'est pour leur service qu'allaient s'employer les commis de la Compagnie aux Indes. Notons que ces particuliers étaient précisément deux directeurs de la chambre générale ; il y avait là quelque chose de choquant qui devait indisposer les autres directeurs et tous les actionnaires de la Compagnie. Celle-ci se voyait réduite à profiter de l'armement pour envoyer aux Indes de l'argent presque sans retour.

Dans cette même année 1683, on vit rentrer au Port-Louis les deux navires expédiés en 1682.

La Royale, le 18 juillet, avec 347 tx de marchandises, et l'Heureuse, le 19 août, avec 316 tx. Ces deux navires rapportaient, cette fois, pour la Compagnie, 400.000 L. de marchandises, prix coûtant aux Indes, et seulement 120.000 L. de marchandises pour les particuliers qui en attendaient le double. Ceux-ci se montrèrent d'autant plus contrariés que le reste non employé de leurs fonds avait été gardé aux Indes. Il ne parait pas cependant qu'ils furent découragés par cet insuccès, et ils continuèrent leurs envois l'année suivante.

En 1684, la Compagnie envoya 3 navires aux Indes, mais aucun de ces navires ne lui appartenait. Le premier, le Coche, de 500 tx, lui fut loué par le Roi à raison de 1.500 L. par mois. Il partit de Brest le 17 janvier, sous la conduite du capitaine du Hautmesnil pour la côte de Coromandel. Les deux autres furent affrétés à Saint-Malo ; le Saint-Antoine, capitaine François de Launay, et la Vierge-sans-Macule, navire de 270 tx et de 24 canons, capitaine de la Saudre Le Fer. Ils partirent de Brest le 2 avril pour Surate.

Ces trois navires emportaient 700.000 L. argent comptant, et pour 150.000 L. de plomb; la société de Vitry-Pocquelin avait ajouté une cargaison de 192.000 L.; un particulier, le sieur Martin de Moura, 18.000 L. et les armateurs de la Vierge-sans-Macule, 18.000 L.

La même année, quatre navires rentraient au Port-Louis, le Blampignon et le Vautour en janvier, et quelques mois après le Président et le Saint-François-d'Assise. Les marchandises, vendues à Rouen du 26 septembre au 6 octobre, produisirent 1,9 million de L. dont une bonne part revenait aux particuliers associés à la Compagnie.

Cependant, depuis le mois de mai, la Compagnie était plongée dans l'examen de ses comptes dont elle ne parvenait pas à rétablir l'équilibre, malgré les remaniements de chiffres les plus laborieux ; cette heureuse vente apportait un élément de décision qui permettait d'établir un bilan définitif un peu moins désastreux.

Depuis 1682, la Compagnie avait été obligée, pour ne pas succomber, d'accepter la participation de particuliers à son commerce, et cette concession s'était bientôt compliquée d'une autre combinaison.

La Compagnie qui, pour garder intact le principe de son privilège, obligeait les particuliers à se servir de ses navires, n'était pas en mesure d'en fournir, et se voyait elle-même forcée d'en prendre en affrètement. De la flotte des 26 navires de 1675, il ne lui restait en 1682 que l'Heureuse, le Blampignon et le Vautour, et les deux premiers, après leur retour, en 1683 et 1684, ne devaient plus reprendre la mer. Le Président, de 280 tx, acheté en 1679, et la Royale, de 800 tx, achetée au Havre en 1681, composaient avec le Vautour, déjà bien usé, toute la flotte mobilisable de la Compagnie. Quelques barques, pontons ou gabarres, qu'elle possédait au Port-Louis, n'étaient comptés que pour faire nombre. Aussi bien des cinq navires envoyés en 1683 et 1684, un seul, le Blampignon, appartenait à la Compagnie.

En fait, l'arrangement qui permettait à la Compagnie de rester en nom dans les entreprises faites aux Indes avait le grave inconvénient d'être très onéreux pour elle et de détruire l'heureux effet qu'elle aurait pu attendre de la coopération de particuliers, car il ne lui rapportait qu'un fret peu rémunérateur au prix de dépenses considérables et de risques dont elle assumait toute la responsabilité. Comme nous l'avons dit, le but de ces expéditions avait été pour la Compagnie d'envoyer surtout des fonds pour payer les dettes qu'elle avait aux Indes. Elle usait ainsi les derniers restes de son matériel, vidait sa caisse et faisait en France de nouveaux emprunts sans pouvoir espérer de retours compensateurs.

