Histoire de la Compagnie des Indes
... et des Colonies d'orient

  

 

 

 

Sommaire

 

Prémices

Fondation de la Compagnie

1ère grande expédition vers
 Madagascar et
1ère assemblée générale

2ème expédition vers l'Inde

Fondation de Lorient

Projets du Roi 1668/1670
et 
la 1ère escadre aux Indes
         
         
 Opérations 1670/1675
et
Bilan de 1675
         
         
         1eres défaillances
         et
         Bilan de 1684
         

Réorganisation de la Compagnie en 1685

Armements de 1685/1689

Lorient en 1690

L'Affaire du Siam

Armements mixtes 1690/1697

La Compagnie pendant la guerre 1690/1697

Armements 1697/1701

Décadence 1701/1706

Captation de la Compagnie par les Malouins

Liste des bâtiments de la Compagnie

Un exemple de navire .......... "Le Boullongne"

Histoire des Iles mascareignes

Les escales françaises de la route des Indes

Antoine BOUCHER

 

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La Compagnie en France durant la Guerre 1690/1697

 

Le chapitre précédent a retracé le rôle que jouèrent aux Indes, les trois armements mixtes faits par la Compagnie pendant la guerre de la Ligue d'Ausbourg. Pour faire connaître la situation de la Compagnie en France pendant cette même période, nous devons revenir un peu en arrière et ramener le lecteur à l'époque du départ de l'escadre de DuQuesne, en 1690.

Pendant que ce premier armement mixte se trouvait aux Indes, le ministre Seignelay était mort, le 3 novembre 1690. Le nouveau ministre de la marine, Louis Phélypeaux, comte de Pontchartrain, reçut, le 13 novembre, le brevet de chef perpétuel, président et directeur de la Compagnie des Indes Orientales ; il assista à l'assemblée générale qui réunit les directeurs et les actionnaires le 11 juin 1692, après le départ du deuxième armement mixte commandé par Dandenne.

L'année suivante, le 27 décembre 1693, le brevet de président de la Compagnie était transmis à son fils, Jérôme Phélypeaux, comte de Pontchartrain (né en 1643, conseiller au Parlement en 1661, premier président du Parlement de Bretagne en 1677, intendant des finances en 1687, contrôleur général des finances en 1689, secrétaire d'Etat, ministre de la marine et de la maison du Roi tout en conservant le département des finances en 1690, chancelier de France en 1699,se démet de ses fonctions en 1714, meurt en 1727 - Jérôme Phélypeaux, comte de Pontchartrain, fils du précédent, né en 1674, d'abord conseiller au Parlement, succède à son père comme ministre de la marine et de la maison du Roi en 1699. Après la mort de Louis XIV en 1715, ses charges lui sont enlevées et données à son fils, le Comte de Maurepas. Il meurt en 1747.). Dans cette même année, la Compagnie ne pouvant envoyer ses marchandises au Havre, avait abandonné le marché de Rouen et avait fait l'acquisition d'un magasin à Nantes pour la vente de ses marchandises.

Par suite de l'état de guerre, l'activité commerciale de la Compagnie se trouvait nécessairement limitée, et un intervalle de près de trois années s'était écoulé entre le retour de l'escadre de DuQuesne et celui de l'escadre de Dandenne. Après le départ du troisième armement mixte au mois de mars 1695, la Compagnie se voyait accablée de dettes, et les directeurs employaient toutes leurs séances à renouveler les billets échus qu'ils n'étaient plus en mesure de payer. C'est ainsi que les billets d'intérêts maritimes de 1692, renouvelés de six mois en six mois, ne furent complètement payés qu'à la fin de l'année 1696.

Pendant la guerre, la Compagnie ne reçut de ses comptoirs des Indes que fort peu de retours ; et presque toutes les marchandises des Indes qui arrivaient en France provenaient des prises faites surtout par des corsaires. L'apport de ces marchandises sur le marché aurait d'ailleurs considérablement troublé les affaires de la Compagnie, si celle-ci n'avait pas été protégée par son privilège. Mais, par suite de ce privilège, les possesseurs des effets provenant des prises étaient dans la nécessité ou de vendre leurs marchandises à l'étranger ou de s'arranger avec la Compagnie pour pouvoir les vendre en France, aussi la Compagnie en devenait-elle adjudicataire à bon compte.

