Depuis
le départ de l'escadre de M. de La Haye,
l'activité se manifeste surtout à l'Orient
du Port-Louis ; les constructions et les habitations se
développent sous l'impulsion des directeurs
Chanlatte et Gueston et l'établissement commence
à être divisé en deux parties.
Le
Parc, vaste parallélogramme à peu
près régulier, entouré de trois
côtés par les magasins, les ateliers et les
maisons d'habitation des agents principaux, ouvert sur le
Scorff et contenant la chapelle. Cette partie est
l'origine de l'arsenal actuel de Lorient.
L'Enclos,
occupant tout le reste du terrain appartenant à la
Compagnie, fermé du côté de la
campagne par un simple fossé et une faible
palissade. Il contenait les logements des ouvriers et
contremaîtres, des officiers et agents subalternes,
ainsi que les habitations des personnes
étrangères à la Compagnie, mais en
vivant, les baraques d'artisans, de petits
commerçants, de débitants, etc. Cette
partie, en s'étendant, devait constituer la ville
de Lorient actuelle.
Tout
d'ailleurs, même la chapelle, était
construit en bois et, pour tout le monde, le "Lieu
d'Orient" n'était qu'une dépendance, le
port de construction et d'armement du Port-Louis qui
restait le siège principal sur l'océan des
affaires de la Compagnie et lieu de résidence
habituel des directeurs. Aussi dans les actes, les noms
de Lieu d'Orient et de Port-Louis sont-ils constamment
confondus.
Peu de
temps après le départ de M. de La Haye, la
Compagnie faisait partir de Lorient, le 11 avril 1670,
trois de ses navires pour les Indes :
- Le Dauphin-Couronné, de 800 tx, capitaine Baron, cargaison de 454.600 L. ;
- Le Phénix, de 500 tx, capitaine Boquet, cargaison de 298.400 L. ;
- Le Vautour-Couronné, de 600 tx, capitaine Jayeux, cargaison de 237.000 L.
Et le
10 septembre, le navire la Force rentrait au
Port-Louis avec une cargaison de 116.250 L.
On
avait reçu en France la nouvelle de la mort de M.
de Faye à Surate et des dissensions qui existaient
entre les agents de la Compagnie et le directeur Caron.
La chambre générale de Paris prit le parti
d'augmenter le personnel dirigeant de Surate et fit
passer au sieur Baron, consul à Alep, l'avis de sa
nomination au poste de Surate comme directeur pour la
Compagnie. Celui-ci s'y rendit aussitôt par terre
et y arriva au milieu de l'année 1671.
À
la fin de l'année 1670, les commissaires de
Lorient, Blot et Gueston furent également
nommés directeurs à Surate. Ce dernier
devait rédiger un mémoire sur les causes
qui divisaient les agents de la Compagnie dans ce
comptoir.
Le 7
mars 1671, trois vaisseaux partaient du Port-Louis
:
- Le Saint-Jean-Baptiste, de 600 tx, capitaine Herpin, ayant à son bord le directeur Blot, cargaison de 266.500 L.
- Le Soleil-d'Orient, de 1.000 tx, capitaine Labeda, avec le directeur Gueston, cargaison de 469.000 L.
- le houcre Petit-Saint-Louis, de 100 tx, capitaine Chanlatte, cargaison de 12.700 L.
Le
sieur Blot arriva heureusement à Surate le 26
octobre de la même année, mais le
Soleil-d'Orient, qui portait le sieur Gueston,
s'étant trouvé démâté
par un coup de temps à cent lieues du Port-Louis,
fut obligé de se réfugier à la
Rochelle.
Gueston
put s'embarquer au mois de juillet sur un autre navire de
la Compagnie, le Saint-Esprit, de 600 tx,
capitaine Le Rond, cargaison de 478.000 L., pour gagner
Surate, après une traversée de 8 mois, sans
aucune relâche. Comme mouvements de navires
à la Compagnie en France, pendant l'année
1671, notons encore deux départs : celui du houcre
Saint-Denis, de 100 tx, capitaine Fouillaud,
cargaison de 12.725 L. qui sortit de la rivière de
Nantes au mois d'août, et celui de
l'Espérance, de 400 tx, capitaine Lamoisse,
cargaison de 66.715 L., parti du Port-Louis au mois de
juillet ; et l'arrivée en rade de Groix, le 22
juillet, de la Marie, ayant à son bord
l'infortuné Mondevergue qui revenait de
l'île Dauphine.
