Histoire de la Compagnie des Indes
... et des Colonies d'orient

  

 

 

 

Sommaire

 

Prémices

Fondation de la Compagnie

1ère grande expédition vers
 Madagascar et
1ère assemblée générale

2ème expédition vers l'Inde

Fondation de Lorient

Projets du Roi 1668/1670
et 
la 1ère escadre aux Indes
         
         
         Opérations 1670/1675
et
Bilan de 1675
         
         
         1eres défaillances
         et
         Bilan de 1684
         

Réorganisation de la Compagnie en 1685

Armements de 1685/1689

Lorient en 1690

L'Affaire du Siam

Armements mixtes 1690/1697

La Compagnie pendant la guerre 1690/1697

Armements 1697/1701

Décadence 1701/1706

Captation de la Compagnie par les Malouins

Liste des bâtiments de la Compagnie

Un exemple de navire .......... "Le Boullongne"

Histoire des Iles mascareignes

Les escales françaises de la route des Indes

Antoine BOUCHER

 

 

 

   

 

 

 

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Armements 1670/1675 et bilan 1675

Depuis le départ de l'escadre de M. de La Haye, l'activité se manifeste surtout à l'Orient du Port-Louis ; les constructions et les habitations se développent sous l'impulsion des directeurs Chanlatte et Gueston et l'établissement commence à être divisé en deux parties.

Le Parc, vaste parallélogramme à peu près régulier, entouré de trois côtés par les magasins, les ateliers et les maisons d'habitation des agents principaux, ouvert sur le Scorff et contenant la chapelle. Cette partie est l'origine de l'arsenal actuel de Lorient.

L'Enclos, occupant tout le reste du terrain appartenant à la Compagnie, fermé du côté de la campagne par un simple fossé et une faible palissade. Il contenait les logements des ouvriers et contremaîtres, des officiers et agents subalternes, ainsi que les habitations des personnes étrangères à la Compagnie, mais en vivant, les baraques d'artisans, de petits commerçants, de débitants, etc. Cette partie, en s'étendant, devait constituer la ville de Lorient actuelle.

Tout d'ailleurs, même la chapelle, était construit en bois et, pour tout le monde, le "Lieu d'Orient" n'était qu'une dépendance, le port de construction et d'armement du Port-Louis qui restait le siège principal sur l'océan des affaires de la Compagnie et lieu de résidence habituel des directeurs. Aussi dans les actes, les noms de Lieu d'Orient et de Port-Louis sont-ils constamment confondus.

Peu de temps après le départ de M. de La Haye, la Compagnie faisait partir de Lorient, le 11 avril 1670, trois de ses navires pour les Indes :

- Le Dauphin-Couronné, de 800 tx, capitaine Baron, cargaison de 454.600 L. ;
- Le Phénix, de 500 tx, capitaine Boquet, cargaison de 298.400 L. ;
- Le Vautour-Couronné, de 600 tx, capitaine Jayeux, cargaison de 237.000 L.

Et le 10 septembre, le navire la Force rentrait au Port-Louis avec une cargaison de 116.250 L.

On avait reçu en France la nouvelle de la mort de M. de Faye à Surate et des dissensions qui existaient entre les agents de la Compagnie et le directeur Caron. La chambre générale de Paris prit le parti d'augmenter le personnel dirigeant de Surate et fit passer au sieur Baron, consul à Alep, l'avis de sa nomination au poste de Surate comme directeur pour la Compagnie. Celui-ci s'y rendit aussitôt par terre et y arriva au milieu de l'année 1671.

À la fin de l'année 1670, les commissaires de Lorient, Blot et Gueston furent également nommés directeurs à Surate. Ce dernier devait rédiger un mémoire sur les causes qui divisaient les agents de la Compagnie dans ce comptoir.

Le 7 mars 1671, trois vaisseaux partaient du Port-Louis :

- Le Saint-Jean-Baptiste, de 600 tx, capitaine Herpin, ayant à son bord le directeur Blot, cargaison de 266.500 L.
- Le Soleil-d'Orient, de 1.000 tx, capitaine Labeda, avec le directeur Gueston, cargaison de 469.000 L.
- le houcre Petit-Saint-Louis, de 100 tx, capitaine Chanlatte, cargaison de 12.700 L.