Le 6 août 1694, la Compagnie avait acheté à Brest pour 35 000 L. un navire le Christianus-Quintus, pris sur l'ennemi ; et un arrêt du Conseil d'Etat, du 6 décembre 1695, la déchargeait des droits que l'amirauté réclamait pour cette acquisition.

Le marquis de Nesmond ayant capturé, au mois de septembre 1695, deux vaisseaux anglais venant des Indes, l'amirauté avait le7 janvier 1696, adjugé ces vaisseaux et leurs marchandises à un riche banquier, le sieur Samuel Bernard, qui prit arrangement avec la Compagnie et lui céda le tiers de la valeur des marchandises et des vaisseaux pour pouvoir vendre, à son profit, ces marchandises en France. Ce traité fut homologué par un arrêt du Conseil d'Etat du 10 mars 1696, et la Compagnie se chargea de la vente qui eut lieu à Nantes au mois de septembre de la même année

En 1696, l'amirauté avait adjugé à un Malouin, le sieur Loquet de Granville, les prises faites par deux vaisseaux du Roi, le Fortuné et le François. Le 6 septembre, la Compagnie, aidée par Samuel Bernard, fit un traité avec Loquet de Granville qui cédait la moitié de ses marchandises, pour 25 pour 100 seulement du prix d'adjudication, à condition de pouvoir vendre pour son propre compte la moitié qui lui restait, avec les marchandises de la Compagnie Ce traité fut encore ratifié le 11 septembre par le Conseil d'Etat.

Le 19 novembre, la Compagnie et Samuel Bernard offraient au Roi une somme de 400 000 L. sur les deniers de la vente des prises du marquis de Nesmond par reconnaissance et pour secourir Sa Majesté. Samuel Bernard en donnait les deux tiers et la Compagnie le reste.

Les malouins avaient capturé cinq navires anglais: la Délense et la Résolution vennat de Surate, la Princesse-de-Danemark, le Succès et le Seymour, venant du Bengale et de Madras. La Compagnie acheta les deux tiers de ces marchandises pour la somme de 1,65 million de L., et la vente fut annoncée pour le mardi 7 mai 1797, à Nantes.

Ainsi, grâce à la protection que lui assurait son privilège, la Compagnie suppléait à l'insuffisance des retours de ses armements par l'acquisition, à des prix avantageux, des marchandises capturées par les corsaires ou les vaisseaux du Roi.

Elle s'était même crue obligée à reconnaître la faveur dont elle était l'objet en participant au don de 400 000 L. fait au trésor du Roi. Mais cette offre, qui fut d'ailleurs accepté, n'indiquait nullement que la Compagnie fût entrée dans la voie de la prospérité, car, à ce moment, elle en était réduite à renouveler ses billets échus qui se trouvaient ainsi chargés d'un surcroît d'intérêt, ou à emprunter de nouvelles sommes pour satisfaire les créanciers trop pressants.

À la fin de l'année 1696, le troisième armement mixte étant parti depuis près de deux ans, la Compagnie crut nécessaire, pour faire acte de vitalité, d'en préparer un nouveau.

À peu près dépourvue de vaisseaux, puisque l'escadre de Serquigny n'était pas encore rentrée, et que les navires expédiés isolément étaient restés aux Indes, la Compagnie avait acquis récemment quatre vaisseaux qu'elle avait payés 145 000 L., et se préparait à faire partir trois de ces vaisseaux au printemps de l'année 1607.

Les trois navires, la Princesse-de-Savoie, le Phélypeaux et l'Etoile-d'Orient étaient dans le port de Lorient et le directeur Gouault était, chargé du soin de leur armement. Cet armement traînait en longueur ; les marchandises et les matières d'argent tardaient à arriver, l'escorte qu'on attendait de la marine royale n'était pas prête ; bref, dans le courant de l'année 1697, la Compagnie renonça à faire partir ces vaisseaux. Mais on avait déjà fait bien des dépenses inutiles, les équipages étaient rassemblés ; on les versa sur des vaisseaux du Roi et sur des navires de particuliers (Le sieur de la Touche-Porée qui fait un armement à Saint-Malo, ayant été appelé, promit d'en prendre deux cents." Lettre de Gouault à Pontchartrain -Lorient, 9 février 1697).

