Histoire de la Compagnie des Indes
... et des Colonies d'orient

  

 

 

 

Sommaire

 

Prémices

Fondation de la Compagnie

1ère grande expédition vers
 Madagascar et
1ère assemblée générale

2ème expédition vers l'Inde

Fondation de Lorient

Projets du Roi 1668/1670
et 
la 1ère escadre aux Indes
         
         
 Opérations 1670/1675
et
Bilan de 1675
         
         
         1eres défaillances
         et
         Bilan de 1684
         

Réorganisation de la Compagnie en 1685

Armements de 1685/1689

Lorient en 1690

L'Affaire du Siam

Armements mixtes 1690/1697

La Compagnie pendant la guerre 1690/1697

Armements 1697/1701

Décadence 1701/1706

Captation de la Compagnie par les Malouins

Liste des bâtiments de la Compagnie

Un exemple de navire .......... "Le Boullongne"

Histoire des Iles mascareignes

Les escales françaises de la route des Indes

Antoine BOUCHER

 

 

 

   

 

 

 

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Fondation de la Compagnie

À la mort du duc de La Meilleraie (8 février 1663), son fils le duc de Mazarin lui succéda comme gouverneur du Port-Louis et principal intéressé de la Compagnie d'Orient. Jusqu'alors les encouragements de l'Etat n'avaient été que très restreints et peu efficaces. Richelieu, grand maître, chef et surintendant général de la navigation et du commerce depuis 1626, avait surtout relevé la marine militaire et encouragé les colonies de peuplement dans les îles d'Amérique et le Canada. Absorbé par les turbulences de la Fronde, Mazarin n'avait pu continuer l'action de son prédécesseur.

Mais lorsque Colbert eut rétabli l'ordre dams les finances de l'Etat, et se vit en mesure de donner tous ses soins au commerce, il n'attendit même pas la condamnation de Fouquet pour se mettre à l'œuvre. Le rétablissement de la marine en France était une de ses premières préoccupations. Avant d'établir des règlements propres à favoriser le développement de la marine marchande et de la marine militaire, il voulut savoir combien la France possédait de navires de commerce et quelle était la valeur de ses ports.

Un arrêt du conseil d'Etat, signé par le Roi le 21 avril 1664, ordonnait à tous les officiers des amirautés de faire

" une description ou inventaire général de tous les vaisseaux de quelque fabrique qu'ils puissent estre, française ou étrangère, qui se trouvent dans les ports ou qui soient occupés à quelque voyage en mer, appartenant a des particuliers marchands, négociants ou autres sujets de Sa Majesté; ensemble du port, âge, qualité desdits vaisseaux et ce a quoy ils peuvent estre destinez et employés, pour le tout estre par chacun d'iceux incessamment envoyé a la suite de la Cour au sieur Colbert, conseiller au dit Conseil du Roy et intendant des finances ayant le département de la Marine ".

On trouva que le commerce maritime français possédait, en tout et pour tout, 1.063 bâtiments de toutes tailles depuis 10 jusqu'à 400 tx, et parmi eux, seulement 462 navires de 80 à 400 tx. Cinq ans plus tard, Colbert qui surveillait constamment le développement de son œuvre constatait dans une lettre adressée, le 21 mars 1669, au marquis de Pomponne, alors ambassadeur du Roi en Hollande, que la France ne possédait que 500 à 600 cents navires, quand la Hollande en avait 15 000 ou 16 000.

Pour les ports, fut prise une mesure semblable. Un arrêt du Conseil d'Etat du Roi du 24 janvier 1665 enjoint aux officiers des amirautés de " visiter et faire sonder par personnes intelligentes et capables la profondeur des havres, rades et embouchures des ports et rivières et de dresser leur procès-verbal du bon ou mauvais estat auquel ils se trouvent ".

En même temps qu'il faisait recueillir tous ces renseignements, Colbert s'occupait de la création ou de la réorganisation des grandes compagnies de commerce. Comme tous les économistes de son époque, il était persuadé que les grandes entreprises commerciales ne pouvaient réussir que par l'entremise de puissantes compagnies pourvues d'un monopole exclusif. Il pensait aussi que ces associations, même favorisées par de grands privilèges, ne pouvaient supporter les frais de premier établissement ni se soutenir dans la suite sans un appui matériel de l'Etat. Telles furent les préoccupations de Colbert lorsqu'il présida à l'établissement de la Compagnie des Indes occidentales, de la Compagnie du Nord et de la Compagnie des Indes orientales en 1664.