Le sieur Blot arriva heureusement à Surate le 26 octobre de la même année, mais le Soleil-d'Orient, qui portait le sieur Gueston, s'étant trouvé démâté par un coup de temps à cent lieues du Port-Louis, fut obligé de se réfugier à la Rochelle.

Gueston put s'embarquer au mois de juillet sur un autre navire de la Compagnie, le Saint-Esprit, de 600 tx, capitaine Le Rond, cargaison de 478.000 L., pour gagner Surate, après une traversée de 8 mois, sans aucune relâche. Comme mouvements de navires à la Compagnie en France, pendant l'année 1671, notons encore deux départs : celui du houcre Saint-Denis, de 100 tx, capitaine Fouillaud, cargaison de 12.725 L. qui sortit de la rivière de Nantes au mois d'août, et celui de l'Espérance, de 400 tx, capitaine Lamoisse, cargaison de 66.715 L., parti du Port-Louis au mois de juillet ; et l'arrivée en rade de Groix, le 22 juillet, de la Marie, ayant à son bord l'infortuné Mondevergue qui revenait de l'île Dauphine.

Le 12 mars 1672, la Compagnie faisait partir de la Rochelle, le Soleil-d'Orient réparé, capitaine de Boispéan, en compagnie du houcre Saint-Robert, capitaine Bourg, cargaison de 21.600 L. (Ordre du Roi donné au sieur Subleau. trésorier de la marine. d'envoyer 200.000 L. à Rochefort pour être chargé sur ces vaisseaux. 7 février 1672).

Mais bientôt ses opérations allaient se trouver entravées par la déclaration de guerre à la Hollande le 5 avril 1672. À peine la guerre était-elle déclarée que plusieurs navires de la Compagnie effectuant leur retour des Indes arrivèrent dans les mers d'Europe. Ils avaient à craindre l'attaque des corsaires hollandais qui commençaient à battre les atterrages avec d'autant plus d'audace que les flottes de la France et de l'Angleterre alliées, n'avaient pas encore pris la mer.

La Couronne et l'Aigle-d'Or, qui s'étaient arrêtés à Lisbonne le 24 juin pour prendre connaissance des événements, purent cependant gagner le Port-Louis à la fin de ce mois. Le 29 juin arrivait encore en rade de Belle-Ile le Dauphin-Couronné dont nous avons signalé le départ de Surate à la date du 9 janvier 1672, le jour même que l'escadre de M. de La Haye en partait. Les marchandises de ces navires furent chargées, sur des barques au Port-Louis, pour être transportées au Havre sous l'escorte de vaisseaux du Roi.

Par suite donc de l'état de guerre, les parages des côtes de France et surtout de la Manche (1) devenaient très dangereux pour les navires de la Compagnie. Cependant, en mai 1673, le Blampignon au Havre, les flûtes, l'Heureuse et la Satisfaction au Port-Louis mettaient à la voile pour les Indes. Retenus simultanément par des vents contraires, ces navires relâchèrent aussitôt dans leurs ports d'armement Peu de temps après, le Blampignon sortit du Havre sur lest pour ne pas exposer sa cargaison et alla gagner le Port-Louis où il arriva heureusement.

(1) Lettre à M. de Terron (à Rochefort).

" A Paris, 9 janvier 1973.

Le Roy avant été informé que le bastiment sur lequel les directeurs de la Compagnie des Indes Orientales avaient fait charger au Havre 16 pièces de canon pour servir à l'armement des flustes qu'ils font équiper au Port-Louis a esté pris par..... un corsaire Hollandais, Sa Majesté désire que vous leur en fassiez fournir un pareil nombre des magasins de la marine à Rochefort, et comme ils vous informeront des calibres dont ils auront besoin, il suffira que vous donniez les ordres nécessaires, pour les faire peser et que vous retiriez seulement un reçu des directeurs en bonne forme." (Ordres du Roy).

L'activité de la Compagnie se trouvait ainsi brusquement arrêtée. Dans cette année 1673, il n'y eut aucun envoi et il n'y eut qu'un seul retour. Le Vautour, qui était parti aux Indes depuis plus de trois ans, rentra au Port-Louis le 26 mai. Il avait quitté Bantam le 22 octobre 1672 et, en relâchant à l'île de Sainte-Hélène, il était tombé dans une flotte hollandaise qui venait pour s'emparer de l'île. En coupant ses câbles, le Vautour put s'échapper avec quelques navires anglais et gagner avec eux la baie de Tous-les-Saints, au Brésil, avant de reprendre la route de France.