Le 12
mars 1672, la Compagnie faisait partir de la Rochelle, le
Soleil-d'Orient réparé, capitaine de
Boispéan, en compagnie du houcre
Saint-Robert, capitaine Bourg, cargaison de 21.600
L. (Ordre du Roi donné au sieur Subleau.
trésorier de la marine. d'envoyer 200.000 L.
à Rochefort pour être chargé sur ces
vaisseaux. 7 février 1672).
Mais
bientôt ses opérations allaient se trouver
entravées par la déclaration de guerre
à la Hollande le 5 avril 1672. À peine la
guerre était-elle déclarée que
plusieurs navires de la Compagnie effectuant leur retour
des Indes arrivèrent dans les mers d'Europe. Ils
avaient à craindre l'attaque des corsaires
hollandais qui commençaient à battre les
atterrages avec d'autant plus d'audace que les flottes de
la France et de l'Angleterre alliées, n'avaient
pas encore pris la mer.
La
Couronne et l'Aigle-d'Or, qui
s'étaient arrêtés à Lisbonne
le 24 juin pour prendre connaissance des
événements, purent cependant gagner le
Port-Louis à la fin de ce mois. Le 29 juin
arrivait encore en rade de Belle-Ile le
Dauphin-Couronné dont nous avons signalé le
départ de Surate à la date du 9 janvier
1672, le jour même que l'escadre de M. de La Haye
en partait. Les marchandises de ces navires furent
chargées, sur des barques au Port-Louis, pour
être transportées au Havre sous l'escorte de
vaisseaux du Roi.
Par
suite donc de l'état de guerre, les parages des
côtes de France et surtout de la Manche (1)
devenaient très dangereux pour les navires de la
Compagnie. Cependant, en mai 1673, le Blampignon au
Havre, les flûtes, l'Heureuse et la Satisfaction au
Port-Louis mettaient à la voile pour les Indes.
Retenus simultanément par des vents contraires,
ces navires relâchèrent aussitôt dans
leurs ports d'armement Peu de temps après, le
Blampignon sortit du Havre sur lest pour ne pas exposer
sa cargaison et alla gagner le Port-Louis où il
arriva heureusement.
(1)
Lettre à M. de Terron (à
Rochefort).
" A
Paris, 9 janvier 1973.
Le
Roy avant été informé que le
bastiment sur lequel les directeurs de la Compagnie des
Indes Orientales avaient fait charger au Havre 16
pièces de canon pour servir à l'armement
des flustes qu'ils font équiper au Port-Louis a
esté pris par..... un corsaire Hollandais, Sa
Majesté désire que vous leur en fassiez
fournir un pareil nombre des magasins de la marine
à Rochefort, et comme ils vous informeront des
calibres dont ils auront besoin, il suffira que vous
donniez les ordres nécessaires, pour les faire
peser et que vous retiriez seulement un reçu des
directeurs en bonne forme." (Ordres du
Roy).
L'activité
de la Compagnie se trouvait ainsi brusquement
arrêtée. Dans cette année 1673, il
n'y eut aucun envoi et il n'y eut qu'un seul retour. Le
Vautour, qui était parti aux Indes depuis
plus de trois ans, rentra au Port-Louis le 26 mai. Il
avait quitté Bantam le 22 octobre 1672 et, en
relâchant à l'île de
Sainte-Hélène, il était tombé
dans une flotte hollandaise qui venait pour s'emparer de
l'île. En coupant ses câbles, le Vautour put
s'échapper avec quelques navires anglais et gagner
avec eux la baie de Tous-les-Saints, au Brésil,
avant de reprendre la route de France.
Le 13
février 1674, le Blampignon, de 500 tx,
capitaine Cornuel, quittait le Port-Louis avec une
cargaison de 248.400 L. à la Compagnie et 200.000
L. d'argent pour les troupes du Roi aux Indes. Ce navire,
monté par un équipage exceptionnellement
nombreux de 250 hommes, devait aller à la
côte de Mozambique pour secourir le
Soleil-d'Orient parti précédemment
(parti de La Rochelle, le 12 mars 1672) et que l'on
savait y être resté en détresse au
retour ; et de là passer aux Indes. Nous savons
que c'est ce navire, le qui recueillit, en passant
à Fort-Dauphin, les derniers colons de l'île
Dauphine, le 9 septembre 1674. Cette même
année, le Soleil-d'Orient,
ravitaillé, apportant de Surate les livres de ce
comptoir et ceux de l'île Dauphine, rentra à
la Rochelle où ses marchandises furent vendues
dans le mois de novembre.