Pour les officiers-majors et subalternes, les officiers mariniers et, les cadets que la Compagnie avait engagés pour la campagne, il y avait plus de difficultés. Ils avaient quitté des emplois et comptant sur leurs avances, avaient fait à Lorient des dépenses à crédit, " à quoy les marchands, les aubergistes et cabaretiers s'attendent. Cette fuzée fera de la peine à démesler. "

Indemnités aux officiers, frais de désarmement, tout cela incombait à la Compagnie. Puis, c'était tout un matériel à ranger et à conserver : les agrès des vaisseaux, les marchandises, les vivres, le pain, le vin, les eaux-de-vie et les viandes salées. Les magasins dont la Compagnie disposait étaient insuffisants, puisque le Roi les avait pour la plupart réquisitionnés ; on pensa être obligé d'en louer à Hennebont, et la ville réclamait des droits d'entrée pour les vins. Fort heureusement, on débarrassa un grand magasin à Lorient où la Compagnie put loger son matériel et ses victuailles.

Gouault, qui venait d'obtenir le remboursement de son capital de directeur, "n'ayant plus de caractère pour agir pour la Compagnie" écrivait au Ministre lettre sur lettre pour obtenir la permission de rentrer à Paris et de laisser au sieur Le Chevallier le soin d'arranger les affaires de la Compagnie de concert avec de Mauclerc.

Enfin, Gouault put rentrer à Paris à la fin du mois de mars; il fut remplace à Lorient par le directeur Mousseau, qui y vint à la fin de l'année pour préparer l'armement de 1698 (Après Rousseau, se succédèrent à Lorient : Bazin, de Boisanger, Verdier, Foucherolle qui y était en 1706).

Lorsque l'escadre de Serquigny revint en France sans cargaison, au commencement de mars 1697, la Compagnie avait près de cinq millions de dettes en France et devait encore quatre années d'intérêt maritime à ses actionnaires. Quant à l'état des comptoirs aux Indes, sauf pour Pondichéry, il n'était pas exactement connu.

Six vaisseaux étaient encore aux Indes : le Postillon, l'Ecueil, le Gaillard, les Jeux, le Ponchartrain et le Lonray. Ils avaient emporté pour près de deux millions de marchandises et l'on ignorait le sort de ces navires et de leurs cargaisons. La perte de Pondichéry et l'insuccès militaire du troisième armement mixte faisaient craindre que les Hollandais, restés tout-puissants aux Indes, eussent saisi une partie de ces richesses.

On parlait déjà de la déchéance de la Compagnie ; quelques particuliers proposaient d'en établir une nouvelle, et, phénomène inquiétant, certains directeurs mécontents s'associaient à cette campagne. Il fallait prendre une énergique décision si l'on voulait sortir d'un tel embarras.

À la fin de l'année l696, les directeurs avaient proposé un moyen propre à combler dans une certaine mesure le déficit qui augmentait tous les jours par le cours des intérêts. Ils étaient prêts à verser chacun 20 000 livres, à condition que tous les intéressés rapportassent les répartitions de 20% et de 10% qu'ils avaient reçues en 1687 et en 1691. Bien que cette proposition eût été homologuée par un Édit roYal du 24 avril 1697, il importait de consulter tous les actionnaires sur une décision aussi grave. D'autre part, ce sacrifice une fois consenti, les fonds auraient encore manqué pour l'armement de 1698, et les directeurs ne pouvaient emprunter 1,5 million de L. qui leur étaient nécessaires, sans avoir l'assentiment de tous les intéressés.

Directeurs et actionnaires se réunirent en assemblée générale le mardi 2 juillet 1697, sous la présidence de Claude Bose, prévôt des marchands. Celui-ci, retraçant l'histoire de la Compagnie depuis sa réorganisation en 1685, fit ressortir les beaux résultats obtenus d'abord pendant les quatre premières années, qui avaient été des années de paix. Attribuant, à juste titre, les déboires de la Compagnie à la longue durée d'une guerre dont il faisait espérer la terminaison prochaine, il s'efforçait de démontrer que, malgré ses pertes, la Compagnie était encore en mesure d'acquitter la plus grosse partie de ses dettes en France par la vente des marchandises provenant des prises faites par le marquis de Nesmond et les armateurs malouins.

La Compagnie avait en France de bons vaisseaux et des marchandises dans ses comptoirs aux Indes ; rien n'était donc désespéré. Le Roi et le ministre étaient toujours prêts à soutenir la Compagnie; mais il était indispensable de faire un armement, sous peine de voir une nouvelle Compagnie se former et profiter de tous les avantages que la paix allait assurer. Pour cet armement, un million et demi était nécessaire et les actionnaires étaient consultés sur les moyens de se procurer cette somme. Telle fut en substance la harangue du prévôt des marchands.