 

ÉTABLISSEMENT DE LA COMPAGNIE

Dans l'année 1664, sous l'inspiration de Colbert et avec l'appui efficace, sinon avoué de Louis XIV qui avait des vues personnelles et des projets de colonisation à Madagascar et dans les Indes, l'idée de la formation d'une nouvelle grande Compagnie des Indes commence à se répandre dans le public. Pourtant la plupart des gros marchands de Paris étaient fort peu au courant du commerce des Indes, et les opérations de la Compagnie de La Meilleraie n'étaient pas assez brillantes pour attirer leur attention. Quant à ceux qui avaient quelque notion de ce commerce ils avaient trop de prudence pour s'y engager volontiers.

Le 1er avril 1664 paraissait une brochure anonyme de 57 pages qui était l'œuvre d'un académicien nommé Charpentier, protége de Colbert. Cette brochure avait pour titre "Discours d'un fidèle sujet du Roy, touchant l'Establissement d'une campagnie françoise pour le commerce des Indes orientales, adressé à tous les Français". L'auteur soulignait tous les avantages qu'on retirerait d'une telle compagnie.

L'affaire semble avoir été lancée avec habileté et succès, car le mercredi 21 mai avait lieu chez un des grands commerçants de Paris, le "sieur Faverolles", une première réunion de commerçants et aussi de personnes "de qualité" dont le rôle évidemment était de donner à la délibération une tournure capable de s'accorder avec les vues du Roi. Parmi ces agents se trouvait le "sieur Berryer, secrétaire du Roy et de ses conseils". Dans cette séance et dans les suivantes fut rédigé une sorte de mémoire en 40 articles, projet de statuts de la compagnie qui devait être présenté au Roi.

Le 26 mai, 9 délégués choisis par l'assemblée furent envoyés à Fontainebleau pour présenter respectueusement au Roi le mémoire rédigé par l'assemblée. Ils furent reçus par Louis XIV, en audience particulière, avec une bienveillance et un empressement qui montrent combien cette affaire lui tenait au cœur.

Dès leur retour à Paris, les délégués provoquèrent le 5 juin une réunion à laquelle assistèrent 300 personnes de tous ordres, et l'on procéda immédiatement à la nomination de 12 syndics directeurs provisoires.

Le fonds social, fixé à la somme très importante de 15 millions de L., fut divisé en actions de mille L. payables par tiers en 3 années. On s'occupa immédiatement du placement de ces actions ; 119 circulaires ou lettres de cachet, datées du 13 juin 1664, furent expédiées de Fontainebleau par les soins du gouvernement aux principales municipalités du pays pour encourager les adhésions, provoquer des assemblées et recueillir des signatures. Tous les ordres du royaume furent sollicités. Le Roi s'inscrivait pour 3 millions sans intérêts, destinés à couvrir les premières pertes ; il versait 300 000 L. immédiatement et s'engageait à donner de nouveau 300 000 L. chaque fois que la Compagnie aurait encaissé 400 000 L. des actionnaires.

Précisément à cette époque, arrivait au Port-Louis un navire de la Compagnie de La Meilleraie, commandé par le capitaine Kergadiou de Saint Gilly. Le capitaine breton est aussit6t appelé à Paris ; on le produit, on lui fait faire des sortes de conférences pour développer la confiance du public.

Le placement des actions ne se fit pas sans difficulté. Le Roi et les membres de la famille royale avaient donné l'exemple pour encourager les adhésions à cette entreprise ; les grands seigneurs durent s'exécuter. Les membres des cours de justice et les principaux fonctionnaires furent obligés par leur situation de suivre le mouvement. On ne manqua pas d'ailleurs d'user des moyens d'intimidation les plus pressants, menaçant les plus hésitants du mécontentement du Roi. En province, ce fut bien pire : certains intendants employèrent à l'égard de leurs admi-nistrés des procédés de persuasion parfois étranges. L'intendant d'Auvergne alla jusqu'à enfermer dans sa maison des particuliers qu'il avait convoqués, et extorquer leurs signatures. On peut dire que l'élan qui sembla marquer la naissance de la Compagnie des Indes orientales n'était qu'une impulsion artificielle.