En
temps de paix, la Compagnie recevait ses navires soit au
Havre, soit à Lorient où elle faisait
charger les marchandises sur des barques qui les
portaient au Havre pour y être vendues.
Après l'ouverture des hostilités, on ne
pouvait songer à exposer de riches cargaisons
à la convoitise des corsaires qui sillonnaient la
Manche et c'est ainsi que la Compagnie fut obligée
de chercher sur les côtes de l'Océan une
ville commerçante où elle pût
négocier ses arrivages. L'entrée du
Soleil-d'Orient à la Rochelle ajourna la
difficulté.
Les
côtes mêmes de l'océan se trouvaient
sérieusement menacées. En prévision
d'attaques que l'ennemi pourrait tenter sur Lorient et le
Port-Louis pour détruire le centre
d'activité d'une Compagnie rivale de la sienne aux
Indes, le Roi avait fait fortifier Belle-Ile en janvier
1674 et renforcer la garnison du Port-Louis au mois de
mai. Les hollandais, toutefois, opérèrent
en juillet de la même année une descente
à Belle-Ile et à l'île de Groix,
qu'ils ravagèrent.
Les
opérations commerciales par mer devenaient, dans
ces conditions des plus hasardeuses ; la flûte
l'Heureuse, de 700 tx, capitaine Baron, put
cependant quitter le Port-Louis le 13 février
1675, emportant une cargaison de 514.300 L.
Mais le
Port-Louis se transforme à ce moment en un port de
course. Les corsaires la Toison-d'Or, la
Renommée, la Suzanne, la
Citadelle-de-Port-Louis, le Saint-Georges,
et la Fortune y établissent un mouvement
guerrier qui s'accentuera encore par les
empiètements de la marine militaire.
La
Compagnie, dont les affaires déjà
languissantes se trouvaient comme suspendues par
l'état de guerre, se décida d'abord
à n'avoir qu'un directeur pour ses deux
établissements du Havre et du Port-Louis. David
Grenier, directeur au Havre, fut ainsi appelé
à se transporter au Port-Louis en 1674 pour y
présider à l'armement du Blampignon,
puis il retourna au Havre.
Bientôt,
en 1675, comme ce dernier port devenait de moins en moins
utilisable en raison du peu de sécurité
qu'offrait la Manche, la Compagnie ferma les ateliers
qu'elle y possédait depuis dix ans et vendit au
Roi ses établissements, chantiers, corderie et
étuves, pour lesquels elle avait
dépensé 73.750 L., alors que Lorient ne lui
revenait jusqu'alors qu'à 52.000 L.
Bien
que le Roi ne rachetât les établissements du
Havre que pour la somme de 43.000 L., la Compagnie
trouvait encore un grand avantage à se
débarrasser d'un établissement "qui lui
était à charge et inutile".
Dans
l'Inde, la Compagnie avait aussi à déplorer
des pertes d'hommes, de navires et d'argent. En 1671,
elle avait dû envoyer 3 nouveaux directeurs :
Baron, Blot et Gueston, pour tâcher de
rétablir un peu d'ordre à Surate. Lorsque
Gueston, que les fortunes de mer avaient retardé,
arriva à Surate en mai 1672, il trouva Blot et
Baron à leur poste ; Caron était parti
depuis le commencement de l'année 1672 sur la
flotte de M. de La Haye. Pendant l'année 1672,
Blot mourut et Gueston, s'étant mis en route
l'année suivante pour porter à Ispahan les
présents que la Compagnie destinait au roi de
Perse, mourut en chemin à Chiras.
L'expédition fut toutefois menée à
terme par son compagnon de route, le sieur Siméon
de Jonchères.
D'autre
part, après que Caron eut été
rappelé en France, Baron, le seul directeur
restant à Surate dut aller le remplacer
auprès de M. de La Haye et rejoindre l'escadre
française à Saint-Thomé où il
arriva le 4 mai 1673. Il y demeura jusqu'à la
reddition de la place aux Hollandais.
Le
comptoir de Surate se trouvait ainsi dépourvu de
directeurs. Les commis Adam et Pilavoine, que Baron y
avait laissés, prirent soin des
intérêts de la Compagnie; ils firent
radouber et charger le navire le Soleil-d'Orient, que
nous avons vu rentrer à la Rochelle en
1674.