Le 13 février 1674, le Blampignon, de 500 tx, capitaine Cornuel, quittait le Port-Louis avec une cargaison de 248.400 L. à la Compagnie et 200.000 L. d'argent pour les troupes du Roi aux Indes. Ce navire, monté par un équipage exceptionnellement nombreux de 250 hommes, devait aller à la côte de Mozambique pour secourir le Soleil-d'Orient parti précédemment (parti de La Rochelle, le 12 mars 1672) et que l'on savait y être resté en détresse au retour ; et de là passer aux Indes. Nous savons que c'est ce navire, le qui recueillit, en passant à Fort-Dauphin, les derniers colons de l'île Dauphine, le 9 septembre 1674. Cette même année, le Soleil-d'Orient, ravitaillé, apportant de Surate les livres de ce comptoir et ceux de l'île Dauphine, rentra à la Rochelle où ses marchandises furent vendues dans le mois de novembre.

En temps de paix, la Compagnie recevait ses navires soit au Havre, soit à Lorient où elle faisait charger les marchandises sur des barques qui les portaient au Havre pour y être vendues. Après l'ouverture des hostilités, on ne pouvait songer à exposer de riches cargaisons à la convoitise des corsaires qui sillonnaient la Manche et c'est ainsi que la Compagnie fut obligée de chercher sur les côtes de l'Océan une ville commerçante où elle pût négocier ses arrivages. L'entrée du Soleil-d'Orient à la Rochelle ajourna la difficulté.

Les côtes mêmes de l'océan se trouvaient sérieusement menacées. En prévision d'attaques que l'ennemi pourrait tenter sur Lorient et le Port-Louis pour détruire le centre d'activité d'une Compagnie rivale de la sienne aux Indes, le Roi avait fait fortifier Belle-Ile en janvier 1674 et renforcer la garnison du Port-Louis au mois de mai. Les hollandais, toutefois, opérèrent en juillet de la même année une descente à Belle-Ile et à l'île de Groix, qu'ils ravagèrent.

Les opérations commerciales par mer devenaient, dans ces conditions des plus hasardeuses ; la flûte l'Heureuse, de 700 tx, capitaine Baron, put cependant quitter le Port-Louis le 13 février 1675, emportant une cargaison de 514.300 L.

Mais le Port-Louis se transforme à ce moment en un port de course. Les corsaires la Toison-d'Or, la Renommée, la Suzanne, la Citadelle-de-Port-Louis, le Saint-Georges, et la Fortune y établissent un mouvement guerrier qui s'accentuera encore par les empiètements de la marine militaire.

La Compagnie, dont les affaires déjà languissantes se trouvaient comme suspendues par l'état de guerre, se décida d'abord à n'avoir qu'un directeur pour ses deux établissements du Havre et du Port-Louis. David Grenier, directeur au Havre, fut ainsi appelé à se transporter au Port-Louis en 1674 pour y présider à l'armement du Blampignon, puis il retourna au Havre.

Bientôt, en 1675, comme ce dernier port devenait de moins en moins utilisable en raison du peu de sécurité qu'offrait la Manche, la Compagnie ferma les ateliers qu'elle y possédait depuis dix ans et vendit au Roi ses établissements, chantiers, corderie et étuves, pour lesquels elle avait dépensé 73.750 L., alors que Lorient ne lui revenait jusqu'alors qu'à 52.000 L.

Bien que le Roi ne rachetât les établissements du Havre que pour la somme de 43.000 L., la Compagnie trouvait encore un grand avantage à se débarrasser d'un établissement "qui lui était à charge et inutile".

Dans l'Inde, la Compagnie avait aussi à déplorer des pertes d'hommes, de navires et d'argent. En 1671, elle avait dû envoyer 3 nouveaux directeurs : Baron, Blot et Gueston, pour tâcher de rétablir un peu d'ordre à Surate. Lorsque Gueston, que les fortunes de mer avaient retardé, arriva à Surate en mai 1672, il trouva Blot et Baron à leur poste ; Caron était parti depuis le commencement de l'année 1672 sur la flotte de M. de La Haye. Pendant l'année 1672, Blot mourut et Gueston, s'étant mis en route l'année suivante pour porter à Ispahan les présents que la Compagnie destinait au roi de Perse, mourut en chemin à Chiras. L'expédition fut toutefois menée à terme par son compagnon de route, le sieur Siméon de Jonchères.