La mort de Colbert, qui arriva le 6 septembre 1683, semblait devoir apporter à la Compagnie le coup de grâce qu'elle attendait. À ce moment, dans l'esprit des directeurs, il ne pouvait plus être question que de liquidation. Ils étaient prêts à abandonner l'établissement de Lorient qui périssait, faute d'entretien. Lorsqu'en octobre 1677, Siméon de Jonchères avait succédé à David Grenier, il avait dû réserver toutes ses ressources à l'entretien des navires dont il avait le soin. Ne pouvant continuer l'œuvre de reconstruction commencée par son prédécesseur, il s'était contenté de faire constater, par acte notarié, en 1681, l'état de vétusté et de délabrement des bâtiments en bois construits autrefois par Denis Langlois, Chanlatte et Gueston.

Le fils aîné de Jean-Baptiste Colbert, le marquis de Seignelay, qui reçut le 29 septembre 1683 le brevet de chef perpétuel et président de la Compagnie des Indes orientales, était trop bien préparé par une collaboration intime aux projets de son illustre père, pour abandonner ses traditions politiques. Or il était de l'intérêt de l'Etat de posséder une association commerciale maritime puissante à opposer à celles des anglais et des hollandais. Aussi Seignelay s'intéressa-t-il immédiatement aux affaires de la Compagnie. Les premières conférences qu'il eut avec les directeurs, le persuadèrent de la nécessité d'une révision générale des affaires de la Compagnie, et sans doute d'une réorganisation.

En conséquence, une lettre de cachet du Roi du 27 avril 1684, prescrivit une assemblée générale des actionnaires dans le mois de mai.

EXAMEN DES COMPTES EN 1684

Dans la situation où se trouvait la Compagnie en 1684, l'examen des comptes devait être des plus laborieux ; il se poursuivit pendant près de six mois.

Par suite de la lettre de cachet du Roi, M. le Premier président, les commissaires nommés par le Roi, le prévot des marchands, les directeurs de la Compagnie et les intéressés pour 6.000 L. au moins, se réunirent au bureau de la Compagnie le lundi 29 mai.

M. le premier président fit lecture de la lettre de cachet puis donna la parole au prévôt des marchands, pour faire l'exposé des opérations et de la situation de la Compagnie.

Rappelant le peu de valeur des effets laissés en 1675, les entraves apportées par l'état de guerre, les difficultés sans nombre au milieu desquelles la Compagnie avait dû se mouvoir, les pertes qu'elle avait faites, la nécessité où elle s'était trouvée d'admettre la coopération de particuliers et d'affréter des navires, le prévôt des marchands regardait comme une merveille que la Compagnie eût pu se soutenir, et il adressait d'abord des félicitations aux directeurs. Puis il passait au détail des opérations. Depuis 1670, les directeurs avaient fait équiper et envoyer aux Indes 14 vaisseaux, dont les cargaisons en argent et marchandises représentaient 3,398 millions de L., sans compter les radoubs, ravitaillements, soldes et avances aux équipages.

Huit de ces vaisseaux avaient fait leur retour (1) et leurs cargaisons, qui avaient coûté aux Indes 1,878 millions de L., avaient rapporté, en six ventes faites de 1676 à 1683, la somme de 4,376 millions de L., ce qui était plus du double de profit. Mais c'était loin de compenser les dépenses et les pertes que l'on avait faites.

ENVOIS
RETOURS
 

1676 Le Vautour. Le Rossignol

1679 Le Soleil-d'Orient. Le Président.

1680 L'Heureuse.

1681 Le Président. Le Blampignon.

1682 L'Heureuse. La Royale.

1683 Le Saint-François-d'Assise. Le Blampignon.

1684 Le Coche. Le Saint-Antoine, La Vierge-sans-Macule.

 

Le Blampignon. L'Heureuse.

Le Rossignol.

Le Président.

L' Heureuse.

Le Blampignon.

La Royale. L'Heureuse.

* Le Blampignon. Le Vautour. Le Président. Le Saint-François-d'Assise.

* Ces quatre derniers rentrés après la session de l'assemblée du 29 mai.

L'entretien des établissements en France et des comptoirs aux Indes, les appointements des employés, des commis, des marchands, des équipages, etc… causaient des dépenses continues.

Le sieur Baron, aux Indes, avait envoyé des vaisseaux de la Compagnie au Siam, pour favoriser l'œuvre des missions et faire connaître la grandeur du Roi "ce qui causa de grandes consommations inutiles au commerce".