En
1675, il y avait aux Indes six comptoirs français.
Le principal à Surate, siège du conseil
souverain; Rajapour et Tilcery sur la côte de
Malabar ; Masulipatam sur la côte de Coromandel
Bantam dans l'île de Java, et Bandarabassi à
l'entrée du golfe Persique.
Le roi
de Golconde avait d'abord favorisé
l'établissement des comptoirs français sur
la côte de Coromandel, mais depuis l'affaire de
Saint-Thomé, il était devenu notre ennemi ;
et après la reddition de cette place, il fit
assassiner le représentant français
à Masulipatam.
D'autre
part, au moment de la chute de Saint-Thomé, la
Compagnie avait perdu 16 navires depuis son
établissement.
Tout le
détail de ces événements ne parvint
pas immédiatement en France ; cependant la mort de
Blot et celle de Gueston ayant été connue,
les directeurs de la chambre générale, qui
se réunissaient fréquemment au bureau de la
rue Saint-Martin pour décider des
intérêts de la Compagnie, nommèrent,
dans la séance du 13 janvier 1674, le nouveau
conseil de Surate. Il devait se composer du sieur Baron,
chef du conseil, et des sieurs de Jonchères,
Martin, Boureau et Pilavoine.
Malgré
le calme optimiste que le Roi affectait de garder au
sujet de l'expédition de M. de La Haye aux Indes,
optimisme constant dont on retrouve la preuve dans les
lettres qu'il adressait à son lieutenant
général, on ne put conserver d'illusions en
France en apprenant ses échecs successifs, puis le
désastre final de Saint-Thomé et
l'anéantissement de la colonie de Madagascar. Ces
insuccès éloignèrent même de
l'esprit de Louis XIV toute idée
d'hégémonie aux Indes, du moins pour un
temps, et dès ce moment, il se
désintéresse complètement des
affaires de la Compagnie. Quant à Colbert, les
soucis de la guerre en cours ne lui laissaient plus le
loisir de s'en occuper directement. C'est dans ces
conditions que les directeurs allaient se trouver mis en
présence des actionnaires pour rendre compte de
leur administration.
LE BILAN DE
1675
L'article
XVIII de la déclaration du mois d'août 1664
prescrivait de réunir une assemblée
générale des intéressés de la
Compagnie le 2 mai de chaque année, dans le but
évidemment de leur exposer la situation annuelle
de la Compagnie et de répartir les dividendes qui
reviendraient à chacun d'eux.
Mais la
difficulté d'établir des comptes pour des
opérations lointaines dont l'exécution
demandait déjà plus d'une année ne
permettait pas d'arrêter aussi
régulièrement le bilan des affaires de la
Compagnie. Quant aux profits à partager, ce
n'était pas, leur abondance qui pouvait
nécessiter de fréquentes réunions
d'actionnaires.
Un
intervalle de plus de trois années avait
été laissé entre la première
assemblée générale en 1665 et la
deuxième en 1668. Entre la deuxième et la
troisième, il y eut un exercice de près de
sept années.
Une
lettre de cachet du Roi du 20 avril 1675 ayant
ordonné qu'une réunion
générale des intéressés
aurait lieu dans le courant de mai 1675, cette
assemblée fut convoquée pour le mercredi 4
mai, à trois heures de relevée, aux
Tuileries.
On a vu
avec quel intérêt Louis XIV avait
participé en personne aux opérations de
l'assemblée en 1668 et comment, après que
Colbert eut exposé le détail des affaires
de la Compagnie, le Roi avait lui-même pris la
parole pour entraîner par ses encouragements les
actionnaires hésitants. En 1675, il en fut tout
autrement.
Cette
fois, ni le Roi ni son secrétaire d'Etat
n'étaient présents, Monsieur le premier
président, siégeant à
côté de la chaise restée vide du Roi,
représentait seul la haute autorité qui
avait présidé à
l'établissement de la Compagnie des Indes. Il
ouvrit la séance par la lecture de la lettre de
cachet qui convoquait l'assemblée et donna la
parole au prévôt des marchands.
Celui-ci
exposa d'abord le bilan de la Compagnie, puis rappela le
détail de ses opérations pendant l'exercice
1668-1675.