Quand on vint aux voix, la proposition du rapport des répartitions de 20 % et de 10 % n'eut aucun succès. Bref, après une longue consultation, il fut décidé que les directeurs contribueraient de 25 % de leurs actions et emprunteraient le reste, pour parfaire la somme de 1,5 million de L. ; tous les intéressés, tant directeurs qu'actionnaires, demeurant solidairement garants de cet emprunt.

Cette question de l'emprunt une fois réglée, la Compagnie n'était pas encore au terme de ses tribulations, et des dissentiments se manifestaient au sein même de la direction.

Au commencement de l'année 1697, quatre nouveaux directeurs étaient entrés dans la Compagnie: les sieurs de La Touche, Langlois, Bernard (riche banquier, né à Sancerre en 1651, mort à Paris en 1739, était parait-il, un israélite, d'autres disent un protestant converti dont la fortune s'éleva graduellement jusqu'à 60 millions. Il épousa en secondes noces Mlle de Saint-Chamans et devint, par ses petites-filles, l'allié des plus grandes familles de l'époque. En 1708, Louis XIV, qui avait besoin de ses secours, lui fit les honneurs de Marly: cette scène a été contée par Saint-Simon) et Crozat (né à Toulouse en I655; mort à Paris en 1738. Enrichi par de nombreuses spéculations maritimes et mêlé comme banquier à toutes les grandes opérations financières, il était devenu, dit Saint-Simon, "un des plus riches hommes de Paris,". Par lettres patentes du mois de septembre 1712, il obtint le privilège du commerce de la Louisiane ; mais, le succès de cette entreprise n'ayant pas répondu à ses espérances, il céda son privilège au célèbre John Law: ce fut le premier domaine de la Compagnie d'Occident, établie au mois d'août 1717. ) ; les deux derniers, en remplacement de Chauvin et Gouault, qui se retiraient, fort heureux de sauver leur capital. Mais Bernard et Crozat avaient à peine versé chacun leurs vingt mille écus que, regrettant leur engagement, ils entreprenaient un procès contre les directeurs dont ils avaient repris les actions.

Bien que n'étant pas directement en cause, la Compagnie se crut obligée à intervenir. Dans un moment où elle voyait son crédit sérieusement compromis, elle voulait à tout prix éviter un scandale qui aurait mis au jour la détresse de sa situation. Elle s'engagea à désintéresser Bernard et Crozat et à rendre à chacun d'eux leurs 60 000 L. en deux ans, sans intérêts.

Un autre danger menaçait la Compagnie. Depuis l'époque de son établissement, la navigation avait fait de grands progrès et le privilège qui interdisait aux armateurs particuliers l'accès des mers exotiques commençait à paraître exorbitant.

Après la signature de la paix de Ryswick, des armateurs réclamèrent la permission d'aller aux Indes chercher fortune, soit en exploitant des matières commerciales que la Compagnie avait jusqu'alors négligées, soit en allant dans des régions qu'elle n'avait jamais visitées. La Compagnie ne voyait pas sans appréhension entamer son privilège qui était le principal et même, à l'heure présente, le seul élément de son crédit, et elle essaya de résister a ces empiétements.

Un pilote, nommé de Talmon, proposait d'entreprendre aux Indes la pêche des perles; on l'évinça facilement; mais un puissant armateur, le sieur Jourdan de Grouée, ayant obtenu du ministre l'autorisation d'armer un vaisseau pour la Chine, la Compagnie se vit obligée, non sans résistance, à passer un traité avec lui.

Ce traité, qui comprenait 22 articles, fut signé par la Compagnie et Jourdan le 4 janvier 1698 et homologué par un arrêt du Conseil d'Etat, le 22 du même mois. Bien qu'il ne fût qu'un contrat transitoire et sans conséquences, disait-on, pour le privilège de la Compagnie dans l'avenir, il n'en fut pas moins le prélude de l'établissement d'une Compagnie de la Chine, qui fut dans la suite complètement séparée de celle des Indes orientales.

En outre, à la fin de l'année 1698, une autre compagnie, la Compagnie de la mer du Sud, était installée. Une déclaration royale du mois de septembre, par dérogation à l'article XXVII de la déclaration de 1664, accordait à cette nouvelle Compagnie le privilège de l'exploitation des côtes et des iles de l'Océan Pacifique, dans l'hémisphère sud. 

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20 décembre 2001

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