La " Déclaration du Roi portant établissement d'une Compagnie pour le commerce des Indes orientales ", fut donnée à Vincennes au mois d'août 1664 et fut enregistrée au Parlement le 1er septembre. Cette déclaration comprenait 48 articles. Trois mois après l'enregistrement, au Parlement, de la Déclaration du Roi devait avoir lieu une assemblée générale des actionnaires pour nommer les directeurs de la " chambre générale ". Les directeurs seraient choisis parmi les actionnaires de 20 000 L. au moins, et pour avoir voix à l'élection, il fallait prendre une part d'au moins 6 000 L.

 

ARTICLE XXVII.

Ladite Compagnie pourra naviguer et négocier seule, à l'exclusion de tous nos autres Sujets, depuis le Cap de Bonne Espérance, jusque dans les Indes et mer Orientales, même depuis le Détroit de Magellan et le Maire dans toutes les mers du Sud, pour le temps de cinquante années consécutives à commencer du jour que les premiers Vaisseaux sortiront du Royaume, pendant laquel temps il est fait très-expresses défenses à toutes personnes de faire ladite navigation et commerce, à peine contre les oontrevenans de confiscation de Vaisseaux, armes. munitions et marchandises, applicables au profit de ladite Compagnie

ARTICLE XXVIII.

Appartiendra à ladite Compagnie à perpétuité en toute propriété, Justice et Seigneurie, toutes les terres, Places et Isles qu'elle pourra conquérir sur nos ennemis, ou qu'elle pourra occuper, soit qu'elles soient abandonnées, désertes on occupées par les Barbares, avec tous droits de Seigneuries sur les mines, minières d'or et d'argent, cuivre et plomb, et tous autres minéraux, même le droit d'esclavage et autres droits utiles qui pourroient nous appartenir à cause de la Souverainté esdits Pays.

La Compagnie entrait ainsi en possession de Madagascar et des lles voisines déjà acquises par les Français ; elle devait établir dans ses possessions le culte catholique et pourvoir à l'entretien des ecclésiastiques qu'elle y transporterait. Elle possédait le droit de justice souveraine dans tous les pays qu'elle occuperait.

ARTICLE XXXVI.

La dite Compagnie pourra envoyer des Ambassadeurs en notre nom vers les Rois des Indes, et faire traités avec eux. soit de paix ou de trève, même de déclarer la guerre et faire tous autres Actes qu'elle jugera à propos pour l'avantage du dit commerce.

ARTICLE XXXVI.

Pourra ladite Compagnie équiper et armer tel nombre de vaisseaux qu'elle verra bon être, soit de guerre ou de commerce, arborer sur l'arrière d'iceux le pavillon blanc avec les armes de France, établir des garnisons dans toutes les Places ci-dessus ou qui seront conquises ou bâties, de tel nombre de Compagnies et d'hommes qu'elle estimera nécessaire, y mettre armes, canons et munitions, faire fondre canons et autres armes en tous lieux et en tel nombre qu'elle aura besoin, sur lesquelles seront empreintes nos armes et au-dessous celles de ladite Compagnie, qui fera tout ce qu'elle croira nécessaire pour la sûreté des dites Places, lesquelles seront commandées par les Capitaines et Officiers de toute qualité, qu'elle pourra instituer et destituer, ainsi qu'elle verra bon être, à la charge toutefois qu'ils nous prêteront serment de fidélité et ensuite serment particulier à la dite Compagnie.

ARTICLE XL.

Nous promettons à la dite Compagnie de protéger et défendre envers et contre tous, et d'employer la force de nos armes en toutes occasions pour la maintenir dans la liberté entière de son commerce et navigation : et lui faire faire raison de toutes injures et mauvais traitements, en ces qu'aucune nation voulût entreprendre contre ladite Compagnie: de faire escorter ses envois et retours à nos frais et dépens par tel nombre de vaisseaux de guerre que la Compagnie aura besoin, non seulement par toutes les côtes de l'Europe et de l'Afrique, mais même jusques dans les Indes.