La
situation financière de la Compagnie
s'établissait ainsi :
Depuis
1668, la caisse avait reçu du Roi 1,5 million de
L., et des intéressés 1.199.500 L. Ces deux
sommes jointes à 6,2 millions de L. qui
représentaient ce que la Compagnie avait
reçu au 15 décembre 1668, produisaient un
total de 8,9 millions de L.
Pour
répondre à cette mise de fonds, la
Compagnie faisait état de 6,325 millions de L.,
représentant toutes ses ressources, qui
consistaient en établissements en France et aux
Indes, matériel, marchandises, vaisseaux,
magasins, effets négociables et argent
liquide.
Mais
cette évaluation était
considérablement majorée. Ainsi on comptait
pour 2,29 millions les 26 vaisseaux appartenant à
la Compagnie, ce qui était leur prix coûtant
avec les sommes qu'on avait dépensées pour
leurs radoubs ; or, deux de ces vaisseaux avaient
été pris par les hollandais, et le reste ne
valait pas 300.000 L.
On
faisait entrer dans ce compte plus d'un demi-million de
matériel et d'avances engagées à
Madagascar dans l'expédition de M. de La Haye et
sur le remboursement desquels on ne pouvait guère
compter, bien que le Roi en fût
considéré comme chargé.
Les
établissements aux Indes étaient
estimés à plus de 800.000 L., en se basant
toujours sur le prix coûtant
Le plus
clair de toute cette estimation était la somme de
955.900 L., que la Compagnie avait dans sa caisse en
argent liquide ou billets sûrs, mais l'ensemble de
l'actif ne valait pas plus de 2,5 millions de
L.
Les
opérations maritimes depuis 1668 comprenaient
l'envoi aux Indes de 14 vaisseaux en 10 armements, et le
retour de huit vaisseaux.
Liste
des armements:
1 - Le Saint-Paul, 250 tx, parti de Port-louis le 10 avril 1669.
2 - Le Saint-François, 600 tx, parti du Port-Louis le 17 juillet 1669.
3 - Le Dauphin-Couronné, 800 tx, le Phénix, 500 tx et le Vautour, 400 tx, partis du Port-Louis le 11 avril 1670.
4 - Le Saint-Jean-Baptiste, 600 tx; le houcre Petit-Saint-Louis, 100 tx, partis du Port-Louis le 7 mars 1671.
5 - Le houcre Saint-Denis, 100 tx, sorti de la rivière de Nantes en avril 1671.
6 - Le Saint-Esprit, 600 tx, parti de la Rochelle en juillet 1671. Ce navire arriva à Suali, port de Surate en fin mars 1672; au moment où il quittait ce port pour aller à Bantam, il s'échoua et fut brisé, en mai 1672.
7 - L'Espérance, 400 tx, parti du Port-Louis en juillet 1671.
8 - Le Soleil-d'Orient, 1 000 tx; le houcre Saint-Robert, 90 tx, partis de la Rochelle le 12 mars 1672.
9 - Le Blampignon, 500 tx, parti du Port-Louis le 13 février 1674.
10 - La flûte l'Heureuse, 700 tx, partie du Port-Louis le 13 février 1675.
Dans
les registres, on trouve encore des passeports pour la
Fortune, 400 tx, capitaine Bourdon, 28 janvier
1671, et la Satisfaction, capitaine Chanlatte, 24
février 1673; mais il ne parait pas que ces
navires furent expédiés si l'on s'en
rapporte au procès-verbal de l'assemblée
générale du 8 mai 1675, tel qu'il est
rapporté dans le recueil de Dernis.
Lors de
l'assemblée générale de 1668, il
n'était encore rentré aucun des navires
envoyés aux Indes, mais depuis cette
époque, huit avaient fait leur retour avec un
chargement. (D'autres sont rentrés à
vide)
En
1669, le Saint-Jean-Baptiste.
En
1670, la Force.
En
1671, la Marie.
En
1672, la Couronne, l'Aigle-d'Or et le
Dauphin-Couronné.
En
1673, le Vautour.
En
1674, le Soleil-d'Orient.
Les
marchandises rapportées par ces navires ayant
été vendues au Port-Louis, au Havre surtout
et à la Rochelle, avaient produit 4,7 millions de
L., mais cette somme avait été
absorbée par les frais d'armements, soldes des
équipages et autres frais.
Après
avoir exposé devant les actionnaires la situation
matérielle de la Compagnie, le prévôt
des marchands fait l'histoire du développement de
ses comptoirs aux Indes et des événements.