Le plus beau navire de la Compagnie, le Soleil-d'Orient, avait sombré avec 600.000 L. de marchandises. Les hollandais s'étaient emparés du comptoir de Bantam, et la Compagnie y avait perdu 500.000 L., que le principal commis de ce comptoir, le sieur de Guilhem, avait vainement réclamées à Batavia. (Profitant d'un différend existant entre le roi de Bantam et son fils, les hollandais. pour soutenir ce dernier, débarquèrent à Bantam le 7 avril 1682, et s'emparèrent de la ville et de la forteresse. Les agents de la Compagnie anglaise furent expulsés. Le sieur de Guilhem, commis du comptoir francais, avait fait charger sur un navire portugais les effets les plus précieux de sa loge, mais dans la nuit du 11 au 12, le hollandais Jacob Roes, avec une douzaine de soldats, envahit le navire et enleva les marchandises françaises).

La Compagnie avait acheté un navire, le Président, et dépensé 150.000 L. pour achever la Royale.

On avait fait cependant toutes les économies possibles en restreignant le personnel au strict nécessaire, en réduisant le nombre des établissements, tant en France qu'aux Indes. En France, la Compagnie n'avait plus qu'un seul établissement, celui de Lorient de Port-Louis, et aux Indes, deux comptoirs seulement au lieu de six en 1675: celui de Surate, le principal, dirigé par le sieur François Martin depuis la mort de Baron, et celui de Pondichéry, sur la côte de Coromandel, dirigé par le sieur Deltor. Le comptoir de Bantam avait été saisi par les hollandais, et les autres, Tilcery, Rajapour, Masulipatam, avaient été supprimés par nécessité.

Si l'on considérait maintenant l'actif de la Compagnie, on constatait que ses effets comprenant les établissements en France et dans l'Inde, le matériel d'armement, les marchandises conservées dans les magasins ou expédiées, les vaisseaux, les créances, les billets et l'argent liquide, étaient évalués par les directeurs au chiffre de 4,2 millions de L. Mais il s'en fallait de beaucoup que ce chiffre représentât leur valeur exacte, et le prévôt des marchands en faisait la remarque devant les intéressés.

Il y avait lieu de diviser ces effets en deux groupes.

Un premier groupe évalué à la somme de 1,7 million de L. comprenait des effets de réelle valeur, entre autres:

- les cargaisons des cinq derniers navires expédiés aux Indes valant 1,3 million de L.;

Un bon de 57.000 L., à toucher sur le trésor royal pour prime d'exportation et importation; 166.000 L. de marchandises en magasin, en y comprenant la valeur des établissements du Port-Louis ; 24.000 L. de créances sûres; et surtout 145.400 L. d'argent liquide en caisse.

Le deuxième groupe d'effets, évalué à 2,5 millions de L., était fabuleux.

L'estimation des effets aux Indes, portée à 218.300 L. était certainement illusoire ; on n'en avait pas un compte exact, mais il était avéré qu'on ne s'en tirerait qu'avec un déficit qui dépasserait peut-être de plus de 600.000 L. l'actif qu'on y avait.

La grosse créance de 552.700 L., pour fournitures à Madagascar et à l'expédition de M. de la Haye avait été transmise comme actif par l'exercice d'avant 1675, mais il fallait l'abandonner définitivement. Une autre créance de plus de 107.000 L., qu'on trouvait aussi au bilan de 1675, reposait sur des débiteurs insolvables ou insaisissables.

La flotte de la Compagnie, comprenant 11 navires restants des 26 de 1675, plus le Président et la Royale, acquis depuis, était estimée par les directeurs à 1,4 million de L.; mais c'était le prix coûtant, en y joignant même les dépenses d'entretien.

Depuis 1675, on avait vendu 13 navires pour la somme de 118.650 L., au lieu de 1,25 million de L. qu'ils avaient coûté. En tenant compte de la forte dépréciation qu'avaient subie les navires vendus et de l'état de ceux qui restaient, on pouvait se faire une idée du peu de valeur réelle de ces derniers.

Le prévôt des marchands ayant ainsi fait connaître aux intéressés l'état de la Compagnie, M. le Premier président fit une petite allocution pour rendre hommage au zèle des directeurs, et les encourager dans leur application aux affaires de la Compagnie. Puis, l'on procéda à l'élection de quatre nouveaux directeurs pour prendre la place de ceux qui étaient morts ou ne pouvaient plus faire fonction. Ces quatre nouveaux directeurs étaient:

Les sieurs de Frémont, grand audiencier de France; Morel de Boistiroux; Charles Le Brun et Tardif fils.