ARTICLE XLII

Nous avons accordé à la dite Compagnie de prendre pour ses armes un écusson de forme ronde, le fond d'azur chargé d'une fleur de lys d'or, enfermé de deux branches, l'une de palme et l'autre d'olivier jointes en haut, et portant une autre fleur de lys d'or, pour devise, " Florébo, quocunque ferar ", et pour support deux figures, l'une de paix et l'autre de l'abondance, desquelles armes la dite Compagnie se pourra servir dans ses sceaux et cachets, et les faire apposer sur ses canons, vaisseau, édifices et partout ailleurs qu'elle avisera.

Pour les droits de douane, les marchandises de commerce de la Compagnie étaient imposées selon le tarif de 1664 ; les marchandises " inconnues ou non portées sur ce tarif " payaient 3 % de leur valeur estimée par experts.

Mais pour l'importation des matières que la Compagnie consommait elle-même, elle recevait de grands avantages : décharge des droits d'entrée en France des matériaux de construction, munitions, effets et vivres pour l'armement de ses vaisseaux ; décharge des droits d'amirauté et de bris pour ce même matériel ; exemption de l'impôt sur le sel destiné aux salaisons.

Enfin, le Roi accordait une prime de 50 L. par tonneau en marchandises de commerce exporté, et de 75 L. par tonneau importé.

Les colons et les agents de la Compagnie n'étaient pas oubliés. Les artisans, après 8 ans de séjour aux Indes, pouvaient rentrer en France avec le titre de maître de chef-d'œuvre dans leurs corporations ; les officiers et les directeurs des principaux comptoirs pouvaient espérer recevoir du Roi des marques d'honneur et même des lettres de noblesse pour eux et leur postérité.

Une large part d'autonomie et de souveraineté était accordée à la Compagnie des Indes ; en réalité, elle ne fut libre à aucun moment de son existence, elle resta toujours dans la main du Roi et dans celle du ministre de la marine, qui en était le président officiel et le directeur effectif.

Sous la pression de Louis XIV, le bureau des syndics commença à faire des acquisitions importantes de matériel et à préparer un armement pour le printemps de 1665.

Dès le mois d'octobre 1664 étaient partis pour les Indes par le Levant et la voie de terre des envoyés appartenant a la maison du Roi, doublés de marchands représentant la Compagnie. Le 26 octobre 1664 est publié le Code que la Compagnie establie pour le commerce des Indes Orientales, "veut et entend estre gardez et observez dans l'île de Madagascar et îles adjacentes et dans touts les lieux à elle concédez par Sa Majesté".

D'autre part, on développait une activité extraordinaire pour réunir les éléments de l'expédition par mer, mais il fallait tout créer. On puisa dans tous les ports du littoral de la Manche et de l'Océan, on alla jusqu'en Hollande recueillir du matériel, des hommes et des agents. Le hollandais Caron, chef du comptoir du Japon, ayant conquis pour la V.O.C. (compagnie hollandaise) les comptoirs de Ceylan et de Formose fur recruté. Il fallait aussi s'occuper de trouver une installation définitive dans un port. La Compagnie se fixa d'abord en Normandie. Le 30 octobre 1664, un édit du Roi lui permettait d'établir dans l'enclos du Havre, entre les bastions des Musiques et de Saint François, une corderie et des étuves pour les cordages et lui donnait un emplacement sur le bord du bassin pour la construction de ses navires.

Sur l'Océan, la Compagnie avait pensé un moment à s'installer à Bayonne ; son principal vaisseau, la " Trinité ", s'y trouvait, lorsque éclata dans ce port une sorte d'émeute pour expulser les agents de la Compagnie. Aussitôt, le 14 décembre 1664, un arrêt du conseil d'Etat " permet aux syndics de la Compagnie des Indes de faire bâtir les vaisseaux dont ils auront besoin dans tous les ports du Royaume, sur toutes les places qu'ils trouveront commodes, préalablement à tous autres ", avec défense à quiconque de s'y opposer.

La Compagnie pouvait ainsi compter sur le Roi en toutes circonstances ; malheureusement le public ne partageait pas cet engouement ; l'argent allait bientôt manquer, et à la fin de l'année 1664 les syndics avaient déjà dépensé deux millions et demi. 

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 dernière mise à jour

20 décembre 2001

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