Histoire de la Compagnie des Indes
... et des Colonies d'orient

  

 

 

 

Sommaire

 

Prémices

Fondation de la Compagnie

1ère grande expédition
vers Madagascar 
et
1ère assemblée générale

2ème expédition vers les Indes

Fondation de Lorient

Projets du Roi 1668/1670
et 
la 1ère escadre aux Indes
         
         
 Opérations 1670/1675
et
Bilan de 1675
         
         
         1eres défaillances
         et
         Bilan de 1684
         

Réorganisation de la Compagnie en 1685

Armements de 1685/1689

Lorient en 1690

L'Affaire du Siam

Armements mixtes 1690/1697

La Compagnie pendant la guerre 1690/1697

Armements 1697/1701

Décadence 1701/1706

Captation de la Compagnie par les Malouins

Liste des bâtiments de la Compagnie

Un exemple de navire .......... "Le Boullongne"

Histoire des Iles mascareignes

Les escales françaises de la route des Indes

Antoine BOUCHER

 

 

 

   

 

 

 

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Deuxième expédition, vers les Indes

Cette grande expédition comprenait 10 navires :

Quatre vaisseaux :

		Le Saint-Jean-Baptiste, de 600 tx et de 36 canons ;
		La Marie, de 600 tx et de 36 canons ;
		Le Terron, de 350 tx et de 24 canons,
		Le Saint-Charles, de 300 tx et de 24 canons ;
Deux frégates :
La Mazarine, de 200 tx et de 24 canons ;
La Duchesse, de 80 tx et de 4 canons ;

Quatre houcres de 90 à 100 tx:

le Saint-Denis, le Saint-Jean, le Saint-Luc, et le Saint-Robert, armés de 2 à 4 canons.

Toute la flotte était sous les ordres de François de Lopis, marquis de Mondevergue, revêtu par le Roi des charges d' "Amiral et Lieutenant Général pour commander les Places et Vaisseaux français au-delà de la Ligne équinoxiale". C'était une sorte de vice--royauté des Indes.

La flotte devait être convoyée jusqu'au-delà des mers d'Europe par quatre vaisseaux du Roi, sous les ordres du chevalier de La Roche, chef d'escadre. Étaient présents :

Le Rubis, commandant, le chevalier de La Roche ;
Le Beaufort, commandant, le chevalier d'Humières ;
Le Mercœur, commandant, le sieur de Turelle ;
L'Infant, commandant, le sieur de Kéroin.

Elle emportait, outre ses équipages avec leurs officiers, le hollandais Caron et le français de Faye comme directeurs de commerce ; le sieur d'Epinay, procureur général du conseil des Indes ; 4 compagnies d'infanterie et leurs officiers ; 8 marchands, 4 français et 4 hollandais ; 10 chefs de colonie avec leurs employés ; 32 femmes et quelques enfants. En tout, 2.000 personnes environ, en comptant les équipages.

L'armement avait coûté 2,1 millions de L., sur lesquels il y avait pour 1,1 en marchandises et argent en barre ou en réaux d'Espagne.

C'est sérieusement cette fois qu'on devait gagner les Indes et les marchandises étaient embarquées à cette destination. Mondevergue s'arrêtait bien à Madagascar, mais Caron avait mission de toucher seulement à Fort-Dauphin et de gagner immédiatement les Indes pour y établir des comptoirs. Quant à de Faye, après avoir relâché à Bourbon avec quatre vaisseaux, il devait établir un centre de colonisation à Galemboule, sur la côte est de Madagascar, puis rejoindre Caron. Celui-ci le laisserait alors à la tête des établissements qu'il aurait fondés, pour gagner lui-même la Chine et y créer de nouveaux comptoirs.

Enfin il était recommandé à Caron et à de Faye d'expédier, le plus tôt, qu'ils pourraient, un navire chargé des marchandises d'Orient, afin qu'on pût montrer aux actionnaires des preuves certaines que les opérations de commerce étaient engagées et donnaient des résultats. On attendait encore à ce moment un envoi semblable de la première expédition, et nous savons que ce premier retour, effectué par la Vierge-de-Bon-Port, ne devait pas arriver en France.

La flotte de Mondevergue partit de la Rochelle le 14 mars 1666 et naviguant bien groupée pour pouvoir, en cas d'attaque, résister aux Anglais avec qui la France était en guerre, elle gagna les Canaries. Elle s'y arrêta quelque temps pour faire l'acquisition d'une frégate de 120 tx, la Notre-Dame-de-Paix, chargée de vins, puis reprit sa route.

Au milieu des calmes de la "Ligne", le Terron commença à faire eau, et ce vaisseau fut jugé incapable de continuer le voyage et de doubler le cap de Bonne-Espérance dans l'état où il se trouvait. Cette circonstance obligea Mondevergue à gagner au plus vite la côte du Brésil ; il arriva le 25 juillet à Pernambouc et y fut retenu jusqu'au 2 novembre. Ce n'est que le 10 mars 1667 qu'il débarqua à Fort-Dauphin, après une escale à l'île Bourbon pour y déposer 5 femmes, ayant mis un an à faire le voyage.