En fin de séance, le premier président confia aux quatre commissaires : Pussort, Boucherat, de La Reynie et Rouillé, nommés par le Roi le soin d'examiner et de vérifier les livres de la Compagnie, et leur donna rendez-vous au 5 juin, pour entendre leur rapport.

La commission se réunit au bureau de la Compagnie avec les directeurs le 31 mai et le 2 juin, et le rapporteur de la commission, le sieur Boucherat, présenta son rapport dans l'assemblée générale consécutive qui eut lieu le 5 juin.

Reprenant, à peu près dans les mêmes termes, l'exposé qu'avait fait le prévôt des marchands à l'assemblée du 29 mai, il fit d'abord ressortir le peu de valeur d'un grand nombre d'effets comptés dans le bilan de 1675. L'actif de ce bilan avait été estimé à 6,325 millions de livres, mais il ne valait pas plus du tiers de cette somme.

Dans le bilan de 1684, les effets étaient également majorés ; il fallait les ramener à leur juste valeur. Ainsi, aux Indes, au lieu d'avoir un actif, on était certainement en déficit. Plusieurs créances comptées dans le bilan étaient de nulle valeur ; les 11 vaisseaux restants de 1675, avec le Président et la Royale, ne valaient pas plus de 120.000 L., car il n'y en avait pas plus de quatre en état de rendre quelque service.

Aussi le rapporteur estimait-il qu'il fallait porter sincèrement les non-valeurs au chapitre des profits et pertes, " afin, disait-il, que la vérité et l'effectif de tout ce commerce fût le fondement des comptes". Un certain nombre de données manquaient d'ailleurs encore pour établir un bilan définitif. Passant ensuite à l'examen des actions de la Compagnie, Boucherat constatait d'abord que le Roi avait donné quittance des 4 millions qu'il avait avancés. Puis un certain nombre d'actionnaires qui n'avaient pas, aux termes de la déclaration royale du 13 septembre 1675, versé avant le 1er janvier 1677 les trois tiers de leur engagement ou au moins 8.000 L., se trouvaient déchus de leurs droits, et, de ce fait, un capital de 1,55 million de livres se trouvait abandonné à la Compagnie. Il ne restait plus d'intéressés que pour un capital de 3,3 millions de livres, qui était à cette époque le fonds social de la Compagnie. L'état des affaires ne permettait pas de leur allouer de dividendes, mais, à titre d'indemnité, on accordait 3.000 L. aux directeurs de la chambre générale de Paris, et 1.000 L. aux directeurs des chambres particulières de province.

Les comptes étant arrêtés et les livres (2) signés par les commissaires, procès-verbal de la délibération fut dressé et présenté au Roi le 17 juin 1684.

Dans le courant de l'année 1684, le retour de quatre navires venant des Indes : le Blampignon, le Vautour, le Président et le Saint-François-d'Assise, modifiait quelque peu le bilan qui venait d'être arrêté provisoirement, en donnant lieu à une vente de marchandises qui fut décidée pour le 18 septembre et en apportant de nouveaux documents sur l'état des comptoirs aux Indes. Le Blampignon et le Vautour apportaient les livres de Surate arrêtés à juillet 1683, et deux des directeurs de ce comptoir étaient revenus en France pour fournir les explications nécessaires.

(2) Ces livres étaient :

- le grand livre de raison coté B.
- le livre de caisse.
- le livre de contrôle de caisse.
- le livre des actions des intéressés de la Compagnie.
- le livre des magasins du Port-Louis.
- le livre des officiers et commis engagés en France.
- le grand livre du comptoir de Surate.
- le livre des engagés de la Compagnie aux Indes.
et deux livres des équipages des vaisseaux, A et B.

Il était important de tenir compte de ces modifications, et l'on sentait si bien la nécessité d'un remaniement prochain dans l'organisation de la Compagnie, que le 3 septembre, un arrêt du Conseil d'Etat prescrivait une nouvelle réunion générale au bureau de la Compagnie, en présence des commissaires nommés par le Roi : les sieurs Boucherat et Pussort, conseillers ordinaires ; de La Reynie, conseiller d'Etat, lieutenant général de police; et Rouillé, conseiller d'Etat, afin d'examiner les livres des comptoirs des Indes, entendre les directeurs nouvellement arrivés, dresser un nouveau bilan des qualité et valeurs des effets de la Compagnie, enfin donner avis au Roi des moyens propres à soutenir la Compagnie.