D'autre part, après que Caron eut été rappelé en France, Baron, le seul directeur restant à Surate dut aller le remplacer auprès de M. de La Haye et rejoindre l'escadre française à Saint-Thomé où il arriva le 4 mai 1673. Il y demeura jusqu'à la reddition de la place aux Hollandais.

Le comptoir de Surate se trouvait ainsi dépourvu de directeurs. Les commis Adam et Pilavoine, que Baron y avait laissés, prirent soin des intérêts de la Compagnie; ils firent radouber et charger le navire le Soleil-d'Orient, que nous avons vu rentrer à la Rochelle en 1674.

En 1675, il y avait aux Indes six comptoirs français. Le principal à Surate, siège du conseil souverain; Rajapour et Tilcery sur la côte de Malabar ; Masulipatam sur la côte de Coromandel Bantam dans l'île de Java, et Bandarabassi à l'entrée du golfe Persique.

Le roi de Golconde avait d'abord favorisé l'établissement des comptoirs français sur la côte de Coromandel, mais depuis l'affaire de Saint-Thomé, il était devenu notre ennemi ; et après la reddition de cette place, il fit assassiner le représentant français à Masulipatam.

D'autre part, au moment de la chute de Saint-Thomé, la Compagnie avait perdu 16 navires depuis son établissement.

Tout le détail de ces événements ne parvint pas immédiatement en France ; cependant la mort de Blot et celle de Gueston ayant été connue, les directeurs de la chambre générale, qui se réunissaient fréquemment au bureau de la rue Saint-Martin pour décider des intérêts de la Compagnie, nommèrent, dans la séance du 13 janvier 1674, le nouveau conseil de Surate. Il devait se composer du sieur Baron, chef du conseil, et des sieurs de Jonchères, Martin, Boureau et Pilavoine.

Malgré le calme optimiste que le Roi affectait de garder au sujet de l'expédition de M. de La Haye aux Indes, optimisme constant dont on retrouve la preuve dans les lettres qu'il adressait à son lieutenant général, on ne put conserver d'illusions en France en apprenant ses échecs successifs, puis le désastre final de Saint-Thomé et l'anéantissement de la colonie de Madagascar. Ces insuccès éloignèrent même de l'esprit de Louis XIV toute idée d'hégémonie aux Indes, du moins pour un temps, et dès ce moment, il se désintéresse complètement des affaires de la Compagnie. Quant à Colbert, les soucis de la guerre en cours ne lui laissaient plus le loisir de s'en occuper directement. C'est dans ces conditions que les directeurs allaient se trouver mis en présence des actionnaires pour rendre compte de leur administration.

LE BILAN DE 1675

L'article XVIII de la déclaration du mois d'août 1664 prescrivait de réunir une assemblée générale des intéressés de la Compagnie le 2 mai de chaque année, dans le but évidemment de leur exposer la situation annuelle de la Compagnie et de répartir les dividendes qui reviendraient à chacun d'eux.

Mais la difficulté d'établir des comptes pour des opérations lointaines dont l'exécution demandait déjà plus d'une année ne permettait pas d'arrêter aussi régulièrement le bilan des affaires de la Compagnie. Quant aux profits à partager, ce n'était pas, leur abondance qui pouvait nécessiter de fréquentes réunions d'actionnaires.

Un intervalle de plus de trois années avait été laissé entre la première assemblée générale en 1665 et la deuxième en 1668. Entre la deuxième et la troisième, il y eut un exercice de près de sept années.

Une lettre de cachet du Roi du 20 avril 1675 ayant ordonné qu'une réunion générale des intéressés aurait lieu dans le courant de mai 1675, cette assemblée fut convoquée pour le mercredi 4 mai, à trois heures de relevée, aux Tuileries.

On a vu avec quel intérêt Louis XIV avait participé en personne aux opérations de l'assemblée en 1668 et comment, après que Colbert eut exposé le détail des affaires de la Compagnie, le Roi avait lui-même pris la parole pour entraîner par ses encouragements les actionnaires hésitants. En 1675, il en fut tout autrement.

Cette fois, ni le Roi ni son secrétaire d'Etat n'étaient présents, Monsieur le premier président, siégeant à côté de la chaise restée vide du Roi, représentait seul la haute autorité qui avait présidé à l'établissement de la Compagnie des Indes. Il ouvrit la séance par la lecture de la lettre de cachet qui convoquait l'assemblée et donna la parole au prévôt des marchands.