Ce retardement imprévu eut d'abord des conséquences terribles. L'expédition, pendant cette longue traversée, avait épuisé tous ses approvisionnements, qu'elle n'avait pu renouveler au Brésil, à cause de la cherté des vivres. D'autre part, la colonie de Madagascar était dans un tel état de détresse qu'elle pouvait à peine se suffire. Plus de 6 mois s'étaient écoulés après l'époque annoncée pour l'arrivée du grand armement, et, ne le voyant pas venir, les colons pressés par la faim, avaient consommé les vivres qu'ils avaient d'abord amassés pour le ravitailler.

L'hostilité des indigènes était à l'état aigu : impossible d'en tirer des vivres, des bestiaux autrement que par des razzias ; impossible aussi d'entreprendre une culture suivie au milieu d'alertes continuelles. Fort-Dauphin n'était qu'une misérable enceinte de troncs d'arbres entourant quelques hangars en planches couverts de feuilles et défendue par neuf pièces de canon de fer sans affûts.

Des premiers agents de la Compagnie, les uns étaient morts, les autres étaient retournés en France ou avaient cherché fortune en d'autres lieux. Des quatre vaisseaux qui les avaient amenés, la Vierge-de-Bon-Port avait été coulée par les Anglais au retour ; la frégate le Saint-Paul, qui s'était mise en route pour les Indes avait perdu tous ses officiers et était rentrée en France ; le Taureau s'était perdu sur les côtes au nord de l'île. Il ne restait plus que l'Aigle-Blanc et le houcre Saint-Louis, mouillés devant le Fort, sans agrès, sans officiers et sans marchands, ceux-ci étant morts d'épuisement ou assassinés.

Champmargou survivait seul avec La Caze et quelques autres aventuriers mieux trempés, restes vivaces de l'ancienne Compagnie de La Meilleraie.

Voilà ce que les nouveaux colons épuisés par leur long voyage trouvèrent en débarquant à cette terre désirée qu'ils cherchaient depuis un an. On devine quelle fut la misère de tous. Dans ces conditions, il était impossible à Caron et à de Faye d'exécuter leur programme et de pousser immédiatement jusqu'aux Indes. Il fallait d'abord ne pas mourir de faim, et ils n'avaient rien pour se ravitailler.

Dans une circonstance aussi critique, Mondevergue se montra, par ses qualités d'organisateur, bien supérieur à ceux qui l'avaient précédé. Le conseil souverain une fois établi, il prit de sages mesures qui rendirent quelque activité à la colonie et produisirent une détente notable dans les relations avec les indigènes. Par ses soins, Fort-Dauphin devint un fort véritable ; un bâtiment en pierres, le premier de l'île, y fut élevé ; on établit aussi une voie empierrée et un quai de débarquement. Malgré ces premiers succès, quand il eut réuni les vivres nécessaires pour expédier un navire en France, Mondevergue, qui avait déjà envoyé des nouvelles du Brésil et du Cap, adressa au Roi et à la Compagnie des lettres datées du 28 janvier 1668, empreintes du plus sombre pessimisme. Ces dépêches furent confiées au houcre Saint-Robert, qui partit à destination du Port-Louis.

Mondevergue songea aussi à rassembler à Fort-Dauphin les groupes de colons qui se trouvaient trop exposés dans différents sous-comptoirs isolés où la Compagnie faisait des dépenses sans profit : à Galemboule, à la baie d'Antongil, à l'île Sainte-Marie. Il employa les navires dont il pouvait disposer à ramasser ces colons, en même temps que des vivres.

Quand la colonie fut réorganisée, on put songer à se porter aux Indes. Dans le courant de l'année 1667 était arrivé de France un navire, la Couronne, qui amenait un nouvel agent de la Compagnie, le sieur Marcara Avanchiz, natif d'Ispahan en Perse. Ce Marcara devint célèbre dans la suite par ses démêlés avec Caron et la persécution dont il fut victime.

Enfin le 27 octobre 1667, le premier convoi partit pour les Indes. Caron et Marcara s'embarquaient sur le navire le Saint-Jean-Baptiste, qui mit à la voile avec la Couronne et le houcre Saint-Denis. Ils arrivèrent le 24 décembre à Cochin, comptoir hollandais, où ils furent bien accueillis; de là ils poussèrent à Surate et mouillèrent à Suali, le port de cette ville, le 13 février 1668. Deux mois plus tard, le 24 avril, Caron faisait partir le Saint-Jean-Baptiste avec une bonne cargaison. Ce navire passa à Fort-Dauphin le 21 juin 1668 et poussa immédiatement en France, où nous le retrouverons.