La réunion eut lieu le lundi 11 septembre 1684, à deux heures, au bureau de la Compagnie. Les commissaires firent leur entrée et se placèrent au bout du grand bureau, dans des fauteuils de velours vert. À une autre table, au bout dudit bureau, prirent place le prévôt des marchands, les sieurs Chappelier, Jacques, de Frémont, Morel de Boistiroux, Jabach, Bachelier, Pocquelin, Soullet, Le Brun, Tardif, directeurs généraux; le sieur de La Forcade, directeur de la chambre particulière de Lyon; et le sieur Pontoise, directeur de celle de Bordeaux. À cette séance avaient été aussi convoqués les actionnaires intéressés pour au moins 6.000 L.

Le prévôt des marchands fit devant les intéressés l'exposé qu'ils connaissaient déjà de l'actif de la Compagnie, et aborda le chapitre des effets et dettes aux Indes, d'après les livres que le sieur Pilavoine avait rapportés de Surate.

Puis, le sieur Boucherat qui présidait l'assemblée, remit le soin d'examiner ces comptes et d'établir un bilan définitif à une commission composée des commissaires nommés par le Roi et d'un certain nombre de directeurs; le sieur Pussort était le rapporteur de cette commission.

Elle eut de nombreuses réunions, les 18, 19, 20, 22 septembre et 6 octobre, et reconnut que, même après avoir employé les cargaisons portées aux Indes par les 5 derniers navires expédiés à payer les dettes qu'on y avait, on resterait encore en arrière de 176.700 livres dans les comptoirs des Indes.

Pendant ce temps avait lieu la vente à Rouen, du 18 septembre au 6 octobre. Elle fut dirigée par trois directeurs de la chambre genérale de Paris, les sieurs de Frémont, Bachelier et Soullet, et trois directeurs des chambres particulières de province, les sieurs Duhamel (de Rouen), de La Forcade (de Lyon) et Pontoise (de Bordeaux), et produisit 1,9 million de livres, sur lesquelles il ne revenait que 900.000 livres à la Compagnie, Cette somme, qui était le seul fonds disponible sur lequel elle pût compter, représentait à peu près le quart de ses actions. Enfin, après bien des remaniements, le bilan définitif fut arrêté au chiffre de 5,424 millions de livres balançant exactement l'actif et le passif de la Compagnie.

D'un côté:
Le capital des intéressés restants 3,354 millions de livres 
Les dettes en France et aux Indes 2,070 millions de livres
5,424 millions de livres
            De l'autre côté:
Les effets en France et aux Indes estimés à 5,424 millions de livres
Ce dernier chiffre n'était admis que pour établir la balance et pour mémoire des dépenses que l'on avait faites, car les effets de réelle valeur ne produisaient que 3,098 millions 
Et si on en retranchait les dettes 2,070 millions 
Il ne restait plus que 1,028 millions de livres pour répondre au capital des actionnaires.

Ce bilan définitif, arrêté et signé le 7 novembre par la commission, fut présenté aux actionnaires dans une nouvelle assemblée générale réunie le 13 novembre.

La situation financière de la Compagnie une fois nettement définie devant les actionnaires, restait, pour répondre à la seconde partie des prescriptions de la lettre de cachet du 3 septembre, à indiquer les moyens propres à permettre à la Compagnie de continuer son commerce.

Aussi, dans cette même séance, les commissaires, parlant au nom du Roi, prennent une importante détermination. Constatant que le fonds dont dispose la Compagnie est tout à fait insuffisant pour lui permettre de continuer ses opérations et que les actions des intéressés sont tombées au-dessous du quart de leur valeur, ils estiment qu'il faut obliger les intéressés à fournir au caissier de la Compagnie un quart en sus de leurs actions, en deniers comptants, dans le délai d'un mois à partir du jour de la publication de l'arrêt qui interviendra sur ce sujet.

Les actionnaires qui ne fourniraient pas ce quart en sus seraient remboursés du quart restant de leurs actions dans les deux ans, sans intérêts, et seraient déchus de leurs droits. Le remboursement serait fait par des personnes agréées par le Roi, lesquelles fourniraient les fonds nécessaires et seraient subrogées aux droits et actions des intéressés déchus.

Ces décisions furent confirmées par un arrêt du Conseil d'Etat du Roi du 18 novembre 1684 (enregistré au Parlement le 29 décembre 1684), dernier acte qui décidait de la destinée de la Compagnie formée en 1664.

Les intéressés, réunis une dernière fois le 22 novembre, en reçurent communication officielle.

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20 décembre 2001

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