Rappelant toutes les difficultés que l'on avait
eues à surmonter surtout depuis le commencement de
la guerre, ainsi que les pertes que l'on avait subies
à Madagascar et aux Indes, il rendait hommage au
zèle des directeurs et terminait sa harangue par
une appréciation d'un optimisme inattendu et
certainement de commande. Puis, pour se conformer aux
instructions mêmes de la lettre de cachet du Roi,
il proposait de faire une distribution de dividendes aux
intéressés.
La fin
de la séance fut occupée par
l'élection de trois nouveaux directeurs, le sieur
Jacques, conseiller secrétaire du Roy, et les
sieurs Robert Pocquelin et Nicolas Soullet,
également secrétaires du Roy, tous
intéressés dans la Compagnie. Le sieur
Lebel, caissier de la Compagnie étant mort, on
nommait à sa place son gendre, le sieur
Bonnevie.
La
situation de la Compagnie se trouvant ainsi nettement
établie devant les intéressés, il
restait à examiner et arrêter les comptes
pour en établir le bilan. Ce fut l'uvre des
commissaires, nommés par le Roi, qui se
réunirent avec les directeurs de la Compagnie au
bureau de la rue Saint-Martin les 16, 20 et 21
mai.
Il fut
décidé dans ces réunions que l'on
donnerait 10 % de dividende aux intéressés
qui avaient versé les trois tiers de leur
engagement ou au moins 8.000 L. (décision
homologuée par une déclaration du Roi
datée de Versailles, le 13 septembre 1675). Dans
la suite, on accorda d'ailleurs aux autres jusqu'au 1er
janvier 1677 pour se mettre en règle à cet
égard (décision confirmée par
arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 1676). Les
directeurs recevaient en sus 5% d'indemnité de
présence aux délibérations du bureau
pendant les 7 années d'exercice
écoulées.
Cette
répartition de 10 % n'était en somme qu'une
pauvre manuvre destinée à donner
quelque satisfaction aux actionnaires.
Mais
elle ne pouvait leur laisser que bien peu d'illusions.
Les commissaires eux-mêmes remarquaient que les
effets de la Compagnie évalués à
6,325 millions de L., étaient loin de valoir
réellement cette somme, et que le fonds effectif
était très au-dessous du capital
versé par les intéressés, qui
était de 4,9 millions de L.
(2).
Les pertes avaient bien dépassé les 4
millions que le Roi avaient abandonnés à la
Compagnie.
Les
livres vérifiés, les comptes furent
arrêtés au bureau de la Compagnie le 21 mai
1675.
Pour en
finir avec ce bilan de 1675 disons que le 1er janvier
1677, les comptes ayant été
réglés avec les actionnaires, il se trouva
que le total des dividendes versés aux
intéressés qui y avaient droit et des
indemnités des directeurs, montait à la
somme de 448.000 L. pour un capital de 3,35 millions de
L. (3).
Le
reste du capital, montant à 1,55 millions de L.,
représentait les fonds d'un certain nombre
d'actionnaires qui, n'ayant pas payé leurs 3 tiers
ou versé au moins 8.000 L., se trouvaient exclus
de la répartition (4).
Ainsi,
après un exercice de douze ans, les actionnaires
avaient reçu en tout et pour tout: 6 pour 100 en
1669 et 10 pour 100 en 1677; quant à leur capital,
il était singulièrement
compromis.
(2)
Pour apprécier l'importance du capital
engagé par le commerce français dans la
grande entreprise maritime qu'était la Compagnie
des Indes, il faut le comparer au chiffre du budget de la
marine en ce temps de guerre. Le budget prévu au
commencement de l'année 1675 était de 6
millions, tant pour la flotte à voiles que pour
les galères. Ce crédit fut d'ailleurs
dépassé, les dépenses totales de
l'année s'étant élevées
à 10,16 millions de L.
(3) Ce
capital appartenant à 481 actionnaires parmi
lesquels on comptait, en tête de liste, la Reyne
mère de Sa Majesté pour la somme de 60.000
L., La Reyne régnante pour la somme de 60.000 L.,
Monseigneur le Dauphin pour la somme de 60.000 L.,
Monseigneur le Prince de Condé pour la somme de
20.000 L., etc
.
(4) Ces
actionnaires étaient aussi dès ce moment
considérés comme définitivement
démissionnaires et perdaient leur capital.
C'était déjà une première
élimination.
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