Celui-ci exposa d'abord le bilan de la Compagnie, puis rappela le détail de ses opérations pendant l'exercice 1668-1675.

La situation financière de la Compagnie s'établissait ainsi :

Depuis 1668, la caisse avait reçu du Roi 1,5 million de L., et des intéressés 1.199.500 L. Ces deux sommes jointes à 6,2 millions de L. qui représentaient ce que la Compagnie avait reçu au 15 décembre 1668, produisaient un total de 8,9 millions de L.

Pour répondre à cette mise de fonds, la Compagnie faisait état de 6,325 millions de L., représentant toutes ses ressources, qui consistaient en établissements en France et aux Indes, matériel, marchandises, vaisseaux, magasins, effets négociables et argent liquide.

Mais cette évaluation était considérablement majorée. Ainsi on comptait pour 2,29 millions les 26 vaisseaux appartenant à la Compagnie, ce qui était leur prix coûtant avec les sommes qu'on avait dépensées pour leurs radoubs ; or, deux de ces vaisseaux avaient été pris par les hollandais, et le reste ne valait pas 300.000 L.

On faisait entrer dans ce compte plus d'un demi-million de matériel et d'avances engagées à Madagascar dans l'expédition de M. de La Haye et sur le remboursement desquels on ne pouvait guère compter, bien que le Roi en fût considéré comme chargé.

Les établissements aux Indes étaient estimés à plus de 800.000 L., en se basant toujours sur le prix coûtant

Le plus clair de toute cette estimation était la somme de 955.900 L., que la Compagnie avait dans sa caisse en argent liquide ou billets sûrs, mais l'ensemble de l'actif ne valait pas plus de 2,5 millions de L.

Les opérations maritimes depuis 1668 comprenaient l'envoi aux Indes de 14 vaisseaux en 10 armements, et le retour de huit vaisseaux.

Liste des armements:

1 - Le Saint-Paul, 250 tx, parti de Port-louis le 10 avril 1669. 
2 - Le Saint-François, 600 tx, parti du Port-Louis le 17 juillet 1669.
3 - Le Dauphin-Couronné, 800 tx, le Phénix, 500 tx et le Vautour, 400 tx, partis du Port-Louis le 11 avril 1670.
4 - Le Saint-Jean-Baptiste, 600 tx; le houcre Petit-Saint-Louis, 100 tx, partis du Port-Louis le 7 mars 1671.
5 - Le houcre Saint-Denis, 100 tx, sorti de la rivière de Nantes en avril 1671.	
6 - Le Saint-Esprit, 600 tx, parti de la Rochelle en juillet 1671. Ce navire arriva à Suali, port de Surate en fin mars 1672; au moment où il quittait ce port pour aller à Bantam, il s'échoua et fut brisé, en mai 1672.	
7 - L'Espérance, 400 tx, parti du Port-Louis en juillet 1671.
8 - Le Soleil-d'Orient, 1 000 tx; le houcre Saint-Robert, 90 tx, partis de la Rochelle le 12 mars 1672.
9 - Le Blampignon, 500 tx, parti du Port-Louis le 13 février 1674.
10 - La flûte l'Heureuse, 700 tx, partie du Port-Louis le 13 février 1675.

Dans les registres, on trouve encore des passeports pour la Fortune, 400 tx, capitaine Bourdon, 28 janvier 1671, et la Satisfaction, capitaine Chanlatte, 24 février 1673; mais il ne parait pas que ces navires furent expédiés si l'on s'en rapporte au procès-verbal de l'assemblée générale du 8 mai 1675, tel qu'il est rapporté dans le recueil de Dernis.

Lors de l'assemblée générale de 1668, il n'était encore rentré aucun des navires envoyés aux Indes, mais depuis cette époque, huit avaient fait leur retour avec un chargement. (D'autres sont rentrés à vide)

En 1669, le Saint-Jean-Baptiste.

En 1670, la Force.

En 1671, la Marie.

En 1672, la Couronne, l'Aigle-d'Or et le Dauphin-Couronné.

En 1673, le Vautour.

En 1674, le Soleil-d'Orient.

Les marchandises rapportées par ces navires ayant été vendues au Port-Louis, au Havre surtout et à la Rochelle, avaient produit 4,7 millions de L., mais cette somme avait été absorbée par les frais d'armements, soldes des équipages et autres frais.