De Faye, qui devait conduire aux Indes le deuxième convoi, attendait, pour partir, les vaisseaux de France dont la Couronne avait annoncé l'arrivée. Deux vaisseaux de la Compagnie, l'Aigle d'Or et la Force partis, du Port-Louis, le 20 mars 1668, arrivèrent à Fort-Dauphin, le premier, le 15 septembre, et le second, le 30. De Faye quitta alors Fort-Dauphin le 19 octobre 1668 avec la Marie, l'Aigle-d'Or et la Force. Arrivé à Surate le 15 mars 1669, il y mourut de la dysenterie le 30 avril suivant.

Un troisième convoi partit pour les Indes le 12 août 1669; il se composait de la Couronne (qui avait fait un premier voyage avec Caron, était revenue à l'île Dauphine avec des rafraîchissements), du houcre Saint-Jean et, de la frégate Mazarine. Ces trois navires doublèrent la pointe sud de Madagascar pour s'engager dans le canal de Mozambique, gagner l'île de Socotora et les Indes. Séparés par une tempête peu de jours après le départ, ils firent route isolément. La Couronne et le Saint-Jean se rejoignirent cependant et arrivèrent à Surate le 23 septembre. La Mazarine n'y parvint que longtemps après, et dans un si mauvais état qu'elle dut être dépecée.

Ainsi se trouvait rassemblée à Surate une véritable flotte à laquelle s'ajoutèrent quelques bâtiments armés dans le pays. Ces navires servirent à nouer des relations avec les centres marchands de la côte de Perse, les côtes de Malabar et de Coromandel, et à y établir des comptoirs. Les premières opérations de la Compagnie dans ces contrées sont narrées dans une relation que nous a laissée le sieur Dellon, docteur en médecine, qui s'était embarqué au Port-Louis sur la Force et avait passé aux Indes sur la Couronne, afin de "voir du pays".

Après le départ de tous ces convois, la colonie de Fort-Dauphin retomba dans un état d'affreuse langueur jusqu'à l'arrivée de la frégate Saint-Paul qui, allant à Surate, passa à Fort-Dauphin le 2 octobre 1669. Ce navire apportait de nouveaux ordres et des lettres de Louis XIV et de Colbert pour Mondevergue. Malgré ses efforts, celui-ci n'avait pu surmonter toutes les difficultés accumulées par les fautes de ceux qui l'avaient précédé, et les lettres du Roi n'étaient qu'une suite de reproches et le présage d'une disgrâce.

Parmi ces dépêches, il y avait une lettre de rappel :

"Monsieur de Mondevergue, estant satisfait des services que vous m'avez rendus dans le commandement de l'Isle Dauphine, je vous fais cette lettre pour vous dire que vous ayez à vous rendre près de moy sur le premier vaisseau qui partira de la d. Isle pour s'en revenir en France. Sur ce je prie Dieu qu'il vous ayt, Monsieur de Mondevergue, en sa Sainte Garde. Escrit à Paris ce 31 mars 1669" Signé LOUIS, et plus bas COLBERT.

Peu de temps après, les retours d'Inde commencèrent à repasser à Fort-Dauphin ; ce furent d'abord les deux houcres Saint-Denis et Saint-Jean qui rapportaient de Surate des rafraîchissements et des vivres pour la colonie; ils annonçaient l'arrivée prochaine de deux navires plus importants qui les suivaient. Le Saint-Denis poursuivit sa route jusqu'en France ; quant au Saint-Jean, en voulant regagner les Indes, il fut brisé sur les côtes de Madagascar.

Dès l'arrivée à Fort-Dauphin des deux vaisseaux annoncés, la Marie et la Force, Mondevergue se prépara à rentrer en France. Il s'embarqua sur la Marie, qui mit à la voile avec la Force le 15 avril 1670. Mais à la hauteur du Cap, le premier vaisseau est séparé de sa conserve (qui arriva au Port-Louis de Bretagne le 10 septembre 1670); refoulé par la tempête, Mondevergue débarque de nouveau à Madagascar, où la fatalité l'enchaîne et reprend le commandement qu'il garda jusqu'en novembre 1670, époque à laquelle arriva à Fort-Dauphin une escadre royale de dix vaisseaux sous les ordres de La Haye, nouveau gouverneur de l'île Dauphine et vice-roi des Indes.

Après avoir passé le commandement à de La Haye, Mondevergue resta encore quelque temps dans la colonie, il la quitta enfin le 9 février 1671 sur la Marie, qui arriva en rade de Groix le 22 juillet 1671. Un exempt des gardes du corps, le capitaine de La Grange, attendait Mondevergue au Port-Louis pour l'arrêter au nom du Roi. Poursuivi par la rancune des directeurs de la Compagnie, qui ne voyaient en lui que le représentant de cette maudite colonie de Madagascar, il paya par une injuste disgrâce les fautes de ceux qui l'avaient précédé. Mis immédiatement au secret sans que le Roi voulût l'entendre, il fut ensuite enfermé au château de Saumur où il mourut le 23 janvier 1672. 

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 dernière mise à jour

20 décembre 2001

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