Après avoir exposé devant les actionnaires la situation matérielle de la Compagnie, le prévôt des marchands fait l'histoire du développement de ses comptoirs aux Indes et des événements. Rappelant toutes les difficultés que l'on avait eues à surmonter surtout depuis le commencement de la guerre, ainsi que les pertes que l'on avait subies à Madagascar et aux Indes, il rendait hommage au zèle des directeurs et terminait sa harangue par une appréciation d'un optimisme inattendu et certainement de commande. Puis, pour se conformer aux instructions mêmes de la lettre de cachet du Roi, il proposait de faire une distribution de dividendes aux intéressés.

La fin de la séance fut occupée par l'élection de trois nouveaux directeurs, le sieur Jacques, conseiller secrétaire du Roy, et les sieurs Robert Pocquelin et Nicolas Soullet, également secrétaires du Roy, tous intéressés dans la Compagnie. Le sieur Lebel, caissier de la Compagnie étant mort, on nommait à sa place son gendre, le sieur Bonnevie.

La situation de la Compagnie se trouvant ainsi nettement établie devant les intéressés, il restait à examiner et arrêter les comptes pour en établir le bilan. Ce fut l'œuvre des commissaires, nommés par le Roi, qui se réunirent avec les directeurs de la Compagnie au bureau de la rue Saint-Martin les 16, 20 et 21 mai.

Il fut décidé dans ces réunions que l'on donnerait 10 % de dividende aux intéressés qui avaient versé les trois tiers de leur engagement ou au moins 8.000 L. (décision homologuée par une déclaration du Roi datée de Versailles, le 13 septembre 1675). Dans la suite, on accorda d'ailleurs aux autres jusqu'au 1er janvier 1677 pour se mettre en règle à cet égard (décision confirmée par arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 1676). Les directeurs recevaient en sus 5% d'indemnité de présence aux délibérations du bureau pendant les 7 années d'exercice écoulées.

Cette répartition de 10 % n'était en somme qu'une pauvre manœuvre destinée à donner quelque satisfaction aux actionnaires.

Mais elle ne pouvait leur laisser que bien peu d'illusions. Les commissaires eux-mêmes remarquaient que les effets de la Compagnie évalués à 6,325 millions de L., étaient loin de valoir réellement cette somme, et que le fonds effectif était très au-dessous du capital versé par les intéressés, qui était de 4,9 millions de L. (2). Les pertes avaient bien dépassé les 4 millions que le Roi avaient abandonnés à la Compagnie.

Les livres vérifiés, les comptes furent arrêtés au bureau de la Compagnie le 21 mai 1675.

Pour en finir avec ce bilan de 1675 disons que le 1er janvier 1677, les comptes ayant été réglés avec les actionnaires, il se trouva que le total des dividendes versés aux intéressés qui y avaient droit et des indemnités des directeurs, montait à la somme de 448.000 L. pour un capital de 3,35 millions de L. (3).

Le reste du capital, montant à 1,55 millions de L., représentait les fonds d'un certain nombre d'actionnaires qui, n'ayant pas payé leurs 3 tiers ou versé au moins 8.000 L., se trouvaient exclus de la répartition (4).

Ainsi, après un exercice de douze ans, les actionnaires avaient reçu en tout et pour tout: 6 pour 100 en 1669 et 10 pour 100 en 1677; quant à leur capital, il était singulièrement compromis.

(2) Pour apprécier l'importance du capital engagé par le commerce français dans la grande entreprise maritime qu'était la Compagnie des Indes, il faut le comparer au chiffre du budget de la marine en ce temps de guerre. Le budget prévu au commencement de l'année 1675 était de 6 millions, tant pour la flotte à voiles que pour les galères. Ce crédit fut d'ailleurs dépassé, les dépenses totales de l'année s'étant élevées à 10,16 millions de L.

(3) Ce capital appartenant à 481 actionnaires parmi lesquels on comptait, en tête de liste, la Reyne mère de Sa Majesté pour la somme de 60.000 L., La Reyne régnante pour la somme de 60.000 L., Monseigneur le Dauphin pour la somme de 60.000 L., Monseigneur le Prince de Condé pour la somme de 20.000 L., etc….

(4) Ces actionnaires étaient aussi dès ce moment considérés comme définitivement démissionnaires et perdaient leur capital. C'était déjà une première élimination.

 

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20 décembre 